Conseil constitutionnel

Décision n° 2023-1069/1070 QPC du 24 novembre 2023

24/11/2023

Conformité

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 21 septembre 2023 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt n° 1204 du 20 septembre 2023), dans les conditions prévues à l’article 61-1 de la Constitution, d’une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour M. Sékou D. par la SCP Gaschignard, Loiseau, Massignon, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2023–1069 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles 380-16 et 380-17 du code de procédure pénale ainsi que du 4° de l’article 380-19 du même code, dans leur rédaction issue de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire.

Il a également été saisi le 21 septembre 2023 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt n° 1205 du 20 septembre 2023), dans les conditions prévues à l’article 61-1 de la Constitution, d’une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour M. Klevis M. par Me Jean-François Barre, avocat au barreau de Lyon. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2023–1070 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles 380-16 à 380-22 du code de procédure pénale, dans leur rédaction issue de la loi du 22 décembre 2021 précitée.

Au vu des textes suivants :

– la Constitution ;

– l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

– le code de procédure pénale ;

– la loi du 24 février 1875 relative à l’organisation du Sénat ;

– la loi du 9 mars 1928 portant révision du code de justice militaire pour l’armée de terre ;

– la loi du 13 janvier 1938 portant révision du code de justice militaire pour l’armée de mer ;

– la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire ;

– le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;

Au vu des pièces suivantes :

– les observations présentées pour M. Sékou D. par Mes Antoine Ory et Maïa Kantor, avocats au barreau de Paris, enregistrées le 10 octobre 2023 ;

– les observations en intervention présentées pour l’ordre des avocats au barreau de Seine-Saint-Denis par Me Guillaume Arnaud, avocat au barreau de Seine-Saint-Denis, enregistrées le même jour ;

– les observations en intervention présentées pour l’ordre des avocats au barreau de Villefranche-sur-Saône par Me Jean-Paul Francou, avocat au barreau de Villefranche-sur-Saône, enregistrées le même jour ;

– les observations présentées pour M. Klevis M. par Me Barre, enregistrées le 11 octobre 2023 ;

– les observations présentées par la Première ministre, enregistrées le même jour ;

– les observations en intervention présentées pour le Conseil national des barreaux, l’association Conférence des bâtonniers de France et l’ordre des avocats au barreau de Paris par la SCP Piwnica et Molinié, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, enregistrées le même jour ;

– les observations en intervention présentées pour les ordres des avocats aux barreaux de Rennes, du Val d’Oise, de Strasbourg, de Toulon, du Val de Marne, de Toulouse, de Lille, de Grenoble, d’Aix-en-Provence, de Marseille et de Nice par la SCP Anne Sevaux et Paul Mathonnet, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, enregistrées le même jour ;

– les observations en intervention présentées pour l’ordre des avocats au barreau de Poitiers par Me Nicolas Gillet, avocat au barreau de Poitiers, enregistrées le même jour ;

– les observations en intervention présentées pour l’ordre des avocats au barreau de Bergerac Sarlat par Me Valentine Guiriato, avocate au barreau de Bergerac, enregistrées le même jour ;

– les observations en intervention présentées pour l’ordre des avocats au barreau de Bayonne par Me Agnès Hauciarce-Rey, avocate au barreau de Bayonne, enregistrées le même jour ;

– les observations en intervention présentées pour l’ordre des avocats au barreau de Lyon par Me Yves Hartemann, avocat au barreau de Lyon, enregistrées le même jour ;

– les observations en intervention présentées pour l’ordre des avocats au barreau des Hauts-de-Seine par la SARL Cabinet Briard, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, enregistrées le même jour ;

– les observations en intervention présentées pour l’ordre des avocats au barreau de Nantes par Me François Bardoul, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, enregistrées le même jour ;

– les observations en intervention présentées par l’association Fédération nationale des unions de jeunes avocats, enregistrées le même jour ;

– les observations en intervention présentées pour le syndicat des avocats de France et le syndicat de la magistrature par la SCP Anne Sevaux et Paul Mathonnet, enregistrées le même jour ;

– les observations en intervention présentées pour l’association des avocats pénalistes par la SCP Spinosi, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, enregistrées le même jour ;

– les observations en intervention présentées par l’association « Sauvons les assises ! », enregistrées le même jour ;

– les secondes observations en intervention présentées pour le Conseil national des barreaux, l’association Conférence des bâtonniers de France et l’ordre des avocats au barreau de Paris par la SCP Piwnica et Molinié, enregistrées le 25 octobre 2023 ;

– les secondes observations en intervention présentées pour l’association des avocats pénalistes par la SCP Spinosi, enregistrées le même jour ;

– les secondes observations en intervention présentées par l’association « Sauvons les assises ! », enregistrées le même jour ;

– les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Mme Véronique Malbec ayant estimé devoir s’abstenir de siéger ; 

Après avoir entendu Me Ory, pour le premier requérant, Me Barre, pour le second requérant, Me François Molinié, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, pour le Conseil national des barreaux, l’association Conférence des bâtonniers de France et l’ordre des avocats au barreau de Paris, Me Fabien Arakélian, avocat au barreau des Hauts-de-Seine, pour l’ordre des avocats au barreau des Hauts-de-Seine, Me Arnaud, pour les ordres des avocats aux barreaux de Seine-Saint-Denis et de Lyon, Me Hauciarce-Rey, pour les ordres des avocats aux barreaux de Bayonne, Bergerac Sarlat et Poitiers, Me Paul Mathonnet, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, pour le syndicat des avocats de France, le syndicat de la magistrature et les ordres des avocats aux barreaux de Rennes, du Val d’Oise, de Strasbourg, de Toulon, du Val de Marne, de Toulouse, de Lille, de Grenoble, d’Aix-en-Provence, de Marseille et de Nice, Me Karine Bourdié, avocate au barreau de Paris, pour l’association des avocats pénalistes, Me Stéphane Maugendre, avocat au barreau de Seine–Saint–Denis, pour l’association « Sauvons les assises ! », et M. Benoît Camguilhem, désigné par la Première ministre, à l’audience publique du 15 novembre 2023 ;

Au vu de la note en délibéré présentée par l’association « Sauvons les assises ! », enregistrée le 17 novembre 2023 ;

Et après avoir entendu le rapporteur ;

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :

1. Il y a lieu de joindre les deux questions prioritaires de constitutionnalité pour y statuer par une seule décision.

2. L’article 380-16 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi du 22 décembre 2021 mentionnée ci-dessus, prévoit :« Par dérogation aux chapitres Ier à V du sous-titre Ier du présent titre, les personnes majeures accusées d’un crime puni de quinze ans ou de vingt ans de réclusion criminelle, lorsqu’il n’est pas commis en état de récidive légale, sont jugées en premier ressort par la cour criminelle départementale.

« Cette cour est également compétente pour le jugement des délits connexes.

« Elle n’est pas compétente s’il existe un ou plusieurs coaccusés ne répondant pas aux conditions prévues au présent article ».

3. L’article 380-17 du même code, dans la même rédaction, prévoit :« La cour criminelle départementale, qui siège au même lieu que la cour d’assises ou, par exception et dans les conditions prévues à l’article 235, dans un autre tribunal judiciaire du même département, est composée d’un président et de quatre assesseurs, choisis par le premier président de la cour d’appel, pour le président, parmi les présidents de chambre et les conseillers du ressort de la cour d’appel exerçant ou ayant exercé les fonctions de président de la cour d’assises et, pour les assesseurs, parmi les conseillers et les juges de ce ressort. Le premier président de la cour d’appel peut désigner deux assesseurs au plus parmi les magistrats exerçant à titre temporaire ou les magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles dans les conditions prévues à la section II du chapitre V bis de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature ».

4. L’article 380-18 du même code, dans la même rédaction, prévoit : « Sur proposition du ministère public, l’audiencement de la cour criminelle départementale est fixé par son président ou, à la demande du procureur général, par le premier président de la cour d’appel ».

5. L’article 380-19 du même code, dans la même rédaction, prévoit : « La cour criminelle départementale applique les dispositions du présent code relatives aux cours d’assises sous les réserves suivantes :

« 1° Il n’est pas tenu compte des dispositions qui font mention du jury ou des jurés ;

« 2° Les attributions confiées à la cour d’assises sont exercées par la cour criminelle départementale et celles confiées au président de la cour d’assises sont exercées par le président de la cour criminelle départementale ;

« 3° La section 2 du chapitre III du sous-titre Ier du présent livre, l’article 282, la section 1 du chapitre V du même sous-titre Ier, les deux derniers alinéas de l’article 293 et les articles 295 à 305 ne sont pas applicables ;

« 4° Pour l’application des articles 359, 360 et 362, les décisions sont prises à la majorité ;

« 5° Les deux derniers alinéas de l’article 347 ne sont pas applicables et la cour criminelle départementale délibère en étant en possession de l’entier dossier de la procédure ».

6. L’article 380-20 du même code, dans la même rédaction, prévoit : « Si la cour criminelle départementale estime, au cours ou à l’issue des débats, que les faits dont elle est saisie constituent un crime puni de trente ans de réclusion criminelle ou de la réclusion criminelle à perpétuité, elle renvoie l’affaire devant la cour d’assises. Si l’accusé comparaissait détenu, il demeure placé en détention provisoire jusqu’à sa comparution devant la cour d’assises ; dans le cas contraire, la cour criminelle départementale peut, après avoir entendu le ministère public et les parties ou leurs avocats, décerner, par la même décision, mandat de dépôt ou mandat d’arrêt contre l’accusé ».

7. L’article 380-21 du même code, dans la même rédaction, prévoit : « L’appel des décisions de la cour criminelle départementale est examiné par la cour d’assises dans les conditions prévues au sous-titre Ier du présent titre pour l’appel des arrêts rendus par les cours d’assises en premier ressort ».

8. L’article 380-22 du même code, dans la même rédaction, prévoit : « Pour l’application des dispositions relatives à l’aide juridictionnelle, la cour criminelle départementale est assimilée à la cour d’assises ».

9. Les requérants, rejoints par les parties intervenantes, font tout d’abord valoir que, en donnant compétence à une juridiction composée exclusivement de magistrats pour connaître de la majorité des crimes, ces dispositions méconnaîtraient un principe fondamental reconnu par les lois de la République, qu’ils demandent au Conseil constitutionnel de reconnaître, imposant l’intervention d’un jury pour juger les crimes de droit commun. Le second requérant, rejoint par certaines parties intervenantes, soutient également que ces dispositions seraient, en tout état de cause, contraires à un principe à valeur constitutionnelle imposant une telle intervention.

10. Par ailleurs, le premier requérant, rejoint par certaines parties intervenantes, reproche aux dispositions de l’article 380-16 du code de procédure pénale d’instituer une différence de traitement injustifiée entre les accusés en permettant leur renvoi devant une cour d’assises ou une cour criminelle départementale selon le quantum de la peine encourue, l’état de récidive légale ou, le cas échéant, la présence de coaccusés. Il en résulterait une méconnaissance du principe d’égalité devant la loi.

11. Enfin, les requérants, rejoints par les parties intervenantes, soutiennent que les dispositions du 4° de l’article 380-19 du code de procédure pénale institueraient une différence de traitement injustifiée entre les accusés, au motif que ceux jugés par une cour criminelle départementale seraient soumis à des règles de majorité moins favorables que ceux jugés par une cour d’assises pour le vote sur la culpabilité et sur le prononcé de la peine maximale. Il en résulterait une méconnaissance des principes d’égalité devant la loi et devant la justice.

12. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les premier et troisième alinéas de l’article 380-16 du code de procédure pénale, les mots « est composée d’un président et de quatre assesseurs, choisis par le premier président de la cour d’appel, pour le président, parmi les présidents de chambre et les conseillers du ressort de la cour d’appel exerçant ou ayant exercé les fonctions de président de la cour d’assises et, pour les assesseurs, parmi les conseillers et les juges de ce ressort » figurant à la première phrase de l’article 380-17 du même code ainsi que les 1°, 3° et 4° de l’article 380-19 de ce code.

13. Les autres griefs soulevés par certaines parties intervenantes ne portent pas sur les dispositions contestées.

– Sur la reconnaissance d’un principe fondamental reconnu par les lois de la République :

14. Une tradition républicaine ne saurait être utilement invoquée pour soutenir qu’un texte législatif qui la contredit serait contraire à la Constitution qu’autant qu’elle aurait donné naissance à un principe fondamental reconnu par les lois de la République au sens du premier alinéa du Préambule de la Constitution de 1946.

15. D’une part, dans leur très grande majorité, les textes pris en matière de procédure pénale dans la législation républicaine intervenue avant l’entrée en vigueur de la Constitution de 1946 comportent des dispositions prévoyant que le jugement des crimes relève de la compétence d’une juridiction composée de magistrats et d’un jury. Toutefois, en dépit de son importance, le principe de l’intervention du jury en matière criminelle a été écarté par les lois des 24 février 1875, 9 mars 1928 et 13 janvier 1938 mentionnées ci-dessus pour certains crimes.

16. D’autre part, ces dispositions n’ont eu ni pour objet ni pour effet de réserver à une juridiction composée d’un jury le jugement des crimes « de droit commun », catégorie qui n’a au demeurant été définie par aucun texte.

17. Par conséquent, le principe invoqué ne saurait être regardé comme répondant à l’ensemble des critères requis pour la reconnaissance d’un principe fondamental reconnu par les lois de la République.

– Sur les autres griefs :

18. Aux termes de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse ». Son article 16 dispose : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution ». Si le législateur peut prévoir des règles de procédure différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquelles elles s’appliquent, c’est à la condition que ces différences ne procèdent pas de distinctions injustifiées et que soient assurées aux justiciables des garanties égales.

19. La cour d’assises, qui a plénitude de juridiction pour juger les personnes accusées de crimes, est composée de trois magistrats et d’un jury constitué, en premier ressort, de six jurés. Conformément à l’article 359 du code de procédure pénale, toute décision défavorable à l’accusé se forme à la majorité de sept voix au moins lorsque la cour d’assises statue en premier ressort. En outre, l’article 362 du même code prévoit notamment que, si la décision sur la peine se forme à la majorité absolue des votants, le maximum de la peine privative de liberté encourue ne peut être prononcé qu’à la majorité de sept voix au moins lorsque la cour d’assises statue en premier ressort.

20. Par dérogation à ces règles, les dispositions contestées donnent compétence à la cour criminelle départementale, composée exclusivement de magistrats, pour connaître, en premier ressort, des crimes punis de quinze ans ou vingt ans de réclusion criminelle lorsque la personne accusée est majeure et que les faits n’ont pas été commis en état de récidive légale, sauf s’il existe un ou plusieurs coaccusés ne répondant pas à ces conditions. Elles prévoient en outre que les décisions de cette cour sont prises à la majorité.

21. En premier lieu, d’une part, les personnes jugées devant une cour criminelle départementale sont, eu égard à la nature des faits qui leur sont reprochés et aux circonstances exigées pour leur renvoi devant cette juridiction, dans une situation différente de celle des personnes jugées devant une cour d’assises. Ainsi, en retenant de tels critères, le législateur n’a pas instauré de discriminations injustifiées entre ces personnes.

22. D’autre part, si les accusés ne sont pas soumis aux mêmes règles de majorité selon qu’ils comparaissent devant une cour d’assises ou devant une cour criminelle départementale, cette différence de traitement est justifiée par une différence de situation tenant à la composition respective de ces deux juridictions.

23. En second lieu, à l’exception de celles mettant en jeu la présence du jury, les règles de procédure applicables devant la cour criminelle départementale sont identiques à celles applicables devant la cour d’assises. En outre, la cour criminelle départementale présente, par sa composition, les mêmes garanties d’indépendance et d’impartialité. Sont ainsi assurées aux accusés, qu’ils soient jugés devant une cour d’assises ou devant une cour criminelle départementale, des garanties équivalentes.

24. Il résulte de ce qui précède que les griefs tirés de la méconnaissance des principes d’égalité devant la loi et la justice doivent être écartés.

25. Par conséquent, les dispositions contestées, qui ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :

 

Article 1er. – Sont conformes à la Constitution :

– les premier et troisième alinéas de l’article 380-16 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire ;

– les mots « est composée d’un président et de quatre assesseurs, choisis par le premier président de la cour d’appel, pour le président, parmi les présidents de chambre et les conseillers du ressort de la cour d’appel exerçant ou ayant exercé les fonctions de président de la cour d’assises et, pour les assesseurs, parmi les conseillers et les juges de ce ressort » figurant à la première phrase de l’article 380-17 du même code, dans la même rédaction ;

– les 1°, 3° et 4° de l’article 380-19 du même code, dans la même rédaction.

 

Article 2. – Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 23-11 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.

 

Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 23 novembre 2023, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, M. Alain JUPPÉ, Mme Corinne LUQUIENS, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS.

 

Rendu public le 24 novembre 2023.

 

Abstracts

1.4.4.20

Intervention du jury pour juger les crimes de droit commun

Une tradition républicaine ne saurait être utilement invoquée pour soutenir qu’un texte législatif qui la contredit serait contraire à la Constitution qu’autant qu’elle aurait donné naissance à un principe fondamental reconnu par les lois de la République au sens du premier alinéa du Préambule de la Constitution de 1946. D’une part, dans leur très grande majorité, les textes pris en matière de procédure pénale dans la législation républicaine intervenue avant l’entrée en vigueur de la Constitution de 1946 comportent des dispositions prévoyant que le jugement des crimes relève de la compétence d’une juridiction composée de magistrats et d’un jury. Toutefois, en dépit de son importance, le principe de l’intervention du jury en matière criminelle a été écarté par les lois des 24 février 1875, 9 mars 1928 et 13 janvier 1938 pour certains crimes. D’autre part, ces dispositions n’ont eu ni pour objet ni pour effet de réserver à une juridiction composée d’un jury le jugement des crimes « de droit commun », catégorie qui n’a au demeurant été définie par aucun texte. Par conséquent, le principe invoqué ne saurait être regardé comme répondant à l’ensemble des critères requis pour la reconnaissance d’un principe fondamental reconnu par les lois de la République.

2023-1069/1070 QPC, 24 novembre 2023, paragr. 14 15 16 17

5.1.4.5

Droit pénal et procédure pénale

La cour d’assises, qui a plénitude de juridiction pour juger les personnes accusées de crimes, est composée de trois magistrats et d’un jury constitué, en premier ressort, de six jurés. Conformément à l’article 359 du code de procédure pénale, toute décision défavorable à l’accusé se forme à la majorité de sept voix au moins lorsque la cour d’assises statue en premier ressort. En outre, l’article 362 du même code prévoit notamment que, si la décision sur la peine se forme à la majorité absolue des votants, le maximum de la peine privative de liberté encourue ne peut être prononcé qu’à la majorité de sept voix au moins lorsque la cour d’assises statue en premier ressort. Par dérogation à ces règles, les dispositions contestées donnent compétence à la cour criminelle départementale, composée exclusivement de magistrats, pour connaître, en premier ressort, des crimes punis de quinze ans ou vingt ans de réclusion criminelle lorsque la personne accusée est majeure et que les faits n’ont pas été commis en état de récidive légale, sauf s’il existe un ou plusieurs coaccusés ne répondant pas à ces conditions. Elles prévoient en outre que les décisions de cette cour sont prises à la majorité. En premier lieu, d’une part, les personnes jugées devant une cour criminelle départementale sont, eu égard à la nature des faits qui leur sont reprochés et aux circonstances exigées pour leur renvoi devant cette juridiction, dans une situation différente de celle des personnes jugées devant une cour d’assises. Ainsi, en retenant de tels critères, le législateur n’a pas instauré de discriminations injustifiées entre ces personnes. D’autre part, si les accusés ne sont pas soumis aux mêmes règles de majorité selon qu’ils comparaissent devant une cour d’assises ou devant une cour criminelle départementale, cette différence de traitement est justifiée par une différence de situation tenant à la composition respective de ces deux juridictions. En second lieu, à l’exception de celles mettant en jeu la présence du jury, les règles de procédure applicables devant la cour criminelle départementale sont identiques à celles applicables devant la cour d’assises. En outre, la cour criminelle départementale présente, par sa composition, les mêmes garanties d’indépendance et d’impartialité. Sont ainsi assurées aux accusés, qu’ils soient jugés devant une cour d’assises ou devant une cour criminelle départementale, des garanties équivalentes. Il résulte de ce qui précède que les griefs tirés de la méconnaissance des principes d’égalité devant la loi et la justice doivent être écartés.

2023-1069/1070 QPC, 24 novembre 2023, paragr. 19 20 21 22 23 24

5.2.3.1.3

Cour d'assises ou tribunal correctionnel compétents pour certaines infractions

La cour d’assises, qui a plénitude de juridiction pour juger les personnes accusées de crimes, est composée de trois magistrats et d’un jury constitué, en premier ressort, de six jurés. Conformément à l’article 359 du code de procédure pénale, toute décision défavorable à l’accusé se forme à la majorité de sept voix au moins lorsque la cour d’assises statue en premier ressort. En outre, l’article 362 du même code prévoit notamment que, si la décision sur la peine se forme à la majorité absolue des votants, le maximum de la peine privative de liberté encourue ne peut être prononcé qu’à la majorité de sept voix au moins lorsque la cour d’assises statue en premier ressort. Par dérogation à ces règles, les dispositions contestées donnent compétence à la cour criminelle départementale, composée exclusivement de magistrats, pour connaître, en premier ressort, des crimes punis de quinze ans ou vingt ans de réclusion criminelle lorsque la personne accusée est majeure et que les faits n’ont pas été commis en état de récidive légale, sauf s’il existe un ou plusieurs coaccusés ne répondant pas à ces conditions. Elles prévoient en outre que les décisions de cette cour sont prises à la majorité. En premier lieu, d’une part, les personnes jugées devant une cour criminelle départementale sont, eu égard à la nature des faits qui leur sont reprochés et aux circonstances exigées pour leur renvoi devant cette juridiction, dans une situation différente de celle des personnes jugées devant une cour d’assises. Ainsi, en retenant de tels critères, le législateur n’a pas instauré de discriminations injustifiées entre ces personnes. D’autre part, si les accusés ne sont pas soumis aux mêmes règles de majorité selon qu’ils comparaissent devant une cour d’assises ou devant une cour criminelle départementale, cette différence de traitement est justifiée par une différence de situation tenant à la composition respective de ces deux juridictions. En second lieu, à l’exception de celles mettant en jeu la présence du jury, les règles de procédure applicables devant la cour criminelle départementale sont identiques à celles applicables devant la cour d’assises. En outre, la cour criminelle départementale présente, par sa composition, les mêmes garanties d’indépendance et d’impartialité. Sont ainsi assurées aux accusés, qu’ils soient jugés devant une cour d’assises ou devant une cour criminelle départementale, des garanties équivalentes. Il résulte de ce qui précède que les griefs tirés de la méconnaissance des principes d’égalité devant la loi et la justice doivent être écartés.

2023-1069/1070 QPC, 24 novembre 2023, paragr. 19 20 21 22 23 24

5.2.3.1.8

Cour criminelle départementale

La cour d’assises, qui a plénitude de juridiction pour juger les personnes accusées de crimes, est composée de trois magistrats et d’un jury constitué, en premier ressort, de six jurés. Conformément à l’article 359 du code de procédure pénale, toute décision défavorable à l’accusé se forme à la majorité de sept voix au moins lorsque la cour d’assises statue en premier ressort. En outre, l’article 362 du même code prévoit notamment que, si la décision sur la peine se forme à la majorité absolue des votants, le maximum de la peine privative de liberté encourue ne peut être prononcé qu’à la majorité de sept voix au moins lorsque la cour d’assises statue en premier ressort. Par dérogation à ces règles, les dispositions contestées donnent compétence à la cour criminelle départementale, composée exclusivement de magistrats, pour connaître, en premier ressort, des crimes punis de quinze ans ou vingt ans de réclusion criminelle lorsque la personne accusée est majeure et que les faits n’ont pas été commis en état de récidive légale, sauf s’il existe un ou plusieurs coaccusés ne répondant pas à ces conditions. Elles prévoient en outre que les décisions de cette cour sont prises à la majorité. En premier lieu, d’une part, les personnes jugées devant une cour criminelle départementale sont, eu égard à la nature des faits qui leur sont reprochés et aux circonstances exigées pour leur renvoi devant cette juridiction, dans une situation différente de celle des personnes jugées devant une cour d’assises. Ainsi, en retenant de tels critères, le législateur n’a pas instauré de discriminations injustifiées entre ces personnes. D’autre part, si les accusés ne sont pas soumis aux mêmes règles de majorité selon qu’ils comparaissent devant une cour d’assises ou devant une cour criminelle départementale, cette différence de traitement est justifiée par une différence de situation tenant à la composition respective de ces deux juridictions. En second lieu, à l’exception de celles mettant en jeu la présence du jury, les règles de procédure applicables devant la cour criminelle départementale sont identiques à celles applicables devant la cour d’assises. En outre, la cour criminelle départementale présente, par sa composition, les mêmes garanties d’indépendance et d’impartialité. Sont ainsi assurées aux accusés, qu’ils soient jugés devant une cour d’assises ou devant une cour criminelle départementale, des garanties équivalentes. Il résulte de ce qui précède que les griefs tirés de la méconnaissance des principes d’égalité devant la loi et la justice doivent être écartés.

2023-1069/1070 QPC, 24 novembre 2023, paragr. 19 20 21 22 23 24

11.6.3

Procédure applicable devant le Conseil constitutionnel

Jonction de deux questions prioritaires de constitutionnalité dont l'une porte sur les articles 380-16 et 380-17 du code de procédure pénale ainsi que le 4° de l’article 380-19 du même code et l'autre sur les articles 380-16 à 380-22 du code de procédure pénale.

2023-1069/1070 QPC, 24 novembre 2023, paragr. 1

11.6.3.5.1

Délimitation plus étroite de la disposition législative soumise au Conseil constitutionnel

Le Conseil constitutionnel juge que la question prioritaire de constitutionnalité porte sur un champ plus restreint que les dispositions renvoyées.

2023-1069/1070 QPC, 24 novembre 2023, paragr. 12

Références doctrinales

  • Fiorini, Benjamin, Jury crashé..., La Gazette du Palais, 23 janvier 2024, n°3, p. 15-18.