Guide pratique de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC)
1) Pourquoi poser une QPC ?
La QPC est posée devant une juridiction afin que le Conseil constitutionnel puisse juger si une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit. Seul le Conseil constitutionnel peut alors abroger la disposition législative en cause.
1a) La QPC doit porter sur une "disposition législative"
Il peut notamment s'agir d'une loi organique ou ordinaire, ainsi que d'une ordonnance ratifiée par le Parlement. La date de l'adoption de ce texte importe peu. Par ailleurs, une disposition législative qui a été abrogée, mais qui reste applicable au litige, peut faire l'objet d'une QPC.
Si la disposition législative fait l'objet d'une interprétation constante par la Cour de cassation ou le Conseil d'État, la QPC a trait à la portée effective que cette jurisprudence confère à la disposition législative.
1b) La QPC permet de contester la conformité d'une disposition législative aux "droits et libertés que la Constitution garantit"
Ces droits et libertés résultent de la Constitution de 1958 elle-même (liberté individuelle...) et des textes auxquels renvoie le Préambule de la Constitution, à savoir :
La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 (droit de propriété, égalité devant la loi, liberté d'expression...),
Le Préambule de la Constitution de 1946, c'est-à-dire :
Les droits économiques et sociaux énumérés par ce préambule (liberté syndicale, droit de grève...),
Les « principes fondamentaux reconnus par les lois de la République » (liberté d'association...),
La Charte de l'environnement de 2004 (principe de participation...).
2) Comment pose-t-on une QPC ?
2a) À quelle occasion ?
On peut poser une QPC lorsque l'on est partie à une instance en cours devant une juridiction. La QPC est donc posée à titre incident.
La question peut être posée à tout moment de la procédure tant en première instance, qu'en appel ou en cassation. En matière criminelle, la question ne peut être posée que durant la phase d'instruction.
Les règles de représentation obéissent aux règles applicables devant la juridiction saisie de l'instance.
2b) Devant quelles juridictions ?
Une QPC est recevable devant toutes les juridictions de l'ordre administratif et de l'ordre judiciaire. Une seule exception : on ne peut poser de QPC devant la cour d'assises.
2c) Comment présenter une QPC ?
- Les conditions de forme
La QPC doit être soulevée par écrit. L'écrit doit être motivé. Il doit toujours être distinct des autres conclusions qui sont produites dans l'instance.
- Les conditions de fond
Une QPC doit démontrer que sont réunies 3 conditions :
1 - L'applicabilité de la loi au litige : La disposition législative en cause doit être applicable au litige ou à la procédure, ou constituer le fondement des poursuites.
2 - L'absence de déclaration préalable de conformité :
La disposition législative en cause ne doit pas avoir déjà été déclarée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel, à la fois dans les motifs et le dispositif d'une de ses décisions.
Ce critère s'applique même dans le cas où l'on invoque un nouveau fondement d'atteinte aux droits et libertés constitutionnels. Seul un changement des circonstances peut permettre de poser une QPC sur une disposition qui a déjà été déclarée conforme à la Constitution.
Pour savoir si la disposition a déjà été déclarée conforme, un tableau sur le site Internet du Conseil présente, à titre informatif, la liste de ces dispositions.
3 - Le caractère sérieux ou nouveau de la question :
Le juge de première instance ou d'appel examine si la question n'est pas dépourvue de caractère sérieux.
Le mémoire doit motiver en quoi la disposition législative méconnait les droits et libertés que la Constitution garantit ou en quoi cette question est nouvelle.
Vous pouvez vous référer au tableau des dispositions législatives déjà déclarées conformes à la Constitution sur le site Internet du Conseil constitutionnel.
3) Que se passe-t-il une fois que l'on a posé une QPC ?
3a) Devant le juge du fond
Lorsque le juge de première instance ou le juge d'appel reçoit une QPC, il doit se prononcer sur la QPC "sans délai", c'est-à-dire rapidement.
Si les conditions sont réunies, il transmet la QPC au Conseil d'État ou à la Cour de cassation et, en principe, ne statue pas sur le fond du litige dans l'attente de la décision du Conseil d'État ou de la Cour de cassation (sauf s'il s'agit d'une instance dans laquelle la personne est privée de liberté ou s'il y a urgence).
Si la QPC n'est pas transmise, la contestation de cette non-transmission est possible seulement lors du recours en appel ou en cassation visant la décision rendue au fond.
3b) Devant le Conseil constitutionnel
La procédure
Le Conseil constitutionnel a adopté un règlement sur la procédure relative à la QPC le 18 février 2010. Le Conseil doit rendre sa décision dans un délai de trois mois à compter de sa saisine. Pendant ce délai, les parties sont invitées à échanger des mémoires écrits puis, seront convoquées à une audience de plaidoirie.
La représentation par un avocat n'est pas obligatoire pour la phase d'instruction écrite. En revanche, seuls les avocats peuvent intervenir lors de l'audience publique de plaidoirie.
La décision
Soit le Conseil déclare la disposition législative conforme à la Constitution :
Cette disposition conserve sa place dans l'ordre juridique interne. La juridiction doit l'appliquer, en prenant en compte les éventuelles réserves d'interprétation formulées par le Conseil constitutionnel.
Cette décision s'impose également à tous les pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles.
Soit le Conseil déclare la disposition législative contraire à la Constitution :
La décision du Conseil constitutionnel porte abrogation de cette disposition, qui disparaît ainsi de l'ordre juridique. La déclaration d'inconstitutionnalité bénéficie en principe à la partie qui a présenté la QPC, à toutes celles qui ont des QPC pendantes sur la même disposition ou à celles qui avaient des instances en cours mettant en jeu cette disposition.
Il appartient toutefois au Conseil constitutionnel de fixer les effets dans le temps de sa décision d'abrogation. Par exemple, le Conseil constitutionnel peut déterminer une date ultérieure à partir de laquelle l'abrogation produira ses effets, afin notamment de laisser au Parlement le temps de corriger l'inconstitutionnalité.
Il n'est pas possible de faire appel d'une décision du Conseil constitutionnel.
Textes applicables en matière de QPC