- Le contrôle de constitutionnalité a posteriori dans le système juridictionnel allemand
- Titre IX de la Constitution : Le pouvoir judiciaire
- Loi relative à la Cour constitutionnelle fédérale du 12 mars 1951 (articles 90 et suivants)
- Décisions issues d’un contrôle a posteriori
- Arrêt du 6 novembre 2019 sur le droit à l’oubli [1 BvR 16/13]
- Arrêt du 24 mars 2021 sur la loi relative à la protection du climat [1 BvR 2656/18, 1 BvR 78/20, 1 BvR 96/20]
A) Le recours constitutionnel direct "Verfassungsbeschwerde" en Allemagne
L’article 93 de la Loi fondamentale allemande (Grundgesetz) reconnaît à toute personne depuis 1969 la possibilité de former un recours constitutionnel direct (Verfassungsbeschwerde) devant la Cour constitutionnelle fédérale allemande (Bundesverfassungsgericht) afin que celle-ci se prononce sur le respect par la puissance publique allemande des droits et des libertés constitutionnellement garantis des individus. Des précisions quant à ces droits et libertés sont apportées au fil des alinéas de l’article, à titre d’exemple s’agissant des recours pouvant être formés par quiconque estime avoir été lésé par la puissance publique, contexte dans lequel sont limitativement énumérés certains droits. Les règles encadrant ce recours sont prévues plus précisément dans les articles 90 et suivants de la loi allemande sur la Cour constitutionnelle fédérale.
Parmi les conditions de recevabilité de ce recours figure en premier lieu le respect de l’obligation qui pèse sur les requérants d’avoir épuisé toutes les voies de recours disponibles. Le recours constitutionnel direct a donc vocation à être subsidiaire et, à cet égard, le requérant doit entreprendre tout ce qu'il est possible d'exiger de sa part pour qu’il produise tous les arguments qu'il considère pertinents devant le juge ordinaire. C’est pourquoi, en règle générale, presque tous les recours constitutionnels directs des individus sont formés contre des décisions de justice rendues en dernier ressort. Cependant, selon les textes, tous les actes de la puissance publique peuvent faire l’objet de ce recours, indépendamment de leur caractère législatif, et il existe des rares cas particuliers dans lesquels le recours constitutionnel est formé directement contre une loi qui est déjà entrée en vigueur (Rechtssatzverfassungsbeschwerde) si aucun recours légal n’existe pas ou si le recours à celui-ci serait déraisonnable.
Dans l’appréciation de la recevabilité du recours, la Cour constitutionnelle fédérale allemande exige également que l’acte attaqué affecte actuellement et directement ou immédiatement le requérant dans ses droits constitutionnels. A cet égard, seules sont prises en compte les violations des droits et des libertés constitutionnellement protégés, et l’interprétation par la Cour constitutionnelle de la notion d’atteinte directe / immédiate est stricte. La violation doit en outre être suffisamment développée et rendre la violation d'un droit fondamental au moins concevable.
Il existe une procédure de sélection des affaires par voie d’une décision préalable d’admission ou non du recours, prise par les sections (Kammern) de la Cour constitutionnelle fédérale allemande. Le recours est admis si, avec le reste des conditions, il est prouvé qu’il est d’une importance constitutionnelle fondamentale ou si cela est nécessaire pour faire respecter les droits constitutionnels du requérant. La décision de la section en charge de trancher la question de l’admission du recours – étant précisé qu’il n’est pas exigé que le refus soit motivé – est irrévocable / inattaquable.
Concernant les délais, le recours constitutionnel direct doit être formulé dans les 30 jours à compter de l’émission de l’acte individuel qui est attaqué. En cas de recours direct contre une loi, le délai est d'un an après sa publication. En raison des très nombreux recours qui sont formulés, le délai de traitement peut être parfois supérieur à deux ans. Étant donné que la procédure du recours constitutionnel n’est pas contradictoire en ce que le recours est dirigé contre un acte et non pas contre une personne, dans beaucoup de cas, l’arrêt de la Cour constitutionnelle fédérale allemande est pris sans qu’aucune audience publique n’ait eu lieu. En termes de délais de traitement, compte tenu du grand nombre de recours qui sont formulés, ceux-ci peuvent parfois être supérieurs à deux ans.
Concernant les effets des décisions, la Cour constitutionnelle fédérale allemande a le pouvoir d’annuler l’acte attaqué ou d’abroger les dispositions législatives qui ont été contestées. Il peut fixer dans ce cas le délai ou les conditions dans lequel le législateur fédéral devra adopter une nouvelle loi. Ses décisions s’imposent à tous et ne sont susceptibles d’aucun recours.
B) Titre IX de la Constitution allemande : Le pouvoir judiciaire
Article 92 [Organisation judiciaire]
Le pouvoir de rendre la justice est confié aux juges ; il est exercé par la Cour constitutionnelle fédérale, par les cours fédérales prévues par la présente Loi fondamentale et par les tribunaux des Länder.
Article 93 [Compétences de la Cour constitutionnelle fédérale]
(1) La Cour constitutionnelle fédérale statue :
- sur l’interprétation de la présente Loi fondamentale, à l’occasion de litiges sur l’étendue des droits et obligations d’un organe fédéral suprême ou d’autres parties investies de droits propres, soit par la présente Loi fondamentale, soit par le règlement intérieur d’un organe fédéral suprême ;
- en cas de divergence d’opinion ou de doutes sur la compatibilité formelle et matérielle, soit du droit fédéral ou du droit d’un Land avec la présente Loi fondamentale, soit du droit d’un Land avec toute autre règle du droit fédéral, sur demande du Gouvernement fédéral, d’un Gouvernement de Land, ou d’un quart des membres du Bundestag ;
2 a. en cas de divergence d’opinion sur le point de savoir si une loi satisfait aux conditions de l'Article 72, alinéa 2, sur demande du Bundesrat, d’un Gouvernement de Land ou de la représentation du peuple d’un Land ; - en cas de divergence d’opinion sur les droits et obligations de la Fédération et des Länder, notamment en ce qui concerne l’exécution par les Länder du droit fédéral et l’exercice du contrôle fédéral ;
- sur les autres litiges de droit public entre la Fédération et les Länder, entre différents Länder ou à l’intérieur d’un Land, en l’absence d’autre recours juridictionnel ;
- 4 a. sur les recours constitutionnels qui peuvent être formés par quiconque estime avoir été lésé par la puissance publique dans l’un de ses droits fondamentaux ou dans 87 l’un de ses droits garantis par les articles 20, alinéa 4, 33, 38, 101, 103 et 104 ;
- 4 b. sur les recours constitutionnels des communes et des groupements de communes, pour violation par une loi du droit à la libre administration défini par l’Article 28, à condition toutefois, s’il s’agit d’une loi de Land, qu’aucun recours ne puisse être introduit devant le tribunal constitutionnel dudit Land ;
- 4 c. sur les recours d’associations dirigés contre le refus de leur reconnaître la qualité de parti en vue des élections au Bundestag ;
- dans les autres cas prévus par la présente Loi fondamentale.
(2) La Cour constitutionnelle fédérale statue en outre à la demande du Bundesrat, d’un Gouvernement de Land ou de la représentation du peuple d’un Land sur la question de savoir si dans le cas de l’Article 72, alinéa 4, la nécessité d’une règle législative fédérale selon l’Article 72, alinéa 2, n’existe plus ou si, dans le cas de l’Article 125 a, alinéa 2, 1ère phrase, il ne pourrait plus être édicté de droit fédéral. La constatation que la nécessité a disparu ou que du droit fédéral ne pourrait plus être édicté, tient lieu de loi fédérale au sens de l'Article 72, alinéa 4, ou de l'Article 125 a, alinéa 2, 1ère phrase. La demande prévue à la première phrase n’est recevable que lorsqu’un projet de loi selon l'Article 72, alinéa 4, ou l'Article 125 a, alinéa 2, 2e phrase, a été rejeté par le Bundestag ou n’a pas été délibéré ni adopté dans le délai d’une année, ou qu’un tel projet de loi a été rejeté par le Bundesrat.
(3) La Cour constitutionnelle fédérale intervient en outre dans les autres cas où une loi fédérale lui attribue compétence.
Article 94 [Composition de la Cour constitutionnelle fédérale]
(1) La Cour constitutionnelle fédérale se compose de juges fédéraux et d’autres membres. Les membres de la Cour constitutionnelle fédérale sont élus pour moitié par le IX. Le pouvoir judiciaire 88 IX. Le pouvoir judiciaire 89 Bundestag et pour moitié par le Bundesrat. Ils ne peuvent appartenir ni au Bundestag, ni au Bundesrat, ni au Gouvernement fédéral, ni aux organes correspondants d’un Land. Une loi fédérale règle son organisation ainsi que sa procédure et détermine les cas dans lesquels ses décisions ont force de loi. Elle peut imposer l’épuisement préalable des voies de recours juridictionnel comme condition du recours constitutionnel et prévoir une procédure d’admission.
Article 95 [Cours suprêmes de la Fédération, Chambre commune]
(1) Dans les domaines de la juridiction ordinaire, de la juridiction administrative, de la juridiction financière, de la juridiction du travail et de la juridiction sociale, la Fédération institue en tant que cours suprêmes la Cour fédérale de justice, la Cour fédérale administrative, la Cour fédérale des finances, la Cour fédérale du travail et la Cour fédérale du contentieux social.
(2) Les juges de ces cours suprêmes sont nommés conjointement par le ministre fédéral compétent pour la matière considérée et par une commission de choix des juges, composée des ministres des Länder compétents pour la matière considérée et d’un nombre égal de membres élus par le Bundestag.
(3) Une Chambre commune aux cours suprêmes mentionnées à l’alinéa 1er sera instituée en vue de sauvegarder l’unité de la jurisprudence. Les modalités sont définies par une loi fédérale.
Article 96 [Autres tribunaux fédéraux, exercice de la justice fédérale par des tribunaux des Länder]
(1) La Fédération peut créer un tribunal fédéral pour les affaires de concurrence et de protection de la propriété industrielle.
(2) La Fédération peut créer à titre de tribunaux fédéraux des tribunaux pénaux militaires pour les forces armées. IX. Le pouvoir judiciaire 90 Ces tribunaux n’exercent de juridiction pénale qu’en cas d’état de défense ainsi qu’à l’égard des membres des forces armées envoyés à l’étranger ou embarqués à bord de navires de guerre. Les modalités sont définies par une loi fédérale. Ces tribunaux relèvent du ministre fédéral de la justice. Les juges titulaires de ces tribunaux doivent satisfaire aux conditions requises pour l’exercice des fonctions de juge.
(3) La Cour fédérale de justice fait fonction de cour suprême pour les tribunaux visés aux alinéas 1er et 2.
(4) La Fédération peut créer des tribunaux fédéraux pour connaître du contentieux disciplinaire et des recours des personnes liées à elle par un rapport de service et de fidélité de droit public.
(5) Une loi fédérale prise avec l’approbation du Bundesrat peut prévoir que des tribunaux des Länder exercent la justice fédérale pour les procédures pénales dans les matières suivantes :
-
- génocide ;
- crime contre l’humanité selon le droit pénal international ;
- crime de guerre ;
- autres actes susceptibles de troubler la coexistence pacifique des peuples et accomplis dans cette intention (Article 26, alinéa 1er) ;
- sûreté de l’État.
Article 97 [Indépendance des juges]
(1) Les juges sont indépendants et ne sont soumis qu’à la loi.
(2) Les juges nommés définitivement à titre principal dans un emploi permanent ne peuvent, avant l’expiration de leurs fonctions et contre leur gré, être révoqués, suspendus définitivement ou temporairement de leurs fonctions, mutés à un autre emploi ou mis à la retraite qu’en vertu d’une décision de justice, et uniquement pour les motifs et dans les formes définis par la loi. La législation peut fixer les limites d’âge auxquelles les juges nommés à vie sont admis IX. Le pouvoir judiciaire 91 à faire valoir leurs droits à la retraite. En cas de modification de l’organisation des tribunaux ou de leurs ressorts territoriaux, les juges pourront être mutés à un autre tribunal ou relevés de leurs fonctions en conservant toutefois le bénéfice de l’intégralité de leur traitement.
Article 98 [Statut des juges dans la Fédération et les Länder]
(1) Le statut des juges fédéraux est fixé par une loi fédérale spéciale.
(2) Si, dans l’exercice de ses fonctions ou en dehors de celles-ci, un juge fédéral contrevient aux principes de la Loi fondamentale ou à l’ordre constitutionnel d’un Land, la Cour constitutionnelle fédérale peut, à la demande du Bundestag et à la majorité des deux tiers, ordonner la mutation du juge à d’autres fonctions ou sa mise à la retraite. Si le juge y contrevient intentionnellement, la révocation peut être prononcée.
(3) Le statut des juges des Länder est fixé par des lois spéciales de Land, dans la mesure où l'Article 74, alinéa 1er, n° 27 n’en dispose pas autrement.
(4) Les Länder peuvent décider que la nomination des juges des Länder appartient au ministre de la justice du Land conjointement avec une commission du choix des juges.
(5) Les Länder peuvent adopter pour les juges des Länder une réglementation correspondant à celle prévue à l’alinéa 2 ci-dessus. Le droit constitutionnel des Länder n’est pas affecté par ce qui précède. La Cour constitutionnelle fédérale statue sur l’accusation de violation de la constitution portée contre un juge.
Article 99 [Compétence des tribunaux fédéraux sur des litiges de droit fédéré]
Une loi de Land peut attribuer à la Cour constitutionnelle fédérale le jugement de litiges constitutionnels internes au Land, et aux cours suprêmes mentionnées à l'Article 95, alinéa 1er, le jugement en dernière instance d’affaires dans lesquelles le droit de Land est applicable.
Article 100 [Contrôle concret des normes]
(1) Si un tribunal estime qu’une loi dont la validité conditionne sa décision est inconstitutionnelle, il doit surseoir à statuer et soumettre la question à la décision du tribunal compétent pour les litiges constitutionnels du Land s’il s’agit de la violation de la constitution d’un Land, à la décision de la Cour constitutionnelle fédérale s’il s’agit de la violation de la présente Loi fondamentale. Il en est de même s’il s’agit de la violation de la présente Loi fondamentale par le droit d’un Land ou de l’incompatibilité d’une loi de Land avec une loi fédérale.
(2) Si, au cours d’un litige, il y a doute sur le point de savoir si une règle de droit international public fait partie intégrante du droit fédéral et si elle crée directement des droits et obligations pour les individus (Article 25), le tribunal doit soumettre la question à la décision de la Cour constitutionnelle fédérale.
(3) Si, lors de l’interprétation de la Loi fondamentale, le tribunal constitutionnel d’un Land entend s’écarter d’une décision de la Cour constitutionnelle fédérale ou du tribunal constitutionnel d’un autre Land, il doit soumettre la question à la décision de la Cour constitutionnelle fédérale.
Article 101 [Interdiction des tribunaux d’exception]
(1) Les tribunaux d’exception sont interdits. Nul ne doit être soustrait à son juge légal.
(2) Seule la loi peut créer des tribunaux pour des matières spéciales.
Article 102 [Abolition de la peine de mort]
La peine de mort est abolie.
Article 103 [Droit à être entendu, interdiction des lois pénales rétroactives et du cumul des peines]
(1) Devant les tribunaux, chacun a le droit d’être entendu.
(2) Un acte n’est passible d’une peine que s’il était punissable selon la loi en vigueur avant qu’il ait été commis.
(3) Nul ne peut être puni plusieurs fois pour le même acte en vertu des lois pénales générales.
Article 104 [Garanties juridiques en cas de détention]
(1) La liberté de la personne ne peut être restreinte qu’en vertu d’une loi formelle et dans le respect des formes qui y sont prescrites. Les personnes arrêtées ne doivent être maltraitées ni moralement, ni physiquement.
(2) Seul le juge peut autoriser la privation de liberté et sa prolongation. Lorsqu’une privation de liberté n’a pas été ordonnée par un juge, une décision juridictionnelle devra être sollicitée sans délai. De sa propre autorité, la police ne saurait détenir une personne sous sa garde au-delà du jour qui suit son arrestation. Les modalités devront être réglées par la loi.
(3) Toute personne soupçonnée d’avoir commis une infraction pénale et provisoirement détenue pour cette raison doit être conduite, au plus tard le lendemain de son arrestation, devant un juge qui doit lui notifier les motifs de l’arrestation, l’interroger et lui donner la possibilité de formuler ses objections. Le juge doit sans délai, soit délivrer un mandat d’arrêt écrit et motivé, soit ordonner la mise en liberté.
(4) Toute décision juridictionnelle ordonnant ou prolongeant une privation de liberté doit être portée sans délai à la connaissance d’un parent de la personne détenue ou d’une personne jouissant de sa confiance.
C) Loi relative à la Cour constitutionnelle fédérale
(Bundesverfassungsgerichtsgesetz - BVerfGG)
Date de promulgation: 12 mars 1951
Titre complet : " Loi relative à la Cour constitutionnelle fédérale dans la version résultant de la notification du 11 août 1993 (Journal officiel fédéral - BGBl I p. 1473)"
Section 15 - Procédure dans les cas visés au § 13, no 8a [Recours constitutionnel]
§ 90
(1) Quiconque estime avoir été lésé par la puissance publique dans l'un de ses droits fondamentaux ou dans l'un de ses droits garantis par les articles 20, al. 4, 33, 38, 101, 103 et 104 de la Loi fondamentale peut former un recours constitutionnel devant la Cour constitutionnelle fédérale.
(2) Lorsque des voies de recours sont ouvertes contre une telle violation, le recours constitutionnel ne peut être introduit qu'après épuisement des voies de recours. La Cour constitutionnelle fédérale peut toutefois juger directement un recours constitutionnel introduit avant l'épuisement des voies de recours, si le recours constitutionnel est d'importance générale ou si cela causait au requérant un préjudice grave et inévitable, s'il était d'abord renvoyé à emprunter les voies de recours ordinaires.
(3) Le droit de former un recours constitutionnel devant le tribunal constitutionnel d'un Land sur le fondement de la constitution de ce Land n'est pas affecté.
§ 91
Les communes et les groupements de communes peuvent former un recours constitutionnel en alléguant qu'une loi de la Fédération ou d'un Land aurait violé la disposition de l'article 28 de la Loi fondamentale. Le recours constitutionnel devant la Cour constitutionnelle fédérale est exclu si un recours pour violation du droit à la libre administration est possible devant le tribunal constitutionnel d'un Land en vertu du droit de ce Land.
§ 92
Dans les motifs du recours doivent être indiqués le droit dont la violation est alléguée, ainsi que l'action ou l'omission de l'organe ou de l'autorité publique par laquelle le requérant s'estime lésée.
§ 93
(1) Le recours constitutionnel doit être formé et motivé dans un délai d'un mois. Le délai commence à courir à compter de la notification ou de la communication sans forme spéciale de l'intégralité de la décision lorsque, en vertu des règles de procédure applicables, il est procédé d'office à cette notification ou communication. Dans les autres cas, le délai commence à compter du jour du prononcé de l'arrêt ou, si un tel prononcé n'est pas prévu, à partir du moment de toute autre forme de communication de la décision au requérant ; lorsque la décision intégrale n'est pas communiquée au requérant par écrit, le délai visé à la première phrase de la présente disposition est suspendu si le requérant demande, par écrit ou au moyen d'une mention au procès-verbal du secrétariat-greffe, la décision rédigée sous forme intégrale. La suspension se poursuit jusqu'à ce que la décision rédigée sous forme intégrale ait été communiquée par le tribunal ou notifiée d'office par une autre partie à l'instance au requérant.
(2) Si un requérant était empêché de respecter ce délai sans que la faute ne lui en soit imputable, un relèvement de forclusion doit lui être accordé sur demande. Cette dernière doit être formulée dans un délai de deux semaines à compter de la disparition de la cause d'empêchement. Le requérant doit, lors de l'introduction de sa demande ou lors de la procédure relative à celle-ci, avancer de manière plausible les faits susceptibles de fonder sa demande. Pendant le délai pour former sa demande, le requérant doit rattraper l'action qu'il aurait dû accomplir dans le cadre du délai initial ; lorsque tel est le cas, le relèvement de forclusion peut être accordé également sans demande. Un an après l'écoulement du délai initial, toute demande est irrecevable. La faute du mandataire du requérant équivaut à une faute de ce dernier.
(3) Lorsque le recours constitutionnel est dirigé contre une loi ou un autre acte de la puissance publique contre lequel il n'y a pas de voie de recours, le recours constitutionnel ne peut être formé que dans le délai d'un an à compter de l'entrée en vigueur de la loi ou du moment où l'acte de la puissance publique a été pris.
(4) Les recours constitutionnels dirigés contre une loi entrée en vigueur avant le 1er avril 1951 peuvent être formés jusqu'au 1er avril 1952.
§ 93a
(1) Le recours constitutionnel nécessite une admission.
(2) Il est à admettre
a) dans la mesure où il soulève une question de droit constitutionnel d'importance fondamentale,
b) si cela convient pour assurer le respect de l'un des droits cités par le § 90, al. 1er ; ceci peut également être le cas, si le refus de rendre une décision sur le fond du recours causait un préjudice particulièrement grave au requérant.
§ 93b
La chambre peut refuser l'admission du recours constitutionnel ou accepter de rendre une décision dans le cas visé au § 93c. Dans les autres cas, le sénat décide de l'admission du recours.
§ 93c
(1) Lorsque les conditions prévues au § 93a, al. 2, lettre b) sont remplies et que la question de droit constitutionnel déterminante pour l'appréciation du recours a déjà été tranchée par la Cour constitutionnelle fédérale, la chambre peut faire droit au recours constitutionnel si ce dernier est manifestement fondé. Le jugement équivaut à une décision du sénat. Une décision déclarant qu'une loi est nulle ou incompatible avec la Loi fondamentale ou d'autres normes de droit fédéral et produisant les effets prévus au § 31, al. 2 est réservée au sénat.
(2) Les dispositions du § 94, al. 2 et 3 et du § 95, al. 1er, et 2 sont applicables à la procédure.
§ 93d
(1) La décision selon les dispositions du § 93b et du § 93c est rendue sans audience publique. Elle n'est pas susceptible de recours. Le refus d'admettre le recours constitutionnel ne requiert pas de motivation.
(2) Tant que et dans les mesure où le sénat n'a pas statué sur l'admission du recours constitutionnel, la chambre peut prendre toutes les décisions relatives à la procédure du recours constitutionnel. Une ordonnance provisoire suspendant intégralement ou partiellement l'application d'une loi ne peut être prise que par le sénat ; la disposition du § 32, al. 7 n'est pas affectée. Le sénat statue également dans les cas visés au § 32, al. 3.
(3) Les décisions des chambres sont rendues à l'unanimité. Le recours constitutionnel est admis par le sénat si au moins trois juges se prononcent en ce sens.
§ 94
(1) La Cour constitutionnelle fédérale donne à l'organe constitutionnel de la Fédération ou d'un Land dont l'action ou l'omission est contestée par le recours constitutionnel l'occasion de présenter des observations dans un délai à déterminer.
(2) Lorsque l'action, ou l'omission, contestées est le fait d'un ministre ou d'une autorité administrative de la Fédération ou d'un Land, le ministre compétent doit être accordé la possibilité de s'exprimer.
(3) Lorsque le recours constitutionnel est dirigé contre une décision de justice, la Cour constitutionnelle fédérale accorde également à la personne bénéficiant de cette décision l'occasion de s'exprimer.
(4) Lorsque le recours constitutionnel est dirigé directement ou indirectement contre une loi, la disposition du § 77 s'applique mutatis mutandis.
(5) Les organes constitutionnels mentionnés aux alinéas 1er, 2 et 4 peuvent adhérer à la procédure. La Cour constitutionnelle fédérale peut renoncer à tenir une audience publique, si la Cour n'attend aucun apport à la procédure d'une telle audience et que les organes constitutionnels ayant le droit de s'exprimer et ayant adhéré à la procédure y renoncent.
§ 95
(1) Si la Cour constitutionnelle fédérale fait droit au recours constitutionnel, elle détermine dans sa décision quelle disposition de la Loi fondamentale a été violée par quelle action ou omission. La Cour constitutionnelle fédérale peut en même temps déclarer que toute réitération de la mesure contestée violerait également la Loi fondamentale.
(2) Lorsqu'il est fait droit à un recours constitutionnel dirigé contre une décision de justice, la Cour constitutionnelle fédérale casse ladite décision, et dans les cas visés au § 90, al. 2, 1ère phrase, elle renvoie l'affaire devant un tribunal compétent.
(3) Lorsqu'il est fait droit à un recours constitutionnel dirigé contre une loi, cette dernière doit être déclarée nulle. Il en va de même lorsqu'il est fait droit à un recours constitutionnel sur le fondement du deuxième alinéa de la présente disposition en raison du fait que la décision de justice cassée repose sur une loi contraire à la Constitution. La disposition du § 79 s'applique mutatis mutandis.
D) Décisions issues d’un contrôle a posteriori
- Arrêt du 6 novembre 2019 sur le droit à l’oubli [1 BvR 16/13]
- Arrêt du 24 mars 2021 sur la loi relative à la protection du climat [1 BvR 2656/18, 1 BvR 78/20, 1 BvR 96/20]