Renvoi
COMM.
COUR DE CASSATION
SMSG
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QUESTION PRIORITAIRE
de
CONSTITUTIONNALITÉ
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Audience publique du 5 avril 2023
RENVOI
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 384 F-D
Affaire n° E 23-40.001
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 5 AVRIL 2023
Le tribunal judiciaire de Paris (9e chambre, 2e section) a transmis à la Cour de cassation, par ordonnance rendue le 11 janvier 2023, une question prioritaire de constitutionnalité, dans l'instance mettant en cause :
D'une part,
1°/ Mme [C] [M], domiciliée [Adresse 2],
2°/ Mme [N] [M], épouse [O], domiciliée [Adresse 3],
D'autre part,
1°/ le directeur général des finances publiques, agissant poursuites et diligences du directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris, domicilié [Adresse 1],
2°/ M. [G] [M], domicilié [Adresse 5],
3°/ le procureur près le tribunal judiciaire de Paris, domicilié en son Parquet, Parvis du tribunal judiciaire, 75017 Paris.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Daubigney, conseiller, les observations de la SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon, avocat de Mmes [C] et [N] [M], de la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat de M. [M], et l'avis de M. Crocq, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 avril 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Daubigney, conseiller rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. [R] [M] est décédé le [Date décès 4] 2012, en laissant pour lui succéder Mme [P] [M], son épouse, M. [G] [M], son fils né de son union avec Mme [P] [M], et Mmes [C] et [N] [M], ses filles issues d'une première union.
2. Par testament du 30 juillet 1986, [R] [M] avait institué Mme [P] [M] sa légataire universelle.
3. Le 25 janvier 2017, Mme [P] [M], Mmes [C] et [N] et M. [G] [M] ont signé un protocole transactionnel fixant l'actif net de la succession, ainsi que les indemnités de réduction dues par Mme [P] [M] à Mmes [C] et [N] [M] et à M. [G] [M].
4. Le 31 janvier 2017, Mmes [C] et [N] [M] se sont acquittées des droits de succession correspondants à leurs indemnités de réduction et ont souscrit la déclaration de succession correspondante le 15 février 2017. Le 6 mars 2017, Mme [P] [M] et M. [G] [M] ont déposé une déclaration de succession et ce dernier a payé les droits de succession correspondant à son indemnité de réduction.
5. Le 4 avril 2017, l'administration fiscale a notifié à Mmes [C] et [N] [M] ainsi qu'à M. [G] [M] une proposition de rectification sur le fondement des articles 1840 E et 1709 du code général des impôts, qui instaurent des intérêts de retard et une majoration de 10 % sanctionnant le dépôt hors délai d'une déclaration de succession.
6. Le 16 août 2017, l'administration fiscale a émis un avis de mise en recouvrement des sommes correspondantes, que Mmes [C] et [N] [M] et M. [G] [M] ont contesté. L'administration fiscale a implicitement rejeté cette réclamation.
7. Le 4 mars 2019, M. [G] [M] a assigné l'administration fiscale afin d'obtenir le dégrèvement des droits de succession dont il s'était acquitté ou, à défaut, des pénalités. Le 29 septembre 2021, il a assigné Mmes [C] et [N] [M] en intervention forcée.
Enoncé de la question prioritaire de constitutionnalité
8. Par ordonnance du 11 janvier 2023, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris a transmis une question prioritaire de constitutionnalité, posée par Mmes [C] et [N] [M], ainsi rédigée :
« Les dispositions de l'alinéa 1er de l'article 724 du code civil combinées à celles des articles 641 et 1701 du code général des impôts, en ce qu'elles imposent le règlement des droits de succession avant l'enregistrement de la déclaration de succession, soit dans un délai de six mois à compter du décès, et conduisent à ce qu'en présence d'un légataire universel cumulant cette qualité avec celle d'héritier, les héritiers réservataires soient tenus de verser des droits de succession au titre de biens qui ne leur sont pas transmis et dont ils n'auraient pas reçu la contre-valeur imposable, indépendamment de leur volonté, portent-elles atteinte aux droits et libertés garantis par les dispositions de l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 selon lesquelles chaque citoyen contribue aux charges publiques à raison de ses facultés ? »
Examen de la question prioritaire de constitutionnalité
9. Les dispositions contestées sont applicables au litige, qui concerne la contestation, par les demanderesses, des pénalités infligées par l'administration fiscale aux héritiers réservataires de la succession de [R] [M], qui avait institué son épouse, également héritière réservataire, légataire universelle.
10. Elles n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.
11. La question posée présente un caractère sérieux au regard de l'exigence de prise en compte des facultés contributives telle qu'elle résulte de l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.
12. En effet, cette exigence, qui résulte du principe d'égalité devant les charges publiques, implique qu'en principe, lorsque la perception d'un revenu ou d'une ressource est soumise à une imposition, celle-ci doit être acquittée par celui qui dispose de ce revenu ou de cette ressource.
13. Or, il résulte de la combinaison des dispositions des articles 724, alinéa 1er, et 924 du code civil, 641, 800 et 1701 du code général des impôts qu'en présence d'un légataire universel cumulant cette qualité avec celle d'héritier et, partant, saisi de plein droit de l'ensemble de la succession, l'héritier réservataire, qui ne dispose d'aucun droit réel sur les biens du défunt qui ne lui sont pas transmis, mais seulement d'une créance à l'égard du légataire universel, consistant en une indemnité de réduction égale à la fraction du legs portant atteinte à sa réserve, est cependant tenu de déposer une déclaration de succession dans les six mois suivant le décès et de s'acquitter des droits de mutation à titre gratuit, de sorte qu'il est assujetti au paiement de droits sur des sommes qu'il peut ne pas avoir perçues, et ce, pour des raisons indépendantes de sa volonté.
14. En conséquence, il y a lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
RENVOIE au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du cinq avril deux mille vingt-trois.
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