Conseil d'Etat

Décision du 12 décembre 2022 n°467646

12/12/2022

Non renvoi

Conseil d'État

N° 467646
ECLI:FR:CECHS:2022:467646.20221212
Inédit au recueil Lebon
9ème chambre
M. Vincent Mazauric, rapporteur
Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public
SCP DUHAMEL - RAMEIX - GURY- MAITRE, avocats


Lecture du lundi 12 décembre 2022

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

Vu la procédure suivante :

La communauté d'agglomération Bourges Plus, à l'appui de sa demande tendant à la réformation de la décision par laquelle le directeur départemental des finances publiques du Cher lui a notifié le montant de la part prévisionnelle du produit de la taxe sur la valeur ajoutée devant lui être versée au titre de l'année 2022 en compensation de la suppression de la taxe d'habitation, prévue par l'article 16 de la loi de finances pour 2020, a produit un mémoire, enregistré au greffe du tribunal administratif d'Orléans le 31 août 2022, par lequel elle soulève, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, une question prioritaire de constitutionnalité mettant en cause la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit, des dispositions des 1 et 5 du B du V de l'article 16 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code général des impôts ;

- la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020, notamment son article 16 ;

- la décision du Conseil constitutionnel n° 2022-1013 QPC du 14 octobre 2022 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Vincent Mazauric, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Duhamel, Rameix, Gury, Maitre, avocat de la communauté d'agglomération de Bourges Plus ;

Considérant ce qui suit :

1. Il résulte des dispositions de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat a transmis à ce dernier, en application de l'article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la Constitution d'une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

2. Aux termes du V de l'article 16 de la loi de finances pour 2020, dans sa rédaction issue de la loi du 29 décembre 2020 de finances pour 2021, applicable au litige : "V. A.- A compter de 2021, une fraction du produit net de la taxe sur la valeur ajoutée, défini comme le produit brut budgétaire de l'année, déduction faite des remboursements et restitutions effectués par les comptables assignataires, est affectée aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, aux départements, à la Ville de Paris, au Département de Mayotte, à la métropole de Lyon, à la collectivité territoriale de Guyane, à la collectivité territoriale de Martinique et à la collectivité de Corse, selon les modalités définies aux B à D du présent V. / B.- 1. Pour chaque établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre et la métropole de Lyon, cette fraction est établie en appliquant, au produit net défini au A, un taux égal au rapport entre : / 1° La somme : / a) De la taxe d'habitation sur les locaux meublés affectés à l'habitation principale résultant du produit de la base d'imposition 2020, majorée des bases d'imposition issues des rôles supplémentaires émis au titre de 2020 jusqu'au 15 novembre 2021, par le taux intercommunal appliqué sur le territoire intercommunal en 2017 ; () / 2° Et le produit net de la taxe sur la valeur ajoutée encaissé en 2021. Pour l'exercice 2021, ce montant correspond aux recettes nettes de taxe sur la valeur ajoutée au titre de 2021 évaluées dans l'annexe au projet de loi de finances pour 2021. / Au titre des premiers mois de chaque année, ce ratio est appliqué à l'évaluation proposée des recettes nettes de taxe sur la valeur ajoutée pour l'année inscrites dans l'annexe au projet de loi de finances de l'année. Une régularisation est effectuée dès que le produit net de la taxe sur la valeur ajoutée au titre de l'année est révisé. / Au titre de l'exercice 2021, une régularisation est effectuée dès que le produit net de la valeur ajoutée encaissé au cours de cette même année est connu afin que le montant de taxe effectivement perçu par chaque établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre et par la métropole de Lyon soit égal à la somme : / - de la taxe d'habitation sur les locaux meublés affectés à l'habitation principale résultant du produit de la base d'imposition 2020, majorée des bases d'imposition issues des rôles supplémentaires émis au titre de 2020 jusqu'au 15 novembre 2021, par le taux intercommunal appliqué sur le territoire intercommunal en 2017 ; () La somme revenant à chaque établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre et à la métropole de Lyon fait l'objet d'une notification par arrêté préfectoral. () / 5. Lorsqu'une commune est devenue membre d'un nouvel établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, la part de la commune, calculée conformément aux 3 ou 4, est affectée à cet établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre. () ".

3. Le périmètre de la communauté d'agglomération Bourges Plus a été étendu à compter du 1er janvier 2019 à la commune de Mehun-sur-Yèvre, auparavant membre de la communauté de communes Cœur de Berry. La communauté d'agglomération Bourges Plus soutient qu'en raison de cette circonstance, elle subit, par rapport aux recettes perçues en 2020, une perte résultant du calcul de la compensation par référence au taux intercommunal appliqué sur le territoire communal en 2017, alors que s'appliquait au territoire de cette commune, en 2019 et en 2020, le taux intercommunal plus élevé en vigueur dans son propre périmètre en 2017 et depuis lors. Elle soutient que les dispositions du 1 et du 5 du B du V de l'article 16 de la loi de finances pour 2020 qu'elle attaque, en application desquelles cette compensation a été calculée, instituent une différence de traitement sans rapport avec l'objet de la loi entre les établissements publics de coopération intercommunale dont le périmètre a été modifié après 2017 et ceux dont le périmètre n'a pas varié après cette date.

4. Compte tenu de cette argumentation, la communauté d'agglomération Bourges Plus doit être regardée comme contestant, outre les dispositions du 5 du B du V de l'article 16 de la loi de finances pour 2020, dans sa rédaction issue de la loi du 29 décembre 2020 de finances pour 2021, les mots " par le taux intercommunal appliqué sur le territoire intercommunal en 2017 " figurant au a du 1° du 1 du B de ce V.

5. En premier lieu, par la décision n° 2022-1013 QPC du 14 octobre 2022, le Conseil constitutionnel a déclaré conformes à la Constitution, dans les motifs et le dispositif de sa décision, les mots " par le taux intercommunal appliqué sur le territoire intercommunal en 2017 " figurant au a du 1° du 1 du B du V de l'article 16 de la loi de finances pour 2020, dans sa rédaction résultant de la loi de finances pour 2021. En l'absence de changement de circonstances, il n'y a donc pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question soulevée en ce qui concerne ces dispositions.

6. En second lieu, les dispositions du 5 du B du V de l'article 16 de la loi de finances pour 2020, dans sa rédaction résultant de la loi de finances pour 2021, qui se bornent à prévoir l'affectation à l'établissement de coopération intercommunale dont une commune est devenue membre, de la part de la compensation prévue par ce même V correspondant à cette commune, ne sont pas, par elles-mêmes, susceptibles de créer une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques. Par suite, la question soulevée en ce qui concerne ces dispositions, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux.

7. Il résulte de ce qui précède qu'il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la communauté d'agglomération Bourges Plus.

D E C I D E :

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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la communauté d'agglomération Bourges Plus.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la communauté d'agglomération Bourges Plus, au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie-en sera adressée au Conseil constitutionnel, à la Première ministre et au tribunal administratif d'Orléans.

Délibéré à l'issue de la séance du 17 novembre 2022 où siégeaient : Mme Anne Egerszegi, présidente de chambre, présidant ; M. Nicolas Polge, conseiller d'Etat et M. Vincent Mazauric, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 12 décembre 2022.

La présidente :

Signé : Mme Anne Egerszegi

Le rapporteur :

Signé : M. Vincent Mazauric

La secrétaire :

Signé : Mme Laurence Chancerel

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique chacun en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour la secrétaire du contentieux, par délégation

Code publication

C