Non renvoi
N° H 21-90.043 F-D
N° 00343
16 FÉVRIER 2022
SL2
NON LIEU À RENVOI
M. DE LAROSIÈRE DE CHAMPFEU conseiller le plus ancien faisant fonction de président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 16 FÉVRIER 2022
Le tribunal correctionnel de Draguignan, par jugement en date du 23 novembre 2021, reçu le 26 novembre 2021 à la Cour de cassation, a transmis une question prioritaire de constitutionnalité dans la procédure suivie contre MM. [D] [W], [J] [F], [V] [H] et [T] [R], des chefs de violences aggravées.
Sur le rapport de M. Turbeaux, conseiller, et les conclusions de M. Bougy, avocat général, après débats en l'audience publique du 16 février 2022 où étaient présents M. de Larosière de Champfeu, conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Turbeaux, conseiller rapporteur, Mme Slove, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. La question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :
« L'interprétation jurisprudentielle dite de « la scène unique de violence », en ce qu'elle fait fi du lien de causalité entre le comportement violent et le résultat violent exigés par les dispositions des articles 222-7 à 222-16-3 du code pénal, porte-t-elle atteinte aux principes constitutionnels de respect de la présomption d'innocence, de légalité des délits et des peines, d'interprétation stricte et de prévisibilité de la loi pénale et de personnalité de la loi pénale, garantis par les articles 7, 8 et 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et 34 de la Constitution ? »
2. Les dispositions des articles 222-7, 222-8, 222-9, 222-10, 222-13, 222-14, 222-14-1, 222-14-2, 222-14-3, 222-14 -4, 222-15, 222-15-1, 222-16, 222-16-1, 222-16-2 et 222-16-3 du code pénal ne sont pas applicables à la procédure.
3. Les dispositions des articles 222-11 et 222-12 du code pénal, en revanche, en ce qu'elles définissent l'infraction de violences volontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail supérieure à huit jours, d'une part, et des circonstances aggravantes parmi lesquelles celles qui sont retenues dans le cas d'espèce, d'autre part, sont des dispositions législatives applicables à la procédure et n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.
4. La question, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle.
5. La question posée ne présente pas un caractère sérieux.
6. En effet, selon la jurisprudence susvisée, lorsque des blessures ont été faites volontairement par plusieurs auteurs au cours d'une scène unique de violences, l'infraction peut être appréciée dans son ensemble sans qu'il soit nécessaire, pour les juges du fond, de préciser la nature des coups portés par chacun des auteurs à chacune des victimes.
7. La déclaration de culpabilité d'un prévenu pour violences, en application de cette jurisprudence, implique la constatation, par les juges du fond, sous le contrôle de la Cour de cassation, qu'il a pris une part personnelle aux violences indivisibles causées par plusieurs auteurs. Cette appréciation d'un comportement individuel n'apporte, dès lors, aucune atteinte à la présomption d'innocence, et n'implique ni inversion de la charge de la preuve, ni méconnaissance du principe de l'individualisation dans l'application de la loi pénale. Cette jurisprudence n'a pas non plus pour résultat de d'autoriser la condamnation d'une personne pour des violences commises par autrui, mais a pour effet de permettre une condamnation pour des violences commises de manière indivisible par plusieurs auteurs, sans qu'il en résulte une méconnaissance du principe d'interprétation stricte de la loi pénale. Elle ne porte pas davantage d'atteinte au principe de la légalité des délits et des peines, les violences ainsi commises, pour être sanctionnées par le juge, devant être prévues et réprimées par la loi, et son application n'est pas imprévisible, cette jurisprudence étant constante depuis 1972.
8. Enfin, cette jurisprudence permet de réprimer des violences sans qu'un de leurs auteurs s'abrite derrière la participation des autres pour s'exonérer des conséquences de la sienne propre. Elle participe donc de la réalisation de l'objectif de valeur constitutionnelle de répression des infractions pénales.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en audience publique du seize février deux mille vingt-deux.