Cour d'Appel de Lyon

Arrêt du 6 septembre 2011 n° 2011/00856

06/09/2011

Renvoi

2011/00856

[T R S]

LA CHAMBRE DE L'INSTRUCTION DE LA COUR D'APPEL DE LYON,

réunie le mardi six septembre deux mil onze en chambre du conseil,

composée lors des débats et du délibéré de :

- Monsieur AZOULAY, Président,

- Madame WYON et Monsieur DEFRASNE, Conseillers,

et du prononcé de l'arrêt de :

- Monsieur AZOULAY, Président,

tous trois désignés, en application des dispositions de l’article 191 du Code de Procédure Pénale,

en présence lors des débats :

- de Madame SOLER, Greffier,

- de Madame BOÏSGIBAULT, Substitut Général,

et du prononcé de l’arrêt :

- de Madame SOLER, Greffier,

- d'un magistrat du Parquet Général représentant Monsieur le Procureur Général,

Vu la procédure d'information suivie au Tribunal de Grande Instance de LYON, cabinet de Monsieur GRAIN, Juge d'instruction, contre :

-> [T R S]

né le [DateNaissance 1] 1971 à [LOCALITE 2] ([LOCALITE 3])

de [EE T] et [L FF]

de nationalité bulgare

célibataire

demeurant [LOCALITE 4] - [LOCALITE 5]

- DÉTENU AU [LOCALITE 6] - Mandat de dépôt criminel du vingt décembre deux mil dix

- NON COMPARANT -

- Ayant pour conseil Maître AUFFRET, avocat au barreau de LYON, des chefs de proxénétisme aggravé commis en bande organisée ; traite d'être humain commise en bande organisée : participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un crime ;

Vu la question prioritaire de constitutionnalité déposée par écrit distinct le 17 juin 2011 et tendant à la saisine de la cour de cassation relative aux articles 116-1 alinéa 7 et 64-1 du code de procédure pénale

Vu le réquisitoire écrit de Monsieur le Procureur Général en date du 1er juillet 2011

et les notifications et lettre recommandée par lui expédiées, conformément aux dispositions de l’article 197 du Code de Procédure Pénale, le 1 juillet 2011

Vu le dépôt du dossier de la procédure au greffe de la Chambre de l’Instruction et sa mise à la disposition des conseils des parties jusqu’au jour de l’audience dans les formes et délais prévus à l’article 197 alinéas 2 et 3 du code de Procédure Pénale,

- Ayant entendu en l’audience du mardi 9 août 2011, tenue en chambre du conseil,

- Monsieur AZOULAY, président, en son rapport,

- Maître GUYENARD substituant Maître AUFFRET, avocat, en ses observations pour [S T R],

- Le ministère public en ses réquisitions,

Le conseil de la personne mise en examen ayant eu la parole le dernier,

Après en avoir délibéré conformément aux dispositions de l’article 200 du code de Procédure Pénale,

À STATUE AINSI QU'IL SUIT

Attendu qu'il résulte de l'information les éléments suivants :

Le 15 juin 2009, les services de la Police de l'Air et des Frontières de CHAMBÉRY avisaient les services de police judiciaire de ce qu'un bulgare nommé [DD EE] domicilié à [LOCALITE 7], organisait depuis plusieurs semaines, la prostitution de jeunes femmes bulgares sur le secteur de la gare de [LOCALITE 8].

Les surveillances effectuées établissaient la présence de plusieurs prostituées, et de véhicules immatriculés en [LOCALITE 9] et en [LOCALITE 10] devant des hôtels de [LOCALITE 11] et de sa région.

Le 5 septembre 2009 [Z E] déposait une main courante pour dénoncer les violences dont elle avait été victime de la part d'[K L R], une autre prostituée qui exigeait qu'elle lui verse 200 € par jour sur son activité pour le compte de son mari et proxénète [S T R] qui, basé en [LOCALITE 12], l'avait menacée de mort par téléphone.

[Z E] expliquait qu'elle se prostituait dans la région de [LOCALITE 13] avec [CC C], [RR SS] et la nommée [K L R], cette dernière étant leur "chef", à qui elle avait déjà remis une somme de 6000 € : elle ajoutait que toutes les quatre séjournaient à l'hôtel "[...]” à [LOCALITE 14].

Les surveillances physiques exercées du mois de juin au mois de septembre 2009 démontraient que les prostituées étaient souvent rejointes à l'hôtel par leur proxénète.

Des interceptions téléphoniques confirmaient l'existence du réseau de proxénétisme Une prostituée évoquait l'arrivée de [WW] "le visage balafré", sur leur emplacement de [LOCALITE 15] pour y placer deux filles venant de [LOCALITE 16], menaçant de leur envoyer des hommes de mains depuis [LOCALITE 17], si elles ne les laissaient pas travailler; [NN OO] dite [VV], disait que "s'il les plaçait plus haut qu'elles sur la route, cela ne les dérangeait pas" ; l'individu était venu à bord d'une Honda blanche et avait fait de nombreux allers et retours sut la route pour exercer une surveillance.

Des mouvements financiers étaient également relevés à destination de la [LOCALITE 18] par le biais de l'envoi de mandats WESTERN UNION.

Le 29 septembre survenait une vague d'interpellations à l'hôtel "[...]" dont celle de [N O N], [TT UU], [PP QQ] et [FF GG] tous placés en garde à vue.

[K R] et [W N] était interpellées et placées en garde à vue ; entendues, ces personnes mettaient en cause [S R T] en tant que proxénète.

Mises en examen et réentendues dans le cadre de l’information judiciaire elles réitéraient en présence de leurs avocat devant le juge d’instruction leurs mises en cause de [S R T].

Le 17 juin 2011, Maître Loïc AUFFRET a déposé une requête en nullité ainsi qu’une question prioritaire de constitutionnalité relative aux articles 64-1 alinéa 7 du code de procédure pénale.

Il soutient que les auditions des personnes mettant en cause son client en cours d'enquête sous le régime de la garde à vue ont été effectuées en matière criminelle sans enregistrement audiovisuel, l'information portant sur un crime commis en bande organisée, par dérogation légale aux dispositions rendant obligatoire cet enregistrement en matière criminelle.

Il estime que ce texte crée une distinction injustifiée et illégitime entre les personnes entendues en garde à vue pour crime et viol et principe de l’égalité des citoyens devant la loi.

Il demande que la question prioritaire de constitutionnalité soit transmise à la Cour de cassation.

Entre temps [S T R] a été renvoyé le 5 août 2011 devant le tribunal correctionnel, après disqualification des faits qui lui sont reprochés pour y répondre d’avoir :

-> à [LOCALITE 19], sur le territoire national et indivisiblement en [LOCALITE 20] et en [LOCALITE 21], du 1er janvier 2009 au 20 janvier 2009,

-> aidé assisté protégé la prostitution de plusieurs prostituées, notamment [CC G], [LL MM], [K R], [W N], [E G E], [CC B C Z E C] et [HH II], reçu leurs subsides et fait office d’intermédiaire entre des personnes incitées à se livrer à la prostitution d'autrui avec ces circonstances que les faits ont été commis à l'égard de plusieurs personnes incitées à se livrer à la prostitution hors du territoire national ou à leur arrivée sur le territoire national et par plusieurs personnes agissant en qualité d'auteur ou de complice,

-> en échange d’une rémunération ou de tout autre avantage, ou d’une promesse de rémunération ou d'avantage, recruté, transporté, transféré, hébergé ou accueilli plusieurs personnes, Notamment [CC G], [LL MM], [K R], [W N], [E G E], [CC B C Z E C] et [HH II],

-> participé à un groupement formé ou une entente établie en vue de la préparation caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d’un ou plusieurs délits punis de 10 ans d'emprisonnement, en l'espèce les délits susvisés notamment en faisant des repérages sur Les lieux propices à la prostitution à [LOCALITE 22] et en organisant le partage des tâches avec [K R] et [W N] pour la gestion de la prostitution sur place,

Faits prévus et réprimés par Les articles 225-7, 225-20, 225-21,225-54, 225-4-1, 225-4- 2, 450-1, 450-3, 450-5 du code pénal.

Dans ses réquisitions écrites, reprises oralement à l’audience, Madame l'avocat général requiert la transmission de la question à la cour de cassation, et de dire qu’il n'y a lieu à surseoir à statuer sur la requête en nullité déposée par ailleurs dans l'attente de la décision du conseil constitutionnel.

Par lettre du 13 juillet 2011, Maître AUFFRET a sollicité Le renvoi de l'affaire.

Maître GUYENARD a substitué Maître AUFFRET lors de l'audience du 9 août 2011 ; il s’en est remis, à défaut de renvoi aux écritures de son confrère.

Attendu qu’il n'y a lieu à renvoi de la cause, [S T R] étant détenu dans le cadre de ce dossier renvoyé désormais devant le tribunal correctionnel sous des qualifications correctionnelles ;

Attendu que la demande a été formulée par écrit motivé et distinct ; qu’elle présente un caractère nouveau ; que la questions relative à l’inconstitutionnalité des dispositions de l'article 116-1 alinéa 7 du code de procédure pénale, prévoyant l'absence d'enregistrement audiovisuel des interrogatoires effectués devant le juge d’instruction des personnes mises en examen pour crimes prévus à l’article 706-73 du code de procédure pénale en matière de criminalité organisée mérite d'être transmis à la cour de cassation qui appréciera son caractère Sérieux ;

Qu'il y a lieu d’ordonner sa transmission à la cour de cassation ;

PAR CES MOTIFS

LA CHAMBRE DE L‘INSTRUCTION DE LA COUR D'APPEL DE LYON

Vu les articles 199 et 216 du code de procédure pénale

En la forme,

Déclare recevable en la forme le mémoire développant la question prioritaire de constitutionnalité relative aux dispositions de l’article 116-7 du code de procédure pénale.

Dit n'y avoir lieu à renvoi de l'affaire.

Ordonne la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité à la cour de cassation ainsi rédigée :

L'article 116-1 alinéa 7 du code de procédure pénale, en ce qu'il prive les personnes mises en cause dans le cadre d’une information criminelle relevant de la criminalité organisée du droit à l'enregistrement audiovisuel des interrogatoires et confrontations, alors que ce droit est accordé par la loi aux personnes mises en cause dans le cadre d'informations judiciaires portant sur des crimes moins graves est-il conforme aux droits et libertés garantis par la constitution, notamment au principe d'égalité, seul, comme en combinaison avec le principe des droits de la défense, le droit à un procès équitable et le droit à un recours juridictionnel effectif ?

Le présent arrêt à été signé par le Président et le Greffier.