Tribunal administratif d'Amiens

Ordonnance du 2 février 2011 n° 1001324

02/02/2011

Renvoi partiel

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

D'AMIENS

 

 

N°1001324 QPC

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DEPARTEMENT DE LA SOMME

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Ordonnance du 2 février 2011

___________

 

 

 

 

 

REPUBLIQUE FRANÇAISE

 

 

 

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

 

 

Le président de la 3ème chambre,

 

Vu le mémoire, enregistré le 5 janvier 2011 présenté pour le DEPARTEMENT DE LA SOMME, représenté par le président du conseil général, domicilié au 53 rue de la République, BP 2615, à Amiens Cedex (80026), par la SCP J.-F. Boutet, en application de l’article 23-1 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

 

le DEPARTEMENT DE LA SOMME demande au tribunal administratif, à l’appui de sa requête tendant à la condamnation de l’Etat à lui payer la somme de 36,33 millions d’euros en compensation des transferts de compétence qu’il a dû supporter entre 2002 et 2008, de transmettre au Conseil d’Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution : de l’article L. 232-21 du code de l’action sociale et des familles, de l’article 12 de la loi n° 2004-626 du 30 juin 2004, relative à la solidarité pour l’autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées, dans sa rédaction issue de l’article 55 de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, de l’article 4 de la loi n° 2003-1200 du 18 décembre 2003 portant décentralisation en matière de revenu minimum d’insertion et créant un revenu minimum d’activité, de l’article 59 de la loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003 de finances pour 2004, de l’article 2 de la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005, de l’article L. 262-24 du code de l’action sociale et des familles, de l’article 7 de la loi n° 2008-1249 du 1er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d’insertion, de l’article 51 de la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009 et de l’article 135 de la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010 ;

il soutient que ces dispositions sont applicables au litige ; que si certaines d’entre elles ont été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel, des changements dans les circonstances de droit et de fait justifient un réexamen de ces dispositions par le Conseil constitutionnel ; que ces dispositions méconnaissent les articles 72 et 72-2 de la Constitution ;

 

Le Premier ministre et le ministre des solidarités et de la cohésion sociale n'ayant pas produit ;

 

Vu les autres pièces du dossier ;

 

Vu la Constitution, notamment son article 61-1 ;

 

Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

 

Vu la loi n° 2003-1200 du 18 décembre 2003, notamment son article 4 ;

 

Vu la loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003, notamment son article 59 ;

 

Vu la loi n° 2004-626 du 30 juin 2004, notamment son article 12 ;

 

Vu la loi n° 2005-102 du 11 février 2005, notamment son article 55 ;

 

Vu la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005, notamment son article 2 ;

 

Vu la loi n° 2008-1249 du 1er décembre 2008, notamment son article 7 ;

 

Vu la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008, notamment son article 51 ;

 

Vu la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009, notamment son article 135 ;

 

Vu le code de l’action sociale et des familles ;

 

Vu le code de justice administrative ;

 

 

Considérant qu’il résulte des dispositions combinées des premiers alinéas des articles 23-1 et 23-2 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, que le tribunal administratif saisi d’un moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, présenté dans un écrit distinct et motivé, statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat et procède à cette transmission si est remplie la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige, qu’elle n’ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question ne soit pas dépourvue de caractère sérieux ;

 

Considérant que la loi n° 2001-647 du 20 juillet 2001 a mis à la charge des départements l’allocation personnalisée d’autonomie ; que l’article L. 232-21 du code de l’action sociale et des familles, dans sa rédaction issue de l’article 1er de la loi n° 2001-647 du 20 juillet 2001, a pour objet de créer un fonds dont la mission est de contribuer au financement de l’allocation personnalisée d’autonomie ; que l’article 12 de la loi n° 2004-626 du 30 juin 2004, modifié par l’article 55 de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005, a créé aux mêmes fins la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie ; que la loi n° 2003-1200 du 18 décembre 2003 a mis à la charge des départements le revenu minimum d’insertion et le revenu minimum d’activité ; que son article 4 a prévu un dispositif de compensation financière, précisé par l’article 59 de la loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003 et l’article 2 de la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 ; que la loi n° 2008-1249 du 1er décembre 2008 a mis à la charge des départements le revenu de solidarité active ; que son article 3, codifié à l’article L. 262-24 du code de l’action sociale et des familles, et son article 7 ont prévu un dispositif de compensation financière, précisé par l’article 51 de la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 et l’article 135 de la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009, lequel concerne l’allocation de revenu de solidarité active aux jeunes de moins de vingt-cinq ans ;

 

Considérant que ces dispositions sont applicables au présent litige, le requérant faisant notamment valoir que la compensation insuffisante des charges transférées, en matière d’aide sociale, lui cause un préjudice financier et faisant état de l’aggravation de ce préjudice en 2009 et 2010 ;

 

Considérant que si l’article L. 232-21 du code de l’action sociale et des familles, dans sa rédaction issue de l’article 1er de la loi n° 2001-647 du 20 juillet 2001, a déjà été déclaré conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2001-447 DC du 18 juillet 2001, il n’a cependant pu examiner la constitutionnalité de ces dispositions au regard de l’article 72-2 de la Constitution, introduit postérieurement à sa décision par la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 et dont la méconnaissance est invoquée par le requérant ; que si l’article 4 de la loi n° 2003-1200 du 18 décembre 2003, l’article 59 de la loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003, l’article 135 de la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 et l’article L. 262-24 du code de l’action sociale et des familles ont déjà été déclarés conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans ses décisions n° 2003-487 DC du 18 décembre 2003, n° 2003-489 DC du 29 décembre 2003 et n° 2009-599 DC du 29 décembre 2009, le requérant invoque le changement dans les circonstances de fait, du fait d’un alourdissement considérable des charges transférées, résultant, selon lui, de l’inadaptation des prescriptions législatives à l’évolution des charges transférées, en se référant notamment au rapport public de la Cour des comptes de 2009 ; que l’article 2 de la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005, l’article 7 de la loi n° 2008-1249 du 1er décembre 2008 et l’article 51 de la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 n’ont pas été examinés par le Conseil constitutionnel ;

 

Considérant que le moyen tiré de ce que les dispositions litigieuses portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, et notamment à la libre administration des collectivités territoriales garantie par l’article 72 de la Constitution et au quatrième alinéa de son article 72-2 selon lequel « toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d’augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi », faute d’avoir suffisamment prévu les garanties effectives d’une telle compensation, présente un caractère sérieux ; qu’ainsi, il y a lieu de transmettre au Conseil d’Etat la question prioritaire de constitutionnalité invoquée ;

 

Considérant qu’en revanche il n’y a pas lieu de transmettre au Conseil d’Etat la question relative à la constitutionnalité de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005, en tant qu’elle institue une prestation de compensation pour les personnes handicapées, qui ne présente pas un caractère sérieux, dès lors que le département n’identifie pas précisément la disposition législative instituant le mécanisme financier compensatoire relatif à cette prestation et que l’insuffisance effective de compensation financière n’est pas démontrée, alors que, bien au contraire, cette prestation a bénéficié de la part de l’Etat d’un financement globalement excédentaire ;

 

 

 

 

ORDONNE :

 

 

Article 1er : La question de la conformité à la Constitution de l’article L. 232-21 du code de l’action sociale et des familles, dans sa rédaction issue de l’article 1er de la loi n° 2001-647 du 20 juillet 2001, de l’article 12 de la loi n° 2004-626 du 30 juin 2004, dans sa rédaction issue de l’article 55 de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005, de l’article 4 de la loi n° 2003-1200 du 18 décembre 2003, de l’article 59 de la loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003, de l’article 2 de la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005, de l’article L. 262-24 du code de l’action sociale et des familles, dans sa rédaction issue de l’article 3 de la loi n° 2008-1249 du 1er décembre 2008, de l’article 7 de la loi n° 2008-1249 du 1er décembre 2008, de l’article 51 de la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 et de l’article 135 de la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 est transmise au Conseil d’Etat.

 

Article 2 : La question de la conformité à la Constitution des dispositions de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005, en tant qu’elle concerne la prestation de compensation des personnes handicapées, n’est pas transmise au Conseil d’Etat.

 

Article 3 : Il est sursis à statuer sur la requête du DEPARTEMENT DE LA SOMME, jusqu'à la réception de la décision du Conseil d'Etat ou, s'il a été saisi, jusqu’à ce que le Conseil constitutionnel ait tranché la question de constitutionnalité ainsi soulevée.

 

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée au DEPARTEMENT DE LA SOMME, au ministre des solidarités et de la cohésion sociale et au Premier ministre.

 

Fait à Amiens, le 2 février 2011.

 

 

 

Le président de la 3ème chambre,

 

 

 

 

T. CELERIER

 

 

 

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la cohésion sociale, en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente ordonnance.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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