Tribunal administratif de Montreuil

Jugement du 28 janvier 2011 n° 1009267

28/01/2011

Renvoi

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

de MONTREUIL

 

 

N° 1009267

___________

 

DEPARTEMENT

DE LA SEINE-SAINT-DENIS

___________

 

M. Formery

Président-rapporteur

__________

 

M. Lamy

Rapporteur public

___________

 

Audience du 27 janvier 2011

Lecture du 28 janvier 2011

___________

54-10-01-02

54-10-05-01-03

54-10-05-02-02

54-10-07-01

C

 

 

 

 

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

 

 

 

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

 

 

Le Tribunal administratif de Montreuil

 

(2ème chambre),

 

 

Vu le mémoire, enregistré le 3 décembre 2010, présenté pour le DEPARTEMENT DE LA SEINE-SAINT-DENIS, en application de l’article 23-2 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, par Me Seban ; le DEPARTEMENT DE LA SEINE-SAINT-DENIS demande au Tribunal, à l’appui de sa requête, enregistrée sous le même n° 1009267, tendant à la condamnation de l’Etat à lui verser une somme de 302 713 952, 52 euros, en compensation des dépenses engagées au titre du revenu minimum d’insertion et du revenu de solidarité active :

 

1°) de transmettre au Conseil d’Etat, aux fins de renvoi au Conseil constitutionnel, la question de la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l’article 4 de la loi n° 2003-1200 du 18 décembre 2003, de l’article 59 de la loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003, de l’article 2 de la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005, de l’article L. 262-24 du code de l’action sociale et des familles, de l’article 7 de la loi n° 2008-1249 du 1er décembre 2008, de l’article 51 de la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008, et de l’article 135 de la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 ;

 

2°) de surseoir à statuer jusqu’à ce que le Conseil constitutionnel se soit prononcé ;

 

Elle soutient que l’article 4 de la loi n° 2003-1200 du 18 décembre 2003, de l’article 59 de la loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003, de l’article 2 de la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005, de l’article L. 262-24 du code de l’action sociale et des familles, de l’article 7 de la loi n° 2008-1249 du 1er décembre 2008, de l’article 51 de la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008, et de l’article 135 de la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009, qui sont applicables au litige et qui n’ont pas été déclarés conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel, sont contraires aux articles 72 et 72-2 de la Constitution, ainsi qu’au principe d’intelligibilité de la loi ;

 

 

Vu le mémoire en défense, enregistré le 12 janvier 2011, présenté pour le Premier ministre, par le ministre du travail, de l’emploi et de la santé, qui soutient que les conditions posées par l’article 23-2 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 ne sont pas remplies ;

 

 

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 21 janvier 2011, présenté pour le DEPARTEMENT DE LA SEINE-SAINT-DENIS, par Me Seban, qui tend aux mêmes fins que sa requête ;

 

 

Vu les autres pièces du dossier ;

 

Vu la Constitution, et notamment son article 61-1 ;

 

Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

 

Vu la loi organique n° 2004-758 du 29 juillet 2004 relative à l’autonomie financière des collectivités territoriales, prise pour l’application de l’article 72-2 de la Constitution ;

 

Vu le code de l’action sociale et des familles ;

 

Vu la loi n° 2003-1200 du 18 décembre 2003 ;

 

Vu la loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003 ;

 

Vu la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 ;

 

Vu la loi n° 2008-1249 du 1er décembre 2008 ;

 

Vu la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 ;

 

Vu la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 ;

 

Vu le code de justice administrative ;

 

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

 

Après avoir entendu, au cours de l’audience publique du 27 janvier 2011 :

 

- le rapport de M. Formery, président de la 2ème chambre ;

 

- les conclusions de M. Lamy, rapporteur public ;

 

- les observations de Me Ramel substituant Me Seban, pour le DEPARTEMENT DE LA SEINE-SAINT-DENIS ;

 

 

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

 

 

Considérant qu’il résulte des dispositions combinées des premiers alinéas des articles 23-1 et 23-2 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, que le tribunal administratif saisi d’un moyen tiré de ce qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution présenté dans un écrit distinct et motivé, statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d’Etat et procède à cette transmission si est remplie la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu’elle n’ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question ne soit pas dépourvue de caractère sérieux ;

 

 

Considérant, en premier lieu, que le litige qui oppose le DEPARTEMENT DE LA SEINE-SAINT-DENIS à l’Etat porte sur la réparation du préjudice allégué par cette collectivité territoriale et dont elle estime qu’il a résulté de l’insuffisance des ressources attribuées par l’Etat pour lui permettre d’assurer le financement des dépenses engagées au titre du revenu minimum d’insertion et du revenu de solidarité active ;

 

 

Considérant qu’aux termes de l’article 135 de la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009, loi de finances pour 2010 : « I. ― Après l’article L. 262-7 du code de l’action sociale et des familles, il est inséré un article L. 262-7-1 ainsi rédigé : « Article L. 262-7-1.- Par dérogation au 1° de l’article L. 262-4, une personne âgée de dix-huit ans au moins et de vingt-cinq ans au plus bénéficie du revenu de solidarité active sous réserve d’avoir, dans des conditions fixées par décret, exercé une activité professionnelle pendant un nombre déterminé d’heures de travail au cours d’une période de référence précédant la date de la demande » (…) IV. ― Pour l’année 2010, par exception aux dispositions de l’article L. 262-24 du code de l’action sociale et des familles, le fonds national des solidarités actives finance la totalité des sommes payées au titre de l’allocation de revenu de solidarité active versée aux personnes mentionnées à l’article L. 262-7-1 du même code » ;

 

 

Considérant que ces dispositions ne prévoient aucun financement par les départements au titre de l’année 2010 ; qu’elles ne sont, dès lors, pas applicables au présent litige, qui tend à la condamnation de l’Etat à verser une somme de nature à compenser les dépenses engagées par le département au titre du revenu minimum d’insertion et du revenu de solidarité active ; qu’il n’y a donc pas lieu de transmettre au Conseil d’Etat la question de la conformité de ces dispositions aux droits et libertés garantis par la Constitution ; que les autres dispositions contestées doivent être regardées comme applicables au litige ;

 

 

Considérant, en deuxième lieu, que, s’il est constant que l’article 4 de la loi n° 2003-1200 du 18 décembre 2003, l’article 59 de la loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003, et l’article L. 262-24 du code de l’action sociale et des familles ont déjà été déclarés conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif de décisions du Conseil constitutionnel, le requérant est fondé à soutenir que, du fait notamment de l’intervention de la loi organique susvisée du 29 juillet 2004 relative à l’autonomie financière des collectivités territoriales, prise pour l’application de l’article 72-2 de la Constitution, et des liens étroits qui unissent les textes déjà examinés par le Conseil constitutionnel et ceux qui sont postérieurs à cet examen, des changements des circonstances de droit et de fait justifient que le Conseil constitutionnel puisse se prononcer à nouveau sur ces dispositions ;

 

 

Considérant que l’article 2 de la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005, l’article 7 de la loi n° 2008-1249 du 1er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active et l’article 51 de la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009 n’ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel ;

 

 

Considérant, en troisième lieu, que le moyen tiré de ce que ces dispositions portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, notamment aux articles 72 et 72-2 de celle-ci, pose une question qui n’est pas dépourvue de caractère sérieux ; qu’en revanche, la méconnaissance de l’objectif de valeur constitutionnelle d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi ne peut, en elle-même, être invoquée à l’appui d’une question prioritaire de constitutionnalité sur le fondement de l’article 61-1 de la Constitution ; que ce dernier moyen, dépourvu de caractère sérieux, ne peut qu’être écarté ;

 

 

Considérant que, dans ces conditions, il y a lieu de faire application des dispositions précitées de l’article 23-2 de l’ordonnance susvisée du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, et de transmettre au Conseil d’Etat la question de la conformité à la Constitution des dispositions contenues dans l’article 4 de la loi n° 2003-1200 du 18 décembre 2003, l’article 59 de la loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003, l’article 2 de la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005, l’article L. 262-24 du code de l’action sociale et des familles, l’article 7 de la loi n° 2008-1249 du 1er décembre 2008 et l’article 51 de la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 ;

 

 

 

 

 

 

 

 

 

DECIDE :

 

 

 

 

Article 1er : La question prioritaire de constitutionnalité relative à l’article 4 de la loi n° 2003-1200 du 18 décembre 2003, l’article 59 de la loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003, l’article 2 de la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005, l’article L. 262-24 du code de l’action sociale et des familles, l’article 7 de la loi n° 2008-1249 du 1er décembre 2008 et l’article 51 de la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008, est transmise au Conseil d’Etat.

 

 

 

Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête du DEPARTEMENT DE LA SEINE-SAINT-DENIS, jusqu’à la réception de la décision du Conseil d’Etat ou, s’il a été saisi, jusqu’à ce que le Conseil constitutionnel ait tranché la question de constitutionnalité ainsi soulevée.

 

 

Article 3 : Le présent jugement sera notifié au DEPARTEMENT DE LA SEINE-SAINT-DENIS et au Premier ministre.

 

 

Délibéré après l’audience du 27 janvier 2011, à laquelle siégeaient :

 

M. Formery, président,

Mme Dibie, premier conseiller,

M. Fuchs, conseiller,

 

Lu en audience publique le 28 janvier 2011.

 

 

Le président rapporteur,

 

 

signé

 

 

S-L. Formery

Le conseiller le plus ancien,

 

 

signé

 

 

A. Dibie

 

 

Le greffier,

 

 

signé

 

 

A. Pigeot

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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N° 1009267