Propos introductif - La QPC, 10 ans de jurisprudence

14/12/2022

Nicolas BONNAL

Écrit par
Nicolas BONNAL
Conseiller à la Cour de cassation, membre du comité scientifique QPC 2020

Dans cette dernière partie, sont présentés les résultats de recherche de cinq équipes qui représentent la quasi-totalité de celles qui ont travaillé sur la QPC vue au prisme d'un champ du droit particulier.

A elles seules, ces cinq équipes ambitionnent d'embrasser une large part de l'activité du Conseil constitutionnel, puisque, si l'on additionne les corpus de décisions étudiées par chacune d'entre elles, qui vont de 14 pour le droit pénal de l'expression et de la communication à 228 pour l'économie, en passant par 26 pour le droit de la culture, 44 pour celui de l'environnement et 55 pour celui de la santé, on arrive à un total de 367 décisions, soit à peu près la moitié des décisions rendues par le Conseil constitutionnel sur des questions prioritaires de constitutionnalité au moment où chaque équipe a stabilisé le corpus qu'elle se proposait d'étudier.

Pour autant, les recherches qui vont être présentées n'ont pas porté que sur les décisions rendues par le Conseil constitutionnel. Certaines d'entre elles, notamment celles portant sur les droits de la communication, de l'environnement et de la santé, se sont aussi intéressées, dans une approche globale de l'ensemble du mécanisme, aux décisions des juridictions du filtre, voire à celles des juges a quo.

Chacune des équipes a adopté une méthode de travail spécifique. Certaines proposent une réflexion très générale sur un champ d'activité vu comme un champ du droit au travers de la QPC (c'est notamment le cas de l'étude consacrée au droit de la culture), d'autres ont choisi une approche plus casuistique, qui passe par de véritables monographies décision par décision (c'est le choix opéré par l'équipe ayant travaillé sur le droit de la communication). D'autres encore complètent et enrichissent l'approche nationale par des éclairages de droit comparé (ainsi, la recherche portant sur le droit de l'environnement).

Reste que, malgré la diversité des méthodes, ces études, pour reprendre le titre de l'autre projet centré sur un champ du droit déjà présenté en partie n°2, portant sur le droit fiscal, offrent toutes une double approche des apports croisés du champ du droit retenu et de la technique de la QPC.

D'une part, quel impact a eu la QPC, c'est-à-dire la jurisprudence du Conseil constitutionnel, mais aussi et dans une moindre mesure celle des juridictions du filtre exprimée notamment dans des décisions disant n'y avoir lieu à renvoyer une question au Conseil, sur le domaine du droit considéré : autrement dit, en ces dix premières années, cette procédure a-t-elle sécurisé, bousculé, fragilisé, remis en question, fait évoluer ? L'appréciation livrée sur ce point est contrastée. Des décisions du Conseil constitutionnel ont fait évoluer de façon significative des règles qui paraissaient intangibles (ainsi de la décision sur la réparation, devant la juridiction de droit commun, de certaines conséquences dommageables de la faute inexcusable de l'employeur). D'autres ont sécurisé certains points qui pouvaient paraître contestés et donc fragiles (par exemple la question du respect des formalités imposées à l'acte introductif d'instance en droit de la presse, y compris en matière civile). D'autres enfin révèlent une réelle difficulté dans l'approche constitutionnelle des questions.

D'autre part, comment, au travers de chacun de ces domaines, la procédure de la QPC a elle-même évolué, ou comment cette confrontation avec ces champs du réel nous en montre les richesses ou les limites ? Les propositions formulées par les différentes équipes portent à cet égard sur des sujets transversaux aussi divers que la motivation des décisions de non-renvoi, l'élargissement du droit d'action de certains acteurs institutionnels, mais aussi sur des sujets propres à chaque secteur de droit concerné, notamment relativement à la mobilisation, par les poseurs de question comme par le Conseil constitutionnel lui-même, de principes constitutionnels encore trop peu exploités.