Procédure législative et QPC

14/12/2022

Procédure législative et QPC : Recherche pluridisciplinaire sur de nouvelles interactions institutionnelles

Responsables scientifiques

Sophie DE CACQUERAY
Maître de conférences HDR à l’Université Aix Marseille, UMR 7318, DICE, ILF-Gerjc
Sophie HUTIER
Maître de conférences à l’Université Aix Marseille, UMR 7318, DICE, ILF-Gerjc

Auteurs

Audrey BACHERT-PERETTI
Docteur de l’Université Aix Marseille, UMR 7318, DICE, ILF-Gerjc
William BENESSIANO
Maître de conférences HDR à l’Université Aix Marseille, UMR 7318, DICE, ILF-Gerjc
Bertrand-Léo COMBRADE
Maître de conférences en droit public à l’Université de Picardie-Jules Verne / CURAPP-ESS UMR 7319
Sophie DE CACQUERAY
Maître de conférences HDR à l’Université Aix Marseille, UMR 7318, DICE, ILF-Gerjc
Audrey DE MONTIS
Maître de conférences à l’Université de Rennes 1
Laurent DOMINGO
Maître des requêtes, Conseil d’État
Adriano EVANGELISTI
Doctorant à l’Université Aix Marseille, UMR 7318, DICE, ILF-Gerjc
Alexis FOURMONT
Maître de conférences à l’Université Paris 1
Bastien GARCIA
Doctorant contractuel à l’Université Aix Marseille, UMR 7318, DICE, ILF-Gerjc
Richard GHEVONTIAN
Professeur émérite à l’Université Aix Marseille, UMR 7318, DICE, ILF-Gerjc
Marc GUERRINI
Maître de conférences à l’Université Paris 1
Sophie HUTIER
Maître de conférences à l’Université Aix Marseille, UMR 7318, DICE, ILF-Gerjc
Priscilla JENSEL-MONGE
Maître de conférences à l’Université Aix Marseille, UMR 7318, DICE, ILF-Gerjc
Sophie LAMOUROUX
Maître de conférences HDR à l’Université Aix Marseille, UMR 7318, DICE, ILF-Gerjc
Laurent LEOTHIER
Docteur de l’Université Aix Marseille, UMR 7318, DICE, ILF-Gerjc
Valentine MARTIN
Doctorante en droit public à l’Université de Lille, Centre de recherche Droits et perspectives du droit – Équipe de recherche en droit public (CRDP-ERDP)
Éric OLIVA
Professeur à l’Université Aix Marseille, UMR 7318, DICE, ILF-Gerjc
Jean-Baptiste PERRIER
Professeur à l’Université Aix Marseille, Ispec
Nathalie Audrey RUBIO
Maître de conférences à l’Université Aix Marseille, Cergam, FEG
Ariane VIDAL-NAQUET
Professeur à l’Université Aix Marseille, UMR 7318, DICE, ILF-Gerjc
David YTIER
Docteur de l’Université Aix Marseille, Ceff

Transposer la théorie scientifique de l'effet papillon à l'analyse juridique permettrait d'expliquer les effets produits par l'introduction de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC). Si l'introduction d'un contrôle a posteriori a eu un retentissement important sur le fonctionnement juridictionnel français, il connaît également un impact décisif sur les institutions de l'État, et plus particulièrement sur celles intervenant dans le processus législatif.

Objectifs et problématique retenus :

La question prioritaire de constitutionnalité constitue un enjeu décisif pour les acteurs de la procédure législative qui ne disposent plus de la maîtrise de leurs actes. Ainsi, en permettant au justiciable, en application de l'article 61-1 de la Constitution, de contester la validité de la loi, le constituant du 23 juillet 2008 a autorisé, en cas de contrariété aux droits et libertés garantis par la Constitution, une remise en cause de la loi. Ce changement a inévitablement entraîné des répercussions sur l'adoption de la loi et sur ses acteurs.

Dans ce contexte, la recherche s'interroge sur les modalités de la prise en compte de la QPC et ses conséquences lors de la préparation des textes législatifs. Il s'agit plus particulièrement d'identifier dans quelle mesure le Gouvernement et le Parlement anticipent le contrôle de constitutionnalité a posteriori ou encore de quelle manière les institutions ont endossé un rôle spécifique dans la procédure de la QPC pour permettre son effectivité(1).

L'analyse du lien entre la QPC et les organes de l'État s'impose d'autant plus que cette question préjudicielle a pris naissance au sein des institutions françaises après plusieurs « tentatives manquées »(2) d'introduire un tel processus. S'il a fallu attendre le début des années 1980 pour que se développe en France une véritable « culture de constitutionnalité »(3), l'hostilité du Sénat, associée à un défaut d'enthousiasme, justifia l'abandon d'une telle réforme. Il faudra attendre un contexte renouvelé pour que soit de nouveau envisagé un contrôle a posteriori et notamment « l'imprégnation de plus en plus importante des droits et libertés fondamentaux » ainsi que « l'importance prise par le contrôle de conventionnalité » dans la protection de ces droits et libertés(4).

Principales conclusions de la recherche :

Cette réforme constitutionnelle emporte des incidences décisives sur les acteurs de la procédure législative. Alors que le contrôle a priori d'origine apparaît clairement comme une étape de la procédure législative par la possibilité d'une intervention du Conseil constitutionnel à l'issue du vote de la loi par le Parlement, l'ajout dans la Constitution de l'article 61-1 a modifié la situation. Désormais, le contrôle a posteriori ne peut s'apparenter à une étape de la procédure législative puisqu'il peut intervenir largement en aval de celle-ci et fait apparaître une nouvelle entité : le citoyen.

En invoquant ses droits et libertés, le citoyen devient acteur de la défense de l'État de droit. Par la même, il s'est invité de manière indirecte dans le jeu institutionnel qui, antérieurement, était l'apanage des pouvoirs publics (A) et aboutissant à modifier les modalités des rapports institutionnels (B).

 

A) La rétroaction de la QPC sur le processus législatif

Depuis l'instauration de la QPC, le législateur doit tenir compte d'un nouveau paramètre dans l'élaboration de la loi. La QPC a mis fin à « l'intangibilité de la loi promulguée »(5) favorisant une certaine « fragilité constitutionnelle »(6). Le législateur doit désormais intégrer cette contrainte lors du travail d'élaboration de la loi (1) et répondre aux QPC rendues (2).

1. Une rétroaction en amont : l'anticipation des QPC

La QPC doit être appréhendée comme « un maillon de l'insécurisation de la loi au profit de la sécurité juridique »(7). Cette forme d'insécurité dont souffre la loi se répercute à chaque étape de la procédure législative, sauf à risquer une possible remise en cause de celle-ci.

1.1 Étude de la phase gouvernementale

L'obligation d'intérioriser ce risque constitutionnel a renforcé le développement d'un réflexe constitutionnel déjà connu des institutions intervenant dans le processus législatif. Tant les ministres que les parlementaires intégraient le questionnement constitutionnel. Toutefois, il est à relever que la « QPC incite le Parlement, tout comme le Gouvernement, à intensifier leur lecture préventive et anticipatrice du contrôle de constitutionnalité au moment de l'élaboration de la loi afin de pouvoir conserver la maîtrise et l'initiative des réformes législatives »(8). Cette intensification s'observe non seulement au stade parlementaire mais aussi en amont lors de la phase d'écriture des projets de loi.

D'abord au niveau ministériel et même si cette étape préparatoire est soumise à un principe de confidentialité(9), l'on peut constater que les interrogations sur la constitutionnalité d'un projet de loi apparaissent dès l'origine de la rédaction des textes puisqu'il est « impératif de veiller scrupuleusement à ce que les nouvelles dispositions édictées se trouvent en harmonie avec la hiérarchie des textes déjà en vigueur ou susceptibles de l'être à la date à laquelle ces dispositions prendront effet », au risque de s'exposer à des « désordres juridiques »(10).

La question de constitutionnalité se pose ainsi tout au long de la phase préparatoire et de manière visible par la publication des études d'impact et de l'avis du Conseil d'État. Pour leur part, les études d'impact visent notamment à exposer « avec précision » l'impact du texte sur « l'ordre juridique interne » (11).

Depuis 2009, l'on constate une évolution dans la rédaction des études d'impact tendant à accroître l'intégration des questions de constitutionnalité. Si à ce stade, et fort logiquement, il n'est fait aucune distinction entre la jurisprudence issue de l'article 61 et celle provenant de l'article 61-1 de la Constitution, « le degré d'approfondissement de l'examen préalable de constitutionnalité est fonction de la difficulté des questions soulevées, cette dernière étant largement tributaire de la jurisprudence du Conseil constitutionnel »(12). Cette variation résulte de l'absence de difficultés juridiques particulières ou d'un « risque contentieux spécifique »(13). Parfois, cette prise en compte de la constitutionnalité d'une disposition a même pu conduire le Gouvernement à abandonner son désir de faire adopter une disposition législative. Tel a notamment été le cas dans le projet de loi relatif à l'élection des sénateurs qui introduisait un mécanisme de pondération des voix, analysé comme contraire à l'article 3 de la Constitution.

Ensuite, l'analyse constitutionnelle du texte par le Conseil d'État constitue « une mission traditionnelle » du conseiller du Gouvernement. Dans ce cadre, le Conseil d'État, rend « un avis qui est constitué par le projet de texte qu'il a amendé, soit qu'il retire des dispositions, en modifie d'autres, ou encore en ajoute. Le cas échéant, le Conseil d'État peut assortir son avis d'une note au Gouvernement par laquelle il formule des observations sur des dispositions en particulier afin de justifier sa position sur tel ou tel point »(14). L'avis rendu par le Conseil d'État rend donc compte de la position définitive du Conseil d'État mais ne permet pas d'appréhender l'intégralité des échanges qui ont eu lieu en amont à la fois au sein du Conseil d'État et avec le Gouvernement. Il est d'ailleurs assez fréquent que le texte gouvernemental évolue au gré de ces échanges.

À l'instar des études d'impact, cette « mission traditionnelle » du Conseil d'État connaît un certain renforcement en raison de l'augmentation des décisions rendues par le Conseil constitutionnel et de l'enrichissement de la jurisprudence qui en découle. Toutefois, cette analyse constitutionnelle n'équivaut pas à un brevet de constitutionnalité car l'avis formulé par le Conseil d'État ne concerne que le texte originel. Or, l'on sait que le texte adopté définitivement par le Parlement est parfois totalement différent du projet initial.

1.2 Étude de la phase parlementaire

Le réflexe constitutionnel doit inévitablement perdurer dans la phase parlementaire de l'adoption de la loi. L'intérêt porté aux questions constitutionnelles se formalise par un « travail technique »(15) approfondi. Ainsi, les administrateurs des assemblées sont appelés à mener une veille jurisprudentielle permettant d'accompagner les élus tout au long du processus législatif au sein du Parlement tant lors de l'étude des projets de loi que des propositions de loi.

Plus largement, les questions constitutionnelles sont abordées lors des différentes phases du travail parlementaire d'élaboration de la loi et selon des degrés divers. Ainsi, l'examen du texte en commission, qui constitue une réunion de techniciens, favorise la prise en compte de la dimension constitutionnelle des textes et particulièrement lors de la première lecture d'un texte législatif. Il s'agit selon les termes de la présidente de la commission des lois de l'Assemblée nationale « d'une préoccupation constante »(16). En outre, le rapporteur « apparaît à la fois comme le personnage clé et l'élément moteur de la discussion » qui doit mettre en garde les parlementaires sur les conséquences constitutionnelles de certains amendements(17). Cet examen se répercute bien souvent sur l'examen en séance par la reprise des arguments déjà étudiés et retranscrits dans les rapports parlementaires(18). À cet égard, les arguments de constitutionnalité développés par les parlementaires, conscients de « l'inéluctabilité de la QPC »(19), sont désormais affinés et reposent sur des dispositions juridiques précises, des décisions du Conseil constitutionnel et même parfois sur les commentaires aux cahiers du Conseil constitutionnel(20). De même, l'on constate que plusieurs raisonnements juridiques sont désormais combinés : une lecture a contrario ; un raisonnement par analogie ou un simple « copier-coller » d'une décision du Conseil constitutionnel(21).

Ce réflexe constitutionnel est commun aux deux assemblées et ne semble pas marquer une différence entre les chambres. Il n'en demeure pas moins que les arguments de constitutionnalité mobilisés sont « orientés »(22) puisqu'ils répondent à une stratégie politique. Ils sont soit utilisés comme une arme pour s'opposer à certaines dispositions ou à l'inverse pour soutenir certaines dispositions(23). Sur certains textes politiquement sensibles, les références constitutionnelles proviennent en toute logique majoritairement de l'opposition. Tel a été le cas lors de l'examen en première lecture à l'Assemblée nationale de la loi du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe où 55 % des références constitutionnelles proviennent de l'opposition, 22 % de la majorité et 23 % des membres de l'exécutif. À l'inverse, la QPC est regardée comme « un allié des parlementaires face au Gouvernement dans la mesure où certaines décisions « emblématiques » rendues en QPC ont permis de lancer des débats sur des sujets que le Gouvernement ne souhaitait pas inscrire à l'ordre du jour (hospitalisation sans consentement, garde à vue, nom de domaine sur Internet, interdiction de l'adoption au sein d'un couple non marié) »(24).

Plus concrètement, cette utilisation de l'argument juridique amène le législateur à adopter différentes attitudes. Tout d'abord, à l'aune d'un risque constitutionnel, il choisit parfois de faire preuve de prudence dans l'écriture de la loi, voire d'abandonner la disposition suspecte. Ainsi, lors du débat concernant la loi ordinaire pour la confiance de la vie politique, le législateur souhaitait interdire l'inscription sur les listes électorales de toute personne dont le bulletin n° 2 du casier judiciaire comportait la mention d'une condamnation. Or, cette éventualité soulevait des problèmes de constitutionnalité évidents, qui ont entraîné son abandon malgré la promesse de campagne du candidat Emmanuel Macron.

Inversement, le législateur peut être conduit à encourir un risque d'abrogation et ainsi mener un « bras de fer » avec le Conseil constitutionnel. Cette attitude persistante se justifie généralement pour des « raisons politiques »(25). Ainsi, lors de la crise des gilets jaunes et des manifestations violentes, la majorité a maintenu une disposition permettant à l'autorité administrative de prononcer l'interdiction de manifester sur la voie publique à l'encontre d'une personne constituant une menace d'une particulière gravité pour l'ordre public dans la loi visant à renforcer le maintien de l'ordre public lors de manifestations, qui fut abrogée pour non-respect du droit d'expression collective des idées et des opinions(26).

Cette persistance s'observe parfois pour des « raisons juridiques [...] lorsque le législateur maintient sciemment sa disposition « risquée » pour pousser le Conseil constitutionnel à faire évoluer sa jurisprudence »(27). En ce sens, l'examen de la loi mettant fin à la recherche ainsi qu'à l'exploitation des hydrocarbures et portant diverses dispositions relatives à l'énergie et à l'environnement avait fait surgir des interrogations sur la constitutionnalité de plusieurs dispositions qui furent maintenues pour contraindre le Conseil constitutionnel à trouver un nouvel équilibre entre le droit de propriété et la Charte de l'Environnement. Dans tous les cas, ce qui peut s'apparenter à une forme d'audace de la part du législateur conduit nécessairement à faire reporter la responsabilité de la non-entrée en vigueur de la loi sur le juge constitutionnel dès lors que celui-ci déclare la loi contraire à la Constitution.

2. La rétroaction en aval : la réponse du législateur

De manière inattendue, le législateur est invité à répondre aux QPC rendues en intervenant alors dans une « logique de correction des inconstitutionnalités »(28). Celui-ci est appelé à se prononcer après une déclaration de censure d'une disposition législative avec effet immédiat et surtout après une décision d'abrogation(29) afin de « prévenir tout désordre juridique », de « tirer les conséquences de l'inconstitutionnalité » ou encore « ne pas aggraver la méconnaissance de principes ou dispositions constitutionnelles »(30).

Cette intervention sollicitée par le Conseil constitutionnel auprès du législateur implique une adaptation permanente de nos institutions renforçant par ce biais la contrainte constitutionnelle. Cet aspect est particulièrement prégnant en matière financière et fiscale parce que les décisions du Conseil constitutionnel « sont susceptibles de générer ce que l'on appelle un contentieux de masse »(31). Tel est par exemple le cas de la décision n° 2017-660 QPC du 6 octobre 2017, Société de participations financière(32), relative à la contribution de 3 % sur les montants distribués, dans laquelle le Conseil constitutionnel abroge avec effet immédiat l'article 235 ter ZCA du Code général des impôts (CGI), porteur d'une discrimination « à rebours ». « Le coût de cette décision a été estimé, à l'époque peut-être de façon exagérée à près de 10 milliards d'Euros. Par conséquent, l'équilibre budgétaire et financier étant bouleversé, la décision a provoqué le dépôt d'une loi de finances rectificative(33) dont l'un des principaux objets était, selon l'exposé des motifs, de tirer les conséquences de la censure par le Conseil constitutionnel de la contribution de 3 % sur les dividendes distribués »(34).

Qui plus est, cette nouvelle contrainte contient une dimension temporelle non négligeable. Le temps accordé pour remédier à l'inconstitutionnalité après injonction apparaît variable, allant de 3 semaines(35) jusqu'à plusieurs mois. Même dans ce dernier cas de figure, le calendrier peut s'avérer particulièrement contraint. Ainsi, la loi du 5 juillet 2011, relative aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge, qui avait déjà pour objet de remédier à une déclaration d'inconstitutionnalité (décision n° 2010-71 QPC du 26 novembre 2010, Mlle Danielle S.) a également servi à purger une autre inconstitutionnalité dont la déclaration est intervenue pendant l'élaboration de la loi. Le Conseil constitutionnel dans la décision n° 2011-135/140 QPC du 9 juin 2011, M. Abdellatif B. et autre, avait non seulement laissé un délai de 50 jours au législateur pour intervenir mais a de surcroît imposé la troisième lecture du texte et ce, avant la fin du mois de juin, date de la clôture de la session ordinaire du Parlement, faute de quoi, le Parlement aurait dû se réunir en session parlementaire extraordinaire(36).

Ce qui est parfois appréhendé comme une « prise en otage du calendrier parlementaire » contraint le législateur et fait apparaître le « décalage entre deux temporalités aux exigences différentes »(37) en mettant dos à dos l'immédiateté nécessaire de la justice et la prise de recul qui caractérise le travail du législateur. Or, cette accélération imposée du temps législatif a pour effet de minimiser le débat politique en faveur d'une discussion juridique qui peut être parfois contestée.

Cette contrainte semble d'ailleurs justifier la nature de l'intervention du législateur « à titre curatif ». Celle-ci conduit le plus souvent à une intervention a minima ayant comme seul objectif de tirer les conséquences de la déclaration d'inconstitutionnalité ainsi que permet de le constater la méthode utilisée et l'analyse des discussions. S'agissant de la méthode, la réponse du législateur peut s'opérer par deux modalités différentes : le dépôt d'une nouvelle initiative législative ayant spécialement pour objet de remédier à cette inconstitutionnalité ou la réparation par voie d'amendement dans une initiative existante. Or, excepté quelques cas(38), la seconde méthode est privilégiée conduisant à utiliser le texte en cours de discussion le plus en lien avec la disposition devant être corrigée. Le lien peut s'avérer soit très étroit ou plus ténu voire conduire le législateur à intégrer la disposition devant être corrigée dans une loi « fourre-tout ». Tel a été le cas avec la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice qui tient compte de 6 décisions QPC allant de la motivation de la peine dans les arrêts de cour d'assises (694 QPC) à l'absence d'obligation légale d'aviser le tuteur ou le curateur d'un majeur protégé de son placement en garde à vue (730 QPC)(39).

Dès lors, la correction d'une inconstitutionnalité dans une loi « fourre-tout » pose la question du lien entre la disposition intégrée par voie d'amendement et le texte servant de support pour y remédier. Si pendant longtemps, la question s'est posée d'une possible application de la jurisprudence liée aux cavaliers législatifs(40), le Conseil constitutionnel dans la décision n° 2019‑786 DC a indiqué que « la nécessité d'assurer le respect de la Constitution se limite aux amendements destinés à rendre conforme à la Constitution le texte en discussion »(41). Ce faisant, en refusant l'insertion dans un texte en cours de discussion d'amendements sans lien direct avec le texte mais ayant pour unique objet de corriger une inconstitutionnalité, le Conseil constitutionnel renforce la contrainte pesant sur le législateur.

Ensuite, concernant le contenu de la réponse donnée, il apparaît que le législateur se limite généralement à corriger l'inconstitutionnalité. À ce titre, la lecture des travaux parlementaires fait ressortir une terminologie récurrente. Ainsi, l'on trouve irrémédiablement dans les débats l'adverbe « conformément » et la locution « tirer les conséquences » afin de marquer l'objet de l'intervention législative, ce qui renvoie « à l'idée d'un législateur suiveur, exécutant les décisions du Conseil constitutionnel »(42).

L'intervention du législateur en aval d'une QPC a produit de nouvelles contraintes sur le législateur. L'injonction ne saurait néanmoins être « assimilée à une mise sous tutelle du Parlement [mais davantage à] une pression ou une influence »(43) désormais acceptée par les acteurs de la procédure législative.

D'ailleurs, le renvoi au législateur permet d'éviter la critique qui existe en Allemagne selon laquelle la Cour constitutionnelle s'apparenterait à une «* troisième chambre législative *»(44) lorsqu'elle impose « une réglementation provisoire (vorläufige Regelung), en vue de compenser la déclaration d'inconstitutionnalité »(45).

Enfin, si des changements sont notables, l'intégration de la dimension constitutionnelle n'a pas induit un bouleversement du travail législatif. À ce titre, le nombre des références constitutionnelles émises lors de la phase parlementaire montre une forme d'endogénéisation de la procédure de QPC lors de l'élaboration de la loi par sa constance et ce, dans un contexte d'accélération du temps législatif(46). Toutefois, cette adaptation constante du législateur génère des répercussions décisives sur la nature des rapports institutionnels.

B) La reconfiguration institutionnelle induite par la QPC

En contribuant à renforcer qualitativement la loi, la QPC a également conduit à remodeler les échanges institutionnels qui interviennent lors du processus législatif. Celui-ci a donné naissance à l'émergence d'un dialogue institutionnel contradictoire (1) et a impacté l'articulation des contrôles de constitutionnalité (2).

1. L'émergence d'un débat constitutionnel contradictoire

La QPC « a brisé le monopole représentatif dans l'invocation de la Constitution, qu'exerçaient de fait les parlementaires » et au surplus la QPC a « produit enfin un décalage temporel entre l'activité législative et l'activité juridictionnelle » (47).

Or, ce décalage temporel a été analysé, comme dans le contrôle a priori, en termes de dialogue entre le juge constitutionnel et le législateur. Dans le cadre du contrôle a priori originel, un dialogue existait qui se matérialisait par des échanges et des rencontres entre les membres du Conseil constitutionnel et le secrétariat général du Gouvernement. Le Gouvernement s'imposait alors comme « l'interlocuteur »(48) privilégié du Conseil constitutionnel. Cette position de défenseur de la loi a perduré avec l'instauration de la QPC. Pour autant, elle place le Gouvernement dans une situation parfois particulière puisqu'elle le conduit à défendre des lois auxquelles il est étranger car elles ont été adoptées sous des majorités différentes. Cette ambiguïté est justifiée par une forme de « présomption selon laquelle tout Gouvernement serait favorable aux lois en vigueur dans la mesure où [...] le Premier ministre est en position de proposer la modification de toute loi qu'il estimerait devoir être corrigée »(49). La QPC fait donc apparaître le Parlement comme un nouvel interlocuteur dont le rôle est de réceptionner les décisions du Conseil constitutionnel. À titre d'exemple, lorsque le juge constitutionnel, en vertu de l'article 62 alinéa 2 de la Constitution, module ou encore reporte les effets des décisions QPC, le législateur devient destinataire de l'injonction adressée par le juge qui l'invite « à remédier à l'inconstitutionnalité constatée »(50) dans un intervalle temporel déterminé par le report de l'abrogation de la disposition législative.

Ce qui était appréhendé comme un dialogue fondé sur une forme de collaboration intégrant le juge constitutionnel dans le processus législatif n'a en réalité peut-être jamais été « un dialogue mais le jeu de deux acteurs institutionnels qui adoptent un comportement juridique type et qui tirent les conséquences nécessaires de l'autorité de chose jugée du Conseil constitutionnel »(51). Cette analyse repose sur une lecture partielle de l'article 62 de la Constitution selon lequel les décisions du Conseil constitutionnel s'imposent à tous les pouvoirs publics qui, depuis l'instauration de la QPC a pris tout son sens.

Cette transformation ressort de « la juridictionnalisation du procès constitutionnel, la dépolitisation de la question constitutionnelle et, enfin, [de] la judiciarisation du débat parlementaire »(52). La juridictionnalisation se manifeste par la reconnaissance de parties, l'organisation d'une audience publique et surtout par une procédure désormais formalisée devant le juge constitutionnel. D'ailleurs, les acteurs institutionnels sont intégrés à celle-ci par la possibilité qui leur est offerte de présenter des observations sur les QPC examinées par le juge(53). Quant à la judiciarisation, elle résulte de ce que la QPC conduit à une « lecture préventive et anticipatrice du contrôle de constitutionnalité »(54). Dès lors, les rapports institutionnels ne peuvent plus être analysés à l'aune du dialogue mais sous l'angle du respect du procès équitable et notamment du principe du contradictoire. La QPC présente effectivement toutes les caractéristiques du procès telles qu'un litige, la défense des intérêts des parties et l'autorité de chose jugée. Or, cette lecture sous l'angle du procès équitable et du respect du contradictoire était déjà contenue dans l'article 62 de la Constitution qui impose simplement le respect des décisions de justice.

Cette reconfiguration n'en est probablement qu'à ses débuts puisque l'on constate que les assemblées parlementaires restent à l'écart du procès QPC préférant le statut de « spectateur » à la différence de l'exécutif(55). À ce jour, le président de l'Assemblée nationale n'a présenté des observations que lors de quatre QPC intervenues exclusivement au cours de la première année de mise en œuvre de la QPC. Quant au président du Sénat, il n'est intervenu de manière ciblée qu'à deux reprises soit pour défendre son institution soit pour défendre ce que représente son institution, c'est-à-dire la représentation des collectivités territoriales de la République.

En revanche, l'exécutif adopte un positionnement très différent. Il apparaît dans la « quasi-totalité des cas »(56) comme le défenseur de la loi. Toutefois, ce rôle est dévolu au seul Gouvernement puisque le président de la République apparaît très en retrait n'ayant jamais éprouvé la nécessité de présenter des observations comme la loi organique l'y autorise. Cette répartition des rôles se justifie par la fonction d'exécution de la loi confiée depuis l'origine de la Ve République au Gouvernement. Dès lors, « si en contrôle DC les institutions fournissent des observations au Conseil, la portée n'est pas la même en QPC où les observations sont fournies par l'autorité constitutionnelle chargée d'exécuter la loi en cause »(57).

En outre, le débat politique ayant eu lieu précédemment au Parlement, les observations du Gouvernement sont « dépassionnées ». Plus le décalage temporel entre l'adoption de la loi et sa contestation en QPC est important, moins le conflit politique est présent, sans jamais toutefois arriver à une dépolitisation totale. En effet, dans tous les cas de figure, le Premier ministre entretient un rapport particulier avec la loi contestée pour laquelle il possède un intérêt politique à agir soit en tentant d'obtenir sa validation soit en espérant son abrogation.

Enfin, en tant qu'autorité constitutionnelle chargée de l'application des lois, le Gouvernement est « l'institution la plus à même de connaître et/ou de prévoir les effets de l'abrogation d'un texte législatif sans prévoir de substitut »(58).

2. L'irrémédiable complémentarité des contrôles de constitutionnalité

Depuis l'entrée en vigueur de la QPC, la loi est désormais sous une menace perpétuelle. Toutefois, celle-ci « n'est en procès qu'une seule fois et ce procès unique de constitutionnalité suffit, en théorie, à assurer sa perfection juridique »(59).

L'articulation des deux contrôles de constitutionnalité est dictée par les conditions de transmission des QPC et particulièrement celle qui impose que la disposition contestée n'ait « pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement de circonstances »(60). Cette condition a pour conséquence de paralyser le déclenchement d'un nouveau contrôle dès lors que le juge constitutionnel est intervenu sur une disposition législative. Dans un souci de sécurité juridique, une certaine « souplesse »(61) a été privilégiée dans l'appréciation de ce critère par les juridictions. Par ce biais, le « verrou » organique n'obère pas une possible QPC sur une loi déjà contrôlée à l'occasion du contrôle a priori dès lors qu'une disposition législative n'a pas été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs ou le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.

Cette articulation entre les contrôles consacre en réalité une « interdépendance »(62) entre les différents contrôles de constitutionnalité directement soumis aux nouvelles stratégies déployées par les acteurs politiques avant la promulgation de la loi. Depuis 2010, l'on observe une nouvelle appropriation de la saisine parlementaire dans le cadre du contrôle a priori. Si jusqu'à récemment la saisine était l'apanage de l'opposition parlementaire, elle semble avoir été redécouverte par plusieurs organes constitutionnels pour accorder un « brevet de constitutionnalité » préventif à la loi empêchant une remise en cause future de celle-ci. Les parlementaires de la majorité, les présidents des assemblées parlementaires et même le président de la République ont contribué à donner une dimension juridique à une saisine qui jusque-là était éminemment politique. Inversement, la stratégie de la non-saisine peut aussi être préférée, laissant aux citoyens le soin de contester le contenu d'une réforme(63).

Selon notre étude statistique, deux constats indiquent la complémentarité entre les deux contrôles de constitutionnalité. Tout d'abord, les lois ayant fait l'objet d'un contrôle de nature préventive sont davantage propices à faire l'objet d'une QPC(64). L'opposition politique qui s'est exprimée pendant la procédure parlementaire, puis dans la saisine du Conseil constitutionnel semble trouver un prolongement par la QPC. Ensuite, le taux d'abrogation des lois via la procédure de QPC est compris entre 22 % (lois 2012) et 48 % (lois 2009) avec une moyenne de 33,75 % sur les 9 années de promulgation des lois étudiées. Or, le taux d'abrogation des lois qui n'ont pas fait l'objet d'un contrôle a priori est en moyenne plus élevé que le taux d'abrogation des lois qui ont déjà fait l'objet d'un contrôle de constitutionnalité sur le fondement de l'article 61 de la Constitution. En conséquence, il peut en être déduit que le contrôle a posteriori vient le plus souvent corriger une loi qui n'a pas fait l'objet d'une saisine. Il n'existe donc pas de substituabilité des deux contrôles de constitutionnalité ce qui justifie le maintien du contrôle a priori.

Par ailleurs, la coexistence de deux contrôles de constitutionnalité intervenant à des moments distincts conduit à une évolution du travail du juge constitutionnel. Celui-ci découle de leur nature puisque le contrôle a priori autorise le Conseil constitutionnel à contrôler la loi au regard de l'ensemble des éléments contenus dans le bloc de constitutionnalité, alors que la QPC permet au justiciable de dénoncer uniquement l'atteinte « aux droits et libertés que la Constitution garantit ».

La distinction entre ces deux contrôles tend à spécialiser l'intervention du juge constitutionnel « avec un contrôle a priori centré sur la procédure et la compétence et un contrôle a posteriori centré sur les droits fondamentaux »(65).

Pourtant, cette spécialisation des différents contrôles de constitutionnalité ne doit pas conduire à une disparition du contrôle a priori, ni même à sa limitation notamment à des motifs procéduraux. Si l'objectif du constituant de 2008 a été de parfaire le système juridique, le contrôle a priori continue de préserver cette cohérence en évitant l'entrée en vigueur de dispositions manifestement inconstitutionnelles. La QPC doit alors être envisagée comme un correctif en s'attaquant aux dispositions déjà entrées en vigueur. À cet égard, l'exemple italien est édifiant. En l'absence de contrôle a priori, la loi électorale de 2005 a pu entrer en vigueur et régir plusieurs élections avant que la Cour constitutionnelle ne la déclare inconstitutionnelle en 2014(66).

En Allemagne, si le contrôle a priori n'existe pas non plus, le contrôle a posteriori est néanmoins complété par les litiges inter-organes qui permettent aux parlementaires et notamment à l'opposition de saisir la Cour constitutionnelle en cas de violation de leurs droits subjectifs. Si « le chemin menant à Karlsruhe est nettement moins privilégié que celui du pavillon Montpensier »(67), il s'explique par un contexte institutionnel et constitutionnel substantiellement différent de la France. Dans un pays où le consensus est la règle, l'ensemble du système institutionnel a fait naître une « culture de constitutionnalité »(68) qui réduit d'autant le recours à la Cour constitutionnelle, le contrôle préventif ayant lieu en amont lors de la phase ministérielle d'examen des textes.

Le contrôle a priori apparaît finalement comme une garantie contre les évolutions législatives incessantes qui combinent désormais une augmentation du nombre de lois adoptées par le Parlement et une dégradation corrélative unanimement constatée de leur qualité.

En conclusion, la réception de la QPC par les différentes institutions participant à l'élaboration de la loi permet de caractériser la réussite de la QPC. Si des « efforts d'adaptation »(69) ont été nécessaires, le bilan des dix années d'existence du contrôle de constitutionnalité a posteriori fait apparaître le constat d'une acceptation par l'ensemble des acteurs institutionnels d'une remise en cause de la loi à l'initiative du citoyen.

Toutefois, ces efforts d'adaptation demeurent nécessaires car le législateur doit s'adapter continuellement aux conséquences des décisions du Conseil constitutionnel qui se trouve également impacté en retour par le calendrier parlementaire. À cet égard, la décision n° 2019-786 DC du 11 juillet 2019, Résolution clarifiant et actualisant le règlement du Sénat, crée une contrainte supplémentaire sur le législateur comme sur le Conseil constitutionnel lui-même qui devra vérifier que le délai qu'il impose pour corriger une inconstitutionnalité peut être respecté compte tenu des contraintes de temps pesant sur le Parlement. Ne valait-il pas mieux garder la situation antérieure qui permettait tacitement et implicitement d'intégrer des dispositions ayant un lien très distendu avec le texte support et faisait alors porter au Conseil constitutionnel le poids de la non-exécution de sa propre décision ?

La réception de la QPC interroge également sur la question plus large de la réception des décisions de justice. Que se passerait-il dans l'hypothèse où le législateur ne voudrait pas obtempérer à une décision du Conseil constitutionnel ? Une exécution forcée serait-elle envisageable ? Certes, l'exécution des décisions de justice est inhérente à toute forme de justice. Cependant, il existe toujours un nombre résiduel de décisions qui ne sont pas exécutées. La difficulté est de savoir à partir de quel delta cette inexécution dépasserait les limites inhérentes à la justice et porterait atteinte au système juridictionnel et à l'État de droit.

Pistes de réflexion et reformulations :

Au terme de cette recherche, plusieurs propositions de réflexion ou d'aménagements peuvent être faites :

1/ L'étude d'impact est en deçà des objectifs posés par le législateur organique en 2009. Elle mériterait à ce titre une revalorisation qui relève davantage d'un changement d'attitude et de positionnement à leur égard du Conseil d'État, du Conseil constitutionnel et du Parlement plutôt que d'une modification purement juridique.

2/ Il peut être envisagé la création d'une commission constitutionnelle au sein du Parlement à l'image du « joint Committee on Human Rights » britannique. Il s'agit d'une commission mixte paritaire qui s'est reconnue compétente pour examiner l'ensemble des textes en discussion au Parlement afin de vérifier leur conformité aux droits fondamentaux. Sa spécificité réside dans la possibilité « de demander des compléments d'information au Gouvernement et interroger des témoins et des experts »(70). Cette modalité préserve la souveraineté parlementaire, caractéristique du régime britannique. Un tel organe présenterait l'avantage de permettre au Parlement de mieux appréhender les questions de constitutionnalité tout en préservant la marge d'appréciation du législateur. De la même manière, en Allemagne, il existe au sein du Bundestag une commission des affaires juridiques chargée de vérifier la conformité des textes de loi et avec comme particularité que d'anciens juges à la Cour constitutionnelle fédérale sont parfois auditionnés(71).

3/ À la différence d'un projet de loi, les amendements tant parlementaires que gouvernementaux ne font l'objet d'aucun examen particulier de constitutionnalité alors que l'on sait que les textes définitivement adoptés sont radicalement différents des textes initiaux. L'existence d'une entité dédiée à cette vérification au sein des assemblées tendrait à pallier cette absence de contrôle et renforcerait également l'autonomie parlementaire.

4/ L'instauration d'un délai minimum lorsque le juge demande au législateur de remédier à une inconstitutionnalité garantirait une autonomie plus grande du législateur et lui permettrait de se préserver des conséquences de la décision n° 2019-786 DC. L'intérêt serait d'intensifier la réflexion sur le véhicule législatif le plus adéquat à utiliser.

(1): L'équipe de recherche qui a travaillé sur ce projet a mené une étude quantitative des références constitutionnelles émises depuis 2010 lors de l'adoption des lois ainsi qu'une étude qualitative par l'audition de personnalités intervenant lors de ce processus. Chaque membre de l'équipe a ensuite rédigé un rapport dégageant des constats et diverses pistes de réflexion qui seront repris lors de la présente note. Le rapport est disponible dans sa version intégrale sur le site du Conseil constitutionnel.

(2): Termes retenus dans le rapport de R. Ghevontian, p. 30.

(3): Guy Carcassonne, « Le rôle du contrôle de constitutionnalité dans l'élaboration et le vote de la loi », in Le Conseil constitutionnel a 40 ans, Paris, LGDJ, 1999, p. 84.

(4): Constats établis par P. Jensel-Monge, p. 66.

(5): Guillaume Tusseau, « La fin d'une exception française ? », Pouvoirs, 2011, n° 137, p. 7.

(6): Constat établi dans le rapport de V. Martin, p. 33.

(7): Termes employés par Georges Bergougnous lors d'une journée d'études organisé à Aix-en-Provence en octobre 2019.

(8): Constat établi dans le rapport de V. Martin, p. 35.

(9): Cette anticipation des difficultés juridiques est commune à tous les exécutifs. Ainsi, au Royaume-Uni un mécanisme de certification ministérielle a été institué afin de purger les projets de loi d'éventuelles inconventionnalités (Rapport A. Bachert-Peretti, p. 198). De même, en Allemagne, il existe « une procédure de vérification préalable obligatoire effectuée par le ministère de la Justice » (Rapport A. Fourmont, p. 182).

(10): Premier ministre, Conseil d'État, Guide de légistique, 3e éd., Doc. fr., 2017, p. 21.

(11): Loi organique du 15 avril 2009, article 8 alinéa 2, relative à l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution, JORF du 16 avril 2009, p. 6528.

(12): Constat établi dans le rapport de B.-L. Combrade, p. 45.

(13): Dans son rapport, B-L. Combrade relève que : « Le même souci de prévention des inconstitutionnalités se lit dans l'étude d'impact du projet de loi relatif à la sécurisation des contrats de prêts structurés souscrits par les personnes morales de droit public, déposé le 23 avril 2014 devant le Sénat. Le Gouvernement s'est attaché à démontrer l'existence d'un impérieux motif d'intérêt général s'attachant à l'adoption de ce projet de validation législative » (22 avril 2014, 11 p.) ; La position exprimée dans l'étude d'impact s'est avérée pertinente puisque la loi finalement adoptée a été déclarée conforme à la Constitution (Cons. const., n° 2014-695 DC du 24 juillet 2014, Loi relative à la sécurisation des contrats de prêts structurés souscrits par les personnes morales de droit public).

(14): Constat établi dans le rapport de L. Domingo (maître des requêtes au Conseil d'État), p. 51.

(15): Constat établi dans le rapport de P. Jensel-Monge, p. 67.

(16): Entretien de Yaël Braun-Pivet réalisé en mars 2019.

(17): Constat établi dans le rapport de L. Léothier, p. 62.

(18): Constat établi dans le rapport de W. Benessiano et J.-B. Perrier, p. 85.

(19): Ibid, p. 20.

(20): Assemblée nationale, Séance du 5 juin 2014, JOAN p. 3867.

(21): Constat établi dans le rapport A. De Montis, p. 141.

(22): Constat établi dans le rapport de W. Benessiano et J.-B. Perrier, p. 90.

(23): Constat établi dans le rapport d'E. Oliva, p. 75.

(24): Philippe Blacher, « Le Parlement et la QPC », RFDC, 2018, n° 4, p. 936.

(25): Constat établi dans le rapport de A. De Montis, p. 143.

(26): Cons. const., déc. n° 2019-780 DC du 4 avril 2019, Loi visant à renforcer et garantir le maintien de l'ordre public lors des manifestations, Cons. 26.

(27): Constat établi dans le rapport d'A. De Montis, p. 145.

(28): Julie Benetti, « Les incidences de la question prioritaire de constitutionnalité sur le travail législatif. D'une logique de prévention à une logique de correction des inconstitutionnalités », Constitutions, 31 mars 2011, n° 1, p. 42-46.

(29): Au 31 décembre 2018, cela représentait 59 décisions QPC.

(30): Constat établi dans le rapport de S. Lamouroux, p. 129.

(31): Constat établi dans le rapport d'E. Oliva, p. 74.

(32): Cons. const., déc. n° 2017-660 QPC du 6 octobre 2017, Société de participations financière.

(33): Loi n° 2017-1640 du 1er décembre 2017 de finances rectificative pour 2017.

(34): Constat établi dans le rapport d'E. Oliva, p. 74.

(35): Cons. const., déc. n° 2011-192 QPC du 10 novembre 2011, Mme Ekaterina B., épouse D., et autres (Secret défense).

(36): Guy Lefrand, AN, 22 juin 2011.

(37): Constat établi dans le rapport de S. Lamouroux, p. 132.

(38): Exemples : Loi n° 2011-392 du 14 avril 2011 relative à la garde à vue (JORF, 15 avril 2011, p. 6610) ; Loi n° 2012-954 du 6 août 2012 relative au harcèlement sexuel (JORF, 7 août 2012, p. 12921).

(39): Il en est de même en matière financière (Constat établi dans le rapport D. Ytier, p. 79).

(40): Entretiens de Georges Bergougnous et de Marc Guillaume réalisés en février et mars 2019.

(41): Cons. const., déc. n° 2019-786 DC du 11 juillet 2019, Résolution clarifiant et actualisant le règlement du Sénat, Cons. 19.

(42): Constat établi dans le rapport de W. Benessiano et J-B. Perrier, p. 92.

(43): Constat établi dans le rapport de S. Lamouroux, p. 130.

(44): Helmut Simon, « Verfassungsgerichtbarkeit », in E. Benda (dir.), Handbuch des Verfassungsrechts, de Gruyter, 1995, p. 1252 et 1268.

(45): Constat établi dans le rapport d'A. Fourmont, p. 180.

(46): Constat établi dans le rapport de S. Hutier et N. Rubio, p.170.

(47): Constat établi dans le rapport de V. Martin, p. 34.

(48): Georges Vedel, « Excès de pouvoir législatif et excès de pouvoir administratif (I) », Cahiers du Conseil constitutionnel, n° 1, décembre 1996.

(49): Constat établi dans le rapport de M. Guerrini, p. 150.

(50): Formule employée classiquement par le Conseil constitutionnel dans ses décisions.

(51): Constat établi dans le rapport de M. Guerrini, pp. 153-154.

(52): Ibid., pp. 154-157.

(53): Article 23-8 de l'ordonnance portant loi organique sur le Conseil constitutionnel.

(54): Pierre-Alain Collot, « L'anticipation parlementaire du contrôle de constitutionnalité au regard de la décision n° 2011-346 QPC », RFDC, 2014, n°98, pp. 1-17.

(55): Pauline Türk, « Quel rôle pour le Parlement dans le mécanisme de la QPC ? », Les petites affiches, n° 239, 29 novembre 2012, p. 5.

(56): Thierry-Xavier Girardot, Xavier Pottier, « Le Gouvernement dans la procédure de la question prioritaire de constitutionnalité », Les nouveaux cahiers du Conseil constitutionnel, 2016, n° 50, p.21.

(57): Constat établi dans le rapport de B. Garcia, p. 124.

(58): Ibid., p. 123.

(59): Constat établi dans le rapport d'A. Vidal-Naquet, p. 104.

(60): Article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 relative au Conseil constitutionnel. La même condition est posée par l'article 23-4 de l'ordonnance s'agissant du renvoi d'une QPC par le Conseil d'État ou la Cour de cassation.

(61): Constat établi dans le rapport d'A. Vidal-Naquet, p. 108.

(62): Ibid., pp. 109-110.

(63): Tel est le cas de la loi n° 2017-1510 du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme.

(64): Constat établi par le rapport de S. Hutier et N. Rubio, p. 164.

(65): Constat établi dans le rapport d'A. Vidal-Naquet, p. 113.

(66): Constat établi dans le rapport d'A. Evangelisti, p. 192.

(67): Constat établi dans le rapport d'A. Fourmont, p. 178.

(68): Ibid., p. 177.

(69): Constat établi dans le rapport de S. Lamouroux, p. 139.

(70): Constat établi dans le rapport d'A. Bachert-Peretti, pp. 198-199.

(71): Constat établi dans le rapport d'A. Fourmont, p. 177.