Contrôle des mesures d’isolement ou de contention dans le cadre des soins psychiatriques sans consentement
Décision n° 2021-912/913/914 QPC du 4 juin 2021
Par sa décision n° 2021-912/913/914 QPC du 4 juin 2021, le Conseil constitutionnel a à nouveau jugé que le législateur ne pouvait, au regard des exigences de l’article 66 de la Constitution, autoriser le maintien à l’isolement ou en contention en psychiatrie au-delà d’une certaine durée sans l’intervention systématique du juge judiciaire.
Le Conseil constitutionnel avait été saisi le 2 avril 2021 par la Cour de cassation de trois questions prioritaires de constitutionnalité relatives aux dispositions du code de la santé publique relatives aux conditions dans lesquelles les personnes placées en hospitalisation complète sans consentement peuvent faire l’objet de mesures d’isolement et de contention.
Le paragraphe II de l’article L. 3222-5-1 du code de la santé publique prévoit la durée de mise en œuvre de ces mesures. En application du premier alinéa de ce paragraphe, une mesure d’isolement peut être prise par un psychiatre pour une durée maximale de douze heures et être renouvelée, si l’état de santé du patient le nécessite, par périodes de douze heures, dans la limite d’une durée totale de quarante-huit heures. En application du deuxième alinéa du même paragraphe, une mesure de contention peut être prise dans le cadre d’une mesure d’isolement pour une durée maximale de six heures. Si l’état de santé du patient le nécessite, elle peut également être renouvelée par périodes de six heures, dans la limite d’une durée totale de vingt-quatre heures.
Les dispositions contestées du troisième alinéa du même paragraphe autorisaient le médecin à prolonger, à titre exceptionnel, une mesure d’isolement ou de contention au-delà des durées totales de quarante-huit heures et de vingt-quatre heures. Ces dispositions étaient issues de la loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020 de financement de la sécurité sociale pour 2021. Elles avaient été prises par le législateur pour tirer les conséquences de la décision n° 2020-844 QPC du 19 juin 2020 par laquelle le Conseil constitutionnel avait censuré le régime juridique de l’isolement et de la contention en psychiatrie au motif que le recours à ces mesures privatives de liberté n’était ni limité dans le temps ni soumis, au-delà d’une certaine durée, au contrôle systématique du juge.
Il était reproché à ces dispositions de méconnaître l’article 66 de la Constitution au motif que, en cas de poursuite des mesures d’isolement et de contention au-delà des durées maximales prévues par le législateur, elles se bornaient à prévoir l’information du juge des libertés et de la détention ainsi que la faculté pour les personnes soumises à ces mesures ou leurs proches de saisir ce juge, sans prévoir un contrôle systématique de ces mesures par ce dernier. Il en aurait résulté que ces mesures auraient pu être mises en œuvre sur de longues périodes en dehors de tout contrôle judiciaire.
Pour examiner ces critiques, le Conseil constitutionnel a rappelé que, aux termes de l’article 66 de la Constitution, "Nul ne peut être arbitrairement détenu. – L’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi". La liberté individuelle ne peut être tenue pour sauvegardée que si le juge intervient dans le plus court délai possible.
Les mesures d’isolement et de contention qui peuvent être décidées dans le cadre d’une hospitalisation complète sans consentement constituent une privation de liberté.
À l’aune de ce cadre constitutionnel, le Conseil constitutionnel a relevé, ainsi qu’il l’avait jugé par sa décision n° 2020-844 QPC du 19 juin 2020, que les mesures d’isolement et de contention qui peuvent être décidées dans le cadre d’une hospitalisation complète sans consentement constituent une privation de liberté.
Or, le médecin peut décider de renouveler ces mesures au-delà des durées maximales prévues par le législateur, sans limitation du nombre de ces renouvellements. Dans ce cas, les dispositions contestées prévoient, d’une part, que le médecin est tenu d’informer sans délai de sa décision le juge des libertés et de la détention, qui peut se saisir d’office pour mettre fin à cette prolongation. Elles prévoient, d’autre part, qu’il en informe la personne qui fait l’objet de la mesure d’isolement ou de contention ainsi que les autres personnes mentionnées à l’article L. 3211-12 du code de la santé publique, qui peuvent également saisir le juge pour demander la mainlevée de cette mesure. Il s’ensuit que le législateur n’a, de nouveau, pas prévu de soumettre le maintien d’une personne à l’isolement ou sous contention au-delà d’une certaine durée à l’intervention systématique du juge judiciaire, conformément aux exigences de l’article 66 de la Constitution.
Le Conseil constitutionnel a, en conséquence, jugé contraires à la Constitution le troisième alinéa du paragraphe II de l’article L. 3222-5-1 du code de la santé publique ainsi que, par voie de conséquence, le sixième alinéa du même paragraphe. Dès lors que l’abrogation immédiate des dispositions déclarées contraires à la Constitution aurait entraîné des conséquences manifestement excessives, il a jugé qu’il y avait lieu d’en reporter les effets au 31 décembre 2021. Les mesures prises avant cette date en application des dispositions déclarées contraires à la Constitution ne peuvent être contestées sur le fondement de cette inconstitutionnalité.
Retrouvez le dossier complet de la décision n°2021-912/913/914 QPC et la vidéo de l’audience
sur le site du Conseil constitutionnel.