Liberté de culte

16/01/2023

 

Régime des associations exerçant des activités cultuelles

Décision n° 2022-1004 QPC du 22 juillet 2022

Union des associations diocésaines de France et autres

Conformité - réserve

Liberté de culte 

Par sa décision n° 2022-1004 QPC du 22 juillet 2022, le Conseil constitutionnel a jugé conformes à la Constitution, sous deux réserves d’interprétation, plusieurs dispositions législatives relatives au régime des associations exerçant des activités cultuelles.

Les associations cultuelles constituées sur le fondement de la loi du 9 décembre 1905 bénéficient à ce titre de certains avantages.

Il avait été saisi le 18 mai 2022 par le Conseil d’État d’une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles 19-1 et 19-2 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État ainsi que des articles 4, 4-1 et 4-2 de la loi du 2 janvier 1907 concernant l’exercice public des cultes.

Les associations cultuelles constituées sur le fondement de la loi du 9 décembre 1905 bénéficient à ce titre de certains avantages. L’article 19-1 de cette loi prévoit que, pour en bénéficier, elles doivent déclarer leur qualité cultuelle au représentant de l’État dans le département. Ce bénéfice leur est ouvert pendant une durée de cinq années, renouvelable dans les mêmes conditions. Le représentant de l’État dans le département peut toutefois, sous certaines conditions, s’opposer à ce qu’elles bénéficient de ces avantages ou leur retirer ce bénéfice.

Les articles 4, 4-1 et 4-2 de la loi du 2 janvier 1907 régissent l’exercice public d’un culte au moyen d’associations régies par la loi du 1er juillet 1901. Les articles 4 et 4-1 soumettent ces associations à diverses obligations administratives et financières. L’article 4-2 permet au représentant de l’État de mettre en demeure une association ayant des activités en relation avec l’exercice public d’un culte, sans que son objet ne le prévoie, de rendre ce dernier conforme à ces activités.

Il était notamment reproché à l’article 19-1 de la loi du 9 décembre 1905, en obligeant les associations à déclarer leur caractère cultuel pour bénéficier des avantages propres à la catégorie des associations cultuelles, d’instituer un régime d’autorisation préalable conduisant l’État à reconnaître certains cultes. Les requérants faisaient également valoir que, les obligations imposées à ces associations ayant été alourdies, ces dispositions permettraient au représentant de l’État de refuser ou de retirer cette qualité cultuelle dans de nombreux cas. Il en résultait, selon eux, une méconnaissance du principe de laïcité, de la liberté d’association et de la liberté de culte et de religion.

Les requérants dénonçaient par ailleurs le caractère excessif des contraintes imposées par les articles 4 et 4-1 de la loi du 2 janvier 1907 aux associations assurant l’exercice public d’un culte, en méconnaissance, selon eux, de la liberté d’association, de la liberté de religion et de culte, ainsi que de la liberté de réunion. Par ailleurs, faute pour le législateur d’avoir défini à l’article 4-2 de la même loi les « activités en lien avec l’exercice d’un culte » prises en compte par l’administration lorsqu’elle met en demeure une association de mettre ses statuts en conformité avec ses activités, ces dispositions seraient entachées d’incompétence négative dans des conditions de nature à affecter ces exigences constitutionnelles.

S’agissant des dispositions de l’article 19-1 de la loi du 9 décembre 1905 : examinant la critique faite à ces dispositions au regard du principe de laïcité, le Conseil constitutionnel, après avoir cité les termes de l’article 10 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et des trois premières phrases du premier alinéa de l’article 1er de la Constitution, a rappelé que le principe de laïcité figure au nombre des droits et libertés que la Constitution garantit et qu’il en résulte notamment que la République ne reconnaît aucun culte et qu’elle garantit le libre exercice des cultes.

À cette aune, il a relevé, d’une part, que les dispositions contestées ont pour seul objet d’instituer une obligation déclarative en vue de permettre au représentant de l’État de s’assurer que les associations sont éligibles aux avantages propres aux associations cultuelles. Elles n’ont ni pour objet ni pour effet d’emporter la reconnaissance d’un culte par la République ou de faire obstacle au libre exercice du culte, dans le cadre d’une association régie par la loi du 1er juillet 1901 ou par voie de réunions tenues sur initiatives individuelles.

D’autre part, que le représentant de l’État ne peut s’opposer à ce qu’une association bénéficie des avantages propres aux associations cultuelles ou procéder au retrait de ces avantages qu’après une procédure contradictoire et uniquement pour un motif d’ordre public ou dans le cas où il constate que l’association n’a pas pour objet exclusif l’exercice d’un culte ou que sa constitution, sa composition et son organisation ne remplissent pas les conditions limitativement énumérées aux articles 18 et 19 de la loi du 9 décembre 1905.

Le Conseil constitutionnel a jugé que, dès lors, les dispositions contestées, qui ne privent pas de garanties légales le libre exercice des cultes, ne méconnaissent pas le principe de laïcité.

Puis, examinant la critique faite à ces mêmes dispositions au regard du principe de la liberté d’association, le Conseil constitutionnel a rappelé que ce principe figure au nombre des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République solennellement réaffirmés par le Préambule de la Constitution et que les atteintes qui lui sont portées doivent être nécessaires, adaptées et proportionnées à l’objectif poursuivi.

Le Conseil constitutionnel a jugé que, dès lors, les dispositions contestées, qui ne privent pas de garanties légales le libre exercice des cultes, ne méconnaissent pas le principe de laïcité.

À cet égard, il a constaté que la déclaration imposée aux associations par les dispositions contestées pour bénéficier de certains avantages n’a pas pour objet d’encadrer les conditions dans lesquelles ces dernières se constituent et exercent leur activité.

Il a relevé, en revanche, que le retrait par le représentant de l’État du bénéfice de ces avantages est susceptible d’affecter les conditions dans lesquelles une association exerce son activité.

Par une première réserve d’interprétation, le Conseil constitutionnel a jugé que, dès lors, ce retrait ne saurait, sans porter une atteinte disproportionnée à la liberté d’association, conduire à la restitution d’avantages dont l’association a bénéficié avant la perte de sa qualité cultuelle.

S’agissant des dispositions des articles 4, 4-1 et 4-2 de la loi du 2 janvier 1907 : examinant les critiques adressées à ces dispositions au regard du principe de la liberté d’association et du libre exercice des cultes, le Conseil constitutionnel a relevé que les diverses obligations administratives et financières qu’elles imposent aux associations ayant des activités en relation avec l’exercice public d’un culte sont de nature à porter atteinte à ces exigences.

Toutefois, il a jugé que, en premier lieu, en adoptant ces dispositions, le législateur a entendu renforcer la transparence de l’activité et du financement des associations assurant l’exercice public d’un culte. Ce faisant, le législateur a poursuivi l’objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l’ordre public.

En deuxième lieu, en application des dispositions contestées des articles 4 et 4-1 de la loi du 2 janvier 1907, les associations sont soumises à des obligations consistant, en particulier, à établir une liste des lieux dans lesquels elles organisent habituellement le culte, à présenter les documents comptables et le budget prévisionnel de l’exercice en cours sur demande du représentant de l’État, à établir une comptabilité faisant apparaître séparément les opérations relatives à leurs activités cultuelles, et à certifier leurs comptes lorsqu’elles ont bénéficié de financements étrangers pour des montants dépassant un seuil fixé par décret, qu’elles ont émis des reçus fiscaux, qu’elles ont perçu un montant minimal de subventions publiques ou que leur budget annuel dépasse un seuil minimal également fixé par le pouvoir réglementaire.

Le Conseil constitutionnel a jugé que le législateur n’a pas porté à la liberté d’association et au libre exercice des cultes une atteinte qui ne serait pas nécessaire, adaptée et proportionnée.

Le Conseil constitutionnel a jugé que le législateur n’a pas porté à la liberté d’association et au libre exercice des cultes une atteinte qui ne serait pas nécessaire, adaptée et proportionnée.

En dernier lieu, le Conseil a écarté les griefs dirigés contre l’article 4-2 de la loi du 2 janvier 1907. Il a jugé que, en prévoyant que le représentant de l’État peut mettre en demeure une association de rendre son objet social conforme à ses activités lorsqu’elle exerce des « activités en lien avec l’exercice d’un culte », le législateur n’a pas méconnu l’étendue de sa compétence dans des conditions affectant les exigences constitutionnelles précitées. Au demeurant, le Conseil a souligné qu’il résulte en particulier d’une jurisprudence constante du Conseil d’État que ces activités sont celles notamment relatives à l’acquisition, la location, la construction, l’aménagement et l’entretien des édifices servant au culte ainsi qu’à l’entretien et la formation des ministres et autres personnes concourant à l’exercice du culte.

Par l’ensemble de ces motifs, le Conseil constitutionnel a jugé que le législateur n’a pas porté à la liberté d’association et au libre exercice des cultes une atteinte qui ne serait pas nécessaire, adaptée et proportionnée.

Retrouvez le dossier complet de la décision n° 2022-1004 QPC et la vidéo de l’audience
sur le site du Conseil constitutionnel.

Mis à jour le 19/01/2023