Fiscalité locale

19/01/2023

Modalités de compensation de la suppression de la taxe d’habitation pour certaines communes membres d’un syndicat de communes

Décision n°2021-982 QPC du 17 mars 2022

Commune de la Trinité

Non conformité totale

Fiscalité locale

Par sa décision n° 2021-982 QPC du 17 mars 2022, le Conseil constitutionnel a censuré comme contraires au principe d’égalité devant les charges publiques des dispositions organisant le mécanisme de compensation pour certaines communes de la perte du produit de la taxe d’habitation.

Il était reproché à ces dispositions par la commune requérante, rejointe par les parties intervenantes, de ne pas compenser intégralement la perte de ressources induite par la suppression de la taxe d’habitation.

Il avait été saisi le 17 décembre 2021 par le Conseil d’État d’une QPC relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du paragraphe IV de l’article 16 de la loi du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

En application de l’article L. 5212-20 du code général des collectivités territoriales, un syndicat de communes est financé par une contribution obligatoire versée sous la forme soit d’une dotation budgétaire de la commune associée, soit d’une contribution fiscalisée résultant de l’affectation d’une part du produit d’impôts locaux, dont celui de la taxe d’habitation. Dans ce dernier cas, le code général des impôts prévoit que le produit à recouvrer dans la commune est réparti entre ces impositions proportionnellement aux recettes que chacune procurerait à la commune en appliquant les taux de l’année précédente aux bases de l’année d’imposition.

L’article 16 de la loi du 29 décembre 2019 prévoit la suppression progressive de la taxe d’habitation due au titre de la résidence principale pour tous les contribuables à compter de 2023. Afin de compenser cette suppression pour les communes, il leur transfère la part de taxe foncière sur les propriétés bâties antérieurement perçue par les départements. Il institue également un mécanisme correcteur pour que le produit ainsi transféré corresponde au montant du produit de la taxe d’habitation perdu par chaque commune.

Les dispositions contestées prévoient que, pour déterminer ce montant, le mécanisme correcteur prend en compte le produit de la taxe d’habitation sur les résidences principales perçu par chaque commune, calculé en appliquant à la base imposable constatée en 2020 le taux communal de taxe d’habitation de 2017.

Il était reproché à ces dispositions par la commune requérante, rejointe par les parties intervenantes, de ne pas compenser intégralement la perte de ressources induite par la suppression de la taxe d’habitation, faute d’intégrer, au titre des ressources à compenser, le produit de la part de taxe d’habitation directement perçu par un syndicat de communes sur option de ses membres.

Il en résultait, selon elles, une différence de traitement injustifiée entre les communes dont la contribution à un syndicat de communes prend la forme de l’affectation du produit d’une part de leur taxe d’habitation, et les autres communes, en méconnaissance du principe d’égalité devant la loi fiscale et du principe d’égalité devant les charges publiques.

Le Conseil constitutionnel a rappelé que, selon l’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : "Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés". En particulier, pour assurer le respect du principe d’égalité, le législateur doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu’il se propose. Cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques.

À cette aune, le Conseil constitutionnel a relevé qu’il résultait des travaux parlementaires que, en instaurant le mécanisme correcteur prévu par les dispositions contestées, le législateur a entendu compenser intégralement le produit de la taxe d’habitation perdu par les communes et assurer ainsi que la suppression de cette taxe ne se répercute pas sur d’autres impôts locaux au détriment du pouvoir d’achat des contribuables communaux que la réforme visait à améliorer par cette suppression.

Or, en prévoyant que le produit de la taxe d’habitation à compenser pour une commune est déterminé par l’application de son taux communal à la base imposable, les dispositions contestées n’incluaient pas le produit de la part de taxe affecté au syndicat de communes au titre de sa contribution lorsque la commune a choisi de financer le syndicat par une contribution fiscalisée.

Ainsi, ces dispositions avaient pour effet de priver les seules communes qui affectaient une part de leur taxe d’habitation à un syndicat de communes du bénéfice d’une compensation intégrale de la taxe d’habitation levée sur leur territoire. Il en résultait que ces communes devaient contribuer au financement du syndicat soit au moyen d’une dotation budgétaire, soit par l’augmentation du montant des autres impositions acquittées par le contribuable local et affectées au syndicat, en méconnaissance pour ces communes et pour leurs contribuables de l’objectif poursuivi par le législateur.

Le Conseil constitutionnel en a déduit que, dès lors, compte tenu de cet objectif qu’il s’est assigné, le législateur a méconnu, par les dispositions contestées, le principe d’égalité devant les charges publiques. Il a déclaré ces dispositions contraires à la Constitution. Il a jugé que cette déclaration d’inconstitutionnalité pouvait être invoquée dans les instances introduites à la date de publication de la présente décision et non jugées définitivement.

Retrouvez le dossier complet de la décision n° 2021-982 QPC et la vidéo de l’audience sur
le site du Conseil constitutionnel.

Mis à jour le 19/01/2023