Patricia Pomonti, ambassadrice de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) auprès du président du Conseil constitutionnel
Prolongeant les initiatives déjà développées pour mettre en valeur la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) et faire en sorte qu’elle fonctionne au mieux — programme de recherche QPC 2020, création du site internet QPC 360°, installation de l’Observatoire de la QPC — le président du Conseil constitutionnel, M. Laurent Fabius, m’a nommée auprès de lui, le 1er novembre dernier, "ambassadrice de la QPC".
Il m’a confié la mission d’aller à la rencontre des acteurs de la QPC afin d’échanger sur leur expérience de cette procédure, et sur les éventuelles difficultés qu’ils peuvent rencontrer dans son maniement et de recueillir leurs attentes quant aux initiatives concrètes qui seraient de nature à aider leurs travaux à un horizon rapproché. Je serai notamment l’intermédiaire entre le Conseil constitutionnel et les juridictions sur le territoire national pour faire vivre cette procédure.
Le Conseil constitutionnel a en effet pu constater que, malgré la mise en place de ces instances et de cet outil, il subsistait des zones d’ombre et imperfections dans le fonctionnement de la procédure de QPC. Mes premières constatations vont dans le même sens :
- la remontée des décisions de justice vers le Conseil constitutionnel, hors Open data, est manifestement incomplète malgré l’obligation qui en est faite aux juridictions par le décret du 13 octobre 2022, alors que ces décisions sont nécessaires pour enrichir le portail QPC 360°, permettre une connaissance plus fine de la réalité de la procédure à l’échelle nationale et une meilleure analyse des décisions des juges du fond ;
- il existe un tassement général de l’activité en matière de QPC qui peut s’expliquer par divers facteurs : moins de domaines constitutionnels à explorer, essoufflement de l’engouement pour une procédure qui n’est plus tout à fait nouvelle, difficulté pour les avocats à faire accepter par un justiciable une procédure qui, même si elle sera traitée rapidement, allongera le traitement du dossier et entraînera un coût supplémentaire, sans qu’il perçoive toujours son intérêt dans l’affaire qui l’intéresse, défaut de formation suffisante des acteurs de la QPC, complexité du traitement d’une QPC, renforcée par leur faible nombre, qui empêche l’acquisition par les acteurs de terrain de réflexes quant à la manière de les traiter et quant aux outils à leur disposition pour le faire.
J’envisage des actions rapides afin de remédier à ces difficultés :
- échanges individuels avec les membres de l’observatoire de la QPC (représentants des cours suprêmes, des juridictions, du ministère de la justice, des barreaux, des universités, écoles de droit et écoles professionnelles) sur leurs idées et leurs demandes ;
- rencontre du Directeur des services judiciaires et de ses services, pour une amélioration des outils informatiques et l’instauration de statistiques plus fiables ; cette fiabilité pourrait être renforcée par la mise en place d’un recensement régulier des QPC par les cours d’appel ;
- déplacements dans les cours et tribunaux selon deux axes : à la fois rendre plus visible localement la QPC, pour favoriser son acculturation, et toucher les magistrats et fonctionnaires des greffes au plus près, toujours avec le souhait d’un échange avec les acteurs de la QPC, pour leur transmettre des éléments d’information utiles au traitement de cette procédure, notamment leur faire connaître les nombreuses ressources offertes par le Portail QPC 360°, les sites Internet des deux cours suprêmes et du Conseil national des barreaux, mais aussi pour identifier leurs difficultés, recueillir leurs attentes et y répondre ;
- réflexion sur les améliorations à apporter aux formations initiales et continues des magistrats et fonctionnaires ainsi que des avocats sur le sujet de la QPC, qui pourraient prendre la forme d’interventions dans les différentes écoles (École nationale de la magistrature, Formation des magistrats administratifs, École nationale des greffes, Écoles du barreau), de l’organisation d’un stage d’immersion au Conseil constitutionnel avec un public qui réunissant magistrats des deux ordres et avocats, de l’adjonction d’un module QPC à des formations existantes, ou de l’utilisation de supports de formation innovants ;
- communication et démarches concernant la QPC dans les tribunaux de commerce par l’intermédiaire de la Conférence générale des tribunaux de commerce et du Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce ;
- travail de pédagogie à destination du public, notamment en collaboration avec les universités et écoles de droit, pour mieux faire connaître et comprendre la QPC et les conséquences des décisions rendues par le Conseil constitutionnel.
Les actions envisagées devront être complétées au fur et à mesure des échanges avec les acteurs de terrain et du recueil de leurs souhaits et de leurs idées pour rendre la QPC plus attractive et son traitement plus efficace.
Je serai à l’écoute de toutes les suggestions pour faire vivre ce formidable instrument de démocratie qu’est la QPC, qui a vocation à concerner tous les citoyens, qui donne la possibilité de grands débats de société et garantit la préservation de notre État de droit.
Patricia Pomonti