Qualité d’électeur aux élections professionnelles
Décision n° 2021-947 QPC du 19 novembre 2021
Saisi par la chambre sociale de la Cour de cassation, le Conseil constitutionnel a censuré, par sa décision n° 2021-947 QPC du 19 novembre 2021, comme portant une atteinte manifestement disproportionnée au principe de participation des travailleurs l’article L. 2314-18 du code du travail dans sa rédaction résultant de l’ordonnance du 22 septembre 2017, ratifiée par l'article 3 de la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018 ratifiant diverses ordonnances prises sur le fondement de la loi n° 2017-1340 du 15 septembre 2017 d’habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social.
Les dispositions contestées prévoyaient que tout salarié âgé de seize ans révolus, travaillant depuis trois mois au moins dans l’entreprise et n’ayant fait l’objet d’aucune interdiction, déchéance ou incapacité relatives à ses droits civiques, peut participer en qualité d’électeur à l’élection du comité social et économique.
Sur le fondement de ces dispositions, la Cour de cassation jugeait de manière constante que devaient néanmoins être exclus du corps électoral les salariés qui soit disposent d’une délégation écrite particulière d’autorité leur permettant d’être assimilés au chef d’entreprise, soit représentent effectivement ce dernier devant les institutions représentatives du personnel.
Il était reproché à ces dispositions par le syndicat requérant de méconnaître le principe de participation des travailleurs dès lors que, telles qu’interprétées par la Cour de cassation, elles privaient les salariés susceptibles d’être assimilés à l’employeur de la qualité d’électeur aux élections professionnelles, et donc de toute représentation au comité social et économique.
Le Conseil constitutionnel a rappelé que, selon le huitième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, "Tout travailleur participe, par l’intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises". L’article 34 de la Constitution range dans le domaine de la loi la détermination des principes fondamentaux du droit du travail. Ainsi, c’est au législateur qu’il revient de déterminer, dans le respect du principe énoncé au huitième alinéa du Préambule, les conditions et garanties de sa mise en œuvre et, en particulier, les modalités selon lesquelles la représentation des travailleurs est assurée dans l’entreprise.
À cette aune, le Conseil constitutionnel a censuré les dispositions en jugeant que, en privant des salariés de toute possibilité de participer en qualité d’électeur à l’élection du comité social et économique, au seul motif qu’ils disposent d’une telle délégation ou d’un tel pouvoir de représentation, ces dispositions portent une atteinte manifestement disproportionnée au principe de participation des travailleurs.
Jugeant en outre que l’abrogation immédiate des dispositions déclarées inconstitutionnelles aurait pour effet de supprimer toute condition pour être électeur aux élections professionnelles et entraînerait ainsi des conséquences manifestement excessives, le Conseil constitutionnel a reporté au 31 octobre 2022 la date de cette abrogation. Les mesures prises avant cette date en application des dispositions déclarées inconstitutionnelles ne peuvent être contestées sur le fondement de cette inconstitutionnalité.
Retrouvez le dossier complet de la décision n° 2021-947 QPC et la vidéo de l’audience
sur le site du Conseil constitutionnel.