Prolongation de plein droit de certaines concessions minières
Décision n°2021-971 QPC du 18 février 2022
France nature environnement
Non conformité de date à date – réserve
Par sa décision n°2021-971 QPC du 18 février 2022, le Conseil constitutionnel a censuré comme contraires à la Charte de l’environnement des dispositions relatives à la prolongation des anciennes concessions minières perpétuelles.
Il était reproché à ces dispositions de permettre la prolongation de certaines concessions minières sans que l’autorité administrative n’ait à prendre en compte les effets sur l’environnement d’une telle décision.
Il avait été saisi le 6 décembre 2021 par le Conseil d’État d’une QPC relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles L. 142-7, L. 142-8 et L. 142-9 du code minier et de la seconde phrase de l’article L. 144-4 du même code, dans leur rédaction issue de l’ordonnance n° 2011-91 du 20 janvier 2011 portant codification de la partie législative du code minier.
En application de l’article L. 144-4 du code minier, les concessions minières initialement instituées pour une durée illimitée devaient expirer le 31 décembre 2018. Les dispositions contestées prévoyaient la prolongation de plein droit de ces concessions lorsque les gisements sur lesquels elles portent sont encore exploités à cette date.
Il était reproché à ces dispositions de permettre la prolongation de certaines concessions minières sans que l’autorité administrative n’ait à prendre en compte les effets sur l’environnement d’une telle décision. Il en résultait, selon la société requérante, une méconnaissance des exigences découlant des articles 1er, 2 et 3 de la Charte de l’environnement.
Le Conseil constitutionnel a rappelé que, selon l’article 1er de la Charte de l’environnement : « Chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé ». Son article 3 dispose : « Toute personne doit, dans les conditions définies par la loi, prévenir les atteintes qu’elle est susceptible de porter à l’environnement ou, à défaut, en limiter les conséquences ». Il incombe au législateur et, dans le cadre défini par la loi, aux autorités administratives de déterminer, dans le respect des principes ainsi énoncés par cet article, les modalités de la mise en œuvre de ces dispositions.
À cette aune, le Conseil constitutionnel a relevé, en premier lieu, que la décision de prolongation d’une concession minière détermine notamment le cadre général et le périmètre des travaux miniers. Au regard de son objet et de ses effets, elle est ainsi susceptible de porter atteinte à l’environnement.
En second lieu, avant l’entrée en vigueur de la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, les dispositions contestées ne soumettaient la prolongation de la concession à aucune autre condition que celle de l’exploitation du gisement au 31 décembre 2018. Ni ces dispositions ni aucune autre disposition législative ne prévoyaient que l’administration prenne en compte les conséquences environnementales d’une telle prolongation avant de se prononcer. Le Conseil constitutionnel a jugé que, à cet égard, est indifférente la circonstance que certaines de ces conséquences pouvaient être, le cas échéant, prises en considération ultérieurement à l’occasion des autorisations de recherches et de travaux devant se dérouler sur le périmètre de la concession.
Le Conseil constitutionnel en a déduit que le législateur a méconnu, pendant cette période, les articles 1er et 3 de la Charte de l’environnement.
Toutefois, depuis l’entrée en vigueur de la loi du 22 août 2021, l’article L. 114-3 nouveau du code minier prévoit à son paragraphe II notamment que la demande de prolongation d’une concession est refusée si l’administration émet un doute sérieux sur la possibilité de procéder à l’exploitation du gisement sans porter une atteinte grave aux intérêts environnementaux mentionnés à l’article L. 161-1 du même code. Le paragraphe III de l’article L. 114-3 précise, en outre, que l’administration peut imposer à l’exploitant de respecter un cahier des charges, annexé à l’acte octroyant le titre minier, pouvant notamment prévoir l’interdiction de certaines techniques de recherche ou d’exploitation. En application de l’article 67 de la même loi, ces dispositions s’appliquent à toutes les demandes en cours d’instruction à cette date.
Le Conseil constitutionnel a dès lors jugé que, depuis l’entrée en vigueur de cette loi, le fait que les dispositions contestées prévoient que la prolongation des anciennes concessions perpétuelles est de droit ne saurait être interprété comme faisant obstacle à la prise en compte des conséquences sur l’environnement de la décision de prolongation de ces concessions.
Le Conseil constitutionnel en a déduit que, depuis cette date et sous cette réserve, ces dispositions ne méconnaissent plus les articles 1er et 3 de la Charte de l’environnement et sont conformes à la Constitution.
Relevant que l’entrée en vigueur de la loi du 22 août 2021 a mis fin à l’inconstitutionnalité constatée, le Conseil constitutionnel a jugé qu’il n’y a pas lieu de prononcer l’abrogation des dispositions déclarées inconstitutionnelles. Il a jugé en outre qu’aucun motif ne justifiait de reporter la prise d’effet de la déclaration d’inconstitutionnalité. Celle-ci est donc intervenue à compter de la date de publication de la présente décision. Elle est applicable aux instances introduites à cette date et non jugées définitivement.
Retrouvez le dossier complet de la décision n°2021-971 QPC et la vidéo de l’audience
sur le site du Conseil constitutionnel.