• Commentaire DC

Commentaire de la décision 2022-844 DC

13/06/2023

La loi portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi avait été définitivement adoptée le 17 novembre 2022.

 

Le Conseil constitutionnel en avait été saisi par un recours, enregistré le 18 novembre 2022, émanant de plus de soixante députés des groupes « La France insoumise – NUPES », « Gauche Démocrate Républicaine – NUPES » et « Écologiste – NUPES », qui contestaient la conformité à la Constitution de certaines dispositions de ses articles 1er et 2, son article 4, ainsi que la procédure d’adoption des articles 10 et 11 et certaines de leurs dispositions.

 

Dans sa décision n° 2022-844 DC du 15 décembre 2022, le Conseil constitutionnel a rejeté le grief tiré de de l’irrégularité de la procédure d’adoption des articles 10 et 11 puis a déclaré conformes à la Constitution les dispositions contestées des articles 1er, 2, 4 et 10.

 

Le présent commentaire porte sur les dispositions des articles 1er, 2 et 4.

 

I. – Détermination à titre temporaire des règles d’assurance chômage par décret en Conseil d’État (article 1er )

 

A. – Présentation des dispositions contestées

 

* Selon l’exposé des motifs du projet de loi à l’origine de la loi déférée, l’article 1er vise à permettre au Gouvernement de définir, à titre temporaire, les règles d’application des dispositions législatives relatives à l’assurance chômage, non par la voie d’un accord conclu entre les partenaires sociaux, agréé par le Premier ministre, mais par l’adoption d’un décret en Conseil d’État.

 

Le Gouvernement justifie une telle mesure par la difficulté qu’il y aurait eu à engager, en application des articles L. 5422-20 et L. 5422-20-1 du code du travail, une concertation avec les partenaires sociaux en vue de parvenir à un tel accord, alors même qu’il n’était pas encore possible d’apprécier les effets de la dernière réforme de l’assurance chômage intervenue en 2018 : « Entrée en vigueur le 1er décembre 2021, la réforme de l’assurance chômage n’a pas encore pu produire tous ses effets. Or, ses règles prennent fin le 1er novembre 2022. Dans ces conditions et afin d’éviter toute rupture très fortement préjudiciable dans l’indemnisation des chômeurs et le recouvrement des contributions d’assurance chômage, il est nécessaire d’assurer rapidement la continuité du régime actuel. À défaut du cadre classique de fixation du régime d’indemnisation (lettre de cadrage et négociation des partenaires sociaux) qui se heurte à une absence de recul quant aux effets mêmes des règles actuelles et qui de plus nécessite un certain délai de mise en œuvre, l’article 1er du présent projet de loi confie temporairement au Gouvernement la définition des mesures d’application du régime d’assurance chômage, dont celles de Mayotte, à titre exceptionnel – au plus tard jusqu’au 31 décembre 2023 – par décret en Conseil d’État. / Ce délai permettra d’engager les concertations nécessaires sur l’évolution des règles d’indemnisation et les négociations sur la gouvernance, dont l’organisation actuelle ne correspond plus aux équilibres souhaités entre les partenaires sociaux, l’État, l’Unédic et Pôle Emploi. / Pour les mêmes motifs, cet article permet au Gouvernement de prolonger jusqu’à la date du 31 août 2024 le dispositif de modulation de la contribution patronale d’assurance chômage prévu à l’article L. 5422‑12 du code du travail, dit "bonus‑malus" ».

 

* Depuis sa création en 1958, le régime d’assurance chômage fait l’objet d’une gestion paritaire par les organisations représentatives d’employeurs et de salariés. Par conséquent, si la loi fixe le cadre général dans lequel les travailleurs privés d’emploi peuvent être indemnisés, il revient à ces organisations, en application de l’article L. 5422-20 du code du travail, de déterminer les mesures d’application des dispositions législatives relatives à l’assurance chômage dans le cadre d’accords agréés par le Premier ministre. Toutefois, en l’absence d’un tel accord, ces mesures sont déterminées par décret en Conseil d’État.

 

Faisant le constat d’ « interrogations récurrentes – et croissante sur l’efficacité du paritarisme de gestion pour faire face aux enjeux actuels »1, la loi n° 2018–771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel (dite loi « LCAP ») a renforcé le rôle de l’État dans la gouvernance de l’assurance chômage en prévoyant notamment que l’accord entre les partenaires sociaux est recherché sur la base d’un document de cadrage que le Gouvernement leur adresse, ainsi qu’au Parlement, « préalablement à la négociation de l’accord et après concertation avec les organisations syndicales de salariés et les organisations professionnelles d’employeurs ».

 

Ce document de cadrage précise les objectifs de la négociation en ce qui concerne la trajectoire financière, le délai dans lequel cette négociation doit aboutir, et, le cas échéant, les objectifs d’évolution des règles du régime d’assurance chômage2.

 

* Suivant cette nouvelle procédure prévue par la loi du 5 septembre 2018, le Gouvernement a transmis aux partenaires sociaux, le 25 septembre 2018, un document de cadrage. Faute d’accord, il a pris un décret en Conseil d’État le 26 juillet 2019, dit « de carence », dont les dispositions étaient applicables jusqu’au 1er novembre 20223.

 

Au nombre des innovations prévues par ce décret figurent notamment des dispositions établissant un nouveau mode de calcul de l’allocation chômage, dorénavant fondé sur la moyenne des salaires et rémunérations reçus durant la période de référence ayant servi au calcul de la durée du droit d’indemnisation (et non plus sur la somme des salaires et rémunérations des douze derniers mois), ainsi que la fixation à six mois  de la durée d’affiliation nécessaire pour ouvrir ou recharger un droit à indemnisation (contre quatre mois auparavant).

 

Ce décret fixe également les dispositions d’application de l’article L. 5422-12 du code du travail qui prévoit, dans sa rédaction résultant de la loi du 5 septembre 2018, une modulation de la contribution d’assurance chômage dite « bonus-malus », destinée à inciter financièrement les employeurs à proposer davantage de contrats à durée indéterminée (CDI) et à rallonger la durée des contrats à durée déterminée (CDD), plutôt que de recourir à des missions d’intérim ou à des CDD de courte durée.

 

La réforme de l’assurance chômage résultant de ce décret n’est toutefois entrée en vigueur que le 1er décembre 2021, après avoir été repoussée à plusieurs reprises du fait de la crise sanitaire liée à l’épidémie de Covid-194 et de décisions de suspension de cette réforme par le Conseil d’État, fondées notamment sur la situation trop incertaine du marché de l’emploi5.

 

Alors que le Gouvernement aurait dû engager un nouveau processus de concertation en juin 2022 pour fixer les mesures d’application de l’assurance chômage, ce dernier, « compte tenu du calendrier électoral, n’a pas jugé opportun (…) d’engager ce processus de renégociation avec les partenaires sociaux parallèlement à l’élection présidentielle et aux élections législatives »6

 

Un nouveau décret7 a ainsi été pris pour prolonger, jusqu’au 31 janvier 2023, l’application de la réforme de 2018, afin d’éviter toute rupture dans le versement des allocations et le recouvrement des contributions d’assurance-chômage.

 

Il revenait au législateur d’intervenir à nouveau, d’ici à cette date butoir, pour prolonger et adapter ce régime juridique : en effet, comme l’indique l’avis du Conseil d’État sur le présent projet de loi, « Compte tenu notamment de la durée pendant laquelle le projet de loi entend permettre au Gouvernement d’intervenir au-delà de la période initialement prévue [par le décret de carence du 26 juillet 2019], ainsi que de la volonté du Gouvernement d’apporter le cas échéant au régime d’assurance chômage des adaptations excédant celles qu’autorisent les dispositions régissant le décret de carence actuel, le Conseil d’État estime que les objectifs poursuivis ne peuvent être atteints par la voie réglementaire et requièrent effectivement des dispositions législatives »8.

 

* Le premier alinéa du paragraphe I de l’article 1er de la loi déférée autorise ainsi le Gouvernement, « par dérogation aux articles L. 5422-20 à L. 5422-24 et L. 5524-39 du code du travail », à déterminer, par un décret en Conseil d’État « pris après concertation avec les organisations syndicales de salariés et les organisations professionnelles d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel », les mesures d’application du régime d’assurance chômage.

 

Ces mesures s’appliquent à compter du 1er novembre 2022 et jusqu’au 31 décembre 2023 au plus tard et peuvent prévoir des adaptations pour la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, la Réunion, Mayotte, Saint–Barthélemy, Saint–Martin et Saint–Pierre–et–Miquelon.

 

Le second alinéa du même paragraphe I permet également le maintien en vigueur des mesures d’application de l’article L. 5422-12 du code du travail relatif à la mesure de « bonus-malus » précédemment évoquée, jusqu’au 31 août 2024, soit pour une durée supérieure de huit mois à celle prévue pour les autres règles de l’assurance chômage.

 

Cette durée plus longue doit permettre, selon les travaux préparatoires, de disposer de deux exercices complets d’application de cette réforme et d’apprécier ainsi ses premiers effets sur les employeurs qui sont soumis au malus.

 

Le paragraphe II de l’article 1er est, quant à lui, issu d’un amendement adopté en première lecture par la commission des affaires sociales du Sénat. Il impose au Gouvernement d’engager dans les conditions prévues à l’article L. 1 du code du travail, à compter de la publication de la présente loi, « une concertation avec les organisations syndicales de salariés et d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel sur la gouvernance de l’assurance chômage, suivie le cas échéant d’une négociation. Le document d’orientation prévu au même article L. 1 invite les partenaires sociaux à négocier notamment sur les conditions de l’équilibre financier du régime et sur l’opportunité de maintenir le document de cadrage prévu à l’article L. 5422–20–1 du même code »10.

 

B. – Griefs

 

Les députés requérants estimaient tout d’abord que, en habilitant le Gouvernement à fixer lui-même les règles relatives à l'assurance chômage sans limiter l'objet ou la portée des dispositions que pourrait contenir le décret, le législateur avait méconnu l’étendue de sa compétence et privé de garanties légales le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence, garanti par le onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946.

 

Ils reprochaient ensuite à ces dispositions de déroger aux règles de droit commun qui confient aux partenaires sociaux la compétence pour déterminer, par des accords paritaires, les mesures d’application du régime d'assurance chômage. Il en résultait, selon eux, une méconnaissance du principe de participation, garanti par le huitième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946.

 

Les députés requérants estimaient enfin que ces dispositions permettaient au pouvoir réglementaire de moduler les droits à indemnisation des bénéficiaires de l’assurance chômage en fonction d'indicateurs conjoncturels sur l'emploi et le fonctionnement du marché du travail. Il en résultait, selon eux, une méconnaissance du principe d’égalité devant la loi, du « droit à ouverture de l’allocation d’assurance chômage garanti par le versement de cotisations d’assurance chômage » et du principe de fraternité (paragr. 3 à 5).

 

C. – La jurisprudence constitutionnelle

 

* Le principe de participation, qui ressort du huitième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, a fait l’objet d’une première application en 1977 lorsque le Conseil constitutionnel a jugé que « si le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, confirmé par celui de la Constitution du 4 octobre 1958, dispose en son huitième alinéa que "tout travailleur participe, par l’intermédiaire de ses délégués à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises", l’article 34 de la Constitution range dans le domaine de la loi la détermination des principes fondamentaux du droit du travail et du droit syndical ; qu’ainsi, c’est au législateur qu’il revient de déterminer, dans le respect des principes qui sont énoncés au huitième alinéa du Préambule, les conditions de leur mise en œuvre, ce qu’il a fait dans le cas de l’espèce »11.

 

Ce principe recouvre la participation à la détermination collective des conditions de travail, d’une part, et à la gestion des entreprises, d’autre part.

 

* S’agissant de l’articulation entre la loi et la négociation collective, le Conseil constitutionnel a été amené à combiner très tôt les dispositions du huitième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 avec celles de l’article 34 de la Constitution qui range dans le domaine de la loi la détermination des principes fondamentaux du droit du travail. Ce faisant, sa jurisprudence laisse une grande liberté au législateur :

 

- Dans sa décision n° 89-257 DC du 25 juillet 1989, le Conseil juge ainsi, sur le fondement du huitième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, qu’« il est loisible au législateur, après avoir défini les droits et obligations touchant aux conditions de travail ou aux relations du travail, de laisser aux employeurs et aux salariés, ou à leurs organisations représentatives, le soin de préciser après une concertation appropriée, les modalités concrètes de mise en œuvre des normes qu'il édicte »12 ;.

 

- Dans sa décision n° 93-328 DC du 16 décembre 1993, le Conseil était saisi de dispositions ouvrant au chef d’entreprise, dans les entreprises dont l'effectif est inférieur à deux cents salariés, la faculté de décider que les délégués du personnel constituent la délégation du personnel au comité. Il était reproché à ces dispositions de renvoyer la mise en œuvre du principe de participation à l’initiative unilatérale de l'employeur. À cette occasion, le Conseil a jugé : « Considérant que si le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, confirmé par celui de la Constitution du 4 octobre 1958, dispose en son huitième alinéa que "tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises", l'article 34 de la Constitution range dans le domaine de la loi la détermination des principes fondamentaux du droit du travail et du droit syndical  ; qu'ainsi c'est au législateur qu'il revient de déterminer, dans le respect de cette disposition à valeur constitutionnelle, les conditions et garanties de sa mise en œuvre ; Considérant que si cette disposition implique que la détermination des modalités concrètes de cette mise en œuvre fasse l'objet d'une concertation appropriée entre les employeurs et les salariés ou leurs organisations représentatives, elle n'a ni pour objet ni pour effet d'imposer que dans tous les cas cette détermination soit subordonnée à la conclusion d'accords collectifs ; Considérant que le législateur a fixé la condition relative à l'effectif des salariés de l'entreprise à laquelle est subordonnée la faculté qu'il a ouverte ; qu'il a indiqué que cette dernière ne pouvait être exercée qu'à l'occasion de la constitution du comité d'entreprise ou lors du renouvellement de l'institution après consultation des délégués du personnel et, s'il existe, du comité d'entreprise  ; qu'il a déterminé les limites dans lesquelles le mandat des délégués du personnel pouvait être soit prorogé soit réduit dans la stricte mesure nécessaire à la mise en œuvre de ladite faculté ; qu'il a prescrit que les délégués du personnel et le comité d'entreprise devaient conserver l'ensemble de leurs attributions ; qu'il a, en vue d'assurer la capacité de représentation collective des salariés, renvoyé à un décret en Conseil d'État la détermination du nombre des délégués du personnel qui devraient dans une telle hypothèse être désignés ; Considérant qu'eu égard aux précisions et garanties susmentionnées, le législateur n'a pas méconnu les dispositions du huitième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 »13.

 

- Dans sa décision n° 2004-507 DC du 9 décembre 2004, le Conseil a jugé : « qu'il est loisible au législateur, après avoir défini les droits et obligations touchant aux conditions et aux relations de travail, de laisser aux employeurs et aux salariés, ou à leurs organisations représentatives, le soin de préciser, notamment par la voie de la négociation collective, les modalités concrètes d'application des normes qu'il édicte en matière de droit du travail ; qu'il lui est également loisible de prévoir qu'en l'absence de convention collective, ces modalités d'application seront déterminées par décret ; qu'il en va ainsi, dans les conditions et les limites définies par le législateur, de la détermination des parts respectives du salaire et des autres éléments de la rémunération »14 ;.

 

- Dans sa décision n° 2013-682 DC du 19 décembre 2013, le Conseil constitutionnel, saisi d’un grief tiré de la méconnaissance de sa compétence par le législateur, après avoir rappelé les termes du huitième alinéa du Préambule de 1946, a jugé « qu'il est loisible au législateur, dans le cadre des compétences qu'il tient de l'article 34 de la Constitution, de renvoyer au décret ou de confier à la négociation collective le soin de préciser, en matière de détermination collective des conditions de travail, les modalités d'application des règles qu'il a fixées »15.

 

La liberté laissée au législateur n’exclut pas qu’il lui revienne d’encadrer la possibilité de déroger à certaines règles. Ainsi, dans sa décision n° 2004-494 DC du 29 avril 200416, après avoir rappelé sa formule de principe, le Conseil constitutionnel précise que « le législateur peut en particulier laisser les partenaires sociaux déterminer, dans le cadre qu’il a défini, l’articulation entre les différentes conventions ou accords collectifs qu'ils concluent au niveau interprofessionnel, des branches professionnelles et des entreprises ; que, toutefois, lorsque le législateur autorise un accord collectif à déroger à une règle qu'il a lui-même édictée et à laquelle il a entendu conférer un caractère d'ordre public, il doit définir de façon précise l'objet et les conditions de cette dérogation ».

 

* Par ailleurs, dans sa décision n° 2018-769 DC du 4 septembre 201817 sur la loi du 5 septembre 2018 précitée, le Conseil constitutionnel a expressément reconnu, pour la première fois, que la négociation des règles relatives à l'assurance chômage entre dans le champ d’application du principe de participation des travailleurs à la détermination de leurs conditions de travail.

 

Pour apprécier la constitutionnalité de la réforme introduite par cette loi, il a également fondé son contrôle sur le respect de la liberté contractuelle. Il a ainsi jugé, à propos des dispositions prévues par l'article L. 5422-20 du code du travail prévoyant les conditions dans lesquelles un accord est conclu par les partenaires sociaux sur les mesures d’application des règles de l'assurance chômage, qu’ « en adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu, sans attendre le terme de l'actuelle convention d'assurance chômage, fixé au 30 septembre 2020, permettre l'édiction de nouvelles règles régissant l'assurance chômage, en vue de favoriser le retour à l'emploi, de lutter contre la précarité et de revoir l'articulation entre assurance et solidarité, le cas échéant par la création d'une allocation chômage de longue durée attribuée sous condition de ressources. Il a ainsi, en particulier, entendu tirer les conséquences des dispositions introduites par la loi déférée relatives, d'une part, à la réforme du financement du régime d'assurance chômage et, d'autre part, à l'ouverture de l'indemnisation au bénéfice de nouvelles catégories de demandeurs d'emploi, comme certains salariés ayant démissionné et, sous certaines conditions, les travailleurs indépendants en cessation d'activité. Ce faisant, le législateur a poursuivi des objectifs d'intérêt général. / En dernier lieu, d'une part, les dispositions contestées prévoient qu'il appartient aux partenaires sociaux de définir, conventionnellement, de nouvelles règles relatives à l'assurance chômage sur la base d'un document de cadrage lui-même soumis préalablement à la concertation. D'autre part, elles n'ont ni pour objet ni pour effet, par elles-mêmes, de remettre directement en cause la convention d'assurance chômage en vigueur. Elles ouvrent au Premier ministre la faculté de priver celle–ci d'effet en mettant fin à l'agrément dont elle fait l'objet, en cas d'échec de la négociation à venir ou si l'accord conclu par les partenaires sociaux n'est pas compatible avec les objectifs définis dans le document de cadrage du Gouvernement ».

 

D. – Application à l’espèce

 

* Pour examiner les dispositions contestées par les députés requérants, le Conseil constitutionnel a tout d’abord présenté les normes sur lesquelles il fonde son contrôle du respect du principe de participation. Il a ainsi rappelé que l’article 34 de la Constitution place dans le domaine de la loi les principes fondamentaux du droit du travail et qu’aux termes du huitième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 : « Tout travailleur participe, par l’intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises » (paragr. 6).

 

Puis, synthétisant sa jurisprudence précédemment rappelée, il a précisé sa formulation de principe en matière de participation à la détermination collective des conditions de travail en jugeant qu’« Il est loisible au législateur, dans le cadre des compétences qu’il tient de l'article 34 de la Constitution, de renvoyer au décret, pris après une concertation appropriée, ou de confier à la négociation collective le soin de préciser, en matière de détermination collective des conditions de travail, les modalités d’application des règles qu’il a fixées » (paragr. 7).

 

* Après avoir rappelé qu’en application de l’article L. 5422-20 du code du travail, les mesures d’application des dispositions législatives relatives à l’assurance chômage font l’objet d'un accord conclu entre les organisations représentatives de salariés et d'employeurs qui doit être agréé par le Premier ministre, ou, en l'absence d’accord ou d’agrément, sont déterminées par un décret en Conseil d’État, le Conseil constitutionnel a relevé que, par dérogation à ces dispositions, le premier alinéa du paragraphe I de l’'article 1er de la loi déférée prévoit que ces mesures d’application sont directement déterminées par un décret en Conseil d’État pour la période allant du 1er novembre 2022 au 31 décembre 2023 au plus tard (paragr. 8 et 9).

 

Dans un premier temps, le Conseil a confirmé que, conformément à sa jurisprudence, le législateur a pu, sans méconnaître l'étendue de sa compétence, renvoyer à un décret la détermination de ces mesures (paragr. 10).

 

Dans un second temps, il a constaté que les dispositions contestées de l’article 1er prévoient effectivement que ce décret ne peut être pris qu’à la suite d'une concertation avec les organisations de salariés et d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel (paragr. 11).

 

Il en a, par conséquent, conclu qu’en adoptant ces dispositions, le législateur n’avait méconnu ni l’étendue de sa compétence ni le principe de participation. Ces dispositions ne méconnaissant pas non plus le principe d’égalité devant la loi et le principe de fraternité, ni aucune autre exigence constitutionnelle, il les a déclarées conformes à la Constitution (paragr. 12 et 13).

 

II. – Privation du bénéfice de l’allocation d’assurance chômage en cas de refus répétés d’un contrat à durée indéterminée (article 2)

 

A. – Présentation des dispositions contestées

 

* L’article 2 de la loi déférée complète notamment le paragraphe I de l’article L. 5422-1 du code du travail afin de prévoir qu’un demandeur d’emploi peut être privé du bénéfice de l’allocation d'assurance chômage lorsqu’il a refusé deux propositions de contrat à durée indéterminée (CDI).

 

Issu d’un amendement de ses co-rapporteurs adopté en première lecture par la commission des affaires sociales du Sénat18, cet article procède de l’appréciation, présentée dans l’exposé sommaire de cet amendement, que « dans un contexte de fortes tensions sur le marché du travail, il paraît difficilement acceptable qu’un salarié ayant refusé une offre de CDI à l’issue d’un CDD sur le même poste et avec la même rémunération puisse percevoir des allocations chômage. Afin de limiter le caractère désincitatif de l’assurance chômage, cet amendement propose de priver les salariés d’indemnisation du chômage en cas de refus de CDI répétés ».

 

* À cette fin, le 1° de l’article 2 de la loi déférée insère, au sein des dispositions du code du travail relatives à l’échéance du terme du contrat de travail et à sa poursuite après échéance, un nouvel article L. 1243–11–1 qui prévoit que si, à l’issue d’un CDD, l’employeur souhaite proposer au salarié un CDI « pour occuper le même emploi, ou un emploi similaire, assorti d’une rémunération au moins équivalente pour une durée de travail équivalente, relevant de la même classification et sans changement du lieu de travail, il notifie cette proposition par écrit au salarié ». Dans le cas où le salarié refuse cette proposition de CDI, l’employeur doit en informer Pôle emploi en justifiant du caractère similaire de l’emploi proposé.

 

Le 2° de l’article 2 insère au sein du code du travail un article L. 1251-33-119 qui prévoit, quant à lui, que « Lorsque, à l’issue d’une mission, l’entreprise utilisatrice propose au salarié de conclure un contrat à durée indéterminée pour occuper le même emploi ou un emploi similaire, sans changement du lieu de travail, elle notifie cette proposition par écrit au salarié. En cas de refus du salarié, l’entreprise utilisatrice en informe Pôle emploi en justifiant du caractère similaire de l’emploi proposé ».

 

Enfin, le 3° de l’article 2 complète le paragraphe I de l’article L. 5422-1 du code du travail, qui détermine les conditions générales auxquelles est soumis le bénéfice de l’indemnisation du chômage, afin de prévoir qu’un demandeur d’emploi peut être privé du bénéfice de l’allocation d’assurance chômage s’il est constaté qu’il a refusé à deux reprises, au cours des douze mois précédents, une proposition de CDI dans les conditions prévues à l’article L. 1243-11-1, ou s’il est constaté qu’il a refusé à deux reprises, au cours de la même période, une proposition de CDI dans les conditions prévues à l’article L. 1251-33-1.

 

B. – Analyse de constitutionnalité

 

Les députés requérants reprochaient à ces dispositions de faire peser sur les demandeurs d’emploi une contrainte excessive en méconnaissance du cinquième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946. Ils faisaient également valoir que ces dispositions créaient une différence de traitement injustifiée entre les demandeurs d’emploi selon qu’ils ont reçu ou non une proposition de contrat à durée indéterminée.

 

1. – La jurisprudence constitutionnelle relative au onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946

 

* Le onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 affirme que la Nation « garantit à tous, notamment à l’enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs ». Son second alinéa prévoit que : « Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l’incapacité de travailler a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence ».

 

Sur le fondement de ces dispositions, le Conseil constitutionnel a été conduit à connaître de dispositions instaurant un plafond de ressources pour le bénéfice d’allocations familiales dans sa décision n° 97-393 du 18 décembre 1997. Il a jugé : « Considérant que l'exigence constitutionnelle résultant des dispositions précitées des dixième et onzième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946 implique la mise en œuvre d'une politique de solidarité nationale en faveur de la famille ; qu'il est cependant loisible au législateur, pour satisfaire à cette exigence, de choisir les modalités d'aide aux familles qui lui paraissent appropriées ; qu'outre les prestations familiales directement servies par les organismes de sécurité sociale, ces aides sont susceptibles de revêtir la forme de prestations, générales ou spécifiques, directes ou indirectes, apportées aux familles tant par les organismes de sécurité sociale que par les collectivités publiques ; que ces aides comprennent notamment le mécanisme fiscal du quotient familial »20.

 

Dans sa décision n° 2001-451 DC du 27 novembre 2001, le Conseil constitutionnel était saisi de dispositions ayant pour objet de substituer un régime de sécurité sociale au régime obligatoire d'assurances privées ayant cours en matière d'accidents du travail et de maladies professionnelles auxquels sont exposés les agriculteurs non salariés. Pour écarter un grief tiré de la méconnaissance de la liberté d’entreprendre, le Conseil a, après avoir cité les dispositions des dixième et onzième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946, jugé : « Considérant que les dispositions de la loi déférée ont pour objet d'améliorer la protection sociale des agriculteurs non salariés, notamment par la création d'indemnités journalières et d'une rente décès, ainsi que par une meilleure indemnisation de l'incapacité permanente ; que, dès lors, le législateur a pu, pour satisfaire aux prescriptions des dispositions précitées du Préambule de 1946, choisir de créer une nouvelle branche de sécurité sociale sans commettre, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, d'erreur manifeste constitutive d'une atteinte inconstitutionnelle à la liberté d'entreprendre »21.

 

Dans sa décision n° 2003-483 DC du 14 août 2003, le Conseil était saisi de dispositions relatives à la retraite des salariés. Après avoir cité les dispositions du seul onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, le Conseil constitutionnel a affirmé que « l’exigence constitutionnelle résultant des dispositions précitées implique la mise en œuvre d'une politique de solidarité nationale en faveur des travailleurs retraités ; qu’il est cependant possible au législateur, pour satisfaire à cette exigence, de choisir les modalités concrètes qui lui paraissent appropriées ; qu’en particulier, il lui est à tout moment loisible, statuant dans le domaine qui lui est réservé par l'article 34 de la Constitution, de modifier des textes antérieurs ou d’abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d’autres dispositions ; qu’il ne lui est pas moins loisible d'adopter, pour la réalisation ou la conciliation d’objectifs de nature constitutionnelle, des modalités nouvelles dont il lui appartient d’apprécier l’opportunité et qui peuvent comporter la modification ou la suppression de dispositions qu’il estime excessives ou inutiles ; que, cependant, l’exercice de ce pouvoir ne saurait aboutir à priver de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel »22.

 

De la même façon, dans sa décision n° 2010-8 QPC du 18 juin 2010, le Conseil a affirmé « qu'en instaurant un régime d’assurance sociale des accidents du travail et des maladies professionnelles, la loi du 30 octobre 1946 susvisée a mis en œuvre les exigences énoncées par le onzième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 »23.

 

Enfin, le Conseil a jugé également que les exigences constitutionnelles résultant des dispositions des dixième et onzième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946, « impliquent la mise en œuvre d’une politique de solidarité nationale en faveur des personnes handicapées »24 ainsi qu’« en faveur des personnes défavorisées »25.

 

* Le Conseil reconnaît au législateur une importante marge de manœuvre pour la mise en œuvre des exigences du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 194626.

 

Ainsi, dans sa décision n° 2011-123 QPC du 29 avril 2011, le Conseil constitutionnel était appelé à se prononcer sur le caractère approprié de la durée de non-occupation d’un emploi qui est nécessaire pour pouvoir bénéficier de l’allocation aux adultes handicapés. Il a jugé que « l’article L. 821-2 du code de la sécurité sociale définit les conditions pour le versement de l’allocation aux adultes handicapés aux personnes atteintes d’une incapacité permanente inférieure à un taux fixé par décret à 80 % ; qu’il prévoit ce versement aux personnes dont l’incapacité est supérieure ou égale à un pourcentage, fixé par décret à 50 %, et qui connaissent, du fait de ce handicap, une restriction substantielle et durable pour l’accès à l’emploi reconnue par la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées ; le 2° de l’article L. 821-2 tend à définir un critère objectif caractérisant la difficulté d’accéder au marché du travail qui résulte du handicap ; qu’en excluant du bénéfice de cette allocation les personnes ayant occupé un emploi depuis une durée définie par décret, le législateur a fixé un critère qui n’est pas manifestement inapproprié au but poursuivi »27. Il en a déduit que les dispositions contestées ne portaient pas atteinte au onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946.

 

2. – La jurisprudence relative au droit à l’emploi énoncé par le cinquième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946

 

* Le Conseil constitutionnel a plusieurs fois reconnu expressément la valeur constitutionnelle du droit pour chacun d’obtenir un emploi, protégé par le cinquième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946. Il précise qu’il revient « au législateur de fixer les principes fondamentaux du droit du travail, et notamment de poser des règles propres à assurer au mieux, conformément au cinquième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, le droit pour chacun d’obtenir un emploi, tout en ouvrant le bénéfice de ce droit au plus grand nombre d’intéressés »28.

 

Le Conseil constitutionnel a prolongé cette affirmation lorsqu’il a eu à connaître du « contrat première embauche » en ajoutant qu’il incombe « au législateur, compétent en vertu de l’article 34 de la Constitution pour déterminer les principes fondamentaux du droit du travail, de poser des règles propres à assurer, conformément au cinquième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, le droit pour chacun d’obtenir un emploi tout en permettant l’exercice de ce droit par le plus grand nombre et, le cas échéant, en s’efforçant de remédier à la précarité de l’emploi »29.

 

En l’occurrence, il a considéré : « que d’une part, compte tenu de la précarité de la situation des jeunes sur le marché du travail, et notamment des jeunes les moins qualifiés, le législateur a entendu créer un nouveau contrat de travail ayant pour objet de faciliter leur insertion professionnelle ; qu’ainsi, par sa finalité, l’article 8 tend à mettre en œuvre, au bénéfice des intéressés, l’exigence résultant du cinquième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 ; que le Conseil constitutionnel ne dispose pas d’un pouvoir général d’appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement ; qu’il ne lui appartient donc pas de rechercher si l’objectif que s’est assigné le législateur pouvait être atteint par d’autres voies, dès lors que les modalités retenues par la loi déférée ne sont pas manifestement inappropriées à la finalité poursuivie ; d'autre part, que la faculté donnée à l'employeur de ne pas expliciter les motifs de la rupture du "contrat première embauche", au cours des deux premières années de celui-ci, ne méconnaît pas l’exigence résultant du cinquième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 »30.

 

* Au regard de ce droit à l’emploi, le Conseil constitutionnel s’est, dans la décision n° 2006-545 DC du 28 décembre 2006, prononcé sur le congé de mobilité. Il a considéré que « le congé de mobilité est destiné à favoriser l'anticipation par les employeurs et les salariés des difficultés économiques de l'entreprise afin d'éviter des licenciements ; qu'en effet, il a pour objet, selon les termes mêmes du deuxième alinéa du nouvel article L. 320-2-1 du code du travail, "de favoriser le retour à un emploi stable par des mesures d'accompagnement, des actions de formation et des périodes de travail" ; que le législateur a encadré les conditions de mise en œuvre du congé de mobilité ; qu’en particulier, il a subordonné la faculté de le proposer à la conclusion d’un accord collectif ; que cet accord devra notamment fixer, outre la durée du congé, les engagements des parties, les modalités d’accompagnement des actions de formation envisagées, le niveau de la rémunération qui sera versée pendant la période excédant le préavis et les indemnités de rupture garanties au salarié, lesquelles ne pourront être inférieures aux indemnités légales et conventionnelles afférentes au licenciement pour motif économique ; qu’il a prévu que le congé de mobilité ne pourrait être que "proposé" aux salariés, leur acceptation étant nécessaire à sa mise en œuvre ; enfin, que les dispositions critiquées n’instituent pas une nouvelle forme de rupture du contrat de travail, mais une rupture pour motif économique qui intervient d’un commun accord ; que, dès lors, conformément au deuxième alinéa de l’article L. 321-1, l’ensemble des garanties prévues pour les salariés licenciés pour motif économique par le livre III du code du travail trouve à s’appliquer ; qu’en particulier, le salarié peut bénéficier d’indemnités de rupture du contrat de travail et de l’assurance chômage »31.

 

- De même, le Conseil a jugé conforme à la Constitution une disposition qui, d’une part, exemptait l’employeur de l’obligation de réintégrer un salarié en dépit de la nullité de la procédure de licenciement, lorsque cette réintégration est impossible, et, d’autre part, présentait à titre d’illustration, des cas de réintégration impossibles. Le Conseil a estimé que « le législateur a ainsi opéré entre le droit de chacun d’obtenir un emploi, dont le droit au reclassement de salariés licenciés découle directement, et la liberté d’entreprendre, à laquelle la réintégration de salariés licenciés est susceptible de porter atteinte, une conciliation qui n’est entachée d’aucune erreur manifeste »32.

 

- Dans sa décision n° 2017-665 QPC du 20 octobre 2017, le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur des dispositions qui ouvraient la voie à un licenciement fondé sur le refus, par un salarié, de se voir appliquer les prescriptions d’un accord de préservation et de développement de l’emploi.

 

D’une part, il a jugé qu’en instaurant ces accords, le législateur a entendu favoriser la préservation et le développement de l'emploi en permettant aux entreprises d’ajuster leur organisation collective afin de garantir leur pérennité et leur développement et rappelé qu’il ne dispose pas d'un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement. Il ne saurait rechercher si les objectifs que s'est assignés le législateur auraient pu être atteints par d'autres voies, dès lors que les modalités retenues par la loi ne sont pas manifestement inappropriées à l'objectif visé.


D'autre part, le Conseil a relevé que « en premier lieu, le législateur a apporté au licenciement fondé sur ce motif les mêmes garanties que celles prévues pour le licenciement individuel pour motif économique en matière d'entretien préalable, de notification, de préavis et d'indemnités. En deuxième lieu, le fait que la loi ait réputé le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse n'interdit pas au salarié de contester ce licenciement devant le juge afin que ce dernier examine si les conditions prévues au paragraphe II de l'article L. 2254-2 du code du travail sont réunies. En troisième lieu, en prévoyant l'exclusion du bénéfice de l'obligation de reclassement, dont la mise en œuvre peut impliquer une modification du contrat de travail de l'intéressé identique à celle qu'il a refusée, le législateur a tenu compte des difficultés qu'une telle obligation serait susceptible de présenter. En dernier lieu, si le législateur n'a pas fixé de délai à l'employeur pour décider du licenciement du salarié qui l'a averti de son refus de modification de son contrat de travail, un licenciement fondé sur ce motif spécifique ne saurait, sans méconnaître le droit à l'emploi, intervenir au-delà d'un délai raisonnable à compter de ce refus »33.

 

Sous cette réserve, il a jugé que le législateur avait opéré une conciliation qui n'est pas manifestement déséquilibrée entre les exigences constitutionnelles qui découlent du droit d'obtenir un emploi et de la liberté d'entreprendre.

 

3. – Application à l’espèce

 

* Saisi de dispositions qui restreignaient le bénéfice de l’allocation d’assurance chômage de certains demandeurs d’emplois, le Conseil constitutionnel a, pour la première fois, jugé que le droit à l’emploi garanti par le cinquième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 et le droit à des moyens convenables d’existence garanti par le onzième alinéa de ce même Préambule « impliquent l’existence d’un régime d’indemnisation des travailleurs privés d’emplois » (paragr. 16).

 

C’est sur ce fondement que le Conseil a opéré le contrôle des dispositions qui lui étaient déférées.

 

Après avoir décrit l’objet des dispositions contestées (paragr. 17), le Conseil s’est assuré que, en dépit de la large marge de manœuvre qu’il lui reconnaît en la matière, le législateur n’avait pas méconnu ces exigences.

 

Le Conseil a tout d’abord constaté que, « en adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu inciter les travailleurs privés d’emploi à accepter des emplois à durée indéterminée afin notamment de lutter contre la précarité résultant de l’embauche dans le cadre de contrats à durée déterminée ou de mission d'intérim. Il a ainsi poursuivi un objectif d’intérêt général » (paragr. 18).

 

Puis, le Conseil a relevé les garanties que comportaient les dispositions contestées.

 

D’une part, le Conseil a constaté que « le demandeur d’emploi peut être privé du bénéfice de l’allocation d’assurance chômage uniquement lorsque, soit il a refusé à deux reprises au cours des douze derniers mois, à l’issue d’un contrat à durée déterminée, une proposition de contrat à durée indéterminée pour occuper le même emploi ou un emploi similaire, assorti d’une rémunération au moins équivalente pour une durée de travail équivalente, relevant de la même classification et sans changement du lieu de travail, soit il a refusé, à deux reprises au cours des douze derniers mois, à l’issue d’un contrat de mission, un contrat à durée indéterminée pour occuper le même emploi ou un emploi similaire, sans changement du lieu de travail. En outre, le bénéfice de l’allocation d’assurance chômage ne peut lui être refusé si, au cours de la même période de douze mois, il a été employé dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée » (paragr. 19).

 

D’autre part, le Conseil a noté que « le demandeur d’emploi n’est pas privé de l’allocation d’assurance chômage si la dernière proposition de contrat à durée indéterminée qui lui a été adressée n’est pas conforme aux critères prévus par le projet personnalisé d’accès à l’emploi préalablement établi, lequel précise la nature et les caractéristiques de l’emploi ou des emplois recherchés, la zone géographique privilégiée et le niveau de salaire attendu, en tenant compte de la formation du demandeur d’emploi, de ses qualifications, de ses connaissances et compétences acquises au cours de ses expériences professionnelles, de sa situation personnelle et familiale ainsi que de la situation du marché du travail local » (paragr. 20).

 

Au regard de cet objectif et de ces garanties, le Conseil a jugé que les dispositions contestées ne méconnaissent pas les exigences constitutionnelles des cinquième et onzième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946.

 

Après avoir écarté le grief tiré de la méconnaissance du principe d’égalité, il a donc déclaré les dispositions du dernier alinéa du paragraphe I de l’article L. 5422-1 du code du travail conformes à la Constitution.

 

III. – Présomption de démission du salarié en cas d’abandon de poste (article 4)

 

A. – Présentation des dispositions contestées

 

* En cas de licenciement, le salarié bénéficie du droit à l’allocation d’assurance des travailleurs privés d’emploi, tandis que, conformément aux dispositions de l’article L. 5422-1 du code du travail, il en est en principe privé s’il démissionne34.

 

Selon la jurisprudence de la Cour de cassation, la démission ne peut résulter que d’une manifestation claire et non équivoque de volonté du salarié de rompre le contrat de travail. Il a ainsi été jugé qu’une absence non autorisée d’un salarié de son lieu de travail ne suffisait pas, à elle seule, à caractériser une telle volonté35.

 

Sauf dans les cas où elle est justifiée par un motif légitime36, cette absence est cependant constitutive d’un abandon de poste. Celui-ci est considéré comme une inexécution fautive du contrat de travail par le salarié et, par suite, comme une cause réelle et sérieuse de licenciement37.

 

* L’article 4 de la loi déférée insère au sein du code du travail un nouvel article L. 1237-1-1 instituant une présomption de démission du salarié en cas d’abandon de poste.

 

Issu de quatre amendements identiques adoptés en première lecture en séance publique par l’Assemblée nationale38, il a, selon les auteurs de ces amendements, pour objectif de « limiter le recours des salariés à la pratique de l’abandon de poste lorsqu’ils souhaitent que leur relation de travail cesse, tout en étant indemnisés par l’assurance chômage »39.

 

À cette fin, le premier alinéa du nouvel article L. 1237-1-1 du code du travail prévoit que le salarié qui a abandonné volontairement son poste est présumé avoir démissionné s’il ne reprend pas le travail après avoir été mis en demeure par son employeur de justifier de son absence et de reprendre son poste dans un certain délai. Aux termes de son troisième alinéa, ce délai ne peut être inférieur à une durée minimale déterminée par décret en Conseil d’État.

 

Le deuxième alinéa de ce même article institue, au bénéfice du salarié réputé démissionnaire, une voie de recours spécifique devant le conseil de prud’hommes afin de contester la rupture de son contrat de travail. Dans un objectif de célérité, l’affaire est directement portée devant le bureau de jugement, par dérogation au principe de la phase préalable de conciliation40, et celui-ci statue au fond dans un délai d’un mois à compter de sa saisine.

 

B. – Analyse de constitutionnalité41

 

* Les députés requérants soutenaient que, en assimilant l’abandon de poste à une démission, les dispositions contestées privaient du bénéfice du régime d’assurance chômage des personnes conduites à abandonner leur poste pour des motifs indépendants de leur volonté. Il en résultait, selon eux, une méconnaissance du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946.

 

Ils reprochaient en outre à ces dispositions d’instituer, au regard du droit à indemnisation au titre de l’assurance chômage, une différence de traitement injustifiée entre les salariés en situation d’abandon de poste selon que leur employeur procède au licenciement ou se prévaut de la présomption de démission.

* Après avoir décrit l’objet des dispositions contestées, le Conseil constitutionnel a relevé que celles-ci peuvent avoir pour effet de priver le salarié présumé démissionnaire de son droit à l’allocation d’assurance des travailleurs privés d’emploi (paragr. 26). En effet, en application de l’article L. 5422-1 du code du travail précité, seuls bénéficient de ce droit les travailleurs dont la privation d’emploi est involontaire ou dont le contrat de travail a été rompu conventionnellement ou d’un commun accord dans le cadre d’un accord collectif, ainsi que les travailleurs ayant démissionné mais satisfaisant à des conditions d’activité antérieure spécifiques et poursuivant un projet de reconversion.

 

Le Conseil a dès lors considéré que ces dispositions étaient susceptibles de porter atteinte tant au droit d’obtenir un emploi, garanti par le cinquième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 et habituellement mobilisé lorsque sont en cause des dispositions qui prévoient les conditions dans lesquelles il peut être mis fin à une relation de travail42, qu’aux exigences constitutionnelles résultant de la combinaison des cinquième et onzième alinéas de ce Préambule qui impliquent, ainsi qu’il l’a nouvellement jugé à l’occasion de l’examen de l’article 2 de la loi déférée43, l’existence d’un régime d’indemnisation des travailleurs privés d’emplois (paragr. 27).

 

C’est donc sur ce double fondement que le Conseil constitutionnel a opéré son contrôle afin de s’assurer que l’atteinte portée aux exigences constitutionnelles précitées n’est pas manifestement disproportionnée.

 

En premier lieu, le Conseil a relevé, d’une part, que « les dispositions contestées ne s’appliquent que dans le cas où le salarié a volontairement abandonné son poste ». Il s’est appuyé sur les travaux préparatoires, qui eux-mêmes se référaient expressément à la jurisprudence constante de la Cour de cassation, pour préciser ce champ d’application : « l’abandon de poste ne peut pas revêtir un caractère volontaire si […] il est justifié par un motif légitime, tel que des raisons médicales, l’exercice du droit de grève, l’exercice du droit de retrait, le refus du salarié d’exécuter une instruction contraire à la réglementation ou encore son refus d’une modification unilatérale d’un élément essentiel du contrat de travail » (paragr. 28).

 

D’autre part, il a constaté que le salarié ne peut être réputé démissionnaire qu’après avoir été mis en demeure, par son employeur, de justifier d’un tel motif et de reprendre son poste dans un délai déterminé, lequel ne peut être inférieur à un minimum fixé par décret en Conseil d’État (paragr. 29).

 

En second lieu, le Conseil a relevé que « la présomption de démission instituée par les dispositions contestées est une présomption simple, qui peut donc être renversée par le salarié qui entend contester la rupture de son contrat de travail ». Il a en outre constaté l’existence d’une procédure spécifique : « Le conseil de prud’hommes saisi d’une telle contestation statue alors au fond, sans conciliation préalable, dans un délai d’un mois à compter de sa saisine » (paragr. 30).

 

Le Conseil a déduit de l’ensemble de ces éléments que le grief tiré de la méconnaissance des exigences constitutionnelles précitées devait être écarté (paragr. 31).

 

Il a par ailleurs jugé que les dispositions contestées, qui n’instituent par elles-mêmes aucune différence de traitement, ne méconnaissent pas le principe d’égalité devant la loi (paragr. 32).

 

Par conséquent, après avoir énoncé que l’article L. 1237-1-1 du code du travail ne méconnaissait aucune autre exigence constitutionnelle, le Conseil constitutionnel a déclaré cette disposition conforme à la Constitution (paragr. 33).

 

 

_______________________________________

1 Étude d’impact du projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, n° 904, déposé à l’Assemblée nationale le 27 avril 2018.

2 Article L. 5422-20-1 du code du travail.

3 Décret n° 2019-797 du 26 juillet 2019 relatif au régime d'assurance chômage.

4 Décrets n° 2020-361 du 27 mars 2020, n° 2020-929 du 29 juillet 2020 et n° 2020-1716 du 28 décembre 2020.

5 Voir notamment l’ordonnance n° 452210 du 22 juin 2021.

6 Rapport n° 276 (2022-2023) du 28 septembre 2022, fait au nom de commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale par M. Marc Ferracci.

7 Décret n° 2022-1374 du 29 octobre 2022 prorogeant temporairement les règles du régime d'assurance chômage.

8 Avis n° 405.699 du 5 septembre 2022.

9 Cet article prévoit le régime applicable à Mayotte.

10 Amendement n°COM-62 du 17 octobre 2022 de Mme Frédérique Puissat et M. Olivier Henno, rapporteurs, http://www.senat.fr/amendements/commissions/2022-2023/44/Amdt_COM-62.html. Selon l’exposé sommaire de cet amendement, l’obligation ainsi faite au Gouvernement procède de l’idée que « si les mesures proposées à l’article 1er sont justifiées par la nécessité de fixer les règles d’indemnisation à appliquer à compter du 1er novembre, la gestion paritaire de l’assurance chômage doit prévaloir. Dès lors, le Gouvernement ne saurait s’écarter pour une durée excessive de la gouvernance prévue aujourd’hui par le code du travail, sans que le législateur ne se prononce sur d’éventuelles évolutions du rôle des partenaires sociaux et de l’État et après concertation avec les organisations représentant les salariés et les employeurs ».

11 Décision n° 77-79 DC du 5 juillet 1977, Loi portant diverses dispositions en faveur de l’emploi des jeunes et complétant la loi n° 75-574 du 4 juillet 1975 tendant à la généralisation de la sécurité sociale, cons. 3. Cette formulation de principe a été complétée, depuis la décision n° 93-328 DC du 16 décembre 1993, de la précision qu’il revient au législateur de déterminer tant les conditions que les garanties de la mise en œuvre de ce principe (décision n° 93-328 DC du 16 décembre 1993, Loi quinquennale relative au travail, à l'emploi et à la formation professionnelle, cons. 3).

12 Décision n° 89-257 DC du 25 juillet 1989, Loi modifiant le code du travail et relative à la prévention du licenciement économique et au droit à la conversion, cons. 10.

13 Décision n° 93-328 DC du 16 décembre 1993 précitée, cons. 3 à 6. Voir également décision n° 97-388 DC du 20 mars 1997, Loi créant les plans d'épargne retraite, cons. 6.

14 Décision n° 2004-507 DC du 9 décembre 2004, Loi portant diverses dispositions relatives au sport professionnel, cons. 11.

15 Décision n° 2013-682 DC du 19 décembre 2013, Loi de financement de la sécurité sociale pour 2014, cons. 41. Il avait déjà retenu une formulation semblable pour l’exercice du droit de grève dans sa décision n° 2007-556 DC du 16 août 2007, Loi sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs (cons. 7). Voir également décision n° 2013-683 DC du 16 janvier 2014, Loi garantissant l'avenir et la justice du système de retraites, cons. 22.

16 Décision n° 2004-494 DC du 29 avril 2004, Loi relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social, cons. 8.

17 Décision n° 2018-769 DC du 4 septembre 2018, Loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, paragr. 49 à 54.

18 Amendement COM-69, http://www.senat.fr/amendements/commissions/2022-2023/44/Amdt_COM-69.html

19 Cet article est inséré au sein des dispositions relatives au régime juridique du contrat de travail temporaire.

20 Décision n° 97-393 DC du 18 décembre 1997, Loi de financement de la sécurité sociale pour 1998, cons. 30 à 34. Voir également, la décision n° 98-405 DC du 29 décembre 1998, Loi de finances pour 1999, cons. 12.

21 Décision n° 2001-451 DC du 27 novembre 2001, Loi portant amélioration de la couverture des non salariés agricoles contre les accidents du travail et les maladies professionnelles, paragr. 21.

22 Décision n° 2003-483 DC du 14 août 2003, Loi portant réforme des retraites, cons. 6 à 8. Voir également les décisions n° 2010-617 DC du 9 novembre 2010, loi portant réforme des retraites, cons. 8 et n° 2011-170 QPC du 23 septembre 2011, Mme Odile B. épouse P. (Inaptitude au travail et principe d'égalité), cons. 4.

23 Décision n° 2010-8 QPC du 18 juin 2010, Époux L. (Faute inexcusable de l'employeur), cons. 11.

24 Décision n° 2018-772 DC du 15 novembre 2018, Loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, cons. 36.

25 Décision n° 2009-599 DC du 29 décembre 2009, Loi de finances pour 2010, cons. 101. Voir également décisions n° 2011-123 QPC du 29 avril 2011, M. Mohamed T. (Condition d’octroi de l’allocation adulte handicapé) cons. 3, n° 2011-136 QPC du 17 juin 2011, Fédération nationale des associations tutélaires et autres (Financement des diligences exceptionnelles accomplies par les mandataires judiciaires à la protection des majeurs), cons. 5, n° 2011-137 QPC du 17 juin 2011, M. Zeljko S. (Attribution du revenu de solidarité active aux étrangers), cons. 4 et n° 2018-776 DC du 21 décembre 2018, Loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, paragr. 56.

26 Il en va de même lorsqu’il exerce son contrôle sur le fondement du cinquième alinéa du Préambule de 1946 qui garantit le droit pour chacun d’obtenir un emploi (voir, en ce sens, la décision n° 2006-535 DC du 30 mars 2006, Loi pour l’égalité des chances, cons. 20).

27 Décision n° 2011-123 QPC du 29 avril 2011, précitée, cons. 4.

28 Décision n° 98-401 DC du 10 juin 1998, Loi d’orientation et d’incitation relative à la réduction du temps de travail, cons. 26 ; pour une formulation similaire, voir décision n° 2006-545 DC du 28 décembre 2006, Loi pour le développement de la participation et de l’actionnariat salarié et portant diverses dispositions d’ordre économique et social, cons. 12.

29 Décision n° 2006-535 DC du 30 mars 2006, Loi pour l’égalité des chances, cons. 19.

30 Ibid. cons. 20 et 21.

31 Décision n° 2006-545 DC du 28 décembre 2006, Loi pour le développement de la participation et de l'actionnariat salarié et portant diverses dispositions d'ordre économique et social, cons. 13 à 15.

32 Décision n° 2004-509 DC du 13 janvier 2005, Loi de programmation pour la cohésion sociale, cons. 28.

33 Décision n° 2017-665 QPC du 20 octobre 2017, Confédération générale du travail - Force ouvrière (Licenciement en cas de refus d'application d'un accord en vue de la préservation ou du développement de l'emploi), paragr. 9 et suivants.

34 Le paragraphe II de l’article L. 5422-1 du code du travail prévoit cependant que : « Ont également droit à l’allocation d’assurance les travailleurs dont la privation d’emploi volontaire résulte d’une démission au sens de l’article L. 1237-1, sans préjudice du 1° du I du présent article, aptes au travail et recherchant un emploi qui :

1° Satisfont à des conditions d’activité antérieure spécifiques ;

2° Poursuivent un projet de reconversion professionnelle nécessitant le suivi d’une formation ou un projet de création ou de reprise d’une entreprise. Ce projet doit présenter un caractère réel et sérieux attesté par la commission paritaire interprofessionnelle régionale mentionnée à l’article L. 6323-17-6, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État ».

35 Cass. soc., 24 mars 1998, n° 96-40.805.

36 Sont par exemple considérés comme des motifs légitimes d’absence : l’exercice du droit de retrait (art. L. 4131-1 du code du travail), l’exercice du droit de grève (art. L. 1132-2 et L. 2511-1 du code du travail), un état de santé justifiant de consulter un médecin (Cass. soc., 3 juillet 2001, n° 99-41.738) ou encore le refus d’une modification unilatérale d’un élément essentiel du contrat de travail, telle que le passage d’un horaire de jour à un horaire de nuit (Cass. soc, 22 mai 2001, n° 99-41.146).

37 L’absence injustifiée peut également fonder, à certaines conditions, un licenciement pour faute grave. La faute grave est « celle qui elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise » (Cass. soc., 27 septembre 2007, n° 06-43.867). Une telle qualification prive le salarié du versement de l’indemnité de licenciement et de l’indemnité compensatrice de préavis. Elle n’a pas en revanche de conséquence sur le droit à l’allocation d’assurance chômage.

38 Amendement n° 388 (rect) du 30 septembre 2022, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/amendements/0276/AN/388 ; amendement n° 391 (rect) du 30 septembre 2022, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/amendements/0276/AN/391 ; amendement n° 392 (rect) du 30 septembre 2022, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/amendements/0276/AN/392  ; amendement n° 393 (rect) du 30 septembre 2022, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/amendements/0276/AN/393.

39 Exposé sommaire des amendements précités.

40 Dans le cadre de la procédure de droit commun, cette phase de conciliation est prévue par les articles L. 1454-1 à L. 1454-1-3 du code du travail.

41 Il est renvoyé à la jurisprudence présentée au II.B.1 et II.B.2. du présent commentaire.

42 Voir, par exemple, la décision n° 2017-665 QPC du 20 octobre 2017 précitée, relative au licenciement d’un salarié en cas de refus d’application d’un accord en vue de la préservation et du développement de l’emploi.

43 Cf. supra.