• Commentaire DC

Commentaire de la décision 2022-842 DC

13/06/2023

 

La loi de finances rectificative pour 2022 avait été définitivement adoptée le 4 août 2022.

 

Le Conseil constitutionnel en avait été saisi par deux recours. Le premier, enregistré le 5 août 2022, émanait de plus de soixante députés des groupes « La France insoumise – Nouvelle Union Populaire écologique et sociale », « Gauche Démocrate Républicaine – NUPES » et « Écologiste – NUPES » qui mettaient en cause la sincérité de la loi déférée, la place de l'article 5 au sein d'une loi de finances et la conformité à la Constitution de l'article 6. Le second recours, enregistré le 8 août 2022, émanait de plus de soixante sénateurs des groupes « Socialiste, Écologiste et Républicain », « Écologiste - Solidarité et Territoires » et « Union Centriste » qui contestaient également son article 6.

 

Dans sa décision n° 2022-842 DC du 12 août 2022, le Conseil constitutionnel a rejeté le grief tiré de l'insincérité de la loi déférée et de l'irrégularité de la procédure d'adoption de son article 5 et il a déclaré conformes à la Constitution le 6° du paragraphe II de son article 6 et le 3 du paragraphe VI de l'article 46 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006, dans sa rédaction résultant de l'article 6 de la loi déférée, ainsi que, sous deux réserves d'interprétation, le 2° du 1 du même paragraphe VI.

 

I. – Conversion des jours de repos « Réduction du temps de travail » (RTT) en majoration de salaires (Article 5)

 

A. – Présentation des dispositions contestées

 

L'article 5 de la loi déférée est issu d'amendements identiques, émanant de députés de plusieurs groupes, adoptés en première lecture en séance publique par l'Assemblée nationale. Il vise à élargir la possibilité pour les salariés du secteur privé de convertir des jours de congés en majorations de salaire et de bénéficier à ce titre, dans certains cas, d'une exonération de cotisations sociales et d'impôt sur le revenu.

 

* En l'état du droit, des jours de repos « RTT » peuvent être accordés aux salariés sous certaines conditions fixées, principalement, par voie conventionnelle et les possibilités de conversion de ces jours en complément de salaire sont limitées.

 

* Aux termes du paragraphe I de l'article contesté, est désormais ouverte à tout salarié du secteur privé la possibilité, sur sa demande et avec l'accord de l'employeur, de renoncer à tout ou partie des journées (ou demi-journées) de repos acquises en application d'un accord ou d'une convention collective instituant un dispositif de RTT ou en application d'un dispositif de jours de repos conventionnels, et de les « convertir » en rémunération. Les journées ou demi-journées ainsi travaillées donnent lieu à une majoration de salaire au moins égale au taux de majoration de la première heure supplémentaire applicable dans l'entreprise.

 

Alors que l'Assemblée nationale avait limité cette possibilité aux journées ou demi-journées de repos RTT acquises entre le 1er janvier 2022 et le 31 décembre 2023, le Sénat avait souhaité pérenniser ce dispositif en supprimant toute borne temporelle. En commission mixte paritaire, un terme a finalement été rétabli et fixé au 31 décembre 2025.

 

Le paragraphe II prévoit que les majorations salariales résultant ainsi du rachat des jours de repos RTT font l'objet d'exonérations sociales et fiscale. Elles ouvrent droit à la réduction des cotisations salariales et à la déduction forfaitaire des cotisations patronales prévues aux articles L. 241-17 et L. 241-18 du code de la sécurité sociale ainsi qu'à l'exonération d'impôt sur le revenu prévue à l'article 81 quater du code général des impôts.

 

Le paragraphe III précise que le montant des rémunérations ainsi exonérées d'impôt sur le revenu est intégré au revenu fiscal de référence pris en compte pour le bénéfice de l'exonération de la taxe d'habitation et de la taxe foncière (défini au 1° du paragraphe IV de l'article 1417 du code général des impôts) et pour la limite annuelle d'exonération d'impôt sur le revenu des heures supplémentaires (prévue au paragraphe I de l'article 81 quater du même code).

 

Le paragraphe IV « gage » la mesure – précaution nécessaire en application de l'article 40 de la Constitution pour que soit recevable une initiative parlementaire susceptible d'avoir pour conséquence une diminution des ressources publiques – en prévoyant que « la perte de recettes résultant pour l'État du prolongement, du 31 décembre 2023 au 31 décembre 2025, de la possibilité pour les salariés de convertir certains jours de repos en majoration de salaire est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services »1.

 

Sur le même modèle, le paragraphe V prévoit une compensation de la perte subséquente de recettes en résultant pour les organismes de sécurité sociale.

 

B. – Les griefs des requérants

 

Les députés requérants se bornaient à soutenir que l'article contesté n'entrait dans aucune des catégories de dispositions relevant du domaine des lois de finances, tel que défini par la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF).

 

C. – Le contrôle exercé par le Conseil constitutionnel

 

* Le contrôle des « cavaliers budgétaires », c'est-à-dire des dispositions figurant irrégulièrement dans une loi de finances, s'opère au regard du contenu des lois de finances défini par la loi organique du 1er août 2001 précitée, principalement à son article 34. Il s'agit de s'assurer que les dispositions de la loi déférée ne sont pas « étrangères » au domaine des lois de finances.

 

Compte tenu de la définition de ces lois, fixée par l'article 34 de la Constitution (« Les lois de finances déterminent les ressources et les charges de l'État dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique. »), et des délais particulièrement contraints dans lesquels elles sont discutées, l'objectif de ce contrôle – et la censure des dispositions étrangères au champ ainsi défini – est d'éviter un dévoiement de la procédure spéciale à l'issue de laquelle elles sont adoptées et une dénaturation de leur objet – afin que ces lois ne deviennent pas de vastes textes portant diverses dispositions sur l'ensemble des politiques publiques.

 

* Pour déterminer le contenu des lois de finances, l'article 34 de la LOLF définit les dispositions qui doivent nécessairement y figurer (domaine obligatoire : par exemple l'autorisation de prélever les impôts, l'article d'équilibre, les prévisions de recettes, le montant des crédits), celles qui peuvent l'être et qui ne sauraient être prises dans une loi ordinaire (domaine facultatif exclusif : par exemple l'octroi de la garantie de l'État, la reprise de la dette d'un tiers ou une affectation de recette de l'État au profit d'une autre personne morale2) et celles qui peuvent l'être mais pourraient aussi figurer dans une loi ordinaire (domaine facultatif partagé : par exemple les mesures relatives aux impositions de toute nature, à la répartition des concours financiers aux collectivités territoriales ou ayant des conséquences sur les dépenses de l'État).

 

Les dispositions figurant dans une loi de finances qui ne relèvent d'aucun de ces trois domaines sont des « cavaliers budgétaires », que le Conseil constitutionnel censure, y compris d'office.

 

Pour ce qui est du domaine des lois de finances rectificatives, l'article 35 précise que « Sous réserve des exceptions prévues par la présente loi organique, seules les lois de finances rectificatives peuvent, en cours d'année, modifier les dispositions de la loi de finances de l'année prévues aux 1° et 3° à 10° du I et au 1° à 6° du II de l'article 34 (…) ». Enfin, aux termes du dernier alinéa de ce même article 35 : « Les lois de finances rectificatives sont présentées en partie ou en totalité dans les mêmes formes que la loi de finances de l'année ».

 

* Dans le cadre de ce contrôle, le Conseil ne s'est jamais reconnu le pouvoir de se saisir d'office de la question d'une mauvaise répartition des dispositions adoptées entre la première et la seconde parties de la loi de finances.

 

Dans sa décision n° 2010-622 DC du 28 décembre 2010 sur la loi de finances pour 2011, il était saisi d'un grief des requérants qui contestaient la place de trois articles en première partie de la loi de finances. L'article 21 de la loi de finances pour 2011 soumettait, à compter du 1er janvier 2011, les contrats d'assurance maladie complémentaires dits « solidaires et responsables » à la taxe spéciale sur les conventions d'assurance, dont le produit est affecté à la Caisse nationale des allocations familiales. L'article 22, d'une part, aménageait les règles d'imposition aux prélèvements sociaux de la part en euros des contrats d'assurance vie en unités de compte et, d'autre part, affectait à la même caisse nationale le produit du surcroît de prélèvements sociaux résultant de cet aménagement. L'article 35 modifiait le régime de la taxe sur les éditeurs et distributeurs de services de télévision affectée au Centre national du cinéma et de l'image animée et prévoyait un prélèvement exceptionnel en 2011 au profit du budget général de l'État sur le produit des ressources affectées au même centre national. Le Conseil a estimé que, eu égard à l'augmentation des ressources qu'il opère au profit de l'État en 2011, l'article 35 trouvait sa place dans la première partie de la loi de finances mais que, en revanche, les articles 21 et 22 y avaient été placés à tort. Il n'avait pas pour autant prononcé la censure de ces dernières dispositions, estimant que « pour regrettable qu'elle soit, l'insertion de ces deux articles en première partie de la loi de finances n'a pas eu pour effet, dans les circonstances de l'espèce, de porter une atteinte inconstitutionnelle à la clarté et à la sincérité des débats relatifs à l'adoption de ces articles ; qu'elle n'a pas davantage altéré les conditions d'adoption des données générales de l'équilibre budgétaire »3.

 

En revanche, saisi d'un même grief, le Conseil a prononcé une censure dans sa décision n° 2015-725 DC du 29 décembre 20154. Il était saisi de dispositions élargissant le champ d'application de la taxe sur les transactions financières, prévue à l'article 235 ter ZD du code général des impôts, à toute acquisition à titre onéreux d'un titre de capital ou d'un titre de capital assimilé admis aux négociations sur un marché réglementé français, européen ou étranger émis par une société dont le siège social est situé en France et dont la capitalisation boursière dépasse un milliard d'euros, y compris lorsque cette acquisition n'a pas donné lieu à une inscription au compte titre de l'acquéreur. Outre des griefs de fond, certains parlementaires développaient un grief de procédure à l'encontre de ces dispositions et soutenaient que celles-ci figuraient irrégulièrement dans la première partie de la loi de finances dans la mesure où, compte tenu de leur entrée en vigueur au 31 décembre 2016, elles étaient sans effet sur les recettes de l'année 2016. Le Conseil a fait droit à ce grief, jugeant que ces dispositions avaient été placées à tort dans la première partie de la loi de finances pour 2016 dès lors que, d'une part, la taxe était exigible le premier jour du mois suivant celui au cours duquel s'est produite l'acquisition du titre et, d'autre part, les dispositions entraient en vigueur le 31 décembre 2016.

 

D. – L'application à l'espèce

 

Dans la décision commentée, le Conseil constitutionnel a jugé que l'article 5 de la loi déférée relevait bien du domaine des lois de finances au titre des « dispositions relatives à l'assiette, au taux et aux modalités de recouvrement des impositions de toute nature » (paragr. 11), que l'article 34 de la LOLF place dans le « domaine facultatif partagé » des lois de finances5.

 

Il en allait d'évidence ainsi de l'exonération d'impôt sur le revenu instaurée par certaines dispositions de son paragraphe II, de la règle de calcul du revenu fiscal de référence prévue à son paragraphe III, ainsi que des créations ou majorations de taxes prévues à ses paragraphes IV et V. En précisant que les dispositions de cet article étaient « inséparables », le Conseil a souligné, suivant une analyse classique dans sa jurisprudence, que le dispositif de fond prévu par son paragraphe I (élargissant la possibilité de convertir des RTT en rémunération) et les exonérations sociales ménagées par certaines dispositions de son paragraphe II constituaient des éléments indissociables du dispositif d'ensemble adopté par le législateur.

 

Ayant ainsi admis que l'article 5 avait bien sa place en loi de finances, le Conseil n'a pas, faute d'en avoir expressément été saisi par les requérants, eu à se prononcer sur la régularité de l'insertion de ces dispositions au sein de la première partie de la loi de finances rectificative.

 

On notera que, à compter de l'examen des lois de finances afférentes à l'année 2023, le législateur organique a modifié l'article 34 de la LOLF afin, notamment, de supprimer la condition imposant que seules les dispositions relatives aux ressources de l'État « qui affectent l'équilibre budgétaire » puissent figurer dans la première partie de la loi de finances. Symétriquement, a également été supprimée la mention prévoyant la discussion en seconde partie des dispositions relatives à l'assiette, au taux et aux modalités de recouvrement des impositions de toute nature « qui n'affectent pas l'équilibre budgétaire ».

 

II. – Réforme du financement de l'audiovisuel public (article 6)

 

A. – Les dispositions contestées

 

1. – Présentation des dispositions

 

* La contribution à l'audiovisuel public était une taxe affectée prévue par les articles 1605 à 1605 quater du code général des impôts (CGI)6.

 

Ces dispositions prévoyaient que cette taxe était instituée au profit des sociétés et de l'établissement public composant le secteur public de l'audiovisuel, à savoir France Télévisions, ARTE France, Radio France, France Médias Monde, TV5 Monde et l'Institut national de l'audiovisuel (INA). Elles déterminaient les redevables de cette taxe7, son montant8 ainsi que les dégrèvements, exonérations et abattements dont elle pouvait faire l'objet. 

 

Le produit de la contribution à l'audiovisuel public était versé, depuis la loi de finances pour 2006, sur un compte de concours financiers intitulé « Avances à l'audiovisuel public »9 où il venait compenser, en recettes, le montant des avances accordées aux sociétés de l'audiovisuel public. Ces avances constituaient en fait des dotations10.

 

* L'article 6 de la loi déférée remplace, dans les recettes de ce compte de concours, le produit de la contribution à l'audiovisuel public par une fraction du produit de la taxe sur la valeur ajoutée11.

 

À cette fin, d'une part, le 6° de son paragraphe II abroge notamment les articles 1605, 1605 bis, 1605 ter et 1605 quater du CGI. Son paragraphe VIII prévoit que cette suppression prend effet le 1er janvier 2022.

 

D'autre part, son paragraphe VI modifie le 2° du 1 de l'article 46 de la loi de finances pour 200612 pour prévoir désormais que les recettes de ce compte de concours « proviennent, jusqu'au 31 décembre 2024, d'une fraction du produit de la taxe sur la valeur ajoutée déterminée chaque année par la loi de finances de l'année ».

 

La référence faite à l'échéance du 31 décembre 2024 résulte de l'adoption en première lecture par le Sénat, avec un avis de sagesse du Gouvernement, d'un amendement du rapporteur général de la commission des finances, M. Jean-François HUSSON13. Dans l'exposé sommaire de cet amendement, M. HUSSON justifiait cette mention en faisant valoir que « le financement de l'audiovisuel public par l'affectation d'une part du produit de la TVA devra prendre fin au 31 décembre 2024, conformément aux dispositions adoptées lors de la dernière révision de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances », dès lors que « l'article 2 de celle-ci, tel que modifié par l'article  3 de la loi organique n° 2021-1836 du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques prévoit en effet qu'à partir de 2025, pour un tiers bénéficiant déjà d'une affectation de taxe, celle-ci ne peut être maintenue que si elle est en lien avec les missions de service public qui lui sont confiées. Or le lien entre consommation et audiovisuel public apparaît difficile à étayer ».

 

Enfin, le 4° du paragraphe VI de l'article contesté règle la question particulière de l'exercice 2022 en disposant que « les recettes du compte de concours financiers … sont constituées, d'une part, des remboursements d'avances correspondant au produit de la contribution à l'audiovisuel public à hauteur de 100 000 000 € et, d'autre part, d'une fraction du produit de la taxe sur la valeur ajoutée à hauteur de 3 585 003 724 € ».

 

2. – Les griefs

 

Les sénateurs et députés requérants reprochaient à ces dispositions de priver de garanties légales la liberté de communication des pensées et des opinions ainsi que l'indépendance et le pluralisme des médias, faute d'assurer la pérennité du financement de l'audiovisuel public. Au soutien de ce grief, ils faisaient valoir qu'elles ne prévoient l'affectation à ce secteur d'une fraction de taxe sur la valeur ajoutée que jusqu'au 31 décembre 2024. En outre, pour les années 2023 et 2024, les députés faisaient valoir que le montant affecté n'était pas garanti, dès lors que le législateur peut le modifier, et les sénateurs faisaient valoir que les modalités de détermination de ce montant étaient insuffisamment définies. Pour les mêmes motifs, les sénateurs requérants soutenaient que ces dispositions étaient entachées d'incompétence négative.

 

Les députés requérants estimaient également qu'elles méconnaissaient un principe fondamental reconnu par les lois de la République, qui résultait selon eux de la loi du 31 mai 1933 précitée, en vertu duquel le secteur de l'audiovisuel public devrait être financé par une redevance.

 

Enfin, les députés alléguaient que ces dispositions présentaient une complexité excessive, en méconnaissance de l'objectif d'intelligibilité de la loi.

 

 

 

 

 

C. – La jurisprudence constitutionnelle

 

1. – La jurisprudence relative à la reconnaissance des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République (PFRLR)

 

Le Préambule de la Constitution de 1958 fait référence au Préambule de la Constitution de 1946, lequel « réaffirme solennellement », sans les énumérer, « les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République ». Depuis sa décision fondatrice du 16 juillet 1971 relative à la liberté d'association14, le Conseil constitutionnel a reconnu que ces principes ont valeur constitutionnelle et que le législateur ne peut y déroger sans méconnaître la Constitution. Il a reconnu, depuis cette date, une dizaine de PFRLR15. Il a également explicitement écarté la reconnaissance de tels principes à de nombreuses occasions16.

 

Trois conditions doivent être réunies pour la reconnaissance d'un PFRLR :

 

– pour être « fondamental », le principe doit, tout d'abord, énoncer une règle suffisamment importante, avoir un degré suffisant de généralité et intéresser des domaines essentiels pour la vie de la Nation, à savoir les droits et libertés fondamentaux, la souveraineté nationale ou l'organisation des pouvoirs publics17. La norme contenue dans les lois de la République doit être suffisamment générale et non contingente.

 

Dans sa décision n° 93-321 DC du 20 juillet 1993, le Conseil constitutionnel a ainsi jugé que si le législateur a posé en 1851 et réaffirmé à plusieurs reprises en 1874, 1889 et 1927 la règle selon laquelle est français tout individu né en France d'un étranger qui lui-même y est né, il n'a conféré un caractère absolu à cette règle qu'en 1889 pour répondre notamment aux exigences de la conscription. Il en a déduit que, en mettant un terme à ce droit dans les cas où les parents des enfants concernés seraient nés dans des territoires d'outre-mer ou des colonies ayant depuis lors accédé à l'indépendance, la loi n'a méconnu aucun principe fondamental reconnu par les lois de la République18 ;

 

– il faut, ensuite, que le principe trouve un ancrage textuel dans une ou plusieurs lois intervenues sous un régime républicain antérieur à 194619 ;

 

– il faut, enfin, qu'il n'ait jamais été dérogé à ce principe par une loi républicaine antérieure à l'entrée en vigueur de la Constitution de 194620.

 

Récemment, par sa décision n° 2021-823 DC du 13 août 2021, le Conseil constitutionnel a été amené à s'interroger sur le point de savoir si le droit reconnu aux parents d'opter pour une instruction des enfants au sein de la famille, tel qu'institué par la loi du 28 mars 1882 portant sur l'organisation de l'enseignement primaire, constituait, comme le soutenaient les requérants, une composante du PFRLR de la liberté de l'enseignement.

 

Le Conseil constitutionnel a, sur ce point, apporté une réponse négative en jugeant que : « en prévoyant que "L'instruction primaire est obligatoire … elle peut être donnée soit dans les établissements d'instruction primaire ou secondaire, soit dans les écoles publiques ou libres, soit dans les familles, par le père de famille lui-même ou par toute personne qu'il aura choisie", l'article 4 de la loi du 28 mars 1882 mentionnée ci-dessus n'a fait de l'instruction en famille qu'une modalité de mise en œuvre de l'instruction obligatoire. Il n'a ainsi pas fait de l'instruction en famille une composante du principe fondamental reconnu par les lois de la République de la liberté de l'enseignement »21.

 

Auparavant, par sa décision n° 2020-810 DC du 21 décembre 202022, le Conseil constitutionnel a refusé de faire suite à une demande d'élévation au rang d'un PFRLR de la règle selon laquelle les mérites des candidats à un poste de professeur ou de maître de conférences doivent être évalués par une instance nationale. Comme l'indique le commentaire de cette décision, « sans entrer dans un débat sur la continuité historique du principe invoqué, il peut être relevé le caractère en tout état de cause accessoire du principe invoqué à celui d'indépendance des enseignants-chercheurs d'ores et déjà reconnu par le Conseil constitutionnel. … Ce caractère accessoire a conduit le Conseil à voir dans la règle de qualification nationale, qui ne présentait pas un caractère "fondamental" au sens du Préambule de la Constitution de 1946, une "garantie légale" du PFRLR déjà consacré, et non un principe constitutionnel en elle-même ».

 

2. – La jurisprudence sur la liberté de communication des pensées et des opinions

 

* L'article 11 de la Déclaration de 1789 consacre la liberté de communication des pensées et des opinions. Aux termes de cet article : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi ».

 

La protection constitutionnelle de la liberté d'expression et de communication se fonde sur cet article. Le Conseil constitutionnel ajoute qu'il s'agit là d'une liberté fondamentale « d'autant plus précieuse que son exercice est une condition de la démocratie et l'une des garanties du respect des autres droits et libertés »23.

 

La jurisprudence du Conseil constitutionnel est abondante en la matière. Si, en matière de médias, elle a principalement consisté à contrôler les dispositions législatives assurant la régulation globale de la presse ou de l'audiovisuel24, elle comprend également des développements relatifs aux mécanismes propres à assurer le pluralisme.

 

* La question du pluralisme au sein du secteur public de l'audiovisuel et de l'indépendance de ce secteur a déjà été appréhendée à plusieurs reprises par le Conseil constitutionnel.

 

- Dès sa décision n° 86-217 DC du 18 septembre 1986, le Conseil constitutionnel a jugé que « le pluralisme des courants d'expression socioculturels est en lui-même un objectif de valeur constitutionnelle ; que le respect de ce pluralisme est une des conditions de la démocratie ; que la libre communication des pensées et des opinions, garantie par l'article 11 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789, ne serait pas effective si le public auquel s'adressent les moyens de communication audiovisuelle n'était pas à même de disposer, aussi bien dans le cadre du secteur public que dans celui du secteur privé, de programmes qui garantissent l'expression de tendances de caractères différents dans le respect de l'impératif d'honnêteté de l'information ; qu'en définitive, l'objectif à réaliser est que les auditeurs et les téléspectateurs qui sont au nombre des destinataires essentiels de la liberté proclamée par l'article 11 de la Déclaration de 1789 soient à même d'exercer leur libre choix sans que ni les intérêts privés ni les pouvoirs publics puissent y substituer leurs propres décisions, ni qu'on puisse en faire les objets d'un marché »25.

 

Examinant les dispositions de cette loi destinées à garantir le pluralisme des courants de pensée socioculturels dans le secteur public, le Conseil constitutionnel a en particulier relevé celles assurant aux groupements politiques le libre accès au service public de la radiodiffusion et de la télévision pendant les campagnes électorales, celles faisant obligation à une société nationale de programme « de programmer le dimanche matin des émissions à caractère religieux consacrées aux principaux cultes pratiqués en France », celles impartissant à l'autorité alors chargée de la régulation du secteur de l'audiovisuel de veiller par ses recommandations, sous le contrôle du juge, « au respect de l'expression pluraliste des courants de pensée et d'opinion dans les programmes des sociétés nationales de programme et notamment pour les émissions d'information politique », ainsi que l'énoncé d'obligations imposées aux sociétés et à l'établissement public composant le secteur public de la communication audiovisuelle dans des cahiers des charges fixés par décret qui « doivent nécessairement se conformer aux principes fondamentaux du service public et notamment au principe d'égalité et à son corollaire le principe de neutralité du service »26.

 

Le Conseil constitutionnel a alors jugé que « ces diverses dispositions permettent d'assurer le respect de l'objectif de pluralisme dans le secteur public de la communication audiovisuelle »27.

 

- Par ailleurs, à plusieurs reprises, le Conseil constitutionnel a considéré que l'indépendance des sociétés nationales de programme constitue une garantie de la liberté de communication.

 

Ainsi, dans la décision n° 89-259 DC du 26 juillet 1989, le Conseil était saisi de dispositions relatives au terme des fonctions des présidents des sociétés Antenne 2 et FR3. À cette occasion, le Conseil a relevé que la loi de 1986 disposait que les présidents de ces sociétés sont nommés, pour une durée de trois ans, par une autorité administrative indépendante « afin d'assurer l'indépendance des sociétés nationales de programme chargées de la conception et de la programmation d'émissions de radiodiffusion sonore ou de télévision et de concourir ainsi à la mise en œuvre de la liberté de communication proclamée par l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen »28.

 

Cette formule a été réitérée à l'occasion de la décision n° 2000-433 DC du 27 juillet 2000 précitée dans laquelle, saisi de dispositions relatives aux conditions de nomination du président du conseil d'administration de la société France Télévision, le Conseil a considéré que ces dispositions avaient pour objet « d'assurer l'indépendance des sociétés nationales de programme chargées de la conception et de la programmation d'émissions de radiodiffusion sonore ou de télévision et de concourir ainsi à la mise en œuvre de la liberté de communication proclamée par l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 »29.

 

Plus récemment, lorsqu'il a été saisi en 2013 de la loi organique par laquelle la mention des fonctions de présidents des sociétés France Télévisions et Radio France et de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France a été retirée de la liste organique énumérant les fonctions dont les titulaires sont nommés par le Président de la République après consultation des commissions parlementaires compétentes en application de l'article 13 de la Constitution, le Conseil constitutionnel a expressément pris en compte, pour déclarer cette loi organique conforme à la Constitution, le constat que, dans le même temps, une loi ordinaire relative à l'indépendance de l'audiovisuel public avait prévu que ces présidents seraient désormais nommés non plus par le Président de la République mais par le Conseil supérieur de l'audiovisuel à la majorité des membres qui le composent30. Le commentaire insiste d'ailleurs sur ce point en précisant que le Conseil a « relevé que d'autres garanties étaient apportées, par l'article 12 de la loi ordinaire relative à l'indépendance de l'audiovisuel public adoptée le même jour par le Parlement, pour ces nominations ».

* De manière particulièrement topique, la dimension financière de l'audiovisuel public au regard de ces exigences constitutionnelles a été appréhendée par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2009-577 DC du 3 mars 200931 dans laquelle il était saisi des dispositions ayant pour objet de prohiber la diffusion de messages publicitaires dans les programmes nationaux des services de communication audiovisuelle de France Télévisions entre vingt heures et six heures. Ces dispositions prévoyaient une compensation de cette perte dont le montant était fixé jusqu'en 2011.

 

Le Conseil constitutionnel a jugé que « l'interdiction de la commercialisation des espaces publicitaires dans les programmes nationaux des services de communication audiovisuelle de France Télévisions, qui a pour effet de priver cette société nationale de programme d'une part significative de ses ressources, doit être regardée comme affectant la garantie de ses ressources, qui constitue un élément de son indépendance »32.

 

Pour écarter le grief tiré de la méconnaissance, par cette interdiction, de l'article 11 de la Déclaration de 1789, le Conseil constitutionnel a relevé que la loi déférée prévoyait une compensation financière de l'État et, par la voie d'une réserve d'interprétation, a jugé « que, dans le respect de l'indépendance de France Télévisions, il incombera[it] donc à chaque loi de finances de fixer le montant de la compensation financière par l'État de la perte de recettes publicitaires de cette société afin qu'elle soit à même d'exercer les missions de service public qui lui sont confiées ; que, sous cette réserve, le législateur n'a méconnu ni l'étendue de sa compétence ni les exigences résultant de l'article 11 de la Déclaration de 1789 »33.

* De cet exposé jurisprudentiel, il résulte que, sans consacrer la nécessité que soit préservée l'existence même du secteur public de l'audiovisuel, qui n'a pas à ce jour par elle-même de fondement constitutionnel34, le Conseil constitutionnel se montre attentif, dans le cadre de son contrôle du respect de la liberté de communication des pensées et des opinions, à ce que, dès lors qu'il organise un tel secteur, le législateur prévoie un ensemble de garanties propres à assurer l'expression effective des différents courants de pensée dans les programmes proposés aux auditeurs et téléspectateurs et notamment, à ce titre, à ce que soit assurée une indépendance des concepteurs de ces programmes à l'égard d'intérêts publics et privés. Ainsi que ceci a été expressément jugé en 2009 par le Conseil constitutionnel, la garantie donnée par la loi au secteur public de l'audiovisuel quant à ses ressources constitue un élément de cette indépendance.

 

D. – L'application à l'espèce

 

En premier lieu, le Conseil constitutionnel s'est prononcé sur l'existence invoquée par les députés requérants d'un principe fondamental reconnu par les lois de la République selon lequel le secteur de l'audiovisuel public ne pourrait être financé que par une redevance.

 

Le Conseil a apporté une réponse négative à cette question en jugeant que : « en se bornant à prévoir que, "en vue d'en consacrer le produit aux dépenses de la radiodiffusion, il est institué … sur les installations réceptrices de radiodiffusion, une redevance pour droit d'usage", l'article 109 de la loi du 31 mai 1933 n'a eu ni pour objet ni pour effet de consacrer un principe selon lequel le secteur de l'audiovisuel public ne pourrait être financé que par une redevance. Cette loi ne saurait donc avoir donné naissance à un principe fondamental reconnu par les lois de la République » (paragr. 25).

 

Le Conseil a ainsi constaté que la circonstance que la loi du 31 mai 1933 précitée avait institué une redevance sur les installations réceptrices de radiodiffusion dont le produit était consacré aux dépenses de la radiodiffusion ne présentait pas de caractère principiel. Il ne résultait pas de l'instauration d'une telle redevance que le secteur de l'audiovisuel public ne peut être financé que par ce biais. Il peut à cet égard être relevé que la contribution à l'audiovisuel public ne constituait d'ailleurs pas une redevance pour services rendus.

 

Le Conseil a donc écarté le grief tiré de la méconnaissance d'un tel principe par les dispositions contestées.

 

En second lieu, le Conseil a examiné la conformité des dispositions contestées à l'article 11 de la Déclaration de 1789.

 

Se plaçant dans le cadre constitutionnel défini notamment par sa décision n° 2009-577 DC du 3 mars 2009 précitée, le Conseil constitutionnel a rappelé, après avoir cité l'article 11 de la Déclaration de 1789, que : « La libre communication des pensées et des opinions ne serait pas effective si le public auquel s'adressent les moyens de communication audiovisuels n'était pas à même de disposer, aussi bien dans le cadre du secteur privé que dans celui du secteur public, de programmes qui garantissent l'expression de tendances de caractère différent en respectant l'impératif d'honnêteté de l'information. Ainsi, les auditeurs et les téléspectateurs, qui sont au nombre des destinataires essentiels de la liberté proclamée par l'article 11, doivent être à même d'exercer leur libre choix sans que ni les intérêts privés ni les pouvoirs publics puissent y substituer leurs propres décisions » (paragr. 26). Il a également énoncé que « S'il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine qui lui est réservé par l'article 34 de la Constitution, de modifier des textes antérieurs ou d'abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d'autres dispositions, c'est à la condition que l'exercice de ce pouvoir n'aboutisse pas à priver de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel » (paragr. 27)

 

Examinant la conformité des dispositions contestées à ces exigences, le Conseil a estimé que ces dispositions, qui suppriment à compter du 1er janvier 2022 la contribution à l'audiovisuel public, sont « susceptibles d'affecter la garantie des ressources du secteur de l'audiovisuel public qui constitue un élément de son indépendance, laquelle concourt à la mise en œuvre de la liberté de communication » (paragr. 28).

 

Il s'est ainsi placé dans les pas de sa décision du 3 mars 2009 mais également de ses décisions précitées du 26 juillet 1989 et du 27 juillet 2000, en rappelant que la garantie des ressources du secteur de l'audiovisuel constitue un élément de son indépendance qui concourt elle-même à la mise en œuvre de la liberté de communication.

 

Toutefois, d'une part, le Conseil a relevé que les dispositions contestées « prévoient que, au titre de l'année 2022, les recettes du compte de concours financiers sont constituées d'une fraction du produit de la taxe sur la valeur ajoutée d'un montant équivalent au produit de la contribution à l'audiovisuel public au titre de cette même année » (paragr. 29). Ainsi, pour l'année 2022, il ne résultait des dispositions contestées aucune atteinte aux ressources du secteur de l'audiovisuel public.

 

D'autre part, le Conseil a constaté que ces mêmes dispositions « prévoient qu'à compter du 1er janvier 2023 et jusqu'au 31 décembre 2024, les recettes du compte de concours financiers proviennent d'une fraction du produit de la taxe sur la valeur ajoutée déterminée chaque année par la loi de finances de l'année » (paragr. 30).

 

Sur ce point, s'il ne résulte pas non plus des dispositions contestées une atteinte aux ressources du secteur de l'audiovisuel public, le Conseil a entendu, comme il l'avait fait dans sa décision du 3 mars 2009, prévenir toute difficulté en énonçant qu'« Il incombera au législateur, d'une part, dans les lois de finances pour les années 2023 et 2024 et, d'autre part, pour la période postérieure au 31 décembre 2024, de fixer le montant de ces recettes afin que les sociétés et l'établissement de l'audiovisuel public soient à même d'exercer les missions de service public qui leur sont confiées » (même paragr.).

 

Dès lors, après avoir écarté les griefs relatifs à la procédure d'adoption de l'article 6 (paragr. 14 et suivants) ainsi que ceux tirés de l'incompétence négative du législateur et de l'inintelligibilité des dispositions contestées (paragr. 31), le Conseil constitutionnel a déclaré les dispositions contestées de l'article 6 de la loi déférée, sous ces réserves, conformes à la Constitution.

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1 Le gage prévu par les amendements des députés ayant introduit ces dispositions a été levé par le Gouvernement à l'issue de l'examen du texte par l'Assemblée nationale, mais ce dernier n'a pas levé le gage introduit pour compenser la pérennisation de la mesure au Sénat. Cette disposition subsiste ainsi dans le texte issu de la commission mixte paritaire afin de compenser la perte de recettes induite par l'application de ce dispositif pour la période du 31 décembre 2023 au 31 décembre 2025.

2 Ce dernier point est prévu, non par l'article 34 de la LOLF, mais par son article 36 : « L'affectation, totale ou partielle, à une autre personne morale d'une ressource établie au profit de l'État ne peut résulter que d'une disposition de loi de finances ».

3 Décision n° 2010-622 DC du 28 décembre 2010, Loi de finances pour 2011, cons. 5.

4 Décision n° 2015-725 DC du 29 décembre 2015, Loi de finances pour 2016, cons. 14.

5 7° du paragraphe II de l'article 34 de la LOLF, dans sa version applicable au vote de la loi de finances rectificative pour 2022.

6 Elle trouve son origine dans une taxe, créée par l'article 109 de la loi du 31 mai 1933 portant fixation du budget général de l'exercice 1933 pour financer les dépenses de la radiodiffusion et était dénommée, jusqu'en 2009, « redevance audiovisuelle ».

7 Il s'agissait des personnes physiques imposables à la taxe d'habitation au titre d'un local meublé affecté à l'habitation, à la condition de détenir au 1er janvier de l'année au cours de laquelle la contribution à l'audiovisuel public est due un appareil récepteur de télévision ou un dispositif assimilé, ainsi que les autres personnes physiques et les personnes morales, à la condition pour elles de détenir au 1er janvier de l'année au cours de laquelle la contribution à l'audiovisuel public est due un appareil récepteur de télévision ou un dispositif assimilé dans un local situé en France.

8 Son montant était de 138 € pour la France métropolitaine et de 88 € pour les départements d'outre-mer. Il était indexé chaque année sur l'indice des prix à la consommation hors tabac.

9 Prévu par le paragraphe VI de l'article 46 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006, ce compte, ouvert dans les écritures du Trésor, retrace « 1° En dépenses : le montant des avances accordées aux sociétés et à l'établissement public [composant le secteur public de l'audiovisuel] ; 2° En recettes : d'une part, les remboursements d'avances correspondant au produit de la contribution à l'audiovisuel public, déduction faite des frais d'assiette et de recouvrement et du montant des intérêts sur les avances, et, d'autre part, le montant des dégrèvements de redevance audiovisuelle pris en charge par le budget général de l'État ».

10 Comme le relèvent les sénateurs Roger KAROUTCHI et Jean-Raymond HUGONET : « Les dépenses du compte de concours financiers "Avances à l'audiovisuel public" ne constituent pas, en réalité, des avances à proprement dit. Les avances accordées aux sociétés de l'audiovisuel public sont en réalité des dotations. Le compte n'est pas équilibré par les remboursements des sociétés mais par la contribution à l'audiovisuel public recouvrée ainsi que par la compensation des dégrèvements versée par l'État. La [contribution à l'audiovisuel public] n'est, en outre, plus considérée par l'Insee depuis 2018 comme un achat de services audiovisuels mais comme un prélèvement obligatoire ». Rapport d'information n° 651 (2021-2022) de MM. Roger KAROUTCHI et Jean-Raymond HUGONET fait au nom de la commission de la culture du Sénat, 8 juin 2022.

11 Il peut être noté que le projet de loi initial prévoyait de supprimer ce compte de concours financier et la contribution à l'audiovisuel public, tout en compensant celle-ci par le versement aux sociétés de l'audiovisuel public d'une dotation budgétaire. Cette approche a été modifiée en séance publique en première lecture par l'Assemblée nationale par l'adoption, avec l'avis favorable du Gouvernement, d'amendements émanant de députés de plusieurs groupes de la majorité. Ces amendements ont remplacé la budgétisation de la compensation de la suppression de la contribution à l'audiovisuel public par l'affectation au compte de concours financier existant d'une fraction du produit de la taxe sur la valeur ajoutée.

12 Loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006.

13 Amendement n° 185 du 28 juillet 2022, http://www.senat.fr/amendements/2021-2022/830/Amdt_185.html

14 Décision n° 71-44 DC du 16 juillet 1971, Loi complétant les dispositions des articles 5 et 7 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association.

15 Liberté d'association (décision n° 71-44 DC du 16 juillet 1971 précitée), droits de la défense (décision n° 76-70 DC du 2 décembre 1976, Loi relative au développement de la prévention des accidents du travail), liberté d'enseignement (décision n° 77-87 DC du 23 novembre 1977, Loi complémentaire à la loi n° 59-1557 du 31 décembre 1959 modifiée par la loi n° 71-400 du 1er juin 1971 et relative à la liberté de l'enseignement, liberté de conscience (même décision), indépendance de la juridiction administrative (décision n° 80-119 DC du 22 juillet 1980, Loi portant validation d'actes administratifs), compétence exclusive de la juridiction administrative en matière d'annulation d'actes administratifs (décision n° 86-224 DC du 23 janvier 1987, Loi transférant à la juridiction judiciaire le contentieux des décisions du Conseil de la concurrence), libertés universitaires (décision n° 83-165 DC du 20 janvier 1984, Loi relative à l'enseignement supérieur), justice pénale des mineurs (décision n° 2002-461 DC du 29 août 2002, Loi d'orientation et de programmation pour la justice) ; existence d'un droit propre à l'Alsace-Moselle (décision n° 2011-157 QPC du 5 août 2011, Société SOMODIA [Interdiction du travail le dimanche en Alsace-Moselle]). Aujourd'hui, toutefois, les droits de la défense sont rattachés, comme le droit à un procès équitable, à l'article 16 de la Déclaration de 1789 (décisions n° 2006-535 DC du 30 mars 2006, Loi pour l'égalité des chances, CPE, cons. 24, et n° 2006-540 DC du 27 juillet 2006, Loi relative au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information, cons. 11).

16 Par exemple, parmi les principes non retenus, il peut être cité le principe dit « de faveur » (décision n° 2002-465 DC du 13 janvier 2003, Loi relative aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi, cons. 3), le principe dit de « compétence générale des collectivités » (décision n° 2010-618 DC du 9 décembre 2010, Loi de réforme des collectivités territoriales, cons. 54) ou encore le principe de l'affectation exclusive du produit de la contribution sociale généralisée au financement de la sécurité sociale (décision n° 2001-447 DC du 18 juillet 2001, Loi relative à la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées et à l'allocation personnalisée d'autonomie, cons. 17).

17 Décision n° 98-407 DC du 14 janvier 1999, Loi relative au mode d'élection des conseillers régionaux et des conseillers à l'Assemblée de Corse et au fonctionnement des conseils régionaux, cons. 9 et décision n° 2013–669 DC du 17 mai 2013, Loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, cons. 21.

18 Décision n° 97-393 DC du 18 décembre 1997, Loi de financement de la sécurité sociale pour 1998, cons. 29.

19 Décision° 86-224 DC du 23 janvier 1987, Loi transférant à la juridiction judiciaire le contentieux des décisions du Conseil de la concurrence, cons. 15.

20 Décision° 88-244 DC du 20 juillet 1988, Loi portant amnistie, cons. 12.

21 Décision n° 2021-823 DC du 13 août 2021, Loi confortant le respect des principes de la République, paragr. 72

22 Décision n° 2020-810 DC du 21 décembre 2020, Loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l'enseignement supérieur, paragr. 8.

23 Par exemple : décision n° 2010-3 QPC du 28 mai 2010, Union des familles en Europe (Associations familiales), cons. 6.

24 Décisions n° 82-141 DC du 27 juillet 1982, Loi sur la communication audiovisuelle, n° 84–181 DC du 11 octobre 1984, Loi visant à limiter la concentration et à assurer la transparence financière et le pluralisme des entreprises de presse, n° 86-217 DC du 18 septembre 1986, Loi relative à la liberté de communication, n° 2009-577 DC du 3 mars 2009, Loi relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision et n° 2009-580 DC du 10 juin 2009, Loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet.

25 Décision du 18 septembre 1986 précitée, cons. 11. Pour une réaffirmation de ce considérant, voir les décisions n° 93–333 DC du 21 janvier 1994, Loi modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication  cons. 3, n° 2000-433 DC du 27 juillet 2000, Loi modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, cons. 9 et n° 2001-450 DC du 11 juillet 2001, Loi portant diverses dispositions d'ordre social, éducatif et culturel, cons. 15.

26 Ibid., cons. 13 à 15.

27 Ibid., cons. 16.

28 Décision n° 89-259 DC du 26 juillet 1989, Loi modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, cons. 6.

29 Décision n° 2000-433 DC du 27 juillet 2000, précitée, cons. 12.

30 Décision n° 2013-677 DC du 14 novembre 2013, Loi organique relative à l'indépendance de l'audiovisuel public, cons. 9

31 Décision n° 2009-577 DC du 3 mars 2009, Loi relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision.

32 Ibid., cons. 18.

33 Ibid., cons. 19.

34 Sur ce point, voir la décision n° 86-217 DC du 18 septembre 1986, précitée, cons. 9 et 39.