Conseil constitutionnel

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Commentaire de la décision 2022-1033 QPC

18/04/2023

Conformité

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 17 novembre 2022 par le Conseil d’État (décision n° 467518 du 16 novembre 2022) d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) posée par M. Patrick R., portant sur la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du dernier alinéa du 6° du 1 de l’article 80 duodecies du code général des impôts (CGI), dans sa rédaction résultant de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

 

Dans sa décision n° 2022-1033 QPC du 27 janvier 2023, le Conseil constitutionnel a déclaré ces dispositions, dans cette rédaction, conformes à la Constitution.

 

I. – Les dispositions contestées

 

A. – Objet des dispositions contestées

 

1. – Le régime fiscal des indemnités versées à l’occasion de la rupture d’un contrat de travail ou d’un mandat social

 

* Le régime fiscal des indemnités versées à l’occasion de la rupture d’un contrat de travail ou d’un mandat social est prévu par l’article 80 duodecies du CGI.

 

Avant l’introduction de ces dispositions par la loi du 30 décembre 1999 de finances pour 20001, ce régime reposait sur l’appréciation, par l’administration fiscale et le juge de l’impôt, de la nature de l’indemnité versée, en application d’une règle prétorienne selon laquelle les sommes réparant la perte de rémunération étaient imposables à l’impôt sur le revenu, tandis que celles réparant un préjudice distinct en étaient exonérées (par exemple, un préjudice moral ou professionnel, ou la difficulté à retrouver un emploi)2.

 

La détermination de la part de l’indemnité correspondant au préjudice non pécuniaire était ainsi fondée sur un faisceau d’indices (comme l’âge du contribuable, l’ancienneté dans les fonctions occupées, le niveau de formation, les conditions de rupture du contrat, le trouble créé dans les conditions d’existence, etc.).

 

Cet état du droit avait pu être critiqué au motif qu’il reposait essentiellement sur « une casuistique fine – en fonction des circonstances de chaque espèce et sans critères juridiques positifs clairs – qui conduisait le Conseil d’État à se muer en "juge de paix" lorsqu’il qualifiait les indemnités en litige, au détriment de la cohérence d’ensemble de sa jurisprudence »3. Il en résultait une incertitude pour le contribuable sur le caractère imposable ou non des indemnités perçues. Le rapporteur de la loi de finances pour 2000 au Sénat constatait ainsi que « la jurisprudence du Conseil d’État pour déterminer le seuil au-delà duquel une indemnité s’apparente à une rémunération est fluctuante et laisse les contribuables dans l’incertitude. Elle repose notamment sur la capacité des intéressés à établir le préjudice qu’ils ont subi. La conséquence est qu’en pratique, peu d’indemnités sont déclarées »4.

 

Il pouvait également « en résult[er] une situation peu tolérable lorsque les indemnités versées à des dirigeants de société atteignent des sommes vertigineuses, et l’on constate dans ce domaine d’importances dérives »5.

 

* Pour remédier à ces critiques, le législateur a souhaité fixer dans la loi le régime fiscal applicable à ces indemnités. Ce faisant, il poursuivait un double objectif : « Le premier est de renforcer la sécurité juridique des salariés puisqu’il y subsiste des incertitudes dans la jurisprudence quant au régime fiscal exact applicable aux indemnités de départ ou de licenciement. D’où l’idée d’exonérer de l’impôt sur le revenu, de façon claire et définitive, les indemnités correspondant aux conventions collectives ou les indemnités de départ liées à un plan social. / En revanche, il serait bon de considérer qu’il peut y avoir prélèvement au titre de l’impôt sur le revenu lorsqu’il y a indemnité de licenciement au-delà d’un certain montant. / Le second objectif est de mettre fin à certains abus, concernant notamment les indemnités de rupture de mandat social [en les soumettant à l’impôt sur le revenu] »6.

 

Il s’agissait donc d’établir un régime fiscal « sur la base des principes doctrinaux et jurisprudentiels actuels qui sont ainsi transposés dans la loi fiscale »7.

 

Ainsi, le 1 de l’article 80 duodecies du CGI pose le principe de la taxation à l’impôt sur le revenu des indemnités versées à l’occasion de la rupture d’un contrat de travail.

 

Il prévoit toutefois de nombreuses exonérations, complétées au fil des modifications de cet article, qui reprennent, pour l’essentiel, la jurisprudence en la matière8.

 

- Certaines indemnités, mentionnées aux 1° et 2° du 1 de l’article 80 duodecies,  sont ainsi totalement exonérées d’impôt sur le revenu en raison de leur nature, comme les indemnités accordées au salarié soit par le juge du contrat de travail, soit par une sentence arbitrale ou une transaction9, qui sanctionnent le licenciement sans cause réelle et sérieuse, le licenciement pour certains motifs prohibés (par exemple, la discrimination ou la violation d’une liberté fondamentale), ainsi que les manquements aux règles encadrant la procédure de licenciement individuel et collectif pour motif économique10. Il en est de même pour les indemnités versées dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi.

 

Les indemnités bénéficiant d’une exonération totale viennent ainsi soit réparer un préjudice important subi par le salarié, soit encourager les départs volontaires dans le cadre d’une rupture conventionnelle collective ou d’un plan social.

 

- Les autres indemnités de licenciement11 bénéficient quant à elles d’une exonération partielle en application du 3° de l’article 80 duodecies.

 

Ces indemnités sont ainsi exonérées à hauteur du plus élevé des montants suivants :

– le montant de l’indemnité de licenciement prévue par la convention collective de branche, par l’accord professionnel ou interprofessionnel ou, à défaut, par la loi ;

– deux fois le montant de la rémunération annuelle perçue par le salarié au cours de l’année précédant la rupture de son contrat de travail ou la moitié du montant de l’indemnité, dans la limite de six fois le plafond de la sécurité sociale12.

 

Selon les travaux préparatoires, « il est ainsi implicitement sous-entendu qu’à concurrence de ces seuils, les indemnités ont le caractère de dommages-intérêts non imposables »13 et qu’au-delà, ces dernières ne peuvent que réparer un préjudice financier justifiant leur imposition.

 

Par ailleurs, « au regard de la jurisprudence du Conseil d’État, les seuils fixés apparaissent comme relativement généreux »14 et devaient ainsi éviter toute « aggravation de [la] situation fiscale »15 des salariés concernés par rapport à l’état du droit antérieur.

 

- En application du 6° de l’article 80 duodecies, les conditions d’exonération partielle prévues pour les indemnités de licenciement s’appliquent également aux indemnités versées à l’occasion de la rupture conventionnelle du contrat de travail d’un salarié, lorsque ce dernier n’est pas en droit de bénéficier d’une pension de retraite16.

 

Introduite par la loi du 25 juin 2008 portant modernisation du marché du travail17, la rupture conventionnelle constitue en effet un mode particulier de rupture du contrat de travail à durée indéterminée, exclusif du licenciement et de la démission. Elle est fondée sur un accord entre l’employeur et le salarié déterminant les conditions de cette rupture18 et donne lieu au versement d’une indemnité.

 

Cette indemnité, qui ne peut être inférieure à celle qui aurait été versée en cas de licenciement, bénéficie ainsi du même régime d’exonération partielle applicable à l’indemnité de licenciement.

 

- Le 2 de l’article 80 duodecies traite, quant à lui, spécifiquement des indemnités versées aux mandataires sociaux et dirigeants d’une entreprise à l’occasion de la cessation de leurs fonctions. Si ces indemnités constituent en principe des rémunérations imposables, en cas de cessation forcée, et notamment de révocation, seule la fraction des indemnités qui excède trois fois le montant du plafond de la sécurité sociale est imposable.

 

* Le juge de l’impôt apprécie strictement la liste des exonérations établies par l’article 80 duodecies, en estimant qu’« il résulte [des] dispositions de l’article 80 duodecies qu’à l’exception des indemnités limitativement énumérées par ce texte, toute indemnité perçue à l’occasion de la rupture d’un contrat de travail revêt un caractère imposable »19.

 

2. – Le régime fiscal des indemnités perçues par un agent public à l’occasion d’une rupture conventionnelle

 

* Régies par des règles propres à la fonction publique, prévues notamment par le code général de la fonction publique (CGFP), les conditions de cessation définitive des fonctions d’un agent public présentent d’importantes différences avec celles prévues par le code du travail pour les salariés, tant au regard des motifs pouvant être retenus que des cas dans lesquels des indemnités sont versées et des modalités de leur calcul20.

 

Il en va de même du régime fiscal applicable à ces indemnités puisque l’indemnité de licenciement pouvant être versée aux agents publics ne fait l’objet, en application de l’article 80 duodecies du CGI, d’aucune exonération au titre de l’impôt sur le revenu alors que, comme précédemment rappelé, en application de son 3°, ces indemnités sont partiellement exonérées pour les salariés de droit privé.

 

* S’inspirant du régime juridique de la rupture conventionnelle, le législateur a toutefois opéré un rapprochement entre les règles applicables aux salariés de droit privé et celles applicables aux agents publics dans le cadre spécifique de la rupture par commun accord entre l’agent et son employeur.

 

- Dans un premier temps, constatant la mise en place d’un nouveau régime de « cessation d’un commun accord de la relation de travail » au sein des chambres de commerce et d’industrie (CCI), le législateur a souhaité étendre le régime d’exonération partielle prévue par le 6° de l’article 80 duodecies du CGI pour l’indemnité de rupture conventionnelle à l’indemnité versée dans ce cadre aux agents publics des CCI21. En effet, il a estimé que ce « dispositif voisin » de celui de la rupture conventionnelle devait permettre d’accompagner la restructuration des missions confiées aux CCI dans le cadre de la loi du 22 mai 2019, dite loi PACTE22, et les suppressions de postes en résultant23.

 

- Dans un second temps, le législateur a introduit, par la voie d’une expérimentation prévue dans la loi du 6 août 201924, un dispositif de rupture conventionnelle propre à l’administration et aux agents publics (fonctionnaires titulaires et agents recrutés par un contrat de droit public à durée indéterminée), leur permettant de « convenir en commun des conditions de la cessation définitive des fonctions, qui entraîne radiation des cadres et perte de la qualité de fonctionnaire ». Il s’agit ainsi, selon les travaux préparatoires de ce texte, de « favoriser la mixité des carrières publiques et privées » en facilitant les reconversions professionnelles des agents publics25.

 

Cette rupture conventionnelle donne lieu à une indemnité spécifique, dont le montant est fixé par la convention conclue entre l’agent public et son administration26.

 

Souhaitant « harmoniser le régime fiscal et social en vigueur pour les indemnités de rupture conventionnelle, quels qu’en soient les bénéficiaires »27, le législateur a complété, lors de l’examen de la loi de finances pour 2020, le 6° de l’article 80 duodecies du CGI par un nouvel alinéa selon lequel : « Le présent 6° est applicable aux indemnités spécifiques de rupture conventionnelle versées en application du I de l’article 72 de la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique et de l’article L. 552-1 du code général de la fonction publique » (les dispositions objet de la décision commentée)28.

 

Selon le rapporteur du Sénat, il s’agissait ainsi d’une « mesure d’équité fiscale » entre les salariés privés et les agents publics. Ce dernier soulignait également qu’au vu de la similitude des règles leur étant applicables, il était « envisageable que le dispositif d’indemnité spécifique de rupture conventionnelle prévu pour les agents de la fonction publique connaisse le même succès que le mécanisme mis en place pour les salariés du secteur privé », alors que « dans un contexte de profonde restructuration de nos services publics (réorganisation, déconcentration de certains services de l’administration centrale, suppression d’effectifs), la flexibilité accrue permise par le dispositif d’indemnité spécifique de rupture conventionnelle pour accompagner le départ des agents de la fonction publique doit être encouragée »29.

 

B. – Origine de la QPC et question posée

 

M. Patrick R., agent public recruté par contrat à durée indéterminée au sein d’un centre de formation d’apprentis (CFA), a, à la suite du transfert de la gestion du personnel de ce centre à un groupement d’intérêt public, refusé le nouveau contrat qui lui était proposé par ce groupement en application de l’article 14 ter de la loi du 13 juillet 198330.

 

Ce refus ayant entraîné la rupture de plein droit de son contrat, le requérant avait perçu une indemnité de licenciement qui avait été imposée à l’impôt sur le revenu en application du 1 de l’article 80 duodecies du CGI.

 

Contestant le caractère imposable de cette indemnité, il avait saisi le tribunal administratif de Strasbourg d’une demande de réduction de ses cotisations à l’impôt sur le revenu et soulevé, à cette occasion, une QPC portant sur le 6° du 1 de l’article 80 duodecies du CGI. Par une ordonnance du 30 août 2022, le tribunal administratif l’avait transmise au Conseil d’État.

 

Dans sa décision du 16 novembre 2022 mentionnée ci-dessus, le Conseil d’État, après avoir considéré que la question posée portait uniquement sur le dernier alinéa de ce même 6°, avait jugé que présentait « un caractère sérieux la question de l’atteinte que ces dispositions portent aux droits et libertés garantis par la Constitution, et notamment aux principes d’égalité devant la loi et d’égalité devant les charges publiques, en tant qu’elles limitent le bénéfice de l’exonération des indemnités perçues par les agents publics à raison de la rupture de leur relation de travail qu’elles prévoient aux seules indemnités de rupture conventionnelle, à l’exclusion des indemnités de licenciement ». Il avait donc renvoyé la QPC au Conseil constitutionnel.

 

II. – L’examen de la constitutionnalité des dispositions contestées

 

Le requérant reprochait à ces dispositions de limiter le bénéfice de l’exonération des indemnités versées aux agents publics à raison de la rupture de la relation de travail aux seules indemnités de rupture conventionnelle. Ces dispositions instituaient ainsi, selon lui, une différence de traitement injustifiée, d’une part, entre les agents publics, selon que la cessation de leurs fonctions résulte d’une rupture conventionnelle ou d’un licenciement et, d’autre part, entre les agents publics et les salariés qui bénéficient quant à eux d’une exonération de leurs indemnités de licenciement. Il en déduisait que ces dispositions méconnaissaient les principes d’égalité devant la loi et devant les charges publiques.

 

A. – La jurisprudence constitutionnelle relative aux principes d’égalité devant la loi et devant les charges publiques

 

* Aux termes de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : « La loi… doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse ». De manière constante, le Conseil constitutionnel juge que le principe d’égalité devant la loi « ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit »31.

 

Le Conseil s’assure également du respect du principe d’égalité devant les charges publiques sur le fondement de l’article 13 de la Déclaration de 1789, selon lequel : « Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ». En particulier, pour assurer le respect du principe d’égalité, le législateur doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu’il se propose. Cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques32.

 

* En matière fiscale, le Conseil constitutionnel est souvent saisi de griefs qui reposent à la fois sur le principe d’égalité devant la loi fiscale et sur le principe d’égalité devant les charges publiques.

 

Comme le relevait le Président Fouquet, « la distinction entre les deux branches du principe d’égalité devant l’impôt n’est pas toujours aisée. Les parlementaires ou les contribuables dans leurs recours invoquent simultanément les deux branches. Dans l’un et l’autre cas, le raisonnement du Conseil constitutionnel comporte des éléments comparatifs. La différence tient sans doute à ce que le principe d’égalité devant la loi fiscale implique d’abord de procéder à une comparaison […] alors que le principe d’égalité devant les charges publiques implique largement une appréciation intrinsèque de la situation du contribuable […] »33.

Qu’il se fonde sur l’article 6 ou sur l’article 13 de la Déclaration de 1789, le Conseil veille, au regard du but visé par le législateur, à la rationalité de la différence de traitement instaurée (égalité devant la loi) ou des critères de différenciation retenus (égalité devant les charges publiques).

Par ailleurs, le Conseil constitutionnel ne se reconnaît pas un pouvoir d’appréciation et de décision de même nature que le Parlement. Par conséquent, il peut lui arriver de rappeler qu’« il ne saurait rechercher si les objectifs que s’est assignés le législateur auraient pu être atteints par d’autres voies, dès lors que les modalités retenues par la loi ne sont pas manifestement inappropriées à l’objectif visé »34.

 

* Le Conseil a eu l’occasion de contrôler à deux reprises la conformité à la Constitution des dispositions de l’article 80 duodecies du CGI, notamment au regard des principes d’égalité devant la loi et devant les charges publiques.

 

- Dans sa décision n° 99-424 DC du 29 décembre 1999, le Conseil constitutionnel était saisi des dispositions de la loi de finances pour 2000 qui ont créé l’article 80 duodecies du CGI. Les requérants soutenaient, d’une part, que le plafond d’exonération d’impôt sur le revenu prévu par ces dispositions portait atteinte à un « principe selon lequel les indemnités qui ont le caractère de dommages-intérêts ne sauraient être soumises à l’impôt sur le revenu » et, d’autre part, que la fixation d’un plafond d’exonération unique et les règles d’imposition prévues pour les dirigeants et mandataires sociaux méconnaissaient le principe d’égalité devant les charges publiques.

 

Le Conseil a jugé « en premier lieu, qu’aucun principe ou règle de valeur constitutionnelle n’interdit de façon générale et absolue l’imposition de sommes versées à titre d’indemnités ; qu’il était loisible au législateur de prévoir l’imposition des indemnités versées à l’occasion de la cessation de fonctions, à condition de prendre en compte les capacités contributives des intéressés ; qu’en fixant un plafond d’exonération se traduisant par un mécanisme d’abattement à la base, et en déterminant, comme elle l’a fait, le niveau de ce plafond, la disposition critiquée n’entraîne pas de rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques ; / Considérant, en second lieu, que la distinction établie entre salariés, d’une part, dirigeants et mandataires sociaux, d’autre part, est justifiée par leur différence de situation au regard des règles applicables à la cessation de leurs fonctions »35. Il a donc déclaré ces dispositions conformes à la Constitution.

 

- Dans sa décision n° 2013-340 QPC du 20 septembre 2013, le Conseil constitutionnel était saisi du 1 de l’article 80 duodecies du CGI tel qu’interprété par le Conseil d’État pour déterminer le régime d’imposition des indemnités versées à la suite d’une transaction conclue entre le salarié et son employeur36. Il a d’abord constaté « qu’il ressort de la jurisprudence constante du Conseil d’État, rappelée dans la décision du 24 juin 2013 de renvoi de la présente question prioritaire de constitutionnalité, que l’article 80 duodecies définit limitativement les exceptions au principe d’imposition qu’il fixe et que les exonérations d’impôt prévues par les dispositions contestées ne sont pas applicables aux "indemnités perçues par un salarié en exécution d’une transaction conclue avec son employeur à la suite d’une « prise d’acte » de la rupture de son contrat de travail, qui ne peuvent bénéficier, en aucune circonstance et quelle que soit la nature du préjudice qu’elles visent à réparer, d’une exonération d’impôt sur le revenu" ».

 

Puis, le Conseil a jugé que « les dispositions contestées définissent les indemnités de licenciement ou de départ volontaire qui, en raison de leur nature, font l’objet d’une exonération totale ou partielle d’impôt sur le revenu ; ces dispositions ne sauraient, sans instituer une différence de traitement sans rapport avec l’objet de la loi, conduire à ce que le bénéfice de ces exonérations varie selon que l’indemnité a été allouée en vertu d’un jugement, d’une sentence arbitrale ou d’une transaction ; qu’en particulier, en cas de transaction, il appartient à l’administration et, lorsqu’il est saisi, au juge de l’impôt de rechercher la qualification à donner aux sommes objet de la transaction ». Sous cette réserve et après avoir rappelé les motifs de sa décision du 29 décembre 1999 précitée, il a jugé le 1 de l’article 80 duodecies conforme à la Constitution37.

 

* Par ailleurs, le Conseil constitutionnel a confirmé, à propos d’indemnités journalières versées aux victimes d’accidents du travail, que la nature de certaines indemnités pouvait justifier un traitement fiscal particulier.

 

Ainsi, dans sa décision n° 2009-599 DC du 29 décembre 2009, le Conseil était saisi de dispositions relatives au régime fiscal des indemnités journalières versées en cas de maladie. Dans la loi de finances pour 2010, le législateur avait décidé de supprimer partiellement l’exonération d’impôt sur le revenu dont bénéficiaient jusqu’à présent les victimes d’accidents du travail. Les requérants dénonçaient la différence de traitement avec le régime fiscal applicable aux indemnités journalières des personnes en affection de longue durée qui bénéficient d’une exonération totale.

 

Pour écarter le grief, le Conseil a relevé que « les indemnités journalières d’accident du travail constituent un revenu de remplacement consécutif à un accident du travail ; que le législateur a pu, pour prendre en compte la nature particulière de ces indemnités ainsi que l’origine de l’incapacité de travail, prévoir qu’elles soient regardées comme un salaire à hauteur de 50 % de leur montant ; que, dès lors, il n’a pas créé une différence de traitement injustifiée entre les bénéficiaires d’indemnités journalières d’accident du travail et les autres personnes qui perçoivent des indemnités journalières parce qu’elles se trouvent dans l’incapacité de travailler en raison de leur état physique »38.

 

Le commentaire de cette décision précise que « Le grief tiré du principe d’égalité devant l’impôt se fondait sur la différence entre le régime de fiscalisation partielle des indemnités d’accidents du travail et d’autres régimes d’indemnités journalières bénéficiant d’une exonération totale (en particulier le régime applicable aux indemnités journalières pour affections de longue durée). Si ce grief avait été pertinent, il eût été également nécessaire que le Conseil constitutionnel examinât la différence de traitement entre la fiscalisation partielle des indemnités journalières d’accidents du travail et la fiscalisation totale applicable aux autres indemnités journalières ou aux indemnités d’accidents du travail perçues par les fonctionnaires. Toutefois, le Conseil constitutionnel a estimé que la nature particulière des indemnités journalières d’accidents du travail pouvait justifier un traitement spécifique. Il a donc jugé qu’il n’y avait pas de manquement au principe d’égalité devant l’impôt ».

 

* Le Conseil a également eu l’occasion de contrôler des différences de traitement entre catégories de travailleurs, et notamment entre salariés de droit privé et agents publics.

 

- Dans sa décision n° 97-388 DC du 20 mars 1997, le Conseil constitutionnel a jugé que « la différence [de situation] au regard de la protection des régimes de retraite » entre les salariés du régime général de sécurité sociale et ceux des entreprises et établissements publics affiliés à des régimes spéciaux a permis au législateur, sans méconnaître le principe d’égalité, d’ouvrir des droits en matière d’épargne retraite (plans d’épargne retraite) au bénéfice des seuls salariés soumis aux règles du code du travail39.

 

- Dans sa décision n° 2001-455 DC du 12 janvier 2002, le Conseil était saisi de l’article 48 de la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale qui a abrogé la loi n° 97-277 du 25 mars 1997 créant les plans d’épargne retraite et supprimé la possibilité pour les salariés du secteur privé de déduire de leurs revenus imposables les cotisations versées sur ces plans. Alors que les sénateurs requérants soutenaient que cette abrogation créait une rupture d’égalité entre les salariés du secteur privé et les fonctionnaires, auxquels le système « PREFON » permet de déduire de leurs revenus imposables les sommes versées en vue de compléter leurs pensions par une épargne retraite, le Conseil constitutionnel a estimé que « les salariés liés par un contrat de travail de droit privé, d’une part, et les agents des collectivités publiques, d’autre part, relèvent de régimes juridiques différents au regard de la législation sur les retraites »40.

 

- Dans sa décision n° 2011-134 QPC du 17 juin 2011, le Conseil a relevé que « les fonctionnaires sont dans une situation différente de celle des salariés du secteur privé ». Il a alors jugé qu’en ne prévoyant pas, pour les fonctionnaires investis de fonctions représentatives, des garanties analogues à celles qui existent pour les salariés investis de telles fonctions dans le secteur privé, le législateur n’a pas méconnu le principe d’égalité devant la loi41.

 

- Dans sa décision n° 2013-683 DC du 16 janvier 2014, le Conseil, saisi de dispositions de la loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites relatives au compte personnel de pénibilité, a considéré « que les salariés liés par un contrat de travail de droit privé relèvent, au regard de la législation sur les retraites, de régimes juridiques différents de celui, respectivement, des agents de droit public, des travailleurs indépendants et des non salariés agricoles ; que les dispositions des articles 7 et 10 sont applicables aux salariés des employeurs de droit privé ainsi qu’au personnel des personnes publiques employé dans les conditions du droit privé ; que, parmi les salariés de droit privé, sont seuls exclus de ce dispositif ceux qui sont affiliés à un régime spécial de retraite comportant un dispositif spécifique de reconnaissance et de compensation de la pénibilité ; que, par suite, le législateur n’a pas traité différemment des personnes placées dans une situation identique »42.

 

- Dans sa décision n° 2013-365 QPC du 6 février 2014, le Conseil était saisi des dispositions de l’article 80 quinquies du CGI prévoyant l’exonération au titre de l’impôt sur le revenu des indemnités journalières de sécurité sociale allouées aux personnes atteintes d’une affection comportant un traitement prolongé. Selon les requérants, en réservant le bénéfice de cette exonération aux seuls salariés du secteur privé à l’exclusion des fonctionnaires, les dispositions contestées méconnaissaient les principes d’égalité devant la loi et les charges publiques. Pour exercer son contrôle, le Conseil a d’abord présenté les différences entre le régime d’indemnisation applicable aux salariés de droit privé et celui applicable aux fonctionnaires. Il en a déduit que « les fonctionnaires en congé de maladie sont dans une situation différente de celle des personnes qui perçoivent des indemnités journalières versées par les organismes de sécurité sociale et de la mutualité sociale agricole ou pour leur compte ; que les régimes respectifs des congés de maladie conduisent à des versements de nature, de montant et de durée différents ; qu’en réservant aux personnes qui bénéficient d’indemnités journalières le bénéfice de l’exonération prévue par les dispositions contestées lorsque ces personnes sont atteintes de l’une des affections comportant un traitement prolongé et une thérapeutique particulièrement coûteuse, le législateur n’a pas méconnu le principe d’égalité devant la loi ; qu’il n’a pas traité différemment des personnes placées dans une situation identique ; que les critères de l’exonération retenus par les dispositions contestées de l’article 80 quinquies n’instituent ni des différences de traitement injustifiées ni une rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques »43.

 

- Dans sa décision n° 2017-756 DC du 21 décembre 2017, le Conseil était saisi de dispositions qui prévoyaient une hausse des taux de la contribution sociale généralisée et des mesures de compensation de cette hausse pour certains redevables de cet impôt. Les requérants dénonçaient comme contraires aux principes d’égalité devant la loi et devant les charges publiques les différences de traitement en résultant entre contribuables. Selon eux, était notamment injustifiée la différence de traitement entre les salariés du secteur privé, qui bénéficient de telles réductions, et les agents publics, qui n’en bénéficient pas.

 

Sur ces griefs, le Conseil a jugé : « En premier lieu, les dispositions contestées augmentent uniformément les taux de la contribution sociale généralisée de 1,7 point pour tous les éléments de son assiette, à l’exception notamment des allocations chômage et des pensions de retraite ou d’invalidité des personnes à revenus modestes. Cette différence de traitement, qui est justifiée par la différence de situation existant entre des personnes percevant certains revenus de remplacement et les autres, est en rapport avec l’objet de la loi. / En deuxième lieu, les revenus d’activité des travailleurs du secteur privé sont soumis à des cotisations d’assurance maladie et d’assurance chômage alors que les revenus de remplacement des titulaires de pensions de retraite ou d’invalidité et les traitements des fonctionnaires ne sont pas soumis à de telles cotisations. Par conséquent, le législateur s’est fondé sur une différence de situation entre ces deux dernières catégories de personnes et les travailleurs du secteur privé. La différence de traitement qui en résulte est en rapport avec l’objet de la loi »44.

 

* En dehors de la question de la comparaison des régimes de travail ou de sécurité sociale des agents de droit public et de droit privé, le Conseil constitutionnel a procédé de la même manière en matière de règles de prescription en jugeant « qu’aucune exigence constitutionnelle n’impose que les créances sur les personnes publiques soient soumises aux mêmes règles que les créances civiles »45.

 

Il a également retenu la même orientation s’agissant de dispositions permettant de faire varier un coefficient de minoration des tarifs des établissements de santé de façon différente selon les catégories d’établissements (publics, privés non lucratifs ou privés à but commercial). Dans ce dernier cas, le Conseil constitutionnel a jugé que le principe d’égalité n’était pas méconnu dans la mesure où les tarifs de ces établissements peuvent déjà varier en fonction de cette catégorie d’établissements46.

 

Plus récemment, le Conseil a eu l’occasion de contrôler des différences de traitement en matière de recours ouverts contre des contrats selon qu’ils relèvent d’un régime de droit public ou de droit privé. Dans sa décision n° 2020-857 QPC du 2 octobre 2020, il a jugé, dans le droit fil de la jurisprudence précitée, que « les contrats administratifs et les contrats de droit privé répondent à des finalités et des régimes différents. Ainsi, les candidats évincés d’un contrat privé de la commande publique sont dans une situation différente des candidats évincés d’un contrat administratif de la commande publique. Dès lors, la différence de traitement dénoncée, qui est en rapport avec l’objet de la loi, ne méconnaît pas en tout état de cause le principe d’égalité devant la loi »47.

 

* Enfin, le Conseil constitutionnel a également été amené à apprécier des différences de traitement entre agents publics.

 

Dans sa décision n° 2014-433 QPC du 5 décembre 2014, il était ainsi saisi de dispositions prévoyant les conditions dans lesquelles un fonctionnaire peut bénéficier d’une majoration spéciale de sa pension lorsqu’il est dans l’obligation d’avoir recours d’une manière constante à l’assistance d’une tierce personne pour accomplir les actes ordinaires de la vie. Il a jugé, « d’une part, que les fonctionnaires qui ont été contraints de prendre une retraite anticipée parce qu’ils étaient dans l’incapacité permanente de continuer leurs fonctions et ne pouvaient être reclassés et les fonctionnaires qui ont volontairement pris leur retraite, le cas échéant de façon anticipée, ne se trouvent pas dans la même situation au regard des droits à une pension ; que, d’autre part, le principe d’égalité ne s’oppose pas à ce que, pour l’attribution d’une aide en vue de l’assistance à tierce personne, le législateur réserve la majoration spéciale de la pension aux fonctionnaires retraités atteints d’une maladie professionnelle dont l’imputabilité au service est reconnue postérieurement à la date de radiation des cadres et prévoie ainsi que s’appliquent, pour les autres fonctionnaires retraités atteints d’un handicap, les règles de droit commun prévues par le code de l’action sociale et des familles »48.

 

B. – L’application à l’espèce

 

* Après avoir rappelé les termes de l’article 6 de la Déclaration de 1789 et les exigences constitutionnelles qui en résultent (paragr. 3), le Conseil constitutionnel s’est attaché à décrire les dispositions contestées.

 

À cet égard, il a d’abord rappelé que le 1 de l’article 80 duodecies du CGI prévoit que l’indemnité versée à l’occasion de la rupture du contrat de travail constitue une rémunération imposable à l’impôt sur le revenu et fixe la liste des exceptions à cette règle (paragr. 4). Puis, il a constaté que, parmi ces exceptions, les dispositions contestées instaurent une exonération partielle d’impôt sur le revenu pour les indemnités spécifiques de rupture conventionnelle perçues par les fonctionnaires et les agents publics recrutés par contrat à durée indéterminée. Il a alors relevé qu’« En revanche, les indemnités perçues par les agents publics à l’occasion d’un licenciement ne bénéficient d’aucune exonération » (paragr. 5).

 

Le Conseil en a déduit que ces dispositions instaurent « une différence de traitement, d’une part, entre les agents publics selon qu’ils perçoivent une indemnité de rupture conventionnelle ou de licenciement et, d’autre part, en cas de licenciement, entre les agents publics et les salariés dès lors que seules les indemnités perçues par ces derniers bénéficient d’une exonération partielle » (paragr. 6).

 

* Il lui appartenait donc d’apprécier si ces deux différences de traitement étaient fondées sur une différence de situation ou un motif d’intérêt général, et en rapport, dans l’un et l’autre cas, avec l’objet de la loi.

 

- S’agissant de la première différence de traitement critiquée, le Conseil constitutionnel s’est d’abord attaché à définir l’objet des dispositions contestées.

 

Il a considéré qu’« en exonérant partiellement d’impôt sur le revenu les indemnités de rupture conventionnelle perçues par les agents publics, le législateur a entendu favoriser les reconversions professionnelles de ces agents vers le secteur privé » (paragr. 7).

 

Cet objet est distinct de celui des dispositions relatives au licenciement des agents publics, qui permettent à l’administration de mettre un terme de manière unilatérale à la relation de travail, notamment en cas de refus de poste, d’inaptitude ou d’insuffisance professionnelle.

 

Le Conseil a donc constaté que les « agents publics qui sont convenus avec leur employeur des conditions de la cessation définitive de leurs fonctions [dans le cadre d’une procédure de rupture conventionnelle] ne sont pas placés dans la même situation que ceux ayant fait l’objet d’une décision de licenciement » (paragr. 8).

 

Il en a déduit que la différence de traitement résultant des dispositions contestées était fondée sur une différence de situation et qu’elle était en rapport avec l’objet de la loi (paragr. 9).

 

- Examinant la seconde différence de traitement critiquée, le Conseil a d’abord rappelé que « le législateur a défini les indemnités qui, en raison de leur nature, font l’objet d’une exonération ». Puis, il a considéré que « Les salariés du secteur privé et les agents publics étant, au regard des règles de licenciement, soumis à des régimes juridiques différents, le législateur a pu, sans méconnaître le principe d’égalité devant la loi, réserver le bénéfice de l’exonération d’impôt sur le revenu aux indemnités de licenciement perçues par les seuls salariés » (paragr. 10).

 

Ce faisant, il s’est inscrit dans la continuité de sa jurisprudence précédemment exposée, selon laquelle il se refuse à opérer un contrôle approfondi d’égalité reposant sur la confrontation des règles de droit public et des règles de droit privé au motif qu’à certains égards, les situations que ces différentes règles traitent pourraient être comparables.

 

Par conséquent, après avoir jugé que les dispositions contestées ne méconnaissent pas non plus le principe d’égalité devant les charges publiques ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, le Conseil les a déclarées conformes à la Constitution (paragr. 11).

_______________________________________

1 Article 3 de la loi n° 99-1172 du 30 décembre 1999 de finances pour 2000.

2 Cette règle prétorienne résultait, en l’absence de dispositions législatives portant spécifiquement sur le régime d’imposition de ces indemnités, d’une interprétation de l’article 12 du CGI selon lequel « L’impôt est dû chaque année à raison des bénéfices ou revenus que le contribuable réalise ou dont il dispose au cours de la même année ».

3 Vincent Villette, « Quand le juge fiscal se met au travail », Revue de jurisprudence et de conclusions fiscales, octobre 2019.

4 Rapport n° 89 (1999-2000) de M. Philippe Marini, fait au nom de la commission des finances du Sénat, 25 novembre 1999. Voir également Jérôme Turot, « Indemnités de licenciement : quand le Conseil d’État se fait juge de paix », Revue de jurisprudence fiscale et de conclusions fiscales, avril 1991, selon lequel « Le Conseil d’État rend une belle et bonne justice sous son chêne, mais chacun doit venir le trouver pour connaître son sort. D’où l’incertitude dans laquelle sont laissés les contribuables ».

5 Intervention de M. Didier Migaud, rapporteur général de l’Assemblée nationale, compte-rendu de la séance publique du 21 octobre 1999.

6 Exposé sommaire de l’amendement n° 524 (2ème rectification) de MM. François Hollande, Augustin Bonrepaux, Didier Migaud et Jean-Louis Idiart.

7 Intervention de M. Didier Migaud précitée.

8 Ces exonérations d’impôt sur le revenu se couplent à des exonérations de cotisations sociales prévues notamment par le 7° de l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale.

9 Sur ce point, voir la décision n° 2013-340 QPC du 20 septembre 2013, M. Alain G. (Assujettissement à l’impôt sur le revenu des indemnités de licenciement ou de mise à la retraite), présentée ci-après.

10 Articles L. 1235-2, L. 1235-3, L. 1235-3-1, L. 1235-11 à L. 1235-13 du code du travail. Sont également exonérées les indemnités forfaitaires de conciliation prud’homale (article L. 1235-1), les indemnités de rupture d’un commun accord dans le cadre d’un accord collectif (5° de l’article L. 1237-19-1) et les indemnités de rupture garanties au salarié (7° de l’article L. 1237-18-2).

11 L’article L. 1232-1 du code du travail prévoit que tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse. Pour être reconnue, une telle cause doit respecter trois critères : elle doit reposer sur des faits réels, être précise et vérifiable, et être suffisamment importante.

12 Ce plafond, prévu par l’article L. 241-3 du code de la sécurité sociale, correspond à 246 816 euros pour les indemnités perçues en 2022.

13 Rapport n° 89 du 25 novembre 1999, précité.

14 Ibidem.

15 Intervention de M. Migaud précitée.

16 Les indemnités de mise à la retraite, visées au 4° du 1 de l’article 80 duodecies, bénéficient également d’une exonération partielle dont les plafonds sont toutefois inférieurs.

17 Loi n° 2008-596 du 25 juin 2008 portant modernisation du marché du travail.

18 Le régime juridique de la rupture conventionnelle est déterminé aux articles L. 1237-11 à L. 1237-16 du code du travail. Afin d’assurer la liberté de consentement des parties et en particulier celle du salarié, et éviter que cette voie nouvelle ne soit utilisée par un employeur en vue de contourner les modes légaux de rupture du contrat de travail existants, la loi prévoit différentes garanties procédurales. La convention passée entre l’employeur et le salarié doit être homologuée par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE). Sa conclusion doit être précédée d’un ou de plusieurs entretiens au cours desquels le salarié peut se faire assister par un tiers.

19 Voir par exemple CE, 5 mai 2010, n° 309803, CE, 24 juin 2013, n° 365253 et CE, 13 juin 2018, n° 404485, CCI France. Voir également, Cass. civ. 2e, 25 janvier 2018, n° 17-11.442. Dans deux arrêt récents, la Cour de cassation a toutefois admis que des indemnités de licenciement qui ne seraient pas au nombre de celles citées à l’article 80 duodecies du CGI puissent donner lieu à une exonération de cotisations sociales dès lors que ces indemnités ont « un fondement exclusivement indemnitaire » (Cass. civ. 2e, 15 mars 2018, n° 17-10.325).

20 Selon l’article L. 553-1 du CGFP, « Le fonctionnaire peut être licencié dans les cas suivants : 1° Pour abandon de poste ; / 2° Après refus par l’intéressé au terme d’une période de disponibilité de trois postes proposés en vue de sa réintégration, en application de l’article L. 514-8 ; / 3° Pour insuffisance professionnelle dans les conditions mentionnées aux articles L. 553-2 et L. 553-3 ; / 4° Dans la fonction publique de l’Etat, en vertu de dispositions législatives de dégagement des cadres prévoyant soit le reclassement des fonctionnaires intéressés, soit leur indemnisation ; / 5° Dans la fonction publique territoriale, au cours d’une période de prise en charge, l’absence de respect par l’intéressé de ses obligations en application de l’article L. 542-21 ou son refus de trois emplois de son grade en application de l’article L. 542-22 ». En application de l’article L. 553-3 du même code, « Le fonctionnaire licencié pour insuffisance professionnelle peut recevoir une indemnité dans des conditions fixées par décret ». Les conditions de licenciement des agents contractuels de la fonction publique présentent des spécificités propres. Le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l’État encadre les conditions dans lesquelles ces derniers peuvent être licenciés. Son article 45-2 prévoit ainsi qu’un agent contractuel peut être licencié pour « un motif d’insuffisance professionnelle » (art. 45-2), tandis que son article 49-3 précise que « Sans préjudice des dispositions relatives au licenciement pour faute disciplinaire, pour insuffisance professionnelle ou pour inaptitude physique, le licenciement d’un agent contractuel recruté pour répondre à un besoin permanent doit être justifié par l’un des motifs suivants : / 1° La suppression du besoin ou de l’emploi qui a justifié le recrutement de l’agent ; / 2° La transformation du besoin ou de l’emploi qui a justifié le recrutement, lorsque l’adaptation de l’agent au nouveau besoin n’est pas possible ; / 3° Le recrutement d’un fonctionnaire lorsqu’il s’agit de pourvoir un emploi soumis à la règle énoncée à l’ article L. 311-1 du code général de la fonction publique ; / 4° Le refus par l’agent d’une modification d’un élément substantiel du contrat proposée dans les conditions prévus à l’article 45-4 ; / 5° L’impossibilité de réemploi de l’agent, dans les conditions prévues à l’article 32, à l’issue d’un congé sans rémunération ; / 6° L’incompatibilité du comportement de l’agent occupant un emploi participant à des missions de souveraineté de l’État ou relevant de la sécurité ou de la défense, avec l’exercice de ses fonctions, dans les conditions prévues au IV de l’article L. 114-1 du code de la sécurité intérieure et aux articles 45-6 et 45-7 du présent décret ». Ses articles 51 à 56 prévoient quant à eux les conditions dans lesquelles peut être versée à ces agents une indemnité de licenciement. Les décrets n° 88-145 du 15 février 1988 relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale et n° 91-155 du 6 février 1991 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de la fonction publique hospitalière prévoient des dispositions semblables.

21 Article 8 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019. Cette modification fait suite à une décision du Conseil d’État sur un recours de l’assemblée des chambres de commerce et d’industrie (CCI France) contestant le refus de l’agence centrale des organismes de sécurité sociale de faire bénéficier des exonérations sociales prévues pour l’indemnité de rupture conventionnelle l’indemnité versée au titre de la cessation d’un commun accord de la relation de travail prévu par le statut du personnel des CCI. Pour rejeter ce recours, le juge a notamment retenu que ces agents « susceptibles de bénéficier du dispositif de cessation d’un commun accord de la relation de travail sont des agents de droit public, régis par un statut déterminé par une commission paritaire nommée par le ministre de tutelle. Ils ne peuvent, alors même que ce dispositif aurait été créé par la commission paritaire nationale en vue d’inclure dans leur statut une possibilité de rupture présentant des caractéristiques et des garanties similaires à la rupture conventionnelle, être regardés comme placés dans une situation analogue à celle des salariés de droit privé, soumis au code du travail, qui bénéficient d’une rupture conventionnelle. Ces agents ne peuvent davantage être regardés comme placés dans une situation analogue à celle des agents qui font l’objet d’un licenciement » (CE, 13 juin 2018 n° 404485, CCI France, précitée).

22 Loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises.

23 Rapport n° 147 (2018-2019) de M. Albéric de Montgolfier, fait au nom de la commission des finances du Sénat, déposé le 22 novembre 2018.

24 Article 72 de la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique. Cette expérimentation doit s’appliquer du 1er janvier 2020 au 31 décembre 2025.

25 Exposé des motifs du projet de loi n° 1802 déposé le 27 mars 2019 à l’Assemblée nationale. À l’instar des dispositions du code du travail, cette rupture conventionnelle est exclusive des autres cas de cessation définitive des fonctions que sont notamment la démission, le licenciement ou la révocation et elle ne peut être imposée par l’une ou l’autre des parties. De la même manière, le fonctionnaire a la possibilité de se faire assister par le tiers désigné par une organisation syndicale de son choix. Pour le reste, les règles d’organisation de la procédure ont été déterminée par voie réglementaire et sont directement inspirées de la procédure prévue par le code du travail

26 Son montant ne peut être inférieur au montant fixé par le décret n° 2019-1596 du 31 décembre 2019 relatif à l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle dans la fonction publique et portant diverses dispositions relatives aux dispositifs indemnitaires d’accompagnement des agents dans leurs transitions professionnelles. Ce décret prévoit que ce montant ne peut être inférieur à un quotient déterminé à partir d’une fraction de la rémunération mensuelle brute et l’ancienneté de l’agent. Ce montant ne peut pas non plus excéder une somme équivalente à un douzième de la rémunération brute annuelle perçue par l’agent par année d’ancienneté, dans la limite de vingt-quatre ans d’ancienneté.

27 Rapport n° 140 (2019-2020) de M. Albéric de Montgolfier, fait au nom de la commission des finances du Sénat, 21 novembre 2019.

28 Cette disposition est issue d’un amendement du gouvernement adopté par l’Assemblée nationale en première lecture (amendement n° I-2999 du 15 octobre 2019). Le législateur a également modifié, lors de l’examen de la loi n° 2019-1446 du 24 décembre 2019 de financement de la sécurité sociale pour 2020, l’article L. 136-1-1 du code de la sécurité sociale afin d’exclure l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle du secteur public de l’assiette des cotisations et contributions sociales selon les mêmes règles de plafonnement que celles applicables à la rupture conventionnelle.

29 Rapport n° 140 du 21 novembre 2019 précité.

30 Selon l’article 14 ter de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : « Lorsque l’activité d’une personne morale de droit public employant des agents non titulaires de droit public est reprise par une autre personne publique dans le cadre d’un service public administratif, cette personne publique propose à ces agents un contrat de droit public, à durée déterminée ou indéterminée selon la nature du contrat dont ils sont titulaires. / Sauf disposition législative ou réglementaire ou conditions générales de rémunération et d’emploi des agents non titulaires de la personne publique contraires, le contrat qu’elle propose reprend les clauses substantielles du contrat dont les agents sont titulaires, en particulier celles qui concernent la rémunération. […] / En cas de refus des agents d’accepter le contrat proposé, leur contrat prend fin de plein droit. La personne publique qui reprend l’activité applique les dispositions relatives aux agents licenciés ». Ces dispositions sont désormais codifiées aux articles L. 445-1 à L. 445–6 du CGFP.

31 Voir récemment la décision n° 2022-1026 QPC du 25 novembre 2022, Association France horizon (Assujettissement de certaines associations à la taxe pour la création de locaux à usage de bureaux, de commerce ou de stockage en Île-de-France), paragr. 5.

32 Ibid., paragr. 6.

33 O. Fouquet, « Le Conseil constitutionnel et le principe d’égalité devant l’impôt », Nouv. Cah., Cons. const., 2011, p. 7.

34 Voir par exemple la décision n° 2012–662 DC du 29 décembre 2012, Loi de finances pour 2013, cons. 50

35 Décision n° 99-424 DC du 29 décembre 1999 précitée, cons. 21 et 22.

36 Comme précisé dans le commentaire de cette décision, cette interprétation, qui marquait une évolution de la jurisprudence du Conseil d’État en la matière, constituait un changement des circonstances de droit pouvant justifier le réexamen de la constitutionnalité des dispositions de l’article 80 duodecies du CGI dans la même rédaction que celle validée dans la décision n° 99-424 DC précitée.

37 Décision n° 2013-340 QPC du 20 septembre 2013, M. Alain G. (Assujettissement à l’impôt sur le revenu des indemnités de licenciement ou de mise à la retraite), cons. 5 à 8.

38 Décision n° 2009-599 DC du 29 décembre 2009, Loi de finances pour 2010, cons. 87.

39 Décision n° 97-388 DC du 20 mars 1997, Loi créant les plans d’épargne retraite, cons. 30.

40 Décision n° 2001-455 DC du 12 janvier 2002, Loi de modernisation sociale, cons. 34.

41 Décision n° 2011-134 QPC du 17 juin 2011, Union générale des fédérations de fonctionnaires CGT et autres (Réorientation professionnelle des fonctionnaires), cons. 21.

42 Décision n° 2013-683 DC du 16 janvier 2014, Loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites, cons. 24.

43 Décision n° 2013-365 QPC du 6 février 2014, Époux M. (Exonération au titre de l’impôt sur le revenu des indemnités journalières de sécurité sociale allouées aux personnes atteintes d’une affection comportant un traitement prolongé), cons. 8.

44 Décision n° 2017-756 DC du 21 décembre 2017, Loi de financement de la sécurité sociale pour 2018, paragr. 15 et 16.

45 Décision n° 2012-256 QPC du 18 juin 2012, M. Boualem M. (Suspension de la prescription des créances contre les personnes publiques), cons. 5.

46 Décision n° 2012-659 DC du 13 décembre 2012, Loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, cons. 68

47 Décision n° 2020-857 QPC du 2 octobre 2020, Société Bâtiment mayennais (Référé contractuel applicable aux contrats de droit privé de la commande publique), paragr. 26.

48 Décision n° 2014-433 QPC du 5 décembre 2014, M. André D. (Majoration de la pension au titre de l’assistance d’une tierce personne), cons. 7.