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Commentaire de la décision 2022-1030 QPC

16/03/2023

Conformité

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 19 octobre 2022 par le Conseil d’État (décision nos 463588 et 463683 du 18 octobre 2022) d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) posée par l’ordre des avocats au barreau de Paris et l’ordre des avocats au barreau des Hauts-de-Seine relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l’article 56-1 du code de procédure pénale (CPP), dans sa rédaction résultant de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire, et de l’article 56-1-2 du même code, dans sa rédaction issue de la même loi.

Dans sa décision n° 2022-1030 QPC du 19 janvier 2023, le Conseil constitutionnel a déclaré conformes à la Constitution les mots « raisons plausibles » figurant à la cinquième phrase du premier alinéa de l’article 56-1 du CPP, les mots « relevant de l’exercice des droits de la défense » figurant au deuxième alinéa du même article, les mots « Dans les cinq jours » figurant au quatrième alinéa du même article ainsi que l’article 56-1-2 du même code, dans ces rédactions.

Dans cette affaire, Mme Véronique MALBEC a estimé devoir s’abstenir de siéger.

I. – Les dispositions contestées

 

A. – Objet des dispositions contestées

1. – Le secret professionnel de l’avocat

* Aux termes de l’article 66-5 de la loi du 31 décembre 19711, le secret professionnel de l’avocat couvre « En toutes matières, que ce soit dans le domaine du conseil ou dans celui de la défense, les consultations adressées par un avocat à son client ou destinées à celui-ci, les correspondances échangées entre le client et son avocat, entre l’avocat et ses confrères à l’exception pour ces dernières de celles portant la mention "officielle", les notes d’entretien et, plus généralement, toutes les pièces du dossier ».

Le secret professionnel s’applique donc à l’activité de défense, qui implique en principe l’existence d’une procédure juridictionnelle, comme à l’activité de conseil, qui consiste principalement dans la consultation en matière juridique et la rédaction d’actes sous seing privé2.

Le législateur a récemment entendu rappeler l’importance de ce secret dans le cadre de la procédure pénale. La loi du 22 décembre 2021 précitée pour la confiance dans l’institution judiciaire a ainsi introduit dans le CPP un article préliminaire qui, en son dernier alinéa, dispose que : « Le respect du secret professionnel de la défense et du conseil, prévu à l’article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, est garanti au cours de la procédure pénale dans les conditions prévues par le présent code »3.

Comme le Conseil d’État l’a souligné dans son avis sur la loi précitée4, le secret professionnel de l’avocat a une double dimension :

- d’une part, il est destiné à protéger le client contre les divulgations par l’avocat des informations qui lui ont été confiées. Il constitue ainsi l’un des « principes essentiels de la profession d’avocat » qui doit guider « le comportement de l’avocat en toutes circonstances »5 et sa violation est disciplinairement et pénalement sanctionnée6 ;

- d’autre part, « parce que l’activité de l’avocat se rattache à l’exercice des droits de la défense »7, le secret professionnel doit permettre de protéger le client contre l’immixtion excessive de l’autorité publique.

* Selon l’article 2 du règlement intérieur de la profession d’avocat (RIN)8, le secret professionnel de l’avocat « est général, absolu et illimité dans le temps ». L’avocat a donc l’obligation de ne divulguer aucun élément couvert par ce secret, y compris avec l’autorisation de son propre client9 et même s’il a connaissance de faits répréhensibles commis par ce dernier10.

Ce principe connaît cependant un certain nombre d’exceptions.

– Tout d’abord, l’avocat doit s’abstenir de toute divulgation contrevenant au secret professionnel « sous réserve des strictes exigences de sa propre défense devant toute juridiction »11. La Cour de cassation juge ainsi que « l’obligation au secret professionnel d’un avocat ne saurait lui interdire, pour se justifier de l’accusation dont il est l’objet et résultant de la divulgation par un client d’une correspondance échangée entre eux, de produire d’autres pièces de cette même correspondance utiles à ses intérêts »12.

– Ensuite, selon une jurisprudence constante, l’avocat qui est soupçonné d’avoir participé à la commission d’une infraction, en tant qu’auteur ou complice, ne peut valablement invoquer son secret professionnel pour échapper aux mesures d’enquête13. Il a ainsi été jugé que « le secret professionnel de l’avocat ne peut faire obstacle à la saisie de pièces susceptibles d’établir la participation éventuelle de celui-ci à une infraction pénale »14.

– Enfin, dans un certain nombre de cas limitativement énumérés par la loi, l’avocat est délié du secret professionnel et au contraire tenu à des obligations de déclaration ou d’information.

Conformément aux articles L. 561-1 et suivants du code monétaire et financier (CMF), les avocats sont en particulier soumis aux obligations relatives à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme lorsqu’ils représentent ou assistent leurs clients dans le cadre de certaines transactions. À ce titre, ils sont tenus de déclarer « les sommes inscrites dans leurs livres ou les opérations portant sur des sommes dont [ils] savent, soupçonnent ou ont de bonnes raisons de soupçonner qu’elles proviennent d’une infraction passible d’une peine privative de liberté supérieure à un an ou sont liées au financement du terrorisme »15. Sont toutefois exclues du champ d’application de ces dispositions les informations reçues ou obtenues par l’avocat au cours d’une procédure juridictionnelle, « que les informations  dont ils disposent soient reçues ou obtenues avant, pendant ou après cette procédure, y compris dans le cadre de conseils relatifs à la manière d’engager ou d’éviter une telle procédure », ainsi que celles reçues ou obtenues dans le cadre d’une consultation juridique « à moins qu’elles n’aient été fournies à des fins de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme ou en sachant que le client les demande aux fins de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme »16.

Cette obligation de déclaration, issue de la transposition des directives dites « anti-blanchiment »17, a été jugée conforme aux exigences résultant des articles 6 et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales par, successivement, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) 18, le Conseil d’État19 et la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) 20.

2. – Les perquisitions réalisées dans le cabinet ou au domicile d’un avocat et les perquisitions à l’occasion desquelles il est découvert un document couvert par le secret professionnel de l’avocat

La perquisition, qui peut être mise en œuvre dans le cadre d’une enquête de flagrance21, d’une enquête préliminaire22 ou d’une instruction23, consiste à pénétrer dans un lieu clos pour y procéder à la recherche d’éléments utiles à la manifestation de la vérité et, le cas échéant, à leur saisie. Ces mesures d’investigation sont réalisées, selon les cas, par un officier de police judiciaire (OPJ) ou un juge d’instruction, l’un et l’autre ayant « l’obligation de provoquer préalablement toutes mesures utiles pour que soit assuré le respect du secret professionnel et des droits de la défense »24.

Outre cette règle générale, le législateur a prévu des dispositions destinées à protéger spécifiquement certains secrets professionnels25 et, en particulier, le secret professionnel de l’avocat. Les perquisitions réalisées dans le cabinet d’un avocat ou à son domicile obéissent ainsi à des règles spéciales, qui ont été progressivement élaborées et récemment modifiées par la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire26.

a. – Le renforcement progressif des garanties entourant les perquisitions réalisées dans le cabinet ou au domicile d’un avocat

L’article 56-1 du CPP, issu de la loi du 30 décembre 198527, entoure les perquisitions réalisées dans le cabinet ou au domicile d’un avocat de garanties particulières28.

Initialement, ces garanties tenaient à l’accomplissement de ces opérations par un magistrat – et non un OPJ – et à la présence nécessaire du bâtonnier ou de son délégué. Elles ont par la suite été renforcées à plusieurs reprises.

* La loi n° 2000-516 du 15 juin 200029 a ainsi introduit une procédure permettant au bâtonnier ou à son délégué de s’opposer à la saisie d’un document qu’il estimerait irrégulière30.

Par ailleurs, la compétence pour connaître de cette contestation a été confiée au juge des libertés et de la détention (JLD), tenu de statuer dans un délai de cinq jours par une ordonnance motivée alors insusceptible de recours31. À cette fin, le JLD entend le magistrat qui a procédé à la perquisition et, le cas échéant, le procureur de la République, ainsi que l’avocat au cabinet ou au domicile duquel elle a été effectuée et le bâtonnier ou son délégué32.

À l’issue de ce débat contradictoire, si le JLD estime qu’il n’y a pas lieu de saisir le document litigieux, il ordonne sa restitution immédiate, ainsi que la destruction du procès-verbal des opérations et, le cas échéant, la cancellation de toute référence à ce document ou à son contenu qui figurerait dans le dossier de la procédure.

Dans le cas contraire, il ordonne le versement du scellé et du procès-verbal au dossier de la procédure. Le législateur a néanmoins expressément rappelé que « Cette décision n’exclut pas la possibilité ultérieure pour les parties de demander la nullité de la saisie devant, selon les cas, la juridiction de jugement ou la chambre de l’instruction »33.

* La loi n° 2005-1549 du 12 décembre 200534 a modifié l’article 56-1 du CPP afin de prévoir des garanties supplémentaires et a précisé que celles figurant à son premier alinéa étaient édictées à peine de nullité :

– le magistrat qui effectue la perquisition doit préalablement prendre une décision écrite et motivée « qui indique la nature de l’infraction ou des infractions sur lesquelles portent les investigations, les raisons justifiant la perquisition et l’objet de celle-ci »35 ;

– la saisie ne peut pas concerner des documents relatifs à d’autres infractions que celles mentionnées dans la décision de ce magistrat ;

– celui-ci doit veiller à ce que les investigations conduites « ne portent pas atteinte au libre exercice de la profession d’avocat ».

Elle a en outre prévu que, dans le cas où la perquisition est effectuée dans les locaux de l’ordre des avocats ou des caisses de règlement pécuniaire des avocats (CARPA) ou encore dans le cabinet ou au domicile du bâtonnier en exercice, les attributions confiées au JLD sont exercées par le président du tribunal.

* Enfin, la loi n° 2019-222 du 23 mars 201936 a complété l’article 56-1 du CPP par un dernier alinéa qui prévoit que « Les dispositions du présent article sont également applicables aux perquisitions ou visites domiciliaires effectuées, sur le fondement d’autres codes ou de lois spéciales, dans le cabinet d’un avocat ou à son domicile ou dans les locaux de l’ordre des avocats ou des caisses de règlement pécuniaire des avocats ». Les mêmes garanties s’appliquent donc quel que soit le fondement sur lequel la perquisition est effectuée.

b. – Les modifications apportées par la loi pour la confiance dans l’institution judiciaire

* L’article 56-1 du CPP a, en dernier lieu, été modifié par la loi du 22 décembre 2021 précitée, qui a apporté de nouvelles garanties destinées à assurer plus complètement la protection du secret professionnel de l’avocat en cas de perquisition réalisée dans son cabinet ou à son domicile37.

                                                            

– Au sein de son premier alinéa, il est prévu que la décision d’autoriser une perquisition ne peut plus émaner du magistrat qui effectue l’opération (à savoir le procureur de la République ou le juge d’instruction selon que cette opération a lieu au cours d’une enquête de police ou d’une information judiciaire), mais d’un magistrat distinct qui doit nécessairement avoir la qualité de JLD.

De plus, outre la nature de l’infraction visée, les raisons justifiant la perquisition et l’objet de celle-ci, cette décision doit désormais contenir des motifs relatifs à « sa proportionnalité au regard de la nature et de la gravité des faits ».

Dans le cas où la perquisition est justifiée par la mise en cause de l’avocat, elle ne peut par ailleurs être autorisée « que s’il existe des raisons plausibles de le soupçonner d’avoir commis ou tenté de commettre, en tant qu’auteur ou complice, l’infraction qui fait l’objet de la procédure ou une infraction connexe ».

Il ressort des travaux préparatoires qu’« Une perquisition chez un avocat ne pourrait ainsi être autorisée, s’il est lui-même objet de soupçons, que si le magistrat dispose des éléments qui permettraient de le placer en garde à vue38. En revanche, cette exigence nouvelle ne s’appliquerait pas dès lors que la perquisition serait justifiée par une infraction commise par un tiers, le droit en vigueur étant maintenu inchangé sur ce point »39.

– Le deuxième alinéa de l’article 56-1 est complété afin de prévoir que le magistrat qui effectue la perquisition veille « à ce qu’aucun document relevant de l’exercice des droits de la défense et couvert par le secret professionnel de la défense et du conseil, prévu à l’article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, ne soit saisi et placé sous scellé ».

Si ces dispositions étaient absentes du projet de loi initial, le Gouvernement avait toutefois souhaité étendre, par voie d’amendement, le champ des documents considérés comme relevant de l’exercice des droits de la défense et couverts, à ce titre, par le secret professionnel. Il rappelait à cet égard que « s’il ne paraît ni possible ni justifié d’étendre au cours de la procédure pénale l’inviolabilité des actes d’un avocat relevant de son activité de conseil, car cette protection n’est justifiée que par l’exercice des droits de la défense, il convient de préciser cette notion de façon extensive. Il est ainsi indiqué qu’elle couvre également la défense exercée avant même qu’une procédure pénale ne soit ouverte et que la personne ne soit mise en cause par l’autorité judiciaire »40.

En étendant ainsi la protection du secret professionnel à l’activité de conseil de l’avocat, sous réserve qu’elle participe à l’exercice des droits de la défense, le législateur a souhaité revenir sur la détermination prétorienne du champ des documents relevant de cet exercice41. La Cour de cassation juge en effet que, si les pièces et correspondances échangées entre l’avocat et son client sont couvertes, en toutes matières, par le secret professionnel, elles peuvent être saisies dans le cadre d’une procédure pénale, à l’occasion notamment d’une perquisition, « dès lors qu’elles ne concernent pas l’exercice des droits de la défense »42. Elle a en outre jugé, à propos d’interceptions téléphoniques, que « l’avocat n’assure pas la défense de la personne placée sous surveillance [lorsque celle-ci] n’est ni mise en examen ou témoin assisté ni même n’a été placée en garde à vue »43.

Les rapporteurs du texte au Sénat résumaient en ces termes la problématique : « La question du champ de protection du secret professionnel dans le domaine pénal est très débattue depuis de nombreuses années et l’article 3 du projet de loi divise le monde judiciaire, les avocats étant partisans de l’extension de la protection à l’ensemble de la relation entre le client et l’avocat, y compris dans son aspect "conseil", selon la lettre de l’article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971, tandis que les magistrats et enquêteurs, sont soucieux de conserver les moyens de lutter contre la délinquance économique et financière, dans le respect des engagements internationaux de la France, et inquiets de voir se mettre en place des stratégies de contournement instrumentalisant le secret professionnel de l’avocat ». Ils estimaient que la rédaction finalement retenue « rendrait plus explicite la nature du document sur lequel porte l’interdiction de saisie lors d’une perquisition chez un avocat : celui-ci devrait à la fois relever de l’exercice des droits de la défense et être couvert par le secret professionnel de la défense et du conseil. Cette précision maintiendrait l’exigence d’un lien avec l’exercice des droits de la défense, ce qui semble exclure ce qui relève uniquement d’une activité de conseil » 44.

La circulaire de présentation de la loi pour la confiance dans l’institution judiciaire confirme la portée de la modification ainsi introduite à l’article 56-1 du CPP : « Il découle des nouvelles dispositions que le secret du conseil est désormais protégé, mais à la condition qu’il se rapporte à l’exercice des droits de la défense […]. Le législateur a en effet estimé que "celui qui prend conseil parce qu’il s’attend à être prochainement poursuivi ou parce qu’il sait avoir commis une infraction pénale prépare en réalité déjà sa défense"45 doit voir protégés ses échanges avec son avocat, même si aucune procédure pénale n’est déjà engagée, ou, si c’est le cas, même si la personne n’est pas encore mise en cause dans cette procédure et a fait connaître aux enquêteurs ou aux magistrats le choix de son conseil. Sous réserve de la jurisprudence à venir de la Cour de cassation, il apparaît ainsi que cette protection s’appliquera lorsqu’une personne a commis ou pense avoir commis une infraction, mais non lorsque des conseils sont demandés à un avocat avant toute commission d’une infraction, et qu’il s’agit donc de conseils qui auraient pu être sollicités auprès de toutes autres personnes exerçant des missions de conseil juridique, comme par exemple des notaires »46.

– L’article 56-1 du CPP a enfin été complété par deux nouveaux alinéas instaurant un recours suspensif contre la décision du JLD statuant sur la contestation soulevée par le bâtonnier. Ce recours peut être exercé devant le président de la chambre de l’instruction par le procureur de la République, l’avocat, le bâtonnier ou son délégué, ou encore par l’administration ou l’autorité administrative compétente, dans un délai de vingt-quatre heures. Le président de la chambre de l’instruction se prononce dans un délai de cinq jours suivant sa saisine, selon la procédure contradictoire prévue au cinquième alinéa de l’article 56-1.

* Deux nouveaux articles ont également été introduits au sein du CPP pour préciser les conditions d’opposabilité du secret professionnel de l’avocat dans certaines circonstances.

– L’article 56-1-1 permet à toute personne chez laquelle une perquisition est effectuée de s’opposer à la saisie d’un document relevant selon elle de l’exercice des droits de la défense et couvert par le secret professionnel de la défense et du conseil. En ce cas, le document est placé sous scellé et la contestation est tranchée par le JLD. La protection du secret professionnel est ainsi renforcée puisque, auparavant, lorsque la perquisition était réalisée en dehors du cabinet de l’avocat, la saisie d’un tel document ne pouvait que faire l’objet, a posteriori, d’une demande de nullité devant la chambre de l’instruction ou la formation de jugement.

– L’article 56-1-2 du CPP prévoit que le secret professionnel du conseil n’est pas opposable aux mesures d’enquête ou d’instruction relatives aux délits de fraude fiscale, de corruption, de trafic d’influence et de financement du terrorisme, ainsi qu’au blanchiment de ces délits, « sous réserve que les consultations, correspondances ou pièces détenues ou transmises par l’avocat ou son client établissent la preuve de leur utilisation aux fins de commettre ou de faciliter la commission desdites infractions ».

Les rapporteurs de la commission des lois du Sénat, qui avaient suggéré l’introduction d’une telle disposition au sein de l’article préliminaire du CPP, faisaient à ce titre valoir que, s’ils partageaient l’objectif de renforcement de la protection du secret professionnel de l’avocat, « L’extension de la protection au secret professionnel du conseil, votée par les députés, offrirait aux avocats français une situation tout à fait privilégiée en Europe, en coupant le lien entre secret professionnel et exercice des droits de la défense. […] Par ailleurs, les rapporteurs ont été sensibles aux inquiétudes largement exprimées par les magistrats, en particulier en matière de lutte contre la délinquance économique et financière »47.

Selon la circulaire précitée, le régime dérogatoire institué par cette disposition « est justifié par la nature de ces infractions pour lesquelles des montages juridiques sont quasi-systématiquement préalables ou concomitants à leur commission ou à la dissimulation des fonds, et par l’atteinte particulière qu’elles portent au pacte social. Il fait écho aux recommandations tant, sur un plan international, des évaluateurs du GAFI et de l’OCDE, que, sur un plan national, de récents rapports parlementaires. Tous invitent en effet à un renforcement de l’action gouvernementale en matière de lutte contre la délinquance économique et financière en général, de la lutte anti-corruption et contre la fraude fiscale en particulier ».

B. – Origine de la QPC et question posée

L’ordre des avocats au barreau de Paris, d’une part, et l’ordre des avocats au barreau des Hauts-de-Seine, d’autre part, avaient saisi le Conseil d’État d’une requête aux fins d’annulation de la circulaire du garde des sceaux du 28 février 2022 présentant les dispositions de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire.

À cette occasion, ils avaient soulevé une QPC portant sur les articles 56-1 et 56–1–2 du CPP.

Dans sa décision du 18 octobre 2022 précitée, le Conseil d’État avait jugé que « Le moyen tiré de ce que [ces dispositions] portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, notamment aux droits de la défense protégés par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, soulève une question présentant un caractère sérieux ». Il l’avait donc renvoyée au Conseil constitutionnel.

II. – L’examen de la constitutionnalité des dispositions contestées

* Les requérants, rejoints par les parties intervenantes, soutenaient que ces dispositions méconnaissaient le secret professionnel de la défense et du conseil de l’avocat, qu’ils invitaient le Conseil constitutionnel à reconnaître comme une exigence constitutionnelle, ainsi que les droits de la défense, le droit au respect de la vie privée, le secret des correspondances, le droit à un procès équitable et le droit de ne pas s’auto-incriminer. À cet égard, ils reprochaient au deuxième alinéa de l’article 56-1 du CPP de permettre, à l’occasion de la perquisition réalisée dans le cabinet d’un avocat ou à son domicile, la saisie d’un document couvert par le secret professionnel du conseil lorsqu’il ne relève pas de l’exercice des droits de la défense. Ils reprochaient également à l’article 56-1-2 du même code de prévoir que le secret professionnel du conseil ne peut être invoqué pour s’opposer à la saisie de certains documents même lorsqu’ils relèvent de l’exercice des droits de la défense.

L’ordre des avocats au barreau des Hauts-de-Seine, rejoint par certaines parties intervenantes, faisait en outre valoir que la condition tenant à l’existence de « raisons plausibles » de soupçonner l’avocat de la commission d’une infraction, exigée lorsque la perquisition est justifiée par la mise en cause de ce dernier, était trop imprécise. Par ailleurs, en cas de contestation de la régularité de la saisie soulevée par le bâtonnier au cours de la perquisition, le délai de cinq jours dans lequel le juge des libertés et de la détention est tenu de statuer aurait été trop bref. Il en résultait, selon eux, une méconnaissance des exigences constitutionnelles précitées.

L’ordre des avocats au barreau de Paris soutenait enfin que, pour les mêmes motifs, les dispositions renvoyées étaient entachées d’incompétence négative dans des conditions affectant ces mêmes exigences.

* Au regard de ces griefs, le Conseil constitutionnel a considéré que la QPC portait sur les mots « raisons plausibles » figurant à la cinquième phrase du premier alinéa de l’article 56-1 du CPP, sur les mots « relevant de l’exercice des droits de la défense » figurant au deuxième alinéa du même article et sur les mots « Dans les cinq jours » figurant au quatrième alinéa du même article, ainsi que sur l’article 56-1-2 du même code (paragr. 6).

* L’une des parties intervenantes faisait par ailleurs valoir que les dispositions contestées de l’article 56-1 du CPP méconnaissaient l’exigence de clarté et d’intelligibilité de la loi ainsi que le droit à un recours juridictionnel effectif. Elle soutenait en outre que l’article 56-1-2 du même code était contraire au principe d’égalité devant la loi.

A. – La jurisprudence constitutionnelle

1. – La jurisprudence relative au secret professionnel de l’avocat

* Dans sa décision n° 2015-478 QPC du 24 juillet 201548, le Conseil constitutionnel a refusé de reconnaître un droit autonome protégé par la Constitution au secret des échanges et des correspondances des avocats.

Dans cette affaire, le Conseil était saisi de dispositions instituant une procédure de réquisition administrative de données de connexion, auxquelles il était notamment reproché de ne pas prévoir de garanties spécifiques de nature à protéger l’accès aux données de connexion des avocats et des journalistes. Selon les requérants, il en résultait notamment une atteinte au droit au respect de la vie privée, à la liberté d’expression et de communication, aux droits de la défense et au droit à un procès équitable, ainsi qu’au droit au secret des échanges et correspondances des avocats et au droit au secret des sources des journalistes qu’ils suggéraient au Conseil de reconnaître.

Après avoir rappelé qu’il incombait au législateur d’assurer « la conciliation entre, d’une part, la prévention des atteintes à l’ordre public et des infractions, nécessaire à la sauvegarde de droits et de principes de valeur constitutionnelle, et, d’autre part, l’exercice des droits et des libertés constitutionnellement garantis », le Conseil a jugé « qu’en revanche, aucune disposition constitutionnelle ne consacre spécifiquement un droit au secret des échanges et correspondances des avocats (…) »49.

Si le secret professionnel de l’avocat ne bénéficie pas d’une protection constitutionnelle autonome, le Conseil constitutionnel a été amené à examiner les atteintes susceptibles de lui être portées à travers son contrôle du respect du droit au secret des correspondances, du droit au respect de la vie privée ou de l’exercice des droits de la défense.

* Le Conseil constitutionnel peut fonder l’examen des atteintes susceptibles d’être portées au secret professionnel de l’avocat sur son contrôle du respect du droit au secret des correspondances, garanti par les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.

- Dans sa décision n° 2015-713 DC du 23 juillet 201550, le Conseil était saisi de dispositions interdisant qu’un parlementaire, un magistrat, un avocat ou un journaliste puisse être l’objet d’une demande de mise en œuvre d’une technique de recueil de renseignement à raison de l’exercice de son mandat ou de sa profession. Les députés requérants reprochaient notamment à ces dispositions de ne pas assurer une protection suffisante contre l’atteinte indirecte au secret des sources des journalistes ainsi qu’à la confidentialité des échanges entre avocats et leurs clients. Il en résultait selon eux une atteinte au droit au respect de la vie privée ainsi que, pour les avocats, aux droits de la défense et au droit à un procès équitable.

Après avoir rappelé l’ensemble des garanties encadrant la possibilité de mettre en œuvre une technique de renseignement concernant un membre du Parlement, un magistrat, un avocat ou un journaliste ou leurs véhicules, bureaux et domiciles, ainsi que l’interdiction qu’une telle technique puisse intervenir à raison de l’exercice du mandat ou de la profession de la personne concernée, le Conseil a jugé que les dispositions contestées ne portaient pas une atteinte manifestement disproportionnée au droit au respect de la vie privée, à l’inviolabilité du domicile et au secret des correspondances.

- Dans sa décision n° 2015-478 QPC du 24 juillet 2015 précitée, le Conseil a relevé que « les dispositions contestées instituent une procédure de réquisition administrative de données de connexion excluant l’accès au contenu des correspondances » et « que, par suite, elles ne sauraient méconnaître le droit au secret des correspondances et la liberté d’expression »51.

Il a également pris en compte le fait que les réquisitions en cause ne pouvaient être autorisées qu’à certaines fins expressément listées par la loi et sous certaines conditions52.

Il en a conclu que le législateur n’avait pas porté d’atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée, aux droits de la défense et au droit à un procès équitable, y compris pour les avocats et journalistes. Il a, par ailleurs, écarté le grief tiré de ce que le législateur aurait insuffisamment exercé sa compétence en ne prévoyant pas des garanties spécifiques pour protéger le secret professionnel des avocats et journalistes. Il a donc déclaré ces dispositions conformes à la Constitution.

* Le secret professionnel de l’avocat peut également constituer une garantie prise en considération par le Conseil constitutionnel dans le cadre de son contrôle du droit au respect de la vie privée.

Aux termes de l’article 2 de la Déclaration de 1789 : « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’Homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l’oppression ». La liberté proclamée par cet article implique le respect de la vie privée53.

Le Conseil constitutionnel juge de manière constante qu’il appartient au législateur d’assurer « la conciliation entre le respect de la vie privée et d’autres exigences constitutionnelles, telles que la recherche des auteurs d’infractions et la prévention d’atteintes à l’ordre public »54.

 

Par exemple, dans sa décision n° 2016-552 QPC du 8 juillet 201655 relative au droit de communication conféré aux agents des services d’instruction de l’Autorité de la concurrence, le Conseil a notamment considéré que le fait que ce droit ne puisse pas porter sur des documents protégés par le secret professionnel constituait une garantie.

Le Conseil a en effet relevé que ce droit de communication portait uniquement sur des « livres, factures et autres documents professionnels », que les dispositions contestées « ne sont pas relatives à l’entrée dans un lieu à usage d’habitation » et « ne permettent pas d’exiger la communication de documents protégés par le droit au respect de la vie privée ou par le secret professionnel », et que, « Par conséquent, elles ne portent atteinte ni au droit à la protection du domicile, ni au droit au respect de la vie privée, ni au secret des correspondances »56.

* Enfin, le Conseil constitutionnel considère que les obligations attachées au secret professionnel des avocats constituent une garantie au regard de l’exercice des droits de la défense.

Le principe du respect des droits de la défense est rattaché, depuis la décision n° 2006-535 DC du 30 mars 2006, à l’article 16 de la Déclaration de 1789, aux termes duquel : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution »57.

Il a pour corollaire le principe du caractère contradictoire de la procédure58 et fait partie, avec le droit à un recours juridictionnel effectif et le droit à un procès équitable, des droits constitutionnels processuels qui découlent de la garantie des droits59.

- Dans sa décision n° 2015-715 DC du 5 août 2015, le Conseil constitutionnel était saisi de dispositions permettant notamment aux agents de l’autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation d’accéder à des locaux utilisés à des fins professionnelles par un avocat ou d’exiger la communication par celui-ci de ses livres, factures et autres documents professionnels. Les députés requérants reprochaient à ces dispositions de porter atteinte au secret professionnel des avocats et aux droits de la défense.

Le Conseil a d’abord constaté que « Ces investigations ont pour seul objet de déterminer l’existence d’un manquement à l’obligation pour un avocat de conclure une convention d’honoraires dans les conditions prévues par l’article 10 de la loi du 31 décembre 1971 ». Puis, il a relevé que, « par ailleurs, elles doivent être menées dans le respect du secret professionnel prévu à l’article 66-5 de cette même loi, lequel dispose que les consultations adressées par un avocat à son client ou destinées à celui-ci, les correspondances échangées entre le client et son avocat, entre l’avocat et ses confrères à l’exception pour ces dernières de celles portant la mention "officielle", les notes d’entretien et, plus généralement, toutes les pièces du dossier entre l’avocat et son client sont couvertes par le secret professionnel ». Il en a conclu que ces dispositions ne méconnaissaient pas les droits de la défense et ne portaient pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée60.

- Dans sa décision n° 2017-623 QPC du 7 avril 2017, le Conseil était saisi de dispositions relatives à l’exercice des fonctions de défenseur syndical. Alors que le requérant soutenait que ces dispositions méconnaissaient le principe d’égalité devant la justice au motif que le défenseur syndical n’aurait pas présenté des garanties de confidentialité aussi protectrices pour le justiciable que celles auxquelles sont tenus les avocats, le Conseil a relevé : « En premier lieu, l’article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 mentionnée ci-dessus prévoit que l’avocat est soumis au secret professionnel en toutes matières, que ce soit dans le domaine du conseil ou dans celui de la défense. Cette obligation s’étend aux consultations adressées par un avocat à son client, aux correspondances échangées avec ce dernier ou avec un autre confrère, excepté celles qui portent la mention "officielle", ainsi qu’aux notes d’entretien et à toutes les pièces du dossier. / En second lieu, d’une part, le défenseur syndical exerce des fonctions d’assistance ou de représentation devant les conseils de prud’hommes et les cours d’appel en matière prud’homale. Les dispositions contestées le soumettent à une obligation de secret professionnel pour toutes les questions relatives aux procédés de fabrication. Elles lui imposent également une obligation de discrétion à l’égard des informations ayant un caractère confidentiel et présentées comme telles par la personne qu’il assiste ou représente ou par la partie adverse dans le cadre d’une négociation. / D’autre part, tout manquement du défenseur syndical à ses obligations de secret professionnel et de discrétion peut entraîner sa radiation de la liste des défenseurs syndicaux par l’autorité administrative. En outre, l’article 226-13 du code pénal punit d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende la révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par son état ou par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire ».

Le Conseil a déduit de ces différents éléments que « sont assurées aux parties, qu’elles soient représentées par un avocat ou par un défenseur syndical, des garanties équivalentes quant au respect des droits de la défense et de l’équilibre des droits des parties »61.

En s’appuyant, dans cette décision, sur les garanties attachées à l’office du défenseur syndical, et notamment sa soumission à une obligation de secret professionnel semblable à celle des avocats, le Conseil constitutionnel a implicitement reconnu l’importance de cette obligation pour l’exercice des droits de la défense. Le commentaire de cette décision précise d’ailleurs, en se référant à la décision du 5 août 2015 précitée, que « S’agissant du secret professionnel auquel est tenu l’avocat, le Conseil constitutionnel a déjà considéré que celui-ci pouvait participer à la protection des droits de la défense »62.

- Dans sa décision n° 2021-945 QPC du 4 novembre 2021, le Conseil constitutionnel était saisi de dispositions prévoyant que la personne détenue communique librement avec son avocat. Il était reproché à ces dispositions de ne pas définir les modalités de la communication de la personne détenue avec son avocat et, en particulier, de ne pas organiser un droit à la communication téléphonique.

Le Conseil a d’abord jugé que « le droit de communiquer avec son avocat participe au respect des droits de la défense ». Puis, pour s’assurer que le détenu bénéficiait effectivement d’un tel droit et que les droits de la défense n’étaient pas méconnus, le Conseil a notamment relevé que « le législateur a garanti la confidentialité des échanges entre la personne détenue et son avocat » dès lors que « les correspondances écrites entre la personne détenue et son avocat ne peuvent être ni contrôlées ni retenues » et que « leurs communications téléphoniques ou électroniques ne peuvent pas être interceptées, enregistrées, transcrites ou interrompues par l’administration pénitentiaire »63.

Il en a conclu que le législateur n’avait pas privé de garanties légales les droits de la défense dont bénéficient les personnes détenues, dans les limites inhérentes à la détention, et que les griefs soulevés devaient être écartés.

- Enfin, dans sa décision n° 2022-1002 QPC du 8 juillet 2022, le Conseil était saisi de dispositions permettant la saisie d’une somme d’argent versée sur un compte bancaire afin de garantir l’exécution d’une peine complémentaire de confiscation. La requérante soutenait que, lorsque la saisie porte sur des sommes versées sur le compte bancaire d’un avocat, ces dispositions contraignaient ce dernier, pour contester la saisie, à divulguer des informations protégées par le secret professionnel. Le Conseil a cependant constaté que, « dans le cas où la saisie porte sur les sommes versées sur le compte professionnel d’un avocat, ce dernier peut la contester sans être tenu de révéler des informations portant sur ses clients ou les prestations à l’origine des sommes saisies ». Il a en outre relevé que, « à supposer même que l’avocat soit amené, pour exercer ses droits de la défense, à révéler des informations couvertes par le secret professionnel pour contester la saisie d’une somme versée sur son compte, il peut le faire sous la condition que ces révélations lui soient imposées par les strictes exigences de sa propre défense devant une juridiction »64. Il en a déduit que les dispositions contestées ne méconnaissaient pas les droits de la défense.

2. – La jurisprudence relative au champ d’application des droits de la défense

* Le Conseil constitutionnel juge, de manière constante, que le respect du principe des droits de la défense « implique, en particulier, l’existence d’une procédure juste et équitable garantissant l’équilibre des droits des parties »65.

Il a donc, par essence, vocation à s’appliquer aux procédures juridictionnelles, qu’elles soient ou non répressives. Le Conseil constitutionnel a ainsi jugé que ne méconnaissaient pas cette exigence :

– l’obligation faite à l’avocat commis d’office de faire approuver ces motifs d’excuse ou d’empêchement par le président de la cour d’assises66 ;

– la procédure accélérée d’examen des demandes d’asile tardives67 ;

– l’absence d’enregistrement sonore ou audiovisuel des débats devant le tribunal correctionnel68.

* Toutefois, l’exigence de respect des droits de la défense ne se limite pas aux procédures juridictionnelles. Le Conseil constitutionnel a en effet eu, à plusieurs reprises, l’occasion de la mettre en œuvre dans le cadre de procédures répressives non juridictionnelles.

Selon la formulation de principe qu’il retient en la matière, « l’article 16 de la Déclaration de 1789 implique notamment qu’aucune sanction ayant le caractère d’une punition ne puisse être infligée à une personne sans que celle-ci ait été mise à même de présenter ses observations sur les faits qui lui sont reprochés ; […] le principe des droits de la défense s’impose aux autorités disposant d’un pouvoir de sanction sans qu’il soit besoin pour le législateur d’en rappeler l’existence »69.

Le prononcé d’une sanction est donc soumis à l’exigence d’une procédure contradictoire préalable. Le Conseil constitutionnel a ainsi été amené à censurer le fait que les agents des services déconcentrés de l’administration pénitentiaire puissent être sanctionnés disciplinairement pour cessation concertée du service « en dehors des garanties disciplinaires » et sans avoir donc pu présenter leurs observations70.

L’exigence de respect des droits de la défense peut également s’étendre à certains actes d’enquête préalables à la mise en cause d’une personne, lorsque, notamment, il en va de la loyauté de la preuve. Le Conseil a ainsi jugé que les services fiscaux ne sauraient, sans méconnaître les droits de la défense, se prévaloir de pièces ou documents obtenus par une autorité administrative ou judiciaire dans des conditions déclarées ultérieurement illégales par le juge71. À l’inverse, le droit reconnu aux agents assermentés du service municipal du logement de recevoir toute déclaration et de se faire présenter par les propriétaires, locataires ou autres occupants toute pièce ou document établissant les conditions dans lesquelles les lieux sont occupés ne saurait, en lui-même, méconnaître les droits de la défense ni le droit à un procès équitable72.

L’exigence de respect des droits de la défense dans les procédures répressives non juridictionnelles implique, dans certains cas, l’assistance d’un avocat. Construite à partir des conditions de la garde à vue, la jurisprudence du Conseil sur ce point fait apparaître que l’assistance d’un avocat est exigée lorsque la procédure repose sur la suspicion de la commission d’une infraction et comporte une privation de liberté individuelle.

Le Conseil constitutionnel a en effet jugé, à propos de la garde à vue, en étendant le champ des normes de référence aux articles 7 et 9 de la Déclaration de 1789, que  : « si le respect des droits de la défense impose, en principe, qu’une personne soupçonnée d’avoir commis une infraction ne peut être entendue, alors qu’elle est retenue contre sa volonté, sans bénéficier de l’assistance effective d’un avocat, cette exigence constitutionnelle n’impose pas une telle assistance dès lors que la personne soupçonnée ne fait l’objet d’aucune mesure de contrainte et consent à être entendue librement »73.

De même, c’est en s’appuyant sur ces deux éléments  privation de liberté et suspicion de commission d’une infraction que le Conseil a jugé contraires au respect des droits de la défense les dispositions autorisant l’audition, sans l’assistance de son avocat, d’une personne placée en garde à vue74 ou en retenue douanière75.

Il a, en revanche, jugé conforme à la Constitution la procédure d’enquête préliminaire qui autorise les services enquêteurs à convoquer une personne pour l’interroger, sous la réserve que, s’il apparaît, « avant son audition ou au cours de celle-ci, qu’il existe des raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre une infraction, [cette personne] ne puisse être entendue ou continuer à être entendue librement par les enquêteurs que si elle a été informée de la nature et de la date de l’infraction qu’on la soupçonne d’avoir commise et de son droit de quitter à tout moment les locaux de police ou de gendarmerie »76.

Cette dernière décision, qui porte sur une procédure dans laquelle la personne n’est pas privée de sa liberté, manifeste bien que c’est la conjonction de la privation de liberté et de la suspicion de la commission d’une infraction qui justifie l’assistance de l’avocat.

Par ailleurs, elle démontre que les droits de la défense sont, dans leur principe, liés à l’existence du soupçon de la commission d’une infraction et non à la privation d’une liberté en tant que telle. En effet, c’est en raison du risque de mise en cause de la personne, du fait de ses propres déclarations, que le Conseil constitutionnel impose des droits de la défense minimaux : la personne doit être informée des soupçons qui pèsent sur elle, afin notamment qu’elle puisse mettre un terme à l’interrogatoire ou qu’elle puisse demander l’assistance de son avocat pour assurer sa défense77.

Saisi de la procédure de transaction pénale, qui permet à une personne suspectée d’avoir commis une infraction d’accepter la peine que lui propose le procureur de la République, en contrepartie de l’abandon des poursuites, le Conseil constitutionnel a, de la même manière, jugé que, « pour que les droits de la défense soient assurés dans le cadre d’une procédure de transaction ayant pour objet l’extinction de l’action publique, la procédure de transaction doit reposer sur l’accord libre et non équivoque, avec l’assistance éventuelle de son avocat, de la personne à laquelle la transaction est proposée ». Il a estimé qu’il en découlait l’obligation d’informer la personne suspectée d’avoir commis une infraction de son droit d’être assistée d’un avocat avant d’accepter la proposition de peine qui lui est faite78.

* En revanche, l’exigence du respect des droits de la défense ne s’applique pas, en principe, en dehors du cadre juridictionnel ou répressif.

- Le Conseil constitutionnel s’est prononcé en ce sens lorsque sont en cause des actes administratifs et, en particulier, des mesures de police administrative.

Dans sa décision n° 2001-451 DC du 27 novembre 2001, le Conseil a jugé que, « sauf pour les décisions prononçant une sanction ayant le caractère d’une punition, les règles et principes de valeur constitutionnelle n’imposent pas par eux-mêmes aux décisions exécutoires émanant d’une autorité administrative ou d’un organisme de sécurité sociale d’être motivées, ni de faire l’objet d’une procédure contradictoire préalable »79.

Faisant application de cette jurisprudence, le Conseil a, dans sa décision n° 2003–467 DC du 13 mars 2003, considéré que « le principe des droits de la défense [ne peut être] utilement invoqué à l’encontre du retrait de la carte de séjour pour des motifs d’ordre public, lequel constitue non une sanction mais une mesure de police »80. La mention, dans la suite du même considérant, du fait que « l’intéressé sera mis à même de présenter ses observations sur la mesure de retrait envisagée dans les conditions prévues par la législation de droit commun relative à la procédure administrative »81 a, comme le précise le commentaire, la valeur d’un surplus, non déterminant pour la solution retenue.

Saisi ensuite de l’interdiction de retour décidée par l’autorité administrative, en complément d’une obligation de quitter le territoire français – qui constitue également une mesure de police et non une sanction ayant le caractère de punition –, le Conseil a réaffirmé, dans une formulation à vocation générale, que « sauf pour les décisions prononçant une sanction ayant le caractère d’une punition, les règles et principes de valeur constitutionnelle n’imposent pas par eux-mêmes aux décisions exécutoires émanant d’une autorité administrative de faire l’objet d’une procédure contradictoire préalable »82.

De la même manière, dans sa décision n° 2015-524 QPC du 2 mars 2016, alors que les requérants critiquaient le fait que la mesure administrative de gel des avoirs financiers était prise seulement sur les allégations de l’administration, le Conseil constitutionnel a écarté le grief tiré de la méconnaissance des droits de la défense en relevant, notamment, que les dispositions contestées ne privaient pas les personnes en cause de la possibilité de contester les décisions de gel administratif de leurs avoirs financiers devant le juge administratif auquel il appartient d’apprécier, au regard des éléments débattus contradictoirement devant lui, l’existence de motifs justifiant une telle mesure83.

Ce faisant, le Conseil a estimé que, si l’exigence du respect des droits de la défense ne s’impose pas à une procédure administrative dont la finalité est préventive, elle s’applique évidemment à la procédure juridictionnelle dont elle peut faire l’objet en cas de recours.

Il s’est également prononcé en ce sens à propos des mesures administratives de fermeture provisoire ou d’interdiction de réunion84 ainsi que des décisions de refus d’entrée d’un étranger sur le territoire national et de maintien en zone d’attente prises par l’administration85.

Par ailleurs, saisi d’une procédure administrative, non assimilable à une procédure de sanction, de récupération des sommes indûment déléguées aux établissements de santé, le Conseil constitutionnel a relevé, pour écarter le grief tiré de la méconnaissance des droits de la défense, que ladite procédure n’interdit pas à ces établissements de saisir la juridiction compétente afin de contester cette décision86.

Enfin, il a écarté les griefs tirés de l’absence de procédure contradictoire préalable s’agissant des décisions de licenciement autre que le licenciement disciplinaire87.

* Il ressort de cet exposé jurisprudentiel que le champ d’application du principe des droits de la défense ne se limite pas aux seules procédures juridictionnelles, mais qu’il s’étend aux procédures susceptibles de conduire au prononcé d’une sanction ainsi qu’aux mesures fondées sur une suspicion de commission d’une infraction lorsqu’elles impliquent une privation de liberté. Ce principe ne peut pas en revanche être mobilisé en dehors de ces hypothèses.

B. – L’application à l’espèce

* Dans la décision commentée, le Conseil constitutionnel a, en premier lieu, examiné la constitutionnalité des dispositions contestées de l’article 56-1 du CPP.

– Procédant tout d’abord à cet examen à l’aune des droits de la défense, il a rappelé, dans le prolongement de sa décision n° 2015-478 QPC du 24 juillet 2015 précitée, que, si ces droits sont garantis par l’article 16 de la Déclaration de 1789, « aucune disposition constitutionnelle ne consacre spécifiquement un droit au secret des échanges et correspondances des avocats » (paragr. 9).

Le Conseil s’est ensuite attaché à décrire l’objet des dispositions contestées. Il a constaté, à ce titre, que les dispositions contestées du deuxième alinéa de l’article 56-1 du CPP interdisent la saisie des documents couverts par le secret professionnel de la défense et du conseil dès lors qu’ils relèvent de l’exercice des droits de la défense (paragr. 10).

Il en a déduit que « ces dispositions n’ont pas pour objet de permettre la saisie de documents relatifs à une procédure juridictionnelle ou à une procédure ayant pour objet le prononcé d’une sanction et relevant, à ce titre, des droits de la défense garantis par l’article 16 de la Déclaration de 1789 » (paragr. 11). Elles ne permettent en effet la saisie de documents couverts par le secret professionnel que lorsqu’ils ne relèvent pas de l’exercice des droits de la défense.

Mettant ainsi en lumière le fait que les droits de la défense tels que constitutionnellement garantis, dont il a expressément défini le champ d’application, n’étaient pas ici en cause, le Conseil a jugé que le grief tiré de la méconnaissance de ces droits ne pouvait qu’être écarté (paragr. 12).

– Le Conseil constitutionnel a ensuite examiné la constitutionnalité des dispositions contestées de l’article 56-1 du CPP au regard du droit au respect de la vie privée et du secret des correspondances, protégés par l’article 2 de la Déclaration de 1789.

Après avoir rappelé qu’il « incombe au législateur d’assurer la conciliation entre, d’une part, la recherche des auteurs d’infractions, nécessaire à la sauvegarde de droits et de principes de valeur constitutionnelle, et, d’autre part, l’exercice des droits et des libertés constitutionnellement garantis » (paragr. 13), il a constaté que « Les dispositions contestées permettent la saisie de documents et objets se trouvant dans le cabinet d’un avocat ou à son domicile » (paragr. 14). Ce faisant, elles sont susceptibles de porter atteinte au droit au respect de la vie privée et au secret des correspondances.

Toutefois, le Conseil a relevé, d’une part, que « la perquisition ne peut, à peine de nullité, être réalisée qu’après avoir été autorisée par une décision motivée du juge des libertés et de la détention, qui indique la nature de l’infraction sur laquelle porte les investigations, les raisons justifiant cette mesure, son objet et sa proportionnalité au regard de la nature et de la gravité des faits ». En outre, il a constaté que, lorsque la perquisition est justifiée par la mise en cause de l’avocat, « cette autorisation est subordonnée à la condition, qui n’est pas imprécise, tenant à l’existence de raisons plausibles de le soupçonner d’avoir commis ou tenté de commettre l’infraction qui fait l’objet de la procédure ou une infraction connexe » (paragr. 15).

D’autre part, le Conseil a relevé que la perquisition réalisée dans le cabinet ou au domicile de l’avocat « ne peut pas conduire à la saisie de documents ou objets relatifs à d’autres infractions que celles mentionnées dans la décision autorisant cette mesure. Elle ne peut être effectuée que par un magistrat et en présence du bâtonnier ou de son délégué, lequel peut s’opposer à la saisie s’il l’estime irrégulière. Dans ce cas, le juge des libertés et de la détention statue sur cette contestation, dans un délai de cinq jours, par ordonnance motivée et susceptible d’un recours suspensif devant le président de la chambre de l’instruction » (paragr. 16).

Il en a déduit que « les dispositions contestées de l’article 56-1 du code de procédure pénale procèdent à une conciliation équilibrée entre, d’une part, l’objectif de valeur constitutionnelle de recherche des auteurs d’infractions et, d’autre part, le droit au respect de la vie privée et le secret des correspondances » (paragr. 17).

Par conséquent, après avoir jugé que ces dispositions n’étaient pas entachées d’incompétence négative et ne méconnaissaient pas non plus le droit à un procès équitable, le principe selon lequel nul n’est tenu de s’accuser, le droit à un recours juridictionnel effectif, ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel les a déclarées conformes à la Constitution (paragr. 18).

* En second lieu, le Conseil constitutionnel a examiné la constitutionnalité de l’article 56-1-2 du CPP.

Il a décrit l’objet de ces dispositions, qui « prévoient que, par exception à l’article 56-1 du code de procédure pénale, lorsqu’un document relevant de l’exercice des droits de la défense et couvert par le secret professionnel du conseil est découvert à l’occasion d’une perquisition réalisée dans le cabinet d’un avocat, à son domicile ou dans un autre lieu, ce secret n’est, sous certaines conditions, pas opposable aux mesures d’enquête ou d’instruction relatives à certaines infractions » (paragr. 19).

Ainsi, contrairement aux dispositions précédemment examinées, qui interdisent la saisie des documents couverts par le secret professionnel de la défense et du conseil et relevant de l’exercice des droits de la défense, l’article 56-1-2 du CPP, en dérogeant à cette interdiction, permet de porter atteinte aux droits de la défense (même paragr.).

Il appartenait donc au Conseil de s’assurer que cette atteinte n’était pas disproportionnée au regard des objectifs poursuivis.

Le Conseil a relevé tout d’abord qu’« en adoptant ces dispositions, le législateur a entendu permettre la saisie de documents qui tendent à révéler une fraude fiscale ou la commission d’autres infractions. Il a ainsi poursuivi les objectifs de valeur constitutionnelle de recherche des auteurs d’infractions et de lutte contre la fraude fiscale » (paragr. 20).

Ensuite, d’une part, il a constaté que « les dispositions contestées ne s’appliquent pas aux documents couverts par le secret professionnel de la défense » (paragr. 21). Elles permettent en effet uniquement la saisie de documents couverts par le secret professionnel du conseil.

D’autre part, le Conseil a relevé que, parmi ces documents, « seuls sont susceptibles d’être saisis ceux qui ont été utilisés aux fins de commettre ou de faciliter la commission des infractions de fraude fiscale, corruption, trafic d’influence, financement d’une entreprise terroriste ou encore de blanchiment de ces délits » (même paragr.).

Enfin, il a rappelé que le bâtonnier, son délégué ou la personne chez laquelle il est procédé à la perquisition peuvent s’opposer à la saisie de ces documents dans les conditions prévues aux articles 56-1 et 56-1-1 du CPP (même paragr.).

Le Conseil constitutionnel a déduit de l’ensemble de ces éléments que le grief tiré de la méconnaissance des droits de la défense devait être écarté (paragr. 22).

Pour ces mêmes motifs et ceux, précédemment énoncés, relatifs aux garanties entourant la réalisation d’une perquisition au cabinet d’un avocat ou à son domicile, le Conseil constitutionnel a par ailleurs écarté les griefs tirés de la méconnaissance du droit au respect de la vie privée et du secret des correspondances (paragr. 23).

Par conséquent, après avoir jugé que l’article 56-1-2 du CPP n’était pas entaché d’incompétence négative et ne méconnaissait pas non plus le droit à un procès équitable, le principe selon lequel nul n’est tenu de s’accuser ou le principe d’égalité devant la loi, ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel l’a déclaré conforme à la Constitution (paragr. 24).

_______________________________________

1 Loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques.

2 Cette activité de conseil s’est particulièrement développée à la suite de la fusion des professions d’avocat et de conseil juridique résultant de la loi n° 90-1259 du 31 décembre 1990 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques.

3 Le projet de loi ne faisait initialement référence qu’au secret professionnel de la défense et c’est à la suite de plusieurs amendements parlementaires identiques que le secret du conseil a également été mentionné (cf. infra).

4 CE, avis n° 402569 du 8 avril 2021.

5 Article 1er du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005 relatif aux règles de déontologie de la profession d’avocat.

6 L’article 226-13 du code pénal réprime la violation du secret professionnel d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.

7 Avis du Conseil d’État précité.

8 Le RIN est élaboré par le Conseil national des barreaux, auquel l’article 21-1 de loi du 31 décembre 1971 a confié le soin, dans le respect des dispositions législatives et réglementaires en vigueur, d’« unifie[r] par voie de dispositions générales les règles et usages de la profession d’avocat ».

9 Cass. civ. 1re, 6 avril 2004, n° 00-19.245.

10 L’article 434-1 du code pénal sanctionnant la non-dénonciation de crime exclut ainsi l’avocat de son champ d’application.

11 Article 4 du décret du 12 juillet 2005 précité.

12 Cass. crim., 29 mai 1989, n° 87-82.073.

13 Cass. crim., 5 octobre 1999, n° 98-80.007.

14 Cass. crim., 14 janvier 2003, n° 02-87.062.

15 Article L. 561-15 du CMF.

16 Article L. 561-3 du CMF.

17 Directive 91/308/CEE du Conseil, du 10 juin 1991 relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux, modifiée par la directive 2001/97/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 décembre 2001, et directive 2005/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 octobre 2005 relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme.

18 CJUE, Gr. Ch., 26 juin 2007, C-305/05, Ordre des barreaux francophones et germanophone e.a., points 32 à 35. La CJUE a récemment suivi le même raisonnement à propos de l’obligation d’information relative aux dispositifs transfrontières dans le domaine fiscal (CJUE, Gr. Ch., 8 décembre 2022, C-694/20, Orde van Vlaamse Balies e.a., points 60 et 61).

19 CE, 14 octobre 2011, Ordre des avocats au barreau de Paris, nos 332126, 333395 et 337341.

20 CEDH, 6 décembre 2012, n° 12323/11, Michaud c. France.

21 Articles 56, 57 et 59 du CPP.

22 Article 76 du CPP.

23 Article 92, 94, 95 et 96 du CPP.

24 Articles 56, 76 (par renvoi) et 96 du CPP.

25 Il en va ainsi des perquisitions réalisées dans les locaux d’une entreprise de presse, de communication audiovisuelle, de communication au public en ligne, d’une agence de presse ou au domicile d’un journaliste (article 56-2 du CPP), des perquisitions réalisées dans le cabinet d’un médecin, d’un notaire ou d’un huissier (article 56-3 du CPP) ou encore des perquisitions dans les locaux d’une juridiction ou au domicile d’une personne exerçant des fonctions juridictionnelles et qui tendent à la saisie de documents susceptibles d’être couverts par le secret du délibéré (article 56-5 du CPP).

26 Dans sa décision n° 2021-830 DC du 17 décembre 2021, le Conseil constitutionnel a jugé que cette loi avait été adoptée selon une procédure conforme à la Constitution, mais « n’a soulevé d’office aucune autre question de conformité à la Constitution et ne s’est pas prononcé sur la conformité à la Constitution du contenu des dispositions de la loi déférée » (cons. 2).

27 Loi n° 85-1407 du 30 décembre 1985 portant diverses dispositions de procédure pénale et de droit pénal.

28 La CEDH a depuis jugé que « des perquisitions et des saisies chez un avocat portent incontestablement atteinte au secret professionnel, qui est la base de la relation de confiance qui existe entre l’avocat et son client. […] / Partant, si le droit interne peut prévoir la possibilité de perquisitions ou de visites domiciliaires dans le cabinet d’un avocat, celles-ci doivent impérativement être assorties de garanties particulières » (CEDH, 24 octobre 2008, André et autre c. France, n° 18603/03).

29 Loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d’innocence et les droits des victimes.

30 Dans ce cas, le document doit être placé sous scellé fermé et ces opérations font l’objet d’un procès-verbal mentionnant les objections du bâtonnier ou de son délégué, qui n’est pas joint au dossier de la procédure.

31 Ce délai court à compter de la réception par le JLD du document placé sous scellé et du procès-verbal mentionnant les objections du bâtonnier ou de son délégué. 

32 Le JLD peut ouvrir le scellé en présence de ces personnes.

33 Ainsi, cela « laisse entier le droit de la partie intéressée de déposer une requête en annulation relative à cette saisie devant la juridiction d’instruction ou de jugement, ultérieurement compétente » (Serge Guinchard et Jacques Buisson, Procédure pénale, LexisNexis, 2021, 14e éd., n° 932).

34 Loi n° 2005-1549 du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales.

35 Le contenu de cette décision est porté dès le début de la perquisition à la connaissance du bâtonnier ou de son délégué.

36 Loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice. 

37 La loi du 22 décembre 2021 a également modifié les dispositions relatives aux réquisitions d’accès aux données de connexion et aux interceptions de correspondances émises par la voie des communications électroniques lorsque ces mesures d’investigation concernent un avocat.

38 L’article 62-2 du CPP dispose, en son premier alinéa, que : « La garde à vue est une mesure de contrainte décidée par un officier de police judiciaire, sous le contrôle de l’autorité judiciaire, par laquelle une personne à l’encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d'une peine d’emprisonnement est maintenue à la disposition des enquêteurs ».

39 Rapport n° 834 (2020-2021) fait au nom de la commission des lois du Sénat par Mme Agnès Canayer et M. Philippe Bonnecarrère, déposé le 15 septembre 2021.

40 Exposé sommaire de l’amendement n° CL 654 du Gouvernement, adopté le 5 mai 2021, sous-amendé par le rapporteur de la commission des lois de l’Assemblée nationale (sous-amendement n° CL 657). L’introduction de ces dispositions fait suite aux débats ayant entouré celle de l’article préliminaire du CPP précité, au cours desquels la question de la protection de l’activité de conseil, en elle-même, avait été longuement discutée.

41 Dans leur rapport précité, les rapporteurs de la commission des lois du Sénat soulignaient ainsi que « ce souhait d’étendre la protection du secret professionnel de l’avocat dans le cadre des procédures pénales à l’activité de conseil constitue une réaction aux décisions récentes de la chambre criminelle de la Cour de cassation ».

42 Voir, notamment, en ce sens : Cass. crim., 7 mars 1994, n° 93-84.931 ; 4 octobre 2016, n°16-82.308 ; 25 novembre 2020, n° 19-84.304.

43 Cass. crim., 22 mars 2016, n° 15-83.205.

44 Rapport n° 834 précité.

45 Rapport n° 4146 fait par M. Stéphane Mazars au nom de la commission des lois de l’Assemblée nationale, déposé le 7 mai 2021.

46 Circulaire présentant les dispositions de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire renforçant la protection des droits de la défense, CRIM-2022-05/H2 28/02/2022, p. 6. Il peut être relevé que dans un arrêt récent, la chambre criminelle de la Cour de cassation a jugé, à propos d’interceptions téléphoniques entre un avocat et un proche de son client, que celui-ci « n’était pas partie à la procédure […] de sorte que cette conversation avec l’avocat ne pouvait relever de l’exercice des droits de la défense » (Cass. crim., 13 septembre 2022, n° 21-87.452).

47 Rapport précité.

48 Décision n° 2015-478 QPC du 24 juillet 2015, Association Franche Data Network et autres (Accès administratif aux données de connexion).

49 Ibid., cons. 16.

50 Décision n° 2015-713 DC du 23 juillet 2015, Loi relative au renseignement, cons. 31 à 37.

51 Décision n° 2015-478 QPC du 24 juillet 2015 précitée, paragr. 17.

52 Ibid., paragr. 18.

53 Décision n° 99-416 DC du 23 juillet 1999, Loi portant création d’une couverture maladie universelle, cons. 45.

54 Voir, par exemple, les décisions n° 2011-209 QPC du 17 janvier 2012, M. Jean-Claude G. (Procédure de dessaisissement d’armes), cons. 3, et n° 2021-817 DC du 20 mai 2021, Loi pour une sécurité globale préservant les libertés, not. paragr. 88, 114, 135 et 148. La notion de « vie privée » est entendue par le Conseil constitutionnel comme la sphère d’intimité de chacun. Le Conseil y rattache notamment le principe de l’inviolabilité du domicile (par exemple, décision n° 2003-467 DC du 13 mars 2003, Loi pour la sécurité intérieure, cons. 70).

55 Décision n° 2016-552 QPC du 8 juillet 2016, Société Brenntag (Droit de communication de documents des agents des services d’instruction de l’Autorité de la concurrence et des fonctionnaires habilités par le ministre chargé de l’économie).

56 Décision n° 2016-552 QPC du 8 juillet 2016 précitée, paragr. 14.

57 Décision n° 2006-535 DC du 30 mars 2006, Loi pour l’égalité des chances, cons. 24.

58 Pour une illustration récente, voir décision n° 2021-981 QPC du 17 mars 2022, M. Jean-Mathieu F. (Destruction des végétaux et des animaux morts ou non viables saisis dans le cadre d’infractions au code de l’environnement), paragr. 3.

59 Décisions n° 2006-540 DC du 27 juillet 2006, Loi relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information, cons. 11, et n° 2011-168 QPC du 30 septembre 2011, M. Samir A. (Maintien en détention lors de la correctionnalisation en cours d’instruction), cons. 4.

60 Décision n° 2015-715 DC du 5 août 2015, Loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, cons. 63, 99 et 101.

61 Décision n° 2017-623 QPC du 7 avril 2017, Conseil national des barreaux (Secret professionnel et obligation de discrétion du défenseur syndical), paragr. 20 à 23.

62 Commentaire de la décision n° 2017-623 QPC du 7 avril 2017, p. 11.

63 Décision n° 2021-945 QPC du 4 novembre 2021, M. Aristide L. (Communication entre la personne détenue et son avocat), paragr. 5 et 7.

64 Décision n° 2022-1002 QPC du 8 juillet 2022, Société cabinet Lysandre (Saisie spéciale de sommes d’argent sur un compte bancaire), paragr. 9 et 10.

65 Voir, par exemple, décisions nos 2010-62 QPC du 17 décembre 2010, M. David M. (Détention provisoire : procédure devant le juge des libertés et de la détention), cons. 3, et 2019-773 QPC du 5 avril 2019, Société Uber B.V. et autre (Frais irrépétibles devant les juridictions pénales II), paragr. 4.

66 Décision n° 2018-704 QPC du 4 mai 2018, M. Franck B. et autre (Obligation pour l’avocat commis d’office de faire approuver ses motifs d’excuse ou d’empêchement par le président de la cour d’assises), paragr. 5 à 11.

67 Décision n° 2018-770 DC du 6 septembre 2018, Loi pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie, paragr. 11 à 14.

68 Décision n° 2019-801 QPC du 20 septembre 2019, M. Jean-Claude F. (Notes d’audience établies par le greffier lors des débats devant le tribunal correctionnel), paragr. 4 à 7.

69 Décision n° 2014-423 QPC du 24 octobre 2014, M. Stéphane R. et autres (Cour de discipline budgétaire et financière), cons. 17 ; décision n° 2016-619 QPC du 16 mars 2017, Société Segula Matra Automotive (Sanction du défaut de remboursement des fonds versés au profit d’actions de formation professionnelle continue), paragr. 8.

70 Décision n° 2019-781 QPC du 10 mai 2019, M. Grégory M. (Sanctions disciplinaires au sein de l’administration pénitentiaire), paragr. 4 à 6.

71 Décision n° 2013-679 DC du 4 décembre 2013, Loi relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, cons. 33.

72 Décision n° 2019-772 QPC du 5 avril 2019, M. Sing Kwon C. et autre (Visite des locaux à usage d’habitation par des agents municipaux), paragr. 13.

73 Décision n° 2011-191/194/195/196/197 QPC du 18 novembre 2011, Mme Élise A. et autres (Garde à vue II), cons. 11, 19 et 20.

74 Décision n° 2010-14/22 QPC du 30 juillet 2010, M. Daniel W. et autres (Garde à vue), cons. 28 et 29. Cependant, cette exigence d’assistance un avocat en garde à vue « n’interdit pas qu’en raison de la particulière gravité ou de la complexité de certaines infractions commises par des personnes agissant en groupe ou en réseau, l’assistance de l’avocat à la personne gardée à vue puisse être reportée par une décision du procureur de la République, du juge d’instruction ou du juge des libertés et de la détention, lorsqu’un tel report apparaît nécessaire pour permettre le recueil ou la conservation des preuves ou prévenir une atteinte aux personnes ». Le Conseil constitutionnel a ainsi validé des dispositions autorisant, en matière de criminalité organisée, un report de l’assistance d’un avocat pouvant aller, sous le contrôle du juge, jusqu’à soixante-douze heures (Décision n° 2014-428 QPC du 21 novembre 2014, M. Nadav B. (Report de l’intervention de l’avocat au cours de la garde à vue en matière de délinquance ou de criminalité organisées), cons. 9 à 14.

75 Décision n° 2010-32 QPC du 22 septembre 2010, M. Samir M. et autres (Retenue douanière), cons. 6 à 8.

76 Décision n° 2012-257 QPC du 18 juin 2012, Société OLANO CARLA et autre (Convocation et audition par OPJ en enquête préliminaire), cons. 8 et 9.

77 À cet égard, l’exigence de l’assistance par un avocat dans le cadre de la procédure d’écrou extraditionnel tient moins au fait que la personne se trouve privée de liberté qu’au fait qu’il s’agit d’une procédure juridictionnelle, l’intéressé devant être présenté devant le premier président de la cour d’appel (décision n° 2016-561/562 QPC du 9 septembre 2016, M. Mukhtar A. [Écrou extraditionnel], paragr. 13).

78 Décision n° 2016-569 QPC du 23 septembre 2016, Syndicat de la magistrature et autre (Transaction pénale par officier de police judiciaire - Participation des conseils départementaux de prévention de la délinquance et des zones de sécurité prioritaires à l’exécution des peines), paragr. 8 et 9.

79 Décision n° 2001-451 DC du 27 novembre 2001, Loi portant amélioration de la couverture des non salariés agricoles contre les accidents du travail et les maladies professionnelles, cons. 40.

80 Décision n° 2003-467 DC du 13 mars 2003, Loi pour la sécurité intérieure, cons. 85.

81 Ibid.

82 Décision n° 2011-631 DC du 9 juin 2011, Loi relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité, cons. 53.

83 Décision n° 2015-524 QPC du 2 mars 2016, M. Abdel Manane M. K. (Gel administratif des avoirs), cons. 9 et 10.

84 Décision n° 2016-535 QPC du 19 février 2016, Ligue des droits de l’homme (Police des réunions et des lieux publics dans le cadre de l’état d’urgence), cons. 14.

85 Décision n° 2019-818 QPC du 6 décembre 2019, Mme Saisda C. (Assistance de l’avocat dans les procédures de refus d’entrée en France et de maintien en zone d’attente), paragr. 12 et 13. Le commentaire de cette décision précise : « Dans un paragraphe ayant valeur de surplus, [le Conseil constitutionnel] a également relevé que l’étranger peut toujours être assisté d’un avocat dans le cadre des instances juridictionnelles relatives aux mesures en cause (paragr. 13) : c’est à cette occasion que les droits de la défense entrent en œuvre ».

86 Décision n° 2015-727 DC du 21 janvier 2016, Loi de modernisation de notre système de santé, cons. 74 à 76.

87 Décision n° 2006-535 DC du 30 mars 2006, Loi pour l’égalité des chances, cons. 24.