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Commentaire de la décision 2022-1029 QPC

16/03/2023

Conformité

 

 

 

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 13 octobre 2022 par la Cour de cassation (chambre commerciale, arrêt n° 699 du 12 octobre 2022) d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) posée par M. Sami C., portant sur la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du premier alinéa de l’article L. 227–16 du code de commerce, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2000–912 du 18 septembre 2000 relative à la partie législative du code de commerce, et du second alinéa de l’article L. 227-19 du même code, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2019-744 du 19 juillet 2019 de simplification, de clarification et d’actualisation du droit des sociétés.

 

Dans sa décision n° 2022-1029 QPC du 9 décembre 2022, le Conseil constitutionnel a déclaré conformes à la Constitution le premier alinéa de l’article L. 227-16 du code de commerce et les mots « et L. 227–16 » figurant au second alinéa de l’article L. 227-19 du même code, dans ces rédactions.

 

I. – Les dispositions contestées

 

A. – Objet des dispositions contestées

 

1. – Le régime juridique des sociétés par actions simplifiées

 

* La création de la société par actions simplifiée (SAS) par la loi du 3 janvier 19941 avait initialement pour objet de permettre aux grandes entreprises de disposer d’une forme sociale adaptée à la coopération entre entreprises. « Société de sociétés », elle était « surtout une Société fermée et essentiellement contractuelle », ayant pour particularité d’être « faiblement réglementée par la Loi. Sous réserve de quelques prescriptions impératives imposant, notamment, leur unanimité pour certaines décisions fondamentales, les Associés des SAS ne [doivent] leur sécurité juridique qu’au contenu des Statuts, donc au seul jeu, – non dépourvu de risques –, de la liberté contractuelle. Ainsi organisée, la SAS [constitue] un instrument éminemment adaptable à leurs besoins […] »2.

 

Le succès rencontré par cette nouvelle forme sociale, reposant sur « l’absolue priorité [donnée] à la liberté contractuelle des associés qui s’exprime dans les statuts » tandis que « Le recours à la loi ne s’opère qu’à titre supplétif »3, a conduit le législateur à ouvrir aux personnes physiques la possibilité de devenir associées d’une SAS4 et à assouplir certaines conditions relatives à leur constitution et à leur fonctionnement5.

 

* Le régime juridique des SAS est actuellement prévu par les articles L. 227-1 à L. 227–20 du code de commerce6.

 

Selon l’article L. 227-1 de ce code, ces sociétés peuvent être instituées par une ou plusieurs personnes, physiques ou morales, qui ne supportent les pertes qu’à concurrence de leur apport. Par ailleurs, les règles de droit commun relatives aux sociétés anonymes (SA) ne sont applicables aux SAS que dans la mesure où elles sont compatibles avec les dispositions particulières encadrant leur fonctionnement, et sous certaines exceptions notables portant notamment sur les règles relatives au capital social, à la direction et à l’administration de la société, et aux assemblées d’actionnaires7.

 

Le régime juridique des SAS renvoie ainsi aux associés le soin de déterminer, dans les statuts de la société, les conditions de son organisation et de son fonctionnement.

 

L’article L. 227-5 du code de commerce dispose que les statuts de la SAS fixent les conditions dans lesquelles la société est dirigée8. La seule obligation fixée par la loi à cet égard consiste en la désignation d’un président pour représenter la société à l’égard des tiers9.

 

Le premier alinéa de l’article L. 227-9 du même code prévoit quant à lui que les statuts de la société déterminent les décisions qui doivent être prises collectivement par les associés dans les formes et les conditions qu’ils prévoient. Selon la nature de ces décisions, les statuts peuvent ainsi prévoir différentes modalités de consultation des associés (réunion en assemblée, vote par correspondance, etc.)10.

 

Toutefois, certaines décisions importantes, relatives notamment au capital social de la SAS, à sa forme juridique ou au contrôle de ses comptes, sont obligatoirement soumises aux associés. Le deuxième alinéa de l’article L. 227-9 prévoit ainsi que « les attributions dévolues aux assemblées générales extraordinaires et ordinaires des sociétés anonymes, en matière d’augmentation, d’amortissement ou de réduction de capital, de fusion, de scission, de dissolution, de transformation en une société d’une autre forme, de nomination de commissaires aux comptes, de comptes annuels et de bénéfices sont, dans les conditions prévues par les statuts, exercées collectivement par les associés ». Les statuts de la SAS doivent alors déterminer les modalités selon lesquelles les associés se prononcent sur ces décisions, notamment le quorum et la majorité applicable (majorité simple, qualifiée, unanimité, etc.)11.

 

La liberté contractuelle régissant les relations entre les associés d’une SAS se traduit également par la possibilité pour ces derniers de s’accorder sur des clauses statutaires relatives à l’actionnariat de la société, dont « [le] bon fonctionnement suppose la confiance et la stabilité des partenaires »12.

 

2. – Les clauses statutaires relatives à l’actionnariat des SAS

 

Plusieurs dispositions du code de commerce permettent aux associés d’une SAS d’encadrer, dans les statuts de la société, les conditions d’entrée, de maintien et de sortie du capital de la société. Prévues dès la loi du 3 janvier 1994 précitée, ces dispositions avaient pour objet de garantir « la cohésion et la stabilité de l’actionnariat »13 conformément au principe de l’intuitu personae qui caractérise l’organisation des SAS.

 

a. – Les clauses statutaires concernant la cession d’actions

 

Conformément à l’article L. 227-13 du code de commerce, les statuts d’une SAS peuvent prévoir l’inaliénabilité des actions pour une durée n’excédant pas dix ans. Cette disposition, qui vise à assurer la stabilité de l’actionnariat, peut par exemple s’appliquer à certains associés ou ne s’appliquer qu’à une certaine proportion des actions ou encore ne viser que certaines cessions (notamment entre associés, pour maintenir un équilibre donné au sein de la société, ou au profit de concurrents).

 

L’article L. 227-14 du même code prévoit, quant à lui, que les statuts peuvent soumettre toute cession d’actions à l’agrément préalable de la société. Cette clause d’agrément permet aux associés de déterminer les conditions dans lesquelles peut intervenir une nouvelle entrée dans l’actionnariat de la société ou des cessions entre associés. Les statuts précisent alors l’organe compétent pour statuer sur cet agrément.

 

Selon l’article L. 227-15 du code de commerce, toute cession effectuée en violation des clauses statutaires, notamment d’inaliénabilité et d’agrément, est nulle.

 

b. – Les clauses statutaires d’exclusion d’un associé

* Les statuts d’une SAS peuvent également prévoir les conditions dans lesquelles un associé peut être contraint de céder ses actions en application d’une clause d’exclusion14.

 

Le premier alinéa de l’article L. 227-16 du code de commerce (les premières dispositions objet de la décision commentée) dispose ainsi que, « Dans les conditions qu’ils déterminent, les statuts peuvent prévoir qu’un associé peut être tenu de céder ses actions ».

 

Le second alinéa du même article précise que les statuts peuvent également prévoir la suspension des droits non pécuniaires de l’associé tant qu’il n’a pas procédé à cette cession15. En revanche, la perte de la qualité d’associé ne peut être antérieure au remboursement de la valeur des droits cédés16.

 

En cas de mise en œuvre d’une telle clause, l’article L. 227-18 du même code prévoit que si les statuts de la société ne précisent pas les modalités du prix de cession des actions, ce prix est fixé par accord entre les parties. À défaut, il est déterminé dans les conditions prévues à l’article 1843-4 du code civil, c’est-à-dire par un expert désigné soit par les parties soit, à défaut d’accord entre elles, par le président du tribunal compétent. L’évaluation retenue par l’expert ainsi désigné s’impose, sauf erreur grossière, aux parties comme au juge17, qui ne peut procéder lui-même à cette évaluation18. Depuis sa modification par l’ordonnance n° 2014-863 du 31 juillet 201419, l’article 1843-4 du code civil prévoit que l’expert est tenu d’appliquer, lorsqu’elles existent, les règles et modalités de détermination de la valeur prévues par les statuts de la société ou par toute convention liant les parties.

 

* La Cour de cassation a été amenée à préciser les conditions dans lesquelles une clause statutaire d’exclusion peut valablement être mise en œuvre.

 

- Elle a ainsi encadré les motifs pour lesquels la décision d’exclure un associé peut être prise, celle-ci ne pouvant être ni discrétionnaire ni relever de l’arbitraire.

 

Elle juge à ce titre qu’il revient au juge de contrôler si les statuts de la société comportent une clause d’exclusion permettant de fonder une telle décision 20 et de s’assurer de la réalité et la gravité du motif retenu21.

 

L’exclusion peut, notamment, être prévue en cas de perte d’une qualité particulière, comme par exemple celle de salarié de la société22. Les statuts peuvent également prévoir l’exclusion d’un associé faisant l’objet d’un redressement judiciaire23 ou exerçant une activité concurrente24, ou encore en cas de désintérêt se manifestant par une absence répétée aux assemblées générales25.

 

Quel que soit le motif retenu, la Cour de cassation juge qu’« il appartient à la juridiction, lorsqu’elle en est saisie, de vérifier que l’exclusion n’est pas abusive, l’abus de droit ne se résumant pas à l’exercice de ce droit avec l’intention de nuire »26.

 

- Elle a en outre rappelé que la procédure d’exclusion devait elle-même être prévue par les statuts27 et, lorsque l’organe compétent pour prendre la décision d’exclusion n’est pas l’assemblée générale, respecter le principe du contradictoire28.

 

- Enfin, la Cour de cassation a jugé que, lorsque les statuts subordonnent l’exclusion d’un associé à une décision collective des associés, l’intéressé doit pouvoir participer au vote. Elle a ainsi énoncé, dans un arrêt du 23 octobre 2007, « qu’il résulte [du premier alinéa de l’article 1844 du code civil] que tout associé a le droit de participer aux décisions collectives et de voter et que les statuts ne peuvent déroger à ces dispositions que dans les cas prévus par la loi ; que si, aux termes [de l’article L. 227-16 du code de commerce], les statuts d’une société par actions simplifiée peuvent, dans les conditions qu’ils déterminent, prévoir qu’un associé peut être tenu de céder ses actions, ce texte n’autorise pas les statuts, lorsqu’ils subordonnent cette mesure à une décision collective des associés, à priver l’associé dont l’exclusion est proposée de son droit de participer à cette décision et de voter sur la proposition »29.

 

Par conséquent, dans le cas où la clause statutaire d’exclusion prive de son droit de vote l’associé concerné et encourt, de ce fait, la nullité, les associés qui entendent poursuivre la procédure d’exclusion n’ont d’autre choix que de modifier cette clause ou d’en adopter une nouvelle pour se conformer aux exigences ainsi fixées par la jurisprudence.

 

Or, jusqu’à la loi du 19 juillet 2019 précitée, l’article L. 227-19 du code de commerce prévoyait qu’une clause d’exclusion ne pouvait être adoptée ou modifiée qu’à l’unanimité des associés30.

 

Dans un arrêt du 9 juillet 201331, la Cour de cassation a ainsi rappelé qu’une stipulation statutaire ne prévoyant pas le droit de vote de l’associé susceptible d’être exclu était réputée non écrite « pour le tout », emportant de ce fait la nullité de l’exclusion prise sur son fondement32, et qu’elle ne pouvait être modifiée qu’avec « l’accord unanime des associés ».

 

Par conséquent, il suffisait que l’associé concerné s’y oppose pour qu’en résulte une situation de blocage, lui assurant son maintien dans la société.

 

* Pour résoudre cette difficulté, le législateur a fait le choix de modifier l’article L. 227-19 du code de commerce afin de prévoir à son second alinéa (les secondes dispositions objet de la décision commentée) que l’adoption ou la modification d’une clause d’exclusion peut être décidée non plus à l’unanimité mais « collectivement par les associés dans les conditions et formes prévues par les statuts »33. Il revient donc aux associés de fixer dans les statuts de la société les conditions de cette décision collective (quorum, adoption à la majorité simple, à la majorité qualifiée, maintien de l’unanimité, etc.).

 

Il est dès lors désormais possible pour une SAS, dont les statuts ne permettent pas à l’associé concerné de participer au vote sur son exclusion, de modifier à la majorité des associés cette règle afin de prévoir sa participation, puis d’organiser un vote sur son exclusion.

 

Une même réforme ayant été prévue, par voie d’ordonnance34, pour l’adoption ou la modification des clauses d’agrément, le législateur s’est ainsi assuré que « de façon symétrique et cohérente, [les associés puissent] statuer à la majorité sur les clauses concernant le retrait forcé d’un associé et l’accueil d’un nouvel associé »35, et éviter ainsi les situations de blocage.

 

* En l’absence de dispositions transitoires, la réforme des règles d’adoption ou de modification des clauses d’exclusion est applicable depuis l’entrée en vigueur de la loi du 19 juillet 2019. Si la question de son application aux SAS créées antérieurement à cette date a fait l’objet de débats doctrinaux, la Cour de cassation a tranché cette question dans son arrêt de renvoi en jugeant qu’elle leur était bien applicable36.

 

B. – Origine de la QPC et question posée

 

En novembre 2018, M. Sami C., avait acquis 10 % du capital d’une SAS, dont il était alors salarié. Les statuts de cette société, d’une part, réservaient la qualité d’associé aux seuls salariés ou mandataires sociaux et, d’autre part, privaient l’associé concerné de son droit de participer au vote de l’assemblée générale extraordinaire convoquée pour se prononcer sur son exclusion.

 

Le requérant ayant démissionné le 16 octobre 2020, une assemblée générale extraordinaire s’était prononcée, le 2 décembre suivant, en faveur de son exclusion du capital de la société sans que ce dernier puisse participer au vote.

 

Le requérant ayant contesté cette décision pour ce motif, une nouvelle assemblée générale extraordinaire avait été convoquée le 22 janvier 2021. Elle avait d’abord modifié, à la majorité des votants, les statuts de la société en prévoyant que tous les associés auraient désormais le droit de participer au vote relatif à l’application d’une clause d’exclusion, puis avait de nouveau pris la décision d’exclure le requérant (ce dernier ayant, cette fois, pu prendre part au vote).

 

M. Sami C. avait alors saisi le tribunal de commerce d’une demande en nullité de la modification de la clause statutaire d’exclusion ainsi que de la décision de procéder à son exclusion et à la cession forcée de ses actions.

 

À l’occasion de cette instance, il avait soulevé une QPC relative aux articles L. 227–16 et L. 227-19 du code de commerce, que le tribunal avait transmise à la Cour de cassation par jugement du 8 juillet 2022.

 

Celle-ci avait jugé que la QPC présentait « un caractère sérieux en ce que, d’une part, l’article L. 227-16, alinéa 1er, du code de commerce a pour conséquence de permettre à une société par actions simplifiée de priver, en exécution d’une clause statutaire d’exclusion, un associé de la propriété de ses droits sociaux sans que cette privation repose sur une cause d’utilité publique, et en ce que, d’autre part, il résulte de la combinaison de ce texte avec l’article L. 227-19, alinéa 2, de ce code, dans sa rédaction issue de la loi n° 2019-744 du 19 juillet 2019, qu’une société par actions simplifiée peut désormais, par une décision non prise à l’unanimité de ses membres, priver un associé de la propriété de ses droits sociaux sans qu’il ait consenti par avance à sa possible exclusion dans de telles conditions, de sorte que ces dispositions seraient de nature à porter atteinte au droit de propriété et à ses conditions d’exercice, garantis par les articles 17 et 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 ». Elle l’avait donc renvoyée au Conseil constitutionnel.

 

II. – L’examen de la constitutionnalité des dispositions contestées

 

Le requérant reprochait à ces dispositions de permettre qu’un associé soit tenu de céder ses actions en application d’une clause statutaire d’exclusion à laquelle il n’aurait pas consenti. Selon lui, la privation de propriété qui en résultait pour l’associé exclu n’était pas justifiée par une nécessité publique légalement constatée, en méconnaissance des exigences de l’article 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Il soutenait également que, à supposer que ces dispositions n’entraînent pas une privation de propriété, elles portaient, en tout état de cause, une atteinte disproportionnée au droit de propriété de l’associé, garanti par l’article 2 de la Déclaration de 1789.

 

Au regard de ces griefs, le Conseil constitutionnel a jugé que la QPC portait sur le premier alinéa de l’article L. 227-16 du code de commerce et sur les mots « et L. 227–16 » figurant au second alinéa de l’article L. 227-19 du même code (paragr. 4).

 

A. – La jurisprudence constitutionnelle relative au droit de propriété

 

Le droit de propriété bénéficie d’une protection constitutionnelle fondée sur les articles 2 et 17 de la Déclaration de 1789.

 

Le champ d’application de cette protection est large, le Conseil ayant adopté une conception extensive de la notion de propriété. En effet, le Conseil constitutionnel tient compte de l’évolution des conditions d’exercice de la propriété depuis 1789, caractérisée par « une notable extension de son champ d’application à des domaines individuels nouveaux »37. La protection constitutionnelle de la propriété concerne ainsi la propriété corporelle, mobilière comme immobilière, mais également les droits de propriété intellectuelle envisagés dans leur globalité38, ainsi que les créances39.

 

Le Conseil a ainsi jugé à plusieurs reprises que les droits sociaux relevaient de la protection de la propriété40.

 

Par ailleurs, le Conseil constitutionnel distingue la protection contre la privation de propriété de la protection contre les atteintes portées à l’exercice de cette propriété. La première relève de l’article 17 de la Déclaration de 1789 et n’autorise à priver un individu de sa propriété que si « la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité »41. La seconde relève de son article 2, sur le fondement duquel le Conseil procède à un contrôle de proportionnalité en vérifiant que les atteintes portées à l’exercice du droit de propriété sont justifiées par un motif d’intérêt général et « proportionnées [...] à l’objectif poursuivi »42.

 

1. – La distinction entre la privation de propriété et l’atteinte à l’exercice du droit de propriété

 

* Au regard de la différence de contrôle opéré par le Conseil selon qu’il a affaire à une privation du droit de propriété ou simplement à une atteinte à son exercice, la qualification de la mesure est essentielle. Pour procéder à cette qualification, le Conseil examine tant la nature de la mesure (est-elle, par elle-même, une privation de propriété ?) que son objet et ses effets (a-t-elle pour objet la privation de propriété ou dénature-t-elle ce droit ?).

 

Ainsi, par exemple, la procédure d’expropriation pour cause d’utilité publique a pour objet une privation de propriété et relève donc de l’article 17 de la Déclaration de 178943, contrairement à l’accès aux propriétés privées pour l’étude des projets de travaux publics et à l’occupation temporaire de ces terrains pour la réalisation de ces opérations, qui constituent seulement des restrictions à l’exercice du droit de propriété, garanti par son article 244.

 

De même, dans sa décision n° 2011-203 QPC du 2 décembre 2011, le Conseil a jugé que les dispositions qui « permettent l’aliénation, en cours de procédure, par l’administration des douanes, sur autorisation d’un juge, des véhicules et objets périssables saisis […] entraîne une privation du droit de propriété au sens de l’article 17 »45. Le commentaire de cette décision précise « que l’article 389 du code des douanes [dont était saisi le Conseil] transfère à l’administration douanière le pouvoir de disposition du propriétaire. Une telle aliénation forcée ne peut s’analyser comme une simple atteinte à l’exercice, par le propriétaire, de son droit de propriété : priver le propriétaire du pouvoir consubstantiel à son droit – le pouvoir de disposition – revient somme toute, à le priver du droit lui-même ».

 

* Toutefois, le Conseil constitutionnel ne se borne pas à constater matériellement une privation de propriété pour considérer que celle-ci relève du régime de protection de l’article 17.

 

- Ainsi, dans sa décision n° 2011-151 QPC du 13 juillet 2011, saisi de dispositions prévoyant que le juge aux affaires familiales peut décider que la prestation compensatoire en capital s’exécutera par l’attribution d’un bien, le Conseil juge que « la prestation compensatoire est "destinée à compenser, autant qu’il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives" ; que l’article 271 prévoit que cette prestation est fixée par le juge selon les besoins de l’époux à qui elle est versée et les ressources de l’autre ; que l’attribution, décidée par le juge du divorce, d’un bien dont un époux est propriétaire a pour objet d’assurer le paiement de la dette dont il est débiteur au profit de son conjoint au titre de la prestation compensatoire ; qu’elle constitue une modalité de paiement d’une obligation judiciairement constatée ; qu’il en résulte que, si l’attribution forcée d’un bien à titre de prestation compensatoire conduit à ce que l’époux débiteur soit privé de la propriété de ce bien, elle n’entre pas dans le champ d’application de l’article 17 de la Déclaration de 1789 »46.

 

- De même, dans sa décision n° 2011-206 QPC du 16 décembre 2011, le Conseil était saisi de dispositions prévoyant que, dans le cadre d’une saisie immobilière, la mise à prix initiale est fixée par le créancier poursuivant qui, à défaut d’enchère, est déclaré adjudicataire au montant qu’il a fixé. Le Conseil a jugé que « la saisie immobilière est une procédure d’exécution forcée sur l’immeuble du débiteur en vue de la distribution de son prix ; qu’elle constitue une modalité de paiement d’une créance exécutoire ; qu’il en résulte que, si l’adjudication conduit à ce que le débiteur soit privé de la propriété de ce bien, cette procédure n’entre pas dans le champ d’application de l’article 17 de la Déclaration de 1789 »47. Le Conseil a ensuite contrôlé les dispositions au regard de l’article 2 de la Déclaration.

 

- Dans sa décision n° 2011-209 QPC du 17 janvier 2012, le Conseil était saisi de dispositions qui permettaient à l’autorité administrative, pour des raisons d’ordre public ou de sécurité des personnes, d’ordonner à tout détenteur d’une arme soumise au régime de l’autorisation ou de la déclaration de s’en dessaisir sans indemnisation. Le Conseil a jugé : « Considérant, d’une part, que la détention de certaines armes et munitions est soumise à un régime administratif de déclaration ou d’autorisation en raison du risque d’atteintes à l’ordre public ou à la sécurité des personnes ; qu’afin de prévenir de telles atteintes, les dispositions contestées instituent une procédure de "dessaisissement" obligatoire consistant pour le détenteur, soit à vendre son arme dans les conditions légales, soit à la remettre à l’État, soit à la neutraliser ; qu’à défaut d’un tel "dessaisissement", les dispositions contestées prévoient une procédure de saisie ; que, dès lors, cette remise volontaire ou cette saisie n’entre pas dans le champ de l’article 17 de la Déclaration de 1789 ; que le grief tiré de la méconnaissance de cet article doit être écarté »48.

 

- Plus récemment, dans sa décision n° 2020-853 QPC du 31 juillet 2020, le Conseil constitutionnel était saisi de dispositions qui autorisaient une collectivité locale à saisir le juge judiciaire en vue de faire ordonner la démolition d’un ouvragé édifié sans avoir obtenu l’autorisation d’urbanisme légalement nécessaire. Le Conseil a considéré que le grief tiré de la méconnaissance de l’article 17 de la Déclaration de 1789 était ici inopérant au motif que : « l’action en démolition prévue par les dispositions contestées ne constitue qu’une conséquence des restrictions apportées aux conditions d’exercice du droit de propriété par les règles d’urbanisme. Elle n’a pour objet que de rétablir les lieux dans leur situation antérieure à l’édification irrégulière de la construction concernée. Il en résulte que, si la démolition d’un tel ouvrage a pour effet de priver son propriétaire de la propriété de ce bien irrégulièrement bâti, elle n’entre pas dans le champ d’application de l’article 17 de la Déclaration de 1789 »49.

 

- Enfin, dans sa décision n° 2021-951 QPC du 3 décembre 2021, le Conseil a considéré que les dispositions contestées de l’article 41-4 du code de procédure pénale, « qui se bornent à prévoir que la restitution d’un bien saisi peut être refusée lorsqu’il a été l’instrument ou le produit de l’infraction, n’entraînent pas une privation de propriété au sens de l’article 17 de la Déclaration de 1789 »50. En effet, ces dispositions n’avaient pas pour objet de procéder par elles-mêmes au transfert de propriété du bien concerné au profit de l’État.

 

Il ressort de cet exposé jurisprudentiel que la distinction entre une privation de propriété relevant de l’article 17 de la Déclaration de 1789 et l’atteinte portée à l’exercice du droit de propriété soumise à son article 2 ne résulte pas du seul examen matériel de l’effet produit par la disposition litigieuse mais qu’il s’agit en réalité d’une qualification juridique prenant en compte non seulement l’effet produit par la disposition mais également son objet et le cadre juridique dans lequel elle intervient.

 

* Dans ce cadre, le Conseil constitutionnel a déjà eu l’occasion de se prononcer sur la question de savoir si un mécanisme organisant la cession forcée d’un bien entraîne ou non une privation de propriété au sens de l’article 17 de la Déclaration de 178951.

 

- Dans sa décision n° 2011-215 QPC du 27 janvier 2012, le Conseil a ainsi estimé que le régime d’extinction des valeurs mobilières non inscrites en compte (titres anonymes), qui impliquait, d’abord, la suspension des droits attachés aux titres non–inscrits, puis leur vente, constituait non une privation de propriété au sens de l’article 17 de la Déclaration de 1789, mais une atteinte aux conditions d’exercice du droit de propriété au sens de l’article 252. Le Conseil a alors considéré, d’une part, que le législateur a poursuivi à la fois un objectif de lutte contre la fraude fiscale et un objectif de réduction du coût de la gestion des valeurs mobilières et, d’autre part, que les détenteurs de titres ne pouvaient ignorer l’obligation qui leur était imposée et qu’ils pouvaient recouvrer le plein exercice de leurs droits et éviter la cession de leurs titres en procédant à leur inscription dans un certain délai, le produit de la vente étant consigné jusqu’à restitution éventuelle aux ayants droit. Le Conseil constitutionnel en a déduit qu’il n’en résultait aucune atteinte disproportionnée au droit de propriété.

 

- Dans sa décision n° 2014-692 DC du 27 mars 201453, le Conseil a examiné la conformité au droit de propriété d’une disposition imposant à une entreprise de ne refuser une offre de reprise sérieuse de l’un de ses établissements que pour un motif légitime. Cette obligation, qui peut s’analyser comme une cession forcée d’un établissement sauf motif légitime de refus, n’a pas été considérée par le Conseil comme une privation de propriété mais comme une atteinte au droit de propriété. En effet, s’il a jugé cette disposition contraire à la Constitution, c’est au regard de l’article 2 de la Déclaration de 1789 et non au regard de l’article 17, en considérant que les dispositions contestées portaient au droit de propriété une « atteinte manifestement disproportionnée au regard de l’objectif poursuivi ».

 

- Dans sa décision n° 2015-715 DC du 5 août 2015, le Conseil était saisi de dispositions permettant au tribunal saisi d’une procédure de redressement judiciaire d’ordonner une augmentation de capital ou une cession des parts des associés ou actionnaires opposés au plan de redressement. Le Conseil a considéré que ces dispositions portaient une atteinte proportionnée au droit de propriété de ces associés et actionnaires au regard de l’objectif poursuivi par le législateur (excluant de manière implicite qu’elles puissent avoir pour objet de les priver de leur propriété)54.

 

- Dans sa décision n° 2015-486 QPC du 7 octobre 2015, le Conseil était saisi de dispositions selon lesquelles le tribunal peut, lorsque le redressement de l’entreprise le requiert et sur la demande du ministère public, ordonner la cession des parts sociales, titres de capital ou valeurs mobilières donnant accès au capital détenus par un ou plusieurs dirigeants de droit ou de fait. Le requérant soutenait que la cession forcée de parts sociales prévue par ces dispositions instituait une privation de propriété injustifiée. Le Conseil a jugé que « les dispositions contestées ne s’appliquent que si le dirigeant qui détient des parts sociales, titres de capital ou valeurs mobilières donnant accès au capital n’a pas renoncé à l’exercice de ses fonctions de direction ; qu’ainsi, le dirigeant conserve la possibilité d’éviter la cession forcée de ces parts, titres ou valeurs ; que, par suite, les dispositions contestées n’entraînent pas une privation de propriété au sens de l’article 17 de la Déclaration de 1789 »55. Il a ensuite opéré son contrôle sur le fondement de son article 2.

 

- Par ailleurs, dans sa décision n° 2016-563 QPC du 16 septembre 2016, le Conseil était saisi des dispositions de l’article 1843-4 du code civil qui prévoient la procédure de détermination de la valeur des droits sociaux par un expert (à laquelle renvoie notamment l’article L. 227-18 du code de commerce précité). Avant d’examiner la conformité de ces dispositions à l’article 2 de la Déclaration de 1789, le Conseil a jugé que le grief tiré de la méconnaissance de l’article 17 était en l’espèce inopérant au motif que « les dispositions contestées, telles qu’interprétées par la jurisprudence, ne prévoient pas, en elles-mêmes, la possibilité d’exclure un associé ou de le forcer à céder ses titres ou à se retirer. Elles se bornent à déterminer la date d’évaluation de la valeur des droits sociaux. Elles n’entraînent pas en conséquence de privation de propriété au sens de l’article 17 de la Déclaration de 1789 »56.

 

2. – Le contrôle applicable aux mesures de privation de propriété et aux atteintes à l’exercice du droit de propriété

 

* Le régime juridique applicable aux privations de propriété résultant de la loi est tout entier défini à l’article 17 de la Déclaration de 1789.

 

Le premier élément soumis au contrôle du Conseil constitutionnel est celui de la nécessité publique légalement constatée : le Conseil s’assure, ainsi, que l’expropriation est bien justifiée par l’utilité publique de l’opération qu’elle permettra de réaliser57. Il a ainsi pu déclarer contraire à l’article 17 le pouvoir conféré à l’État de retenir les objets présentant un intérêt national historique ou artistique lorsqu’il a refusé de leur délivrer une autorisation d’exportation. Le Conseil a en effet considéré que : « En prévoyant l’acquisition forcée de ces biens par une personne publique, alors que leur sortie du territoire national a déjà été refusée, le législateur a instauré une privation de propriété sans fixer les critères établissant une nécessité publique »58.

 

Le second est l’allocation d’une juste et préalable indemnité, couvrant l’intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par la privation de propriété59.

 

* Le contrôle du Conseil constitutionnel sur les atteintes portées à l’exercice du droit de propriété est triple.

 

Le Conseil veille à ce que l’atteinte soit justifiée par un motif d’intérêt général. Il s’attache ensuite à ce que les limites apportées à l’exercice du droit de propriété soient bien proportionnées à l’objectif poursuivi60. Enfin, il s’assure également que les limitations apportées à l’exercice du droit de propriété n’aboutissent pas à en dénaturer le sens et la portée61.

 

- Dans sa décision n° 2015-715 DC du 5 août 2015 précitée relative à la possibilité pour le tribunal saisi d’une procédure de redressement judiciaire d’ordonner une augmentation de capital ou la cession des parts des associés ou actionnaires opposés au plan de redressement, le Conseil a tout d’abord jugé « qu’en adoptant les dispositions de l’article L. 631-19-2 du code de commerce, le législateur a entendu encourager la poursuite d’activité des entreprises ». Puis, après avoir rappelé le cadre particulièrement rigoureux de mise en œuvre de ce mécanisme, il a constaté que « lorsque le tribunal ordonne de procéder à une "cession forcée", sont seuls visés les associés ou actionnaires ayant refusé la modification du capital et qui détiennent, directement ou indirectement, une fraction du capital leur conférant une majorité des droits de vote ou une minorité de blocage dans les assemblées générales de cette société ou qui y disposent seuls de la majorité des droits de vote en application d’un accord conclu avec d’autres associés ou actionnaires, non contraire à l’intérêt de la société ; que les associés ou actionnaires, autres que ceux ayant refusé la modification du capital et qui détiennent, directement ou indirectement, une fraction du capital leur conférant une majorité des droits de vote ou une minorité de blocage, disposent du droit de se retirer de la société et de demander simultanément le rachat de leurs droits sociaux par les cessionnaires ; qu’en l’absence d’accord sur la valeur des droits des associés ou actionnaires en cas de cession, cette valeur est déterminée par un expert désigné par le tribunal ; / […] dans ces conditions, les deux dispositifs de "dilution forcée" et de "cession forcée" institués par le législateur, qui contribuent par ailleurs à préserver les droits des créanciers de l’entreprise, ne portent pas une atteinte manifestement disproportionnée au droit de propriété des associés et actionnaires »62.

 

- De même, dans sa décision n° 2015-486 QPC du 7 octobre 2015 précitée, relative au pouvoir de cession forcée confié au juge dans le cadre d’une procédure de redressement judiciaire, le Conseil a jugé que, « en adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu permettre la poursuite de l’activité de l’entreprise ; qu’il a ainsi poursuivi un objectif d’intérêt général ; que la cession des droits sociaux détenus par un dirigeant ne peut être ordonnée par le tribunal que si l’entreprise fait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire et si le redressement de cette entreprise le requiert ; que cette mesure ne peut être prise qu’à la demande du  ministère public et seulement à l’égard des dirigeants de droit ou de fait qui le sont encore à la date à laquelle le tribunal statue ; que le prix de la cession forcée est fixé "à dire d’expert" ; qu’il en résulte que les dispositions contestées ne portent pas d’atteinte disproportionnée au droit de propriété du dirigeant »63.

 

- Enfin, dans sa décision n° 2016-563 QPC du 16 septembre 2016 précitée relative aux dispositions du code civil déterminant la date d’évaluation de la valeur des droits sociaux, le Conseil a estimé que « le délai qui peut s’écouler, en application de la disposition contestée telle qu’interprétée par la jurisprudence, entre la décision de sortie de la société et la date de remboursement des droits sociaux est susceptible d’entraîner une atteinte au droit de propriété de l’associé cédant, retrayant ou exclu. Toutefois, pendant cette période, l’associé concerné conserve ses droits patrimoniaux et perçoit notamment les dividendes de ses parts sociales. Par ailleurs, cet associé pourrait intenter une action en responsabilité contre ses anciens associés si la perte provisoire de valeur de la société résultait de manœuvres de leur part. Au regard de leur objectif, qui est de permettre une juste évaluation de la valeur litigieuse des droits sociaux cédés, les dispositions contestées ne portent donc pas une atteinte disproportionnée au droit de propriété »64.

 

B. – L’application à l’espèce

 

* Dans la décision commentée, le Conseil constitutionnel devait tout d’abord déterminer si les dispositions contestées entraînaient une privation de propriété au sens de l’article 17 de la Déclaration de 1789.

 

Il a ainsi rappelé les termes des articles 2 et 17 de la Déclaration de 1789 ainsi que sa formule de principe selon laquelle « en l’absence de privation du droit de propriété au sens de cet article, il résulte néanmoins de l’article 2 de la Déclaration de 1789 que les atteintes portées à ce droit doivent être justifiées par un motif d’intérêt général et proportionnées à l’objectif poursuivi » (paragr. 5).

 

Puis, il a constaté qu’en application des dispositions contestées, les statuts d’une société par actions simplifiée peuvent prévoir que, dans certaines conditions, un associé doit céder ses actions en application d’une clause statutaire d’exclusion adoptée ou modifiée sans recueillir l’unanimité des associés. Il en a déduit « qu’un associé peut se voir exclu de la société et contraint de céder ses actions, le cas échéant, en application d’une clause d’exclusion à laquelle il n’aurait pas consenti » (paragr. 6).

 

Le Conseil a alors considéré que « ces dispositions ont pour seul objet de permettre à une société par actions simplifiée d’exclure un associé en application d’une clause statutaire » et en a conclu que « s’il en résulte qu’un associé peut être contraint de céder ses actions, elles n’entraînent donc pas une privation de propriété au sens de l'article 17 de la Déclaration de 1789 » (paragr. 7).

 

Ce faisant, conformément à sa jurisprudence précitée, le Conseil a apprécié l’atteinte au droit de propriété résultant des dispositions contestées au regard non seulement de l’effet qu’elles produisent pour l’associé exclu mais également de leur objet et du cadre juridique dans lequel elles interviennent.

 

* Il revenait dès lors au Conseil, à l’aune du contrôle qu’il opère sur le fondement de l’article 2 de la Déclaration de 1789, de s’assurer que l’atteinte portée à l’exercice du droit de propriété par les dispositions contestées était, d’une part, justifiée par un objectif d’intérêt général et, d’autre part, proportionnée à celui-ci.

 

Sur le premier point, le Conseil a considéré qu’« en permettant à une société par actions simplifiée de contraindre un associé à céder ses actions, le législateur a entendu garantir la cohésion de son actionnariat et assurer ainsi la poursuite de son activité ». Il a également constaté qu’« Il ressort des travaux préparatoires de la loi du 19 juillet 2019 que, en prévoyant que l’adoption ou la modification d’une clause d’exclusion puisse être décidée sans recueillir l’unanimité des associés, il a également entendu éviter les situations de blocage pouvant résulter de l’opposition de l’associé concerné à une telle clause ». Il en a déduit qu’en adoptant ces dispositions, le législateur avait bien poursuivi un objectif d’intérêt général (paragr. 8)

 

Sur le second point, pour apprécier la proportionnalité de l’atteinte résultant de ces dispositions au regard de cet objectif, le Conseil a examiné les garanties encadrant leur application.

 

Il a d’abord constaté qu’en application de la jurisprudence constante de la Cour de cassation, « la décision d’exclure un associé ne peut être prise qu’à la suite d’une procédure prévue par les statuts. Elle doit reposer sur un motif, stipulé par ces statuts, conforme à l’intérêt social et à l’ordre public, et ne pas être abusive » (paragr. 9).

 

Puis, il a rappelé que l’exclusion de l’associé donne lieu au rachat de ses actions à un prix de cession fixé, selon l’article L. 227-18 du code de commerce, en application de modalités prévues par les statuts de la société, ou, à défaut, soit par un accord entre les parties, soit par un expert désigné dans les conditions prévues à l’article 1843-4 du code civil (paragr. 10). Si la cession des actions est forcée, l’associé exclu perçoit ainsi la somme résultant de leur rachat par la société à un prix statutairement déterminé ou, à défaut, négocié entre les associés ou fixé par un expert.

 

Enfin, le Conseil a relevé que « la décision d’exclusion peut être contestée par l’associé devant le juge, auquel il revient alors de s’assurer de la réalité et de la gravité du motif retenu ». Il a souligné qu’à cette occasion, « L’associé peut également contester le prix de cession de ses actions » (paragr. 11).

 

Au regard de l’ensemble de ces éléments, le Conseil a jugé que les dispositions contestées ne portaient pas une atteinte disproportionnée au droit de propriété (paragr. 12).

 

Considérant que les dispositions contestées ne méconnaissaient aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel les a déclarées conformes à la Constitution (paragr. 13).

_______________________________________

1 Loi n° 94-1 du 3 janvier 1994 instituant la société par actions simplifiée.

2 Rapport n° 35 (1993-1994) du 14 octobre 1994 sur le projet de loi n° 144 instituant la société par actions simplifiée, fait au nom de la commission des lois du Sénat par M. Étienne Dailly. Dans ce même rapport était ainsi dressé le constat que « Ce ne sont, en effet, ni la Société Anonyme de droit commun, parce qu’elle laisse peu de place à la liberté statuaire, ni la Société en Nom Collectif, parce qu’elle présente l’inconvénient d’imposer aux Associés une responsabilité solidaire et illimitée, ni le Groupement d’ Intérêt Économique (GIE) ou le Groupement Européen d’Intérêt Économique (GEIE) parce qu’ils imposent, eux aussi, une responsabilité solidaire et illimitée à leurs membres et que leur activité ne peut, de surcroît, que présenter un caractère auxiliaire par rapport à l’activité de leurs membres, qui sont susceptibles de résoudre leurs problèmes spécifiques. Pour les résoudre, les Entreprises françaises ont actuellement recours à des Sociétés de Droit étranger, notamment aux Trusts Luxembourgeois et à la Société Anonyme hollandaise, la Naamloze Vennotschap (NV). Il est grand temps de mettre un terme à cette regrettable évasion juridique. Quand ce ne serait qu’à ce titre, la Création de cette Société par Actions Simplifiées présente un caractère de réelle urgence ».

3 Philippe Merle et Anne Fauchon, « Droit commercial – Sociétés commerciales », Dalloz, 2022, § 680.

4 Article 3 de la loi n° 99-587 du 12 juillet 1999 sur l’innovation et la recherche.

5 La loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie a assoupli les règles encadrant le capital social de ces sociétés, qui peut être fixé librement par les associés, et permis à ces derniers, sous certaines conditions, de décider que le recours à un commissaire aux comptes ne serait pas obligatoire.

6 Ces articles sont regroupés dans un chapitre du code de commerce dédié aux SAS depuis leur codification par l’ordonnance n° 2000-912 du 18 septembre 2000 relative à la partie législative du code de commerce (ratifiée par l’article 50 de la loi n° 2003-7 du 3 janvier 2003 modifiant le livre VIII du code de commerce).

7 Le troisième alinéa de l’article L. 227-1 précise ainsi que ne s’appliquent pas aux SAS les règles prévues pour les SA par l’article L. 224-2, le second alinéa de l’article L. 225-14, les articles L. 225-17 à L. 225-102-2, L. 225-103 à L. 225-126 et L. 225-243, le paragraphe I de l’article L. 233-8 et le troisième alinéa de l’article L. 236-6 du code de commerce.

8 L’organe de direction peut être une personne physique désignée à cet effet ou un ou plusieurs organes collégiaux (conseil d’administration, directoire, etc.), dont le mode de fonctionnement est également déterminé par les statuts (modalités de convocation, règles de quorum et de vote).

9 Article L. 227-6 du code de commerce.

10 Dans la mesure où le principe de proportionnalité des droits de vote à la quotité de capital représentée par les actions ne s’impose pas dans ce régime, les statuts peuvent également prévoir des actions à votes multiples pour l’adoption de certaines décisions ou encore accorder un droit de veto à un ou plusieurs associés.

11 La Cour de cassation précise qu’en ces matières, les résolutions d’une SAS ne peuvent être adoptées par un nombre de voix inférieur à la majorité simple des votes exprimés : « cette liberté dans la rédaction des statuts trouve sa limite dans la nécessité d’instituer une règle d’adoption des résolutions soumises à l’examen collectif des associés qui permette de départager ses partisans et ses adversaires. / Tel n’est pas le cas d’une clause statutaire stipulant qu’une résolution est adoptée lorsqu’une proportion d’associés représentant moins de la moitié des droits de votes présents ou représentés s’est exprimée en sa faveur, puisque les partisans et les adversaires de cette résolution peuvent simultanément remplir cette condition de seuil. / Par conséquent, les résolutions d’une SAS ne peuvent être adoptées par un nombre de voix inférieur à la majorité simple des votes exprimés » (Cass. com., 19 janvier 2022, n° 19-12.696).

12 Yves Guyon, « Présentation générale de la société par actions simplifiée », Revue des sociétés, 1994, p. 207.

13 Rapport n° 258 (1993-1994) du 2 juin 1993 sur 1994 sur le projet de loi instituant la société par actions simplifiée, fait au nom de la commission des lois de l’Assemblée nationale par M. Xavier Roux.

14 En application d’une clause d’exclusion, « un associé peut être contraint de céder ses titres à un cessionnaire qui lui paie le prix des actions, ou à défaut à la société qui les lui achète à charge pour elle de les céder à nouveau ou de les annuler » (Alain Couret, « Unanimité et clauses statutaires d’exclusion », Mélanges en l’honneur de Jean-Jacques Daigre : Autour du droit bancaire et financier et au-delà, p. 139). Le régime des SAS n’est pas le seul à consacrer l’existence d’une clause d’exclusion : elle peut notamment être prévue par les statuts de sociétés à responsabilité limitée et de sociétés à capital variable. Par ailleurs, la Cour de cassation a pu considérer qu’une telle clause pouvait s’appliquer sans base légale dans certaines conditions (voir, en ce sens, Cass. com., 8 mars 2005, n° 02-17.692 : la chambre commerciale juge, à propos d’une société en nom collectif, qu’une clause d’exclusion peut être appliquée à la condition d’être prise pour un motif conforme à l’intérêt de la société et à l’ordre public, et sous réserve que soit versée à l’associé exclu la valeur des droits dont il est ainsi privé). On notera qu’une clause d’exclusion ne doit pas être confondue avec une « clause d’éviction » qui se distingue par son caractère automatique : l’éviction de l’associé ne résulte alors pas d’une décision d’un organe de la société mais de la seule survenance d’un évènement objectif prévu par les statuts.

15 L’associé concerné ne conserve ainsi que son droit au dividende jusqu’à la cession de ses actions. Pour mémoire, l’article L. 227-17 du code de commerce prévoit par ailleurs, dans le cas particulier où interviendrait un changement dans le contrôle d’une société associée, que cette dernière est obligée d’en informer la SAS, qui peut alors également décider de la priver de ses droits non pécuniaires jusqu’à son exclusion.

16 Cass. com., 16 septembre 2014, n° 13-17.807.

17 Cass. com., 19 avril 2005, n° 03-11.790.

18 Cass. civ. 1re, 25 janvier 2005, n° 01-10.395.

19 Ordonnance n° 2014-863 du 31 juillet 2014 relative au droit des sociétés, prise en application de l’article 3 de la loi n° 2014-1 du 2 janvier 2014 habilitant le Gouvernement à simplifier et sécuriser la vie des entreprises.

20 Cass. Com., 13 décembre 1994, n° 93-12.349.

21 Cass. civ. 1re., 16 juin 1993, n° 91-15.649.

22 Voir Cass. com., 20 mars 2012, n° 11-10.855. Dans cette affaire, la clause d’exclusion était prévue par les statuts d’une société civile, mais la solution peut valoir également pour une SAS.

23 Cass. com., 8 mars 2005, précité.

24 Cass. com., 9 juillet 2013, n° 11-27.235.

25 Cass com., 14 octobre 2020, n° 18-19.181.

26 Cass. com., 14 novembre 2018, n° 16-24.532.

27 Conformément au principe de la liberté statutaire, la loi n’a pas déterminé l’organe compétent pour prononcer l’exclusion. Il convient donc que les statuts le prévoient et, s’il s’agit d’une décision de l’assemblée générale, qu’ils déterminent les modalités d’adoption de la décision d’exclusion (quorum, vote, droits procéduraux reconnus à l’associé susceptible d’être exclu).

28 Le non-respect du principe du contradictoire ne constitue pas cependant une cause de nullité de la décision d’exclusion et ouvre seulement droit à des dommages-intérêts pour l’associé exclu (voir notamment, en ce sens, Cass. com., 13 juillet 2010, n° 09-16.156 et 9 novembre 2010, n° 10-10.150).

29 Cass. com., 23 octobre 2007, n° 06-16.537, récemment réaffirmée à propos d’une société d’exercice libéral (Cass. com., 21 avril 2022, n° 22-20.619).

30 Si, selon les travaux préparatoires de la loi du 3 janvier 1994 précitée, « ces dispositions, consenties librement par une décision unanime des associés, redonnent toute sa valeur au "pacte social" », la règle de l’unanimité était également présentée comme une protection pour les associés concernés : « Cette disposition est justifiée : autant il est utile de prévoir la validité de clauses permettant de garantir la cohésion et la stabilité de l’actionnariat, autant il convient d’entourer de précautions leur insertion dans les statuts car elles font peser sur les actionnaires des contraintes très fortes » (Rapport n° 258 de M. Xavier de Roux, précité).

31 Cass. com., 9 juillet 2013, n° 11-27.235.

32 Sur ce point, la Cour de cassation estime que le fait que l’associé objet de la procédure ait pu prendre part au vote sur la proposition d’exclusion, en dépit de la clause stipulant le contraire, est sans incidence sur la nullité de cette clause (Cass. com., 6 mai 2014, n° 13-14.960).

33 Article 29 de la loi du 19 juillet 2019 précitée.

34 Ordonnance n° 2017-747 du 4 mai 2017 portant diverses mesures facilitant la prise de décision et la participation des actionnaires au sein des sociétés, ratifiée par l’article 8 de la loi du 19 juillet 2019 précitée.

35 Rapport n° 771 (2018-2019) du 20 mars 2019, fait au nom de la commission des lois par Mme Typhanie Degois. La règle de l’unanimité prévue au premier alinéa de l’article L. 227-19 du code de commerce ne s’applique ainsi plus que pour l’adoption et la modification des clauses statutaires d’inaliénabilité et d’exclusion d’une société actionnaire en cas de changement de son contrôle.

36 Plus précisément, la Cour a jugé : « Ces dispositions sont applicables au litige, la décision d’exclusion de M. C. ayant été prise en application d’une clause d’exclusion stipulée dans les statuts de la société LT capital, laquelle a été adoptée sur le fondement de l’article L. 227-16 du code de commerce et modifiée à la majorité prévue par les statuts, ainsi que le permet désormais l’article L. 227-19 du même code, dans sa rédaction issue de la loi n° 2019-744 du 19 juillet 2019. En effet, ces dernières dispositions, qui suppriment l’exigence d’unanimité pour l’adoption ou la modification d’une clause statutaire d’exclusion dans les sociétés par actions simplifiées, ont pour objet et pour effet de régir les effets légaux du contrat de société. Elles sont, par suite, applicables aux sociétés par actions simplifiées créées antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi n° 2019-744 du 19 juillet 2019 » (paragr. 9 de l’arrêt de renvoi précité).

37 Décision n° 81-132 DC du 16 janvier 1982, Loi de nationalisation, cons. 16.

38 Décision n° 2009-580 DC du 10 juin 2009, Loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet, cons. 13.

39 Décision n° 2010-607 DC du 10 juin 2010, Loi relative à l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée, cons. 9.

40 Voir notamment la décision n° 2011-215 QPC du 27 janvier 2012, M. Régis J. (Régime des valeurs mobilières non inscrites en compte).

41 Décision n° 81-132 DC du 16 janvier 1982, Loi de nationalisation, cons. 44 et 46 ; décision n° 2011-169 QPC du 30 septembre 2011, Consorts M. et autres (Définition du droit de propriété), cons. 6.

42 Décisions nos 2010-60 QPC du 12 novembre 2010, M. Pierre B. (Mur mitoyen), cons. 3, et 2011-151 QPC du 13 juillet 2011, M. Jean-Jacques C. (Attribution d’un bien à titre de prestation compensatoire), cons. 3.

43 Voir notamment décision n° 2010-26 QPC du 17 septembre 2010, SARL l’Office central d’accession au logement (Immeubles insalubres), cons. 6. 

44 Décision n° 2011-172 QPC du 23 septembre 2011, Époux L. et autres (Accès aux propriétés privées pour l’étude des projets de travaux publics), cons. 9 et 10.

45 Décision n° 2011-203 QPC du 2 décembre 2011, M. Wathik M. (Vente des biens saisis par l’administration douanière), cons. 4.

46 Décision n° 2011-151 QPC du 13 juillet 2011, M. Jean-Jacques C. (Attribution d’un bien à titre de prestation compensatoire), cons. 5

47 Décision n° 2011-206 QPC du 16 décembre 2011, M. Noël C. (Saisie immobilière, montant de la mise à prix), cons. 5.

48 Décision n° 2011-209 QPC du 17 janvier 2012, M. Jean-Claude G. (Procédure de dessaisissement d’armes), cons. 5.

49 Décision n° 2020-853 QPC du 31 juillet 2020, M. Antonio O. (Action en démolition d’un ouvrage irrégulièrement édifié ou installé), paragr. 7.

50 Décision n° 2021-951 QPC du 3 décembre 2021, M. Nicolas R. (Refus de restitution d’objets placés sous main de justice), paragr. 11.

51 Voir notamment ses décisions n° 2010-60 QPC du 12 novembre 2010, M. Pierre B. (Mur mitoyen), cons. 5, n° 2011-193 QPC du 10 novembre 2011, Mme Jeannette R, épouse D. (Extinction des servitudes antérieures au 1er janvier 1900 non inscrites au livre foncier), cons. 5, n° 2011-151 QPC du 13 juillet 2011, M. Jean-Jacques C. (Attribution d’un bien à titre de prestation compensatoire), cons.3, et n° 2014-449 QPC du 6 février 2015, Sté Mutuelle des transports assurances (Transfert d’office du portefeuille de contrats d’assurance), cons. 6.

52 Décision n° 2011-215 QPC du 27 janvier 2012, M. Régis J. (Régime des valeurs mobilières non inscrites en compte), cons. 5.

53 Décision n° 2014-692 DC du 27 mars 2014, Loi visant à reconquérir l’économie réelle, cons. 3 et s.

54 Décision n° 2015-715 DC du 5 août 2015, Loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, cons. 139 à 147.

55 Décision n° 2015-486 QPC du 7 octobre 2015, M. Gil L. (Cession forcée des droits sociaux d’un dirigeant dans le cadre d’une procédure de redressement judiciaire), cons. 7.

56 Décision n° 2016-563 QPC du 16 septembre 2016, M. Dominique B. (Date d’évaluation de la valeur des droits sociaux des associés cédants, retrayants ou exclus), paragr. 7.

57 Décision n° 89-256 DC du 25 juillet 1989, Loi portant dispositions diverses en matière d’urbanisme et d’agglomérations nouvelles, cons. 19.

58 Décision n° 2014-426 QPC du 14 novembre 2014, M. Alain L. (Droit de retenir des œuvres d’art proposées à l’exportation), cons. 7.

59 Décision n° 2014-451 QPC du 13 février 2015, Société Ferme Larrea EARL (Conditions de prise de possession d’un bien ayant fait l’objet d’une expropriation pour cause d’utilité publique II), cons. 5.

60 L’absence de proportionnalité peut également découler de ce que le législateur n’a prévu aucune garantie ni fixé aucune règle encadrant l’atteinte portée à l’exercice du droit de propriété (voir, par exemple, décision n° 2017-695 QPC du 29 mars 2018, M. Rouchdi B. et autre [Mesures administratives de lutte contre le terrorisme], paragr. 67 à 70). Elle peut aussi découler de l’absence de garanties procédurales et, en particulier, de l’absence de recours juridictionnel effectif pour faire valoir le droit de propriété (voir par exemple, décision n° 2014-375 et autres QPC du 21 mars 2014, M. Bertrand L. et autres [Régime de saisie des navires utilisés pour commettre des infractions en matière de pêche maritime]).

61 Le Conseil a ainsi censuré sur ce fondement une disposition législative permettant de contraindre un créancier poursuivant à devenir propriétaire d’un bien immobilier détenu par son débiteur, en le déclarant, sous certaines conditions, adjudicataire de l’immeuble ainsi mis aux enchères (décision n° 98-403 DC du 29 juillet 1998, Loi d’orientation relative à la lutte contre les exclusions, cons. 38 à 40).

62 Décision n° 2015-715 DC du 5 août 2015 précitée, cons. 145.

63 Décision n° 2015-486 QPC précitée, cons. 8.

64 Décision n° 2016-563 QPC du 16 septembre 2016 précitée, paragr. 8.