Conformité - réserve
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 18 mai 2022 par le Conseil d'État (décisions nos 461800 et 461803 du même jour) d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) posée par l'union des associations diocésaines de France et autres1 relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles 19-1 et 19-2 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État, dans leur rédaction issue de la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, ainsi que des articles 4, 4-1 et 4-2 de la loi du 2 janvier 1907 concernant l'exercice public des cultes, dans leur rédaction résultant de la même loi du 24 août 2021.
Dans sa décision n° 2022-1004 QPC du 22 juillet 2022, le Conseil constitutionnel a déclaré conformes à la Constitution le quatrième alinéa du paragraphe II de l'article 19-2 de la loi du 9 décembre 1905 et l'article 4-2 de la loi du 2 janvier 1907. Il a ensuite, sous une réserve d'interprétation, déclaré conforme à la Constitution l'article 19-1 de la loi du 9 décembre 1905. Il a enfin, sous une autre réserve, déclaré conformes à la Constitution les mots « ainsi qu'au troisième alinéa de l'article 19 et aux articles 19-3, 25, 34, 35, 35-1, 36, 36-1 et 36-2 de la loi du 9 décembre 1905 précitée » figurant au troisième alinéa de l'article 4 de la loi du 2 janvier 1907 ainsi que l'article 4-1 de la même loi.
I. – Les dispositions contestées
A. – Objet des dispositions contestées
* L'organisation actuelle du culte et les modalités de son exercice public sont, en France, le fruit de l'histoire marquée par les affrontements et les compromis qui aboutirent, sous la IIIe République, à la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État.
Achevant un long processus de laïcisation et de sécularisation engagé depuis la Révolution française pour réduire l'influence de l'Église catholique romaine, la loi de 1905 proclame la liberté de conscience, garantit le libre exercice des cultes et affirme la séparation des Églises et de l'État :
– aux termes de son article 1er, « La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci–après dans l'intérêt de l'ordre public »2 ;
– son article 2, qui formalise le principe de la séparation des Églises et de l'État, prévoit que, « La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte ». La loi met fin, ce faisant, à l'organisation en service public du culte des quatre religions reconnues (catholique, réformé, luthérien, israélite) et abroge le régime concordataire instauré en 1802 (aux termes duquel l'État rémunérait les ministres du culte et participait à leur désignation).
* La loi de 1905 met également en place un nouveau régime des cultes. Afin de pourvoir aux conséquences matérielles de la séparation des Églises et de l'État, mais aussi pour assurer l'encadrement de l'exercice public du culte à des fins d'ordre public, elle crée une catégorie particulière d'associations, destinées à se substituer aux anciens établissements publics des cultes et à se voir transférer leurs biens : les « associations cultuelles ».
Comme le relève Emmanuel Tawil, « dans l'esprit des auteurs de la loi de 1905, constituées et fonctionnant librement, elles auraient dû être les seules structures institutionnelles à bénéficier de la liberté de culte »3. En ce sens, le Conseil d'État avait ainsi estimé, dans un avis rendu en octobre 1906, que : « le principe de la liberté des cultes … s'applique aussi bien aux individus qu'aux collectivités, sous la réserve, pour celles-ci de se constituer en associations cultuelles »4.
Toutefois, face au refus de l'Église catholique de constituer de telles associations, le législateur a adopté la loi du 2 janvier 1907 concernant l'exercice public des cultes dont l'article 4 rendait également possible l'exercice du culte « par voie de réunions tenues sur initiatives individuelles en vertu de la loi du 30 juin 1881 » sur la liberté de réunion ainsi qu'au moyen « d'associations régies par la loi du 1er juillet 1901 » relative au contrat d'association.
* Il résulte ainsi des interventions successives du législateur que l'exercice du culte peut être organisé librement par les fidèles soit au sein d'associations cultuelles (régies par la loi de 1905), soit au sein d'associations de droit commun (régies par la loi de 1901)5 soit encore dans le cadre de réunions publiques tenues sur initiatives individuelles.
Ces différentes formes d'organisation font l'objet de régimes distincts, tant au regard des droits et obligations qu'ils prévoient que de l'intensité de l'encadrement par la puissance publique de l'activité cultuelle.
Ce mode d'organisation de l'exercice public du culte n'a pas été substantiellement modifié jusqu'à l'adoption de la loi du 24 août 2021 précitée. Selon le Gouvernement, la réforme proposée devait moderniser le régime des cultes face à l'essor de mouvements religieux qui n'avaient pas la même place au moment de la loi de 1905, notamment l'islam, les nouvelles expressions chrétiennes et les cultes asiatiques.
Ce faisant, le législateur a notamment entendu renforcer le régime des associations cultuelles instituées sur le fondement de la loi de 1905 (1) et soumettre les associations de droit commun régies par la loi de 1901 ayant également des activités en relation avec l'exercice public d'un culte à des contraintes similaires à celles applicables aux associations cultuelles (2).
1. – Les associations cultuelles constituées sur le fondement de la loi de 1905
Le régime des associations cultuelles est prévu au titre IV de la loi de 1905 (articles 18 à 24). Leurs règles de constitution sont définies par un renvoi6 à celles, générales, résultant de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association : modalités d'obtention de la capacité juridique, cas de dissolution, de fusion et de scission.
Il en découle notamment que les modalités de création des associations cultuelles relèvent du régime libéral de la déclaration administrative préalable en préfecture.
Toutefois, les associations cultuelles sont également soumises à plusieurs modalités de fonctionnement et d'organisation qui leur sont propres et qui obéissent aux règles spéciales fixées par la loi de 1905.
a. – L'objet spécial et exclusif des associations cultuelles
* La loi du 9 décembre 1905 impose un objet spécifique aux associations cultuelles, qui sont « formées pour subvenir aux frais, à l'entretien et à l'exercice public d'un culte »7.
Il s'agit d'un objet exclusif de tout autre, comme le précise cette même loi : « Les associations cultuelles ont exclusivement pour objet l'exercice d'un culte »8.
Faute de définition explicite de la notion d'exercice du culte dans la loi de 1905, c'est à la jurisprudence qu'il est revenu d'en fixer les contours. Le Conseil d'État considère ainsi que « les associations revendiquant le statut d'association cultuelle doivent avoir exclusivement pour objet l'exercice d'un culte, c'est-à-dire, au sens de ces dispositions, la célébration de cérémonies organisées en vue de l'accomplissement, par des personnes réunies par une même croyance religieuse, de certains rites ou de certaines pratiques » 9.
Leur objet étant exclusif, « ces associations ne peuvent mener que des activités en relation avec cet objet telles que l'acquisition, la location, la construction, l'aménagement et l'entretien des édifices servant au culte ainsi que l'entretien et la formation des ministres et autres personnes concourant à l'exercice du culte ». Le respect de cette condition d'exclusivité s'apprécie au regard non seulement des stipulations statutaires de l'association, mais aussi de ses activités réelles.
Les seules autres activités qui peuvent être exercées par une association cultuelle sont celles qui « se rattachent directement à l'exercice du culte et présentent un caractère strictement accessoire ».
* L'objet et l'activité de l'association cultuelle doivent également respecter l'ordre public.
Cette condition résulte de l'article 1er de la loi du 9 décembre 1905, dont la seconde phrase prévoit que la République « garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l'intérêt de l'ordre public ».
Le Conseil d'État a ainsi approuvé le refus par le préfet de la reconnaissance du caractère cultuel d'une association ayant pour objet statutaire l'exercice public d'un culte défini « en référence audit culte rendu à son fondateur à l'encontre duquel … plusieurs procédures pénales étaient engagées pour des faits qui n'étaient pas indépendants de l'exercice de ses activités cultuelles ». Cette association exerçait « ses activités en liaison étroite avec deux autres associations qui ont fait l'objet de diverses condamnations pour des infractions graves et délibérées à la législation de l'urbanisme »10.
La loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 précitée a fait expressément figurer cette condition, prévoyant que ces associations « ne doivent, ni par leur objet statutaire, ni par leurs activités effectives, porter atteinte à l'ordre public »11.
b. – Les obligations des associations cultuelles
La composition, le fonctionnement et certaines activités des associations cultuelles font l'objet d'un encadrement spécifique par la loi de 1905.
* Ainsi, ces associations « sont composées de personnes majeures, au nombre de sept au moins, domiciliées ou résidant dans la circonscription religieuse définie par les statuts de l'association ». Ces membres doivent être domiciliés ou résider dans la circonscription religieuse définie par les statuts de l'association12.
En outre, « Nonobstant toute clause contraire des statuts, les actes de gestion financière et d'administration légale des biens accomplis par les directeurs ou administrateurs sont, chaque année au moins, présentés au contrôle de l'assemblée générale des membres de l'association et soumis à son approbation »13.
Est également prévue une clause dite « anti-putsch » imposant que « Les statuts de l'association prévoient l'existence d'un ou de plusieurs organes délibérants ayant notamment pour compétence de décider de l'adhésion de tout nouveau membre, de la modification des statuts, de la cession de tout bien immobilier appartenant à l'association et, lorsqu'elle y procède, du recrutement d'un ministre du culte »14.
Le non-respect de ces dispositions par les directeurs ou administrateurs d'une association est puni d'une amende de 1 500 euros15.
* Les associations cultuelles sont également soumises à différentes obligations administratives et financières, lesquelles ont été renforcées par la loi du 24 août 2021 précitée. Parmi ces obligations, ces associations doivent ainsi16 :
– établir des comptes annuels normés17 comprenant un bilan, un compte de résultat et une annexe. Elles dressent également chaque année l'état inventorié de leurs biens meubles et immeubles ;
– dresser la liste des lieux dans lesquels elles organisent habituellement l'exercice public du culte ;
– présenter ces documents ainsi que le budget prévisionnel de l'exercice en cours sur demande du représentant de l'État dans le département ;
– certifier leurs comptes lorsqu'elles perçoivent certains avantages ou types de ressources18.
Le non-respect de ces obligations par le dirigeant ou l'administrateur d'une association est puni de 9 000 euros d'amende19.
* D'autres obligations sont relatives aux réunions tenues dans les lieux de culte. Ainsi, « Les réunions pour la célébration d'un culte tenues dans les locaux appartenant à une association cultuelle ou mis à sa disposition sont publiques. Elles sont dispensées des formalités de l'article 8 de la loi du 30 juin 1881, mais restent placées sous la surveillance des autorités dans l'intérêt de l'ordre public »20. Le non-respect de cette obligation de publicité est puni d'une amende de 1 500 euros21.
Enfin, l'association constituée pour l'exercice du culte peut être civilement responsable de certaines infractions commises dans l'immeuble où se déroule ce dernier, sauf si l'infraction a été commise par une personne non membre de l'association ou n'agissant pas à l'invitation de celle-ci et dans des conditions dont l'association ne pouvait avoir connaissance22.
c. – Le financement des associations cultuelles
* Les ressources pouvant financer les associations cultuelles sont encadrées par la loi. L'article 19-2 de la loi de 1905 précise ainsi, à son paragraphe I, que « Le financement des associations cultuelles est assuré librement dans les conditions prévues au présent article et à l'article 19–3 ».
À ce titre, son paragraphe III pose un principe de non–subventionnement du culte qui interdit à ces associations de recevoir, sous quelques formes que ce soit, des subventions publiques de l'État ou des collectivités territoriales, sauf exception législative expresse l'autorisant23.
Dès lors, outre les cotisations versées par leurs membres (comme pour les associations de droit commun), le paragraphe II de l'article 19-2 prévoit que les associations cultuelles peuvent seulement recevoir :
– des dons de fidèles (comme le produit des quêtes et des collectes pour les frais du culte). Ceux-ci ouvrent droit à une réduction d'impôt sur le revenu en application du e de l'article 200 du code général des impôts (CGI) ainsi qu'à une réduction d'impôt sur les sociétés en application du b de l'article 238 bis du même code ;
– des rétributions pour services religieux (pour les cérémonies et services religieux, pour la location des bancs et sièges et pour la fourniture des objets destinés au service du culte, au service des funérailles dans les édifices religieux ainsi qu'à la décoration de ces édifices) ;
– des libéralités24 entre vifs ou par testament destinées à l'accomplissement de leur objet ou grevées de charges pieuses ou cultuelles25.
* En outre, afin de rendre plus attractif le régime des associations cultuelles, l'article 19-2 de la loi de 1905, dans sa rédaction issue de la loi du 24 août 2021 précitée, leur permet désormais de détenir des immeubles de rapport, ce qui leur était interdit jusqu'alors26, à la condition de respecter un plafond de ressources tirées de ces immeubles.
Ainsi, le troisième alinéa de son paragraphe II prévoit que les associations cultuelles peuvent posséder et administrer tout immeuble acquis à titre gratuit, sans préjudice des 2° et 3° de l'article 6 de la loi du 1er juillet 190127.
Toutefois, le quatrième alinéa du même paragraphe II instaure une limite à cette nouvelle source de financement, sous forme d'un plafond : il précise que les ressources annuelles que ces associations « tirent des immeubles qu'elles possèdent et qui ne sont ni strictement nécessaires à l'accomplissement de leur objet, ni grevés de charges pieuses ou cultuelles, à l'exclusion des ressources provenant de l'aliénation de ces immeubles, ne peuvent représenter une part supérieure à 50 % de leurs ressources annuelles totales ».
Le projet de loi initial ne comportait pas un tel plafonnement. Il provient, dans son principe, d'un amendement adopté par l'Assemblée nationale lors de la discussion de la loi du 24 août 2021 précitée afin « d'éviter que les revenus tirés des immeubles dits de rapport ne deviennent le mode de financement majoritaire de ces associations »28. Le Sénat avait supprimé ce plafond, en relevant notamment que « Plusieurs représentants de cultes avaient justement fait remarquer aux rapporteures lors de leurs auditions qu'il était difficile, voire impossible, d'anticiper la part de leurs ressources que représenteront les revenus d'immeubles de rapport d'une année sur l'autre, alors que les principaux financements restent des dons, très liés à la conjoncture. Certains membres de la commission ont également mis en avant l'étrangeté qu'il pourrait y avoir à autoriser une association cultuelle à percevoir, sans plafond, les revenus de ses placements financiers alors que ceux tirés de l'administration d'immeubles seraient limités à une part minoritaire de ses ressources totales »29.
Le plafond a été réintroduit en nouvelle lecture devant l'Assemblée nationale, à hauteur de 50 % des ressources annuelles totales des associations cultuelles, et maintenu lors de la lecture définitive, au motif que « La suppression par le Sénat du plafonnement des ressources tirées des immeubles de rapport pose problème en ce qu'elle permettrait à une association cultuelle d'en tirer la majorité de ses revenus, en totale incohérence avec son objet exclusif qui est d'assurer l'exercice du culte. Il convenait donc de rétablir un plafonnement proportionné qui autorise les associations cultuelles à accroître leurs revenus, aux fins d'assurer leur mission, sans que ce nouveau mode de financement ne puisse devenir majoritaire »30.
Les associations cultuelles rejoignent ainsi, en partie, le régime des associations à caractère philanthropique, éducatif, scientifique et autres mentionnées au b du 1 de l'article 200 du CGI qui peuvent, en application de l'article 6 de la loi de 1901, posséder et administrer des immeubles acquis à titre gratuit même s'ils ne sont pas liés à leur objet, sans que cette source de revenu ne soit soumise à un plafonnement de leurs ressources annuelles.
* Enfin, les associations cultuelles peuvent recevoir des financements de l'étranger. Toutefois, l'article 19-3 de la loi du 9 décembre 1905, dans sa rédaction issue de la loi du 24 août 2021 précitée, instaure un contrôle de ces financements. Ainsi, « Toute association cultuelle bénéficiant directement ou indirectement d'avantages ou de ressources versés en numéraire ou consentis en nature par un État étranger, par une personne morale étrangère, par tout dispositif juridique de droit étranger comparable à une fiducie ou par une personne physique non résidente en France est tenue d'en faire la déclaration à l'autorité administrative ». Si ces avantages et ressources dépassent 50 000 euros, l'association cultuelle est soumise à l'obligation de certification des comptes31.
* Le caractère cultuel d'une association loi 1905 ouvre droit à certains avantages fiscaux et financiers spécifiques, dans les conditions prévues par les divers textes législatifs ou réglementaires qui les instituent.
Outre la possibilité décrite précédemment de recevoir librement des dons et legs ou de faire bénéficier leurs donateurs de réductions d'impôt, les associations cultuelles peuvent conclure des baux emphytéotiques administratifs avec les collectivités territoriales, pour que leur soit affecté un édifice du culte ouvert au public (en application de l'article L. 1311-2 du code général des collectivités territoriales). Elles sont en outre exonérées des taxes foncières et d'une part de la taxe d'aménagement, à raison de l'affectation au culte des biens immobiliers qu'elles gèrent.
Jusqu'à l'adoption de la loi du 24 août 2021, il n'existait pas de possibilité de contrôle systématique du caractère cultuel d'une association : les associations cultuelles se constituaient librement et bénéficiaient de plein droit des avantages attachés à leur statut sans avoir à effectuer de démarches préalables. La qualification d'association cultuelle ne pouvait ainsi être remise en cause qu'au cas par cas : soit à l'occasion de la contestation d'un avantage lié au caractère cultuel de l'association (par exemple lorsqu'un préfet s'opposait à la réception d'une libéralité par l'association), soit à l'initiative de l'association elle-même, lorsqu'elle se voyait refuser un rescrit permettant de s'assurer de sa situation administrative32 ou fiscale33.
* La loi du 24 août 2021 précitée a sensiblement modifié ce régime.
Le projet dont est issu cette loi prévoyait un mécanisme qui subordonnait le bénéfice des dispositions législatives ou réglementaires propres à la catégorie des associations cultuelles, à une constatation préalable par le représentant de l'État dans le département de la qualité cultuelle de l'association.
Dans son avis sur le projet de loi, le Conseil d'État avait relevé que cette procédure ne portait pas « par elle-même une atteinte excessive à la liberté de culte, dès lors que les cultes peuvent également être organisés par les associations relevant de la loi du 1er juillet 1901. Elle ne porte pas davantage atteinte à la liberté d'association puisqu'elle n'interdit pas la constitution d'une association cultuelle. Toutefois, le Conseil d'État constate que cette procédure d'agrément s'approche d'un régime d'autorisation. En effet, les responsables d'un culte envisageront difficilement d'organiser ce dernier dans le cadre d'une association cultuelle s'ils ne sont pas assurés de bénéficier en contrepartie des avantages accordés à cette catégorie particulière d'association. La procédure prévue par le projet s'apparente donc à une barrière à l'entrée du statut d'association cultuelle. Un tel régime porte une atteinte certaine au régime actuel en vertu duquel les associations, y compris cultuelles, se constituent librement »34.
Le Conseil d'État a proposé en conséquence « de substituer à ce dispositif une procédure de déclaration »35.
Désormais, en application de l'article 19-1 de la loi du 9 décembre 1905, les associations qui souhaitent « bénéficier des avantages propres à la catégorie des associations cultuelles prévus par les dispositions législatives et réglementaires » doivent déclarer leur qualité cultuelle auprès du représentant de l'État dans le département.
Cette déclaration est distincte de celle, prévues par la loi de 1901, qui doit être effectuée (et actualisée au besoin) auprès du représentant de l'État pour rendre publics les statuts associatifs au titre des formalités communes à toutes les associations déclarées.
Le préfet peut alors, dans les deux mois suivant la déclaration, s'opposer à ce que l'association bénéficie des avantages réservés aux associations cultuelles « s'il constate que l'association ne remplit pas ou ne remplit plus les conditions prévues aux articles 18 et 19 de la présente loi ou pour un motif d'ordre public »36.
Lorsqu'il envisage de faire usage de son droit d'opposition, le préfet en informe l'association et l'invite à présenter ses observations dans un délai d'un mois. En l'absence d'opposition, l'association qui a déclaré sa qualité cultuelle bénéficie des avantages propres à la catégorie des associations cultuelles pendant une durée de cinq années, renouvelable par déclaration au représentant de l'État dans le département.
Lorsqu'une association ne répond plus aux conditions pour relever de la catégorie des associations cultuelles, le représentant de l'État dans le département peut, pour les mêmes motifs que ceux qui justifient son pouvoir d'opposition, retirer le bénéfice des avantages propres à la catégorie des associations cultuelles, après mise en œuvre d'une procédure contradictoire.
Ce faisant, la déclaration du caractère cultuel n'est pas un obstacle à la constitution d'une association cultuelle, mais constitue un préalable nécessaire au bénéfice des avantages prévus par la loi pour cette catégorie particulière d'associations37.
2. – Les associations « mixtes » de droit commun assurant l'exercice public d'un culte
* La loi du 2 janvier 1907 concernant l'exercice public des cultes a consacré la possibilité d'organiser également l'exercice public du culte dans le cadre d'associations de droit commun régies par la loi de 1901 – parfois dénommées « associations mixtes » dans la mesure où leur objet peut consister en l'organisation de l'exercice d'un culte, mais aussi en toute autre activité (de loisirs, philanthropique, etc.), par contraste avec le principe de spécialité exclusive régissant les associations cultuelles constituées sur le fondement de la loi de 1905.
Alors que les autorités catholiques ne s'étaient pas saisies de cette forme d'organisation historiquement pensée en réaction à leur refus de constituer des associations cultuelles régies par la loi de 1905, les mouvements religieux réticents à constituer des associations cultuelles, notamment en raison de la condition d'exercice exclusif du culte, des obligations de transparence et de contrôle plus importantes, et de l'interdiction de toute subvention publique imposées par ce statut, ont ainsi pu choisir de se placer sous le régime des associations mixtes. Ces dernières ne bénéficiaient pas des avantages accordés aux associations cultuelles38, mais elles jouissaient d'une plus grande liberté d'organisation.
Souhaitant renforcer le contrôle administratif de l'activité et le financement de ces associations, la loi du 24 août 2021 précitée les a désormais assujetties à plusieurs des obligations d'ores et déjà applicables aux associations cultuelles.
* Ainsi qu'il a été dit, l'article 4 de la loi de 1907 prévoit et encadre les autres modalités d'organisation de l'exercice public d'un culte : les réunions tenues sur initiatives individuelles en vertu de la loi du 30 juin 1881 sur la liberté de réunion, d'une part, et les associations de droit commun régies par la loi de 1901, d'autre part.
En particulier, cet article 4 prévoit que les associations sont soumises aux obligations de la loi de 190139, au troisième alinéa de l'article 19 de la loi du 9 décembre 1905 (obligation de soumettre annuellement à l'assemblée générale certains actes d'administration des biens) ainsi qu'à ces articles 19-3 (déclaration à l'autorité publique des financements étrangers), 25 (obligation de publicité des réunions pour la célébration d'un culte), 34 (responsabilité pénale des ministres du culte ayant publiquement outragé ou diffamé un citoyen chargé d'un service public), 35 (responsabilité pénale des ministres du culte en cas de provocation directe à résister à l'exécution des lois ou aux actes légaux de l'autorité publique ou s'il tend à soulever ou à armer une partie des citoyens contre les autres), 35-1 (interdiction de tenir des réunions politiques dans les locaux servant habituellement à l'exercice d'un culte), 36 (responsabilité civile de l'association), ainsi que 36-1 (peine complémentaire d'interdiction de paraître) et 36-2 (peine complémentaire d'interdiction de direction ou d'administration d'une association cultuelle).
L'article 4-1 de la loi de 1907, introduit par la loi du 24 août 2021 précitée, soumet également ces associations à des obligations de transparence financière.
Il prévoit ainsi que les associations mixtes sont « soumises aux deux premières phrases du premier alinéa et aux deuxième à cinquième alinéas de l'article 21 de la loi du 9 décembre 1905 »40, c'est-à-dire à l'obligation :
– d'établir « une liste des lieux dans lesquels elles organisent habituellement l'exercice public du culte »41 ;
– de présenter les documents comptables et « le budget prévisionnel de l'exercice en cours sur demande du représentant de l'État dans le département »42 ;
– de certifier leurs comptes lorsqu'elles ont bénéficié de financements étrangers pour un montant supérieur à un certain seuil43 ;
– d'établir « un traité d'apport lorsqu'elles reçoivent un apport en nature en pleine propriété, en jouissance, en usufruit ou en nue-propriété »44.
Ces associations doivent également établir une comptabilité faisant apparaître séparément les opérations relatives aux activités cultuelles 45.
Enfin, elles doivent assurer la certification des comptes dès lors que des reçus fiscaux ont été émis, qu'un montant minimal de subventions publiques a été perçu ou que leur budget annuel dépasse un seuil minimal fixé par le pouvoir réglementaire46.
* L'article 4-2 de la loi de 1907 instaure en outre un contrôle du caractère cultuel de l'activité des associations mixtes par le représentant de l'État dans le département.
Ainsi, lorsqu'il constate que l'exercice public d'un culte est organisé au moyen d'une association de droit commun, régie par la loi de 1901, sans que celle-ci ne prévoie, dans son objet, l'accomplissement d'activités en relation avec l'exercice public d'un culte, le préfet met en demeure l'association, dans un délai qu'il fixe, et qui ne peut être inférieur à un mois, de mettre son objet en conformité avec ses activités47.
À l'expiration de ce délai, le représentant de l'État dans le département peut, si l'association n'a pas satisfait à la mise en demeure, prononcer une astreinte d'un montant maximal de 100 euros par jour de retard48.
Les dispositions réglementaires d'application précisent que, lorsqu'il envisage de faire usage de cette procédure, le préfet en informe l'association en portant à sa connaissance les éléments établissant qu'elle accomplit des activités en relation avec l'exercice public d'un culte soit de manière non strictement accessoire, soit de manière non occasionnelle49.
B. – Origine de la QPC et question posée
L'union des associations diocésaines de France, M. Éric M., la fédération protestante de France, l'union nationale des associations cultuelles de l'Église protestante unie de France et l'assemblée des évêques orthodoxes de France avaient formé devant le Conseil d'État deux recours pour excès de pouvoir. Le premier était formé contre le décret n° 2021-1844 du 27 décembre 2021 précité. Le second concernait le décret n° 2021-1789 du 23 décembre 2021 précité. À l'occasion de ces recours, les requérants avaient soulevé une QPC relative aux articles 19-1 et 19-2 de la loi de 1905 ainsi qu'une QPC relative aux articles 4, 4–1 et 4-2 de la loi du 2 janvier 1907.
Dans sa décision précitée du 18 mai 2022, le Conseil d'État avait joint les questions et renvoyé la QPC au Conseil constitutionnel, en jugeant, d'une part, que « Les griefs tirés de ce [que les dispositions des articles 19-1 et 19-2 de la loi de 1905] portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution soulèvent, au regard des droits constitutionnels en cause et compte tenu de la portée donnée à la déclaration de la qualité cultuelle, une question qui, sans qu'il soit besoin … d'examiner le caractère sérieux des griefs, doit être regardée comme nouvelle au sens de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 ». D'autre part, il avait considéré que « Les griefs tirés de ce [que les dispositions des articles 4, 4-1 et 4–2 de la loi de 1907] portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution soulèvent, au regard des droits constitutionnels en cause et de l'étendue des obligations pesant désormais sur les associations régies par la loi du 1er juillet 1901 et ayant des activités cultuelles, une question qui, sans qu'il soit besoin … d'examiner le caractère sérieux des griefs, doit être regardée comme nouvelle au sens de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 ».
II. – L'examen de la constitutionnalité des dispositions contestées
Les requérants soutenaient d'abord que, en obligeant les associations à déclarer leur caractère cultuel pour bénéficier des avantages propres à la catégorie des associations cultuelles, l'article 19-1 de la loi du 9 décembre 1905 instituait un régime d'autorisation préalable conduisant l'État à reconnaître certains cultes. Ils faisaient également valoir que, les obligations imposées à ces associations ayant été alourdies, ces dispositions permettaient au représentant de l'État de refuser ou de retirer cette qualité cultuelle dans de nombreux cas. Il en résultait, selon eux, une méconnaissance du principe de laïcité, de la liberté d'association et de la liberté de religion et de culte. Ils estimaient par ailleurs que le législateur avait méconnu l'étendue de sa compétence en ne définissant pas suffisamment les « avantages propres » auxquels la reconnaissance du caractère cultuel de l'association ouvrait ainsi droit.
Les requérants critiquaient ensuite le plafonnement du montant des ressources annuelles que les associations cultuelles peuvent tirer de leurs immeubles, prévu par l'article 19-2 de la loi du 9 décembre 1905, au motif que d'autres associations n'y étaient pas soumises. Il en résultait selon eux une méconnaissance du principe d'égalité devant la loi, ainsi que des libertés d'association, de religion et de culte.
Les requérants dénonçaient enfin le caractère excessif des contraintes imposées par les articles 4 et 4-1 de la loi du 2 janvier 1907 aux associations assurant l'exercice public d'un culte, en méconnaissance de la liberté d'association, de la liberté de religion et de culte, ainsi que de la liberté de réunion. Par ailleurs, faute pour le législateur d'avoir défini à l'article 4-2 de la même loi les « activités en relation avec l'exercice d'un culte » prises en compte par l'administration lorsqu'elle mettait en demeure une association de mettre ses statuts en conformité avec ses activités, les requérants considéraient que ces dispositions étaient entachées d'incompétence négative dans des conditions de nature à affecter ces exigences constitutionnelles.
Au regard de l'ensemble de ces griefs, le Conseil constitutionnel a considéré que la QPC portait sur l'article 19-1 et sur le quatrième alinéa du paragraphe II de l'article 19-2 de la loi du 9 décembre 1905, sur les mots « ainsi qu'au troisième alinéa de l'article 19 et aux articles 19-3, 25, 34, 35, 35-1, 36, 36–1 et 36-2 de la loi du 9 décembre 1905 précitée » figurant au troisième alinéa de l'article 4 de la loi du 2 janvier 1907 et sur les articles 4-1 et 4-2 de la même loi (paragr. 9).
A. – La jurisprudence constitutionnelle
* La liberté religieuse est susceptible d'être appréhendée, d'un point de vue constitutionnel, sous deux aspects.
Le premier est celui de la liberté de conscience. Initialement rattachée à un principe fondamental reconnu par les lois de la République (PFRLR)50, cette liberté est aujourd'hui déduite directement51 de l'article 10 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, aux termes duquel : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi ». Sur le fondement de cette liberté, qui entre dans la catégorie des droits et libertés que la Constitution garantit et qui est, à ce titre, invocable en QPC52, le Conseil constitutionnel a jugé que « l'interdiction de dissimuler son visage dans l'espace public ne saurait restreindre l'exercice de la liberté religieuse dans les lieux de culte ouverts au public »53.
Le second est le principe de laïcité, reconnu à l'article 1er de la Constitution de 1958. La portée conférée par le Conseil constitutionnel à ce principe a évolué. Depuis une décision du 21 février 2013 figure au nombre des exigences constitutionnelles découlant de ce principe l'obligation pour l'État d'assurer le libre exercice des cultes : dans cette décision, le Conseil a ainsi considéré que « le principe de laïcité figure au nombre des droits et libertés que la Constitution garantit ; qu'il en résulte la neutralité de l'État ; qu'il en résulte également que la République ne reconnaît aucun culte ; que le principe de laïcité impose notamment le respect de toutes les croyances, l'égalité de tous les citoyens devant la loi sans distinction de religion et que la République garantisse le libre exercice des cultes ; qu'il implique que celle-ci ne salarie aucun culte »54. À la différence de la liberté de conscience, qui porte plutôt sur l'exercice individuel de la religion, le principe de laïcité vise l'exercice collectif du culte : il ne se réduit pas à une abstention de l'État, mais peut exiger une intervention de celui-ci, afin de lever les obstacles au libre exercice du culte. Cette exigence a été rappelée par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2017-695 QPC du 29 mars 201855.
La pratique du culte peut également être abordée au travers d'autres libertés, comme la liberté d'association.
* Par sa décision n° 71-44 DC du 16 juillet 1971, le Conseil constitutionnel a reconnu à la liberté d'association le caractère de principe fondamental reconnu par les lois de la République.
Cette décision énonce plus précisément : « Considérant qu'au nombre des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République et solennellement réaffirmés par le préambule de la Constitution il y a lieu de ranger le principe de la liberté d'association ; que ce principe est à la base des dispositions générales de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association ; qu'en vertu de ce principe les associations se constituent librement et peuvent être rendues publiques sous la seule réserve du dépôt d'une déclaration préalable ; qu'ainsi, à l'exception des mesures susceptibles d'être prises à l'égard de catégories particulières d'associations, la constitution d'associations, alors même qu'elles paraîtraient entachées de nullité ou auraient un objet illicite, ne peut être soumise pour sa validité à l'intervention préalable de l'autorité administrative ou même de l'autorité judiciaire »56.
Si les principes ainsi consacrés, constamment réaffirmés depuis lors par le Conseil57, portent essentiellement sur les conditions de constitution des associations, le contrôle opéré sur le fondement de la liberté d'association concerne également les conditions d'exercice par les associations de leur activité58.
Toutefois, lorsque le Conseil examine des dispositions susceptibles de constituer des entraves au libre exercice par des associations de leur activité, des exigences constitutionnelles autres que la liberté d'association peuvent être plus directement affectées (liberté d'expression, liberté du culte…), ce qui l'amène à expliciter davantage son raisonnement sur ces derniers fondements59.
* Dans le cadre du contrôle spécifiquement opéré sur le fondement de la liberté d'association, le Conseil constitutionnel a été amené à examiner diverses dispositions liées au financement des associations.
Dans ce domaine, il y a lieu de distinguer la jurisprudence relative aux règles encadrant de manière générale les modalités de financement des associations et celles relatives au contrôle spécifique dont peut faire l'objet le financement de certaines « catégories particulières d'associations » (selon la formule employée dans la décision n° 71-44 DC précitée).
- De manière générale, le Conseil constitutionnel a d'abord jugé, dans sa décision n° 84–176 DC du 25 juillet 1984, que « le principe, constitutionnellement garanti, de liberté d'association n'interdit pas aux associations de se procurer les ressources nécessaires à la réalisation de leur but, qui ne peut être le partage de bénéfices entre leurs membres, par l'exercice d'activités lucratives »60. Dans cette affaire, les auteurs de la saisine reprochaient aux dispositions contestées de permettre aux associations titulaires d'une autorisation d'usage des fréquences radioélectriques sur le territoire national de recourir à la diffusion de messages publicitaires et ainsi de bénéficier de ressources publicitaires ce qui, selon eux, constituait une atteinte au caractère non lucratif de l'activité des associations. Pour écarter ce grief, le Conseil s'est attaché à distinguer le but des associations, « qui ne peut être le partage de bénéfices entre leurs membres », et les activités lucratives entreprises pour permettre la réalisation de ce but.
Le Conseil a ensuite jugé, dans sa décision n° 2001-456 DC du 27 décembre 2001, que la possibilité offerte aux organismes d'utilité générale de rémunérer leurs dirigeants, sans que soit remis en cause le caractère désintéressé de leur gestion, n'affecte pas davantage l'exercice de la liberté d'association61.
Dans sa décision n° 2014-444 QPC du 29 janvier 2015, il a précisé que « ni le principe fondamental reconnu par les lois de la République relatif à la liberté d'association ni aucune autre exigence constitutionnelle n'imposent que toutes les associations déclarées jouissent de la capacité de recevoir des libéralités »62. Il a dès lors déclaré conformes à la Constitution les dispositions contestées, qui autorisaient uniquement les associations déclarées ayant pour but exclusif l'assistance, la bienfaisance, la recherche scientifique ou médicale, à accepter des libéralités entre vifs ou testamentaires.
- En dehors de ces décisions relatives à l'encadrement général des possibilités de financement des associations, le Conseil constitutionnel a rendu plusieurs décisions portant sur des mesures de contrôle visant le financement de catégories particulières d'associations.
En effet, conformément au principe déjà énoncé dans la décision du 16 juillet 1971 précitée et constamment réaffirmé depuis lors, en vertu duquel des mesures tendant à instituer un contrôle de catégories particulières d'associations peuvent être prévues par le législateur, le Conseil a admis que les modalités de financement et la gestion financière de certaines associations fassent l'objet d'un encadrement spécifique.
Sans se référer expressément à la notion de « catégories particulières d'associations », il l'a d'abord admis, dans sa décision n° 91-299 DC du 2 août 199163, pour les associations souhaitant soutenir une cause scientifique, sociale, familiale, humanitaire, philanthropique, éducative, sportive, culturelle ou concourant à la défense de l'environnement et faisant appel à la générosité publique.
Dans cette décision, le Conseil a déclaré conformes à la Constitution des dispositions soumettant à une déclaration préalable auprès du préfet certaines formes d'appel à la générosité publique. Sur ce point, il a jugé que « la déclaration préalable exigée par l'article 3 de la loi a pour seul objet de porter à la connaissance de l'autorité administrative "les objectifs poursuivis par l'appel à la générosité publique" ; que, par cette formalité, le législateur a cherché uniquement à permettre l'exercice ultérieur d'un contrôle sur l'emploi des ressources collectées auprès du public ; qu'il n'a pas entendu conférer en la matière au préfet un pouvoir d'autorisation ; qu'il suit de là que les dispositions soumettant à une déclaration préalable certaines formes d'appel à la générosité publique ne sont pas contraires à la liberté d'association »64.
Dans la même décision, le Conseil a déclaré conformes à la Constitution les dispositions organisant un contrôle sur l'emploi des ressources collectées auprès du public dans le cadre d'une campagne nationale d'appel à la générosité publique et imposant notamment aux associations d'établir un compte d'emploi des ressources susceptible d'être contrôlé par la Cour des comptes. Sur ce point, le Conseil constitutionnel a précisé : « Considérant qu'il ressort de ces diverses dispositions que l'obligation faite aux organismes visés par l'article 3 de la loi d'établir un compte d'emploi annuel des ressources collectées auprès du public n'a d'autre objet que de permettre aux adhérents de cet organisme, ainsi qu'aux donateurs, qu'ils soient identifiables ou indifférenciés, d'être en mesure de s'assurer de la conformité des dépenses engagées par l'organisme aux objectifs poursuivis par l'appel à la générosité publique ; que si l'article 5 de la loi investit la Cour des comptes d'une mission de contrôle portant sur ce dernier point, ses modalités d'exercice résulteront, non de l'ensemble des prérogatives conférées à cette institution par la loi du 22 juin 1967, mais des règles spécifiques édictées par décret en Conseil d'État, dans le respect de la liberté d'association ; que les observations éventuellement formulées par la Cour des comptes auront pour objectif essentiel de fournir aux différents responsables de la gestion de l'organisme des éléments d'information, comme l'exige l'article 6 de la loi, tout en leur laissant le soin d'en tirer les conséquences ; qu'au surplus, la publicité des observations ne peut intervenir qu'une fois assurée l'information des responsables des organismes mentionnés à l'article 3 de la loi / Considérant que les dispositions de la loi organisant un contrôle sur l'emploi des ressources collectées auprès du public dans le cadre d'une campagne nationale ne constituent pas une entrave à la liberté d'association et ne portent atteinte à aucun autre principe non plus qu'à aucune règle de valeur constitutionnelle »65.
Le Conseil constitutionnel a par la suite déclaré conformes à la Constitution des dispositions législatives permettant l'exercice par l'administration d'un contrôle particulier sur les fédérations de chasseurs. Dans sa décision n° 2000-434 DC du 20 juillet 2000, il a commencé par rappeler que la liberté d'association « ne s'oppose pas à ce que des catégories particulières d'associations fassent l'objet de mesures spécifiques de contrôle de la part de l'État en raison notamment des missions de service public auxquelles elles participent, de la nature et de l'importance des ressources qu'elles perçoivent et des dépenses obligatoires qui leur incombent »66. Il a ainsi précisé le sens de la notion de « catégories particulières d'associations » en mentionnant des critères permettant de caractériser les associations relevant de cette catégorie. Il a toutefois laissé ouverte la possibilité de compléter ces critères par l'usage de l'adverbe « notamment ».
Après s'être attaché à décrire les spécificités des fédérations de chasseurs qui, bien qu'étant des organismes de droit privé et ayant la forme d'associations, ont un statut législatif particulier et sont investies de missions de service public, il a jugé, en particulier, « que ne méconnaît pas non plus la liberté d'association la règle selon laquelle les budgets des fédérations départementales et régionales des chasseurs sont, avant d'être exécutés, soumis à l'approbation du représentant de l'État dans le département, et le budget de la fédération nationale des chasseurs à celle du ministre chargé de la chasse ; que n'est pas davantage contraire à la liberté d'association la règle … selon laquelle les fédérations départementales des chasseurs sont soumises au contrôle économique et financier de l'État, ainsi qu'au contrôle de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes ; qu'il appartiendra toutefois au pouvoir réglementaire de fixer les modalités spécifiques de mise en œuvre de ces contrôles de manière à respecter le principe constitutionnel de la liberté d'association dans la mesure compatible avec les particularités de la catégorie d'associations en cause ; que, sous cette réserve, le grief tiré de la méconnaissance de ce principe doit être rejeté »67.
Par une réserve d'interprétation, le Conseil relève ainsi que le décret précisant les modalités de mise en œuvre du contrôle des fédérations de chasseurs ne devra pas méconnaître la liberté d'association.
Enfin, dans sa décision n° 2015-727 QPC du 21 janvier 2016, le Conseil constitutionnel s'est prononcé sur les contrôles spécifiques auxquels sont soumis les établissements sanitaires bénéficiant de subventions publiques. Les requérants faisaient notamment valoir que les dispositions contestées étaient entachées d'incompétence négative et méconnaissaient la liberté d'association.
Dans la continuité des décisions n° 91-299 DC du 2 août 1991 et n° 2000-434 DC du 20 juillet 2000 précitées, il a jugé :
« Considérant, en premier lieu, que les dispositions contestées instaurent un contrôle de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes sur les personnes morales de droit privé à caractère sanitaire, social ou médico-social mentionnées à l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles et à l'article L. 6111-1 du code de la santé publique, dès lors qu'elles sont financées par l'État, par un de ses établissements publics, par une collectivité territoriale, par un établissement public ou un groupement d'intérêt public relevant lui-même de la compétence de la chambre régionale des comptes ou par l'un des organismes mentionnés à l'article L. 134-1 du code des juridictions financières ; qu'en fixant le principe d'un tel contrôle et en renvoyant au pouvoir réglementaire les conditions d'exercice de ce contrôle, le législateur n'a pas méconnu l'étendue de sa compétence ; / Considérant, en second lieu, que les personnes morales de droit privé à caractère sanitaire, social ou médico-social mentionnées à l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles et à l'article L. 6111-1 du code de la santé publique sont régies par des statuts législatifs particuliers et participent à la mise en œuvre de la politique de santé publique ; que, d'une part, celles mentionnées à l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles sont soumises à un régime d'autorisation et, d'autre part, celles mentionnées à l'article L. 6111-1 du code de la santé publique sont soumises à une procédure de certification ; que ces personnes morales de droit privé perçoivent des ressources publiques provenant de personnes ou d'organismes eux-mêmes soumis au contrôle de la Cour des comptes ou des chambres régionales des comptes ; qu'ainsi, la nécessité pour l'État de contrôler l'emploi des ressources que ces personnes morales de droit privé perçoivent est de nature à justifier l'instauration d'un régime spécifique de contrôle ; qu'il appartiendra toutefois au pouvoir réglementaire de veiller, en fixant les modalités de mise en œuvre de ces contrôles, au respect des principes constitutionnels de la liberté d'entreprendre ou de la liberté d'association des personnes morales de droit privé concernées ; que les dispositions de l'article 109 doivent être déclarées conformes à la Constitution »68.
Ici encore, par une formule similaire à celle énoncée dans sa décision n° 2000–434 DC du 20 juillet 2000 précitée, le Conseil s'était montré attentif aux conditions de mise en œuvre, par le pouvoir réglementaire, d'un contrôle du financement de certaines catégories d'association susceptible de porter atteinte, en particulier, à la liberté d'association.
* Enfin, le Conseil a récemment été saisi de la portée du « contrat d'engagement républicain » qu'une association doit souscrire si elle sollicite une subvention publique.
Dans sa décision n° 2021-823 DC du 13 août 2021, il a considéré que « L'obligation faite à une association de souscrire un contrat d'engagement républicain lorsqu'elle sollicite une subvention publique n'a pas pour objet d'encadrer les conditions dans lesquelles elle se constitue et exerce son activité »69. Le commentaire de la décision relève que « Les subventions publiques peuvent, certes, en pratique, représenter aujourd'hui un mode de financement important pour certaines associations. Mais dès lors qu'il n'existe pas de "droit à subvention publique" pour financer le fonctionnement d'une association, les dispositions examinées ne faisaient pas obstacle, par elles-mêmes, à la liberté de création d'association constitutionnellement protégée, ni à l'exercice de leurs activités ».
En revanche, s'agissant de l'obligation de restituer des subventions publiques déjà versées en cas de manquement aux engagements de ce contrat, le Conseil a jugé qu'elle « est susceptible d'affecter les conditions dans lesquelles une association exerce son activité ». Il a alors relevé les garanties procédurales par lesquelles le législateur avait pris soin d'encadrer les possibilités d'exiger la restitution de subventions : « Les dispositions contestées prévoient que, en cas de manquement au contrat d'engagement, il est procédé au retrait de la subvention publique, à l'issue d'une procédure contradictoire, sur décision motivée de l'autorité ou de l'organisme, et qu'un délai de six mois est imparti à l'association pour restituer les fonds qui lui ont été versés ». Par une réserve d'interprétation, le Conseil a toutefois jugé que « ce retrait ne saurait, sans porter une atteinte disproportionnée à la liberté d'association, conduire à la restitution de sommes versées au titre d'une période antérieure au manquement au contrat d'engagement »70.
Dans la décision commentée, le Conseil constitutionnel a procédé à l'examen successif des différentes dispositions contestées.
* S'agissant de l'article 19-1 de la loi du 9 décembre 1905, le Conseil a d'abord rappelé les fondements constitutionnels du principe de laïcité, résultant de l'article 10 de la Déclaration de 1789 et des trois premières phrases du premier alinéa de l'article 1er de la Constitution. Il a rappelé que le principe de laïcité figure au nombre des droits et libertés que la Constitution garantit et qu'il en résulte notamment que la République ne reconnaît aucun culte et qu'elle garantit le libre exercice des cultes (paragr. 10).
Après avoir décrit l'objet des dispositions contestées (paragr. 11), le Conseil constitutionnel a relevé qu'elles avaient pour seul objet d'instituer une obligation déclarative en vue de permettre au représentant de l'État de s'assurer que les associations sont éligibles aux avantages propres aux associations cultuelles. Il en a déduit qu' « Elles n'ont ni pour objet ni pour effet d'emporter la reconnaissance d'un culte par la République » (paragr. 12).
Les requérants donnaient au principe de non reconnaissance des cultes une portée qui n'est pas la sienne : ce principe interdit à la puissance publique d'instaurer, comme avant la séparation entre les Églises et l'État, un service public du culte pour certaines religions. Il n'empêche pas l'État de constater l'existence de cultes dont il continue, depuis 1905, à encadrer l'exercice par des mesures législatives et administratives, à des fins d'ordre public.
Le mécanisme de déclaration issu de la loi du 24 août 2021 précitée n'a pas modifié la nature de l'appréciation du caractère cultuel ou non d'une association que fait, sous le contrôle du juge, l'autorité administrative. Il en change simplement le moment qui, avant les modifications contestées, intervenait à l'occasion de la contestation éventuelle des avantages qu'offrent la loi de 1905, alors que désormais cette appréciation se fait à l'occasion de la déclaration du caractère cultuel.
Le Conseil a également relevé que les dispositions contestées n'avaient ni pour objet ni pour effet « de faire obstacle au libre exercice du culte, dans le cadre d'une association régie par la loi du 1er juillet 1901 ou par voie de réunions tenues sur initiatives individuelles » (paragr. 12). En effet, un manquement à l'obligation de déclaration du caractère cultuel de l'association a pour seul effet de la priver d'accéder aux avantages auxquels ouvre droit le statut d'association cultuelle et non de l'empêcher d'exercer un culte sous un autre statut, comme le garantit par ailleurs la loi du 2 janvier 1907.
Le Conseil a ensuite examiné les circonstances qui permettent au représentant de l'État de s'opposer à ce qu'une association bénéficie des avantages propres aux associations cultuelles ou de procéder au retrait de ces avantages.
Il a relevé que cette opposition ou ce retrait ne pouvait intervenir « qu'après une procédure contradictoire et uniquement pour un motif d'ordre public ou dans le cas où il constate que l'association n'a pas pour objet exclusif l'exercice d'un culte ou que sa constitution, sa composition et son organisation ne remplissent pas les conditions limitativement énumérées aux articles 18 et 19 de la loi du 9 décembre 1905 » (paragr. 13). Il a donc considéré que, en fixant de telles conditions à l'accès au statut d'association cultuelles, l'article 19–1 de la loi du 9 décembre 1905 ne privait pas de garanties légales le libre exercice des cultes et qu'il ne méconnaissait pas le principe de laïcité. Il a donc écarté ce grief (paragr. 14).
Le Conseil a ensuite examiné les dispositions contestées au regard de la liberté d'association. Après avoir rappelé que cette liberté constitue un principe fondamental reconnu par les lois de la République, il a précisé que les atteintes portées à la liberté d'association doivent être nécessaires, adaptées et proportionnées à l'objectif poursuivi (paragr. 15).
Il s'agit de la seconde décision, après la décision n° 2021-823 DC du 13 août 2021 précitée, dans laquelle le Conseil constitutionnel applique à la liberté d'association cette « triple exigence » d'adéquation, de nécessité et de proportionnalité qui marque le renforcement particulier de son contrôle.
À cet égard, le Conseil constitutionnel a constaté que la déclaration imposée aux associations par les dispositions contestées pour bénéficier de certains avantages n'avait pas pour objet d'encadrer les conditions dans lesquelles ces dernières se constituent et exercent leur activité (paragr. 16).
Le refus ou le retrait de la reconnaissance du caractère cultuel à l'issue de la procédure d'opposition initiée par le préfet n'entraîne, en effet, pas la dissolution de l'association : celle-ci continue à exister juridiquement (régie par les dispositions de droit commun de la loi de 1901) et peut continuer à exercer ses activités, même celles en relation avec l'exercice public du culte (régime prévu par la loi de 1907 pour les « associations mixtes »). Elle ne peut simplement plus bénéficier des avantages spécifiques prévus par la loi et le règlement en faveur des associations cultuelles.
Le Conseil a toutefois relevé que le retrait par le représentant de l'État du bénéfice de ces avantages était, lui, susceptible d'affecter les conditions dans lesquelles une association exerçait son activité (paragr. 17). Ce constat se rapproche de celui qu'il avait opéré dans sa décision n° 2021-823 DC du 13 août 2021 précitée concernant l'obligation pour certaines associations de restituer des subventions publiques déjà versées en cas de manquement au contrat d'engagement républicain.
Par une première réserve d'interprétation, le Conseil constitutionnel a donc jugé que « ce retrait ne saurait, sans porter une atteinte disproportionnée à la liberté d'association, conduire à la restitution d'avantages dont l'association a bénéficié avant la perte de sa qualité cultuelle » (même paragr.).
Sous cette réserve, le Conseil a écarté le grief tiré de l'atteinte à la liberté d'association (paragr. 18). En conséquence, après avoir écarté le grief tiré de la méconnaissance de sa compétence par le législateur et constaté que ces dispositions ne méconnaissaient aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, il a jugé que l'article 19-1 de la loi du 9 décembre 1905 était, sous la même réserve, conforme à la Constitution (paragr. 19).
* Le Conseil constitutionnel a ensuite examiné le quatrième alinéa du paragraphe II de l'article 19-2 de la loi du 9 décembre 1905, qui plafonne à 50 % des ressources annuelles totales des associations cultuelles la part des ressources annuelles que les associations cultuelles peuvent tirer des immeubles de rapport dont elles sont propriétaires.
Citant les termes de l'article 6 de la Déclaration de 1789, selon lequel la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse », il a rappelé que le principe d'égalité devant la loi « ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit » (paragr. 20).
Il a ensuite présenté l'objet des dispositions contestées et constaté qu'elles établissaient une différence de traitement entre les associations cultuelles, dont le montant des ressources tirées de leurs immeubles de rapport est plafonné, et les associations exerçant des activités d'intérêt général ou reconnues d'utilité publique, qui peuvent tirer des revenus de certains de leurs immeubles sans être soumises à un tel plafonnement (paragr. 21).
Toutefois, le Conseil a d'abord constaté que « Les associations constituées sur le fondement de la loi du 9 décembre 1905 sont, eu égard à leur objet exclusif qui est d'assurer l'exercice du culte, dans une situation différente des associations qui poursuivent un but d'intérêt général ou sont reconnues d'utilité publique » (paragr. 22).
Puis, après avoir constaté qu'en adoptant les dispositions contestées, le législateur avait voulu « permettre aux associations cultuelles de retirer des ressources de leur patrimoine immobilier tout en s'assurant que leur financement demeure en rapport avec les ressources recueillies auprès de leurs fidèles », le Conseil a jugé que cette différence de traitement était fondée sur une différence de situation en rapport avec l'objet de la loi (paragr. 23).
Il a donc écarté le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant la loi (paragr. 24) et jugé que les dispositions contestées de l'article 19–2 de la loi du 9 décembre 1905, qui ne méconnaissaient pas non plus la liberté d'association, le principe de laïcité, ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, devaient être déclarées conformes à la Constitution (paragr. 25).
* Enfin, le Conseil a examiné les dispositions contestées des articles 4, 4-1 et 4-2 de la loi du 2 janvier 1907.
Il a d'abord rappelé que l'exercice public d'un culte peut être assuré au moyen d'associations régies par la loi du 1er juillet 1901 (paragr. 26) et que les dispositions contestées des articles 4 et 4-1 de la loi du 2 janvier 1907 imposent à ces associations diverses obligations administratives et financières. Les dispositions contestées de son article 4-2 permettent par ailleurs au représentant de l'État de mettre en demeure une association ayant des activités en relation avec l'exercice public d'un culte, sans que son objet ne le prévoie, de rendre ce dernier conforme à ces activités (paragr. 27).
En conséquence, il a constaté que les dispositions contestées étaient « de nature à porter atteinte à la liberté d'association et au libre exercice des cultes » (paragr. 28).
Puis, faisant application de sa « triple exigence » pour contrôler les atteintes à ces libertés, le Conseil constitutionnel a jugé, en premier lieu, qu' « en adoptant ces dispositions, le législateur a entendu renforcer la transparence de l'activité et du financement des associations assurant l'exercice public d'un culte. Ce faisant, il a poursuivi l'objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public » (paragr. 29).
En deuxième lieu, le Conseil a relevé qu'en application des dispositions contestées des articles 4 et 4-1 de la loi du 2 janvier 1907, les associations sont soumises à des obligations consistant, en particulier, à établir une liste des lieux dans lesquels elles organisent habituellement le culte, à présenter les documents comptables et le budget prévisionnel de l'exercice en cours sur demande du représentant de l'État, à établir une comptabilité faisant apparaître séparément les opérations relatives à leurs activités cultuelles, et à certifier leurs comptes lorsqu'elles ont bénéficié de financements étrangers pour des montants dépassant un seuil fixé par décret, qu'elles ont émis des reçus fiscaux, qu'elles ont perçu un montant minimal de subventions publiques ou que leur budget annuel dépasse un seuil minimal également fixé par le pouvoir réglementaire (paragr. 30).
Si le Conseil constitutionnel a jugé que ces obligations étaient « nécessaires et adaptées à l'objectif poursuivi par le législateur », il a précisé, par une seconde réserve d'interprétation, qu'« il appartiendra toutefois au pouvoir réglementaire de veiller, en fixant les modalités spécifiques de mise en œuvre de ces obligations, à respecter les principes constitutionnels de la liberté d'association et du libre exercice des cultes » (paragr. 31).
En dernier lieu, le Conseil a jugé qu'en prévoyant à l'article 4-2 de la loi du 2 janvier 1907 que le représentant de l'État peut mettre en demeure une association de rendre son objet social conforme à ses activités lorsqu'elle exerce des « activités en lien avec l'exercice d'un culte », le législateur n'avait pas méconnu l'étendue de sa compétence dans des conditions affectant les exigences constitutionnelles précitées. Il a relevé, au demeurant, qu'une jurisprudence constante du Conseil d'État avait défini ces activités comme celles relatives, notamment, à l'acquisition, la location, la construction, l'aménagement et l'entretien des édifices servant au culte ainsi qu'à l'entretien et la formation des ministres et autres personnes concourant à l'exercice du culte (paragr. 32).
Par l'ensemble de ces motifs, le Conseil constitutionnel a ainsi jugé que le législateur n'avait pas porté à la liberté d'association et au libre exercice des cultes une atteinte qui n'était pas nécessaire, adaptée et proportionnée (paragr. 33). Il a donc écarté, sous la réserve d'interprétation évoquée ci-dessus, le grief tiré de la méconnaissance de la liberté d'association et du libre exercice des cultes (paragr. 34). Il a donc déclaré, sous la réserve mentionnée ci-dessus, que les dispositions contestées des articles 4, 4-1 et 4-2 de la loi du 2 janvier 1907, qui ne méconnaissaient pas non plus le droit d'expression collective des idées et des opinions, ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, étaient conformes à la Constitution (paragr. 35).
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1 M. Éric M., la fédération protestante de France, l'union nationale des associations cultuelles de l'Église protestante unie de France et l'assemblée des évêques orthodoxes de France.
2 Rappelons que les dispositions de la loi du 9 décembre 1905 ne sont applicables ni en Guyane (où demeure applicable l'ordonnance royale du 27 août 1828), ni dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle (soumis au régime concordataire). À Mayotte, Saint-Pierre-et-Miquelon, en Polynésie française, à Wallis-et-Futuna, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises, c'est le décret-loi du 16 janvier 1939 instituant outre-mer des conseils d'administration des missions religieuses, dit décret Mandel, qui organise les missions religieuses, différentes des associations cultuelles.
3 Emmanuel Tawil, « Vers la fin de la liberté des associations cultuelles ? », Recueil Dalloz, n°39, 2020, p. 2178.
4 Conseil d'État, Ass., avis n° 145.641, 25 et 31 octobre 1906.
5 Auxquelles il faut ajouter les « associations diocésaines » propres au culte catholique romain. La résolution du conflit avec les autorités catholiques emprunta cette voie originale, celles-ci acceptant de s'organiser dans le cadre d'associations « diocésaines » régies par un accord international (échanges de lettres entre les présidents du conseil Raymond Poincaré puis Aristide Briand et le nonce apostolique, Mgr Bonaventura Ceretti, entre 1921 et 1924) et dotées de statuts-type dont le Conseil d'État a jugé qu'ils étaient « compatibles » avec la loi de 1905 (avis du 13 décembre 1923). Les associations diocésaines sont ainsi des associations ayant pour but spécifique de « subvenir aux frais et à l'entretien du culte catholique, sous l'autorité de l'évêque, en communion avec le Saint–Siège, et conformément à la constitution de l'Église catholique » (statuts–types, article 2, § 1).
6 L'article 18 de la loi de 1905 prévoit : « Les associations formées pour subvenir aux frais, à l'entretien et à l'exercice public d'un culte devront être constituées conformément aux articles 5 et suivants du titre Ier de la loi du 1er juillet 1901. Elles seront, en outre, soumises aux prescriptions de la présente loi. »
7 Article 18 de la loi du 9 décembre 1905.
8Ibid., article 19.
9 Conseil d'État, Ass., avis contentieux, 24 octobre 1997, n° 187122, Association locale pour le culte des témoins de Jéhovah de Riom. Le Conseil d'État a ainsi reconnu l'existence du culte « krisnaïte » (Conseil d'État, 2e et 6e sous-sections réunies, 14 mai 1982, n° 31102). En revanche, l'Union des athées regroupant des personnes qui considèrent Dieu comme un mythe ne peut être considérée comme pratiquant un culte (Conseil d'État, 10e et 3e sous-sections réunies, 17 juin 1988, n° 63912 ; voir également Conseil d'État, 8e et 3e sous-sections réunies, 23 juin 2000, n° 215109). Une association qui a notamment pour but « de promouvoir la vie spirituelle, éducative, sociale et culturelle de la communauté arménienne » n'a donc pas exclusivement pour objet l'exercice d'un culte (Conseil d'État, 4e et 1re sous-sections réunies, 29 octobre 1990, n° 86973). Il en va de même d'une association qui se « consacre depuis sa création à l'édition et à la diffusion de publications doctrinales » (Conseil d'État, 2e et 6e sous-sections réunies, 21 janvier 1983, n° 32350).
10 Conseil d'État, 10e et 9e sous-sections réunies, 28 avril 2004, n° 248467.
11 Article 19, alinéa 1er, de la loi du 9 décembre 1905.
12 Idem.
13Ibid., alinéa 3.
14Ibid., alinéa 4.
15 Article 23, alinéa 1er, de la loi du 9 décembre 1905.
16 Article 21 de la loi du 9 décembre 1905.
17 Ces comptes sont établis conformément à un règlement de l'Autorité des normes comptables, qui prévoit notamment la tenue d'un état séparé des avantages et ressources provenant d'un État étranger, d'une personne morale étrangère, d'un dispositif juridique de droit étranger comparable à une fiducie ou d'une personne physique non résidente en France.
18 Lorsqu'elles bénéficient directement ou indirectement d'avantages ou de ressources versés en numéraire ou consentis en nature par un État étranger, par une personne morale étrangère, par tout dispositif juridique de droit étranger comparable à une fiducie ou par une personne physique non résidente en France.
19 Article 23, alinéa 2, de la loi du 9 décembre 1905.
20 Article 25 de la loi du 9 décembre 1905.
21Ibid., article 29. Le second alinéa de cet article prévoit que « sont passibles de cette peine ceux qui ont organisé la réunion ou manifestation, ceux qui y ont participé en qualité de ministres du culte et … ceux qui ont fourni le local ». De façon similaire, « il est interdit de tenir des réunions politiques dans les locaux servant habituellement à l'exercice d'un culte ou dans leurs dépendances qui en constituent un accessoire indissociable » (article 35-1 de la loi du 9 décembre 1905). « Il est également interdit d'y afficher, d'y distribuer ou d'y diffuser de la propagande électorale, que ce soit celle d'un candidat ou d'un élu. Il est également interdit d'organiser des opérations de vote pour des élections politiques françaises ou étrangères dans un local servant habituellement à l'exercice du culte ou utilisé par une association cultuelle. » Le non-respect de ces interdictions constitue un délit puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende.
22 Ibid., article 36.
23 Dans leur rédaction issue de la loi du 24 août 2021, ces dispositions prévoient que ne sont désormais pas considérées comme des subventions prohibées « les sommes allouées pour les réparations ainsi que pour les travaux d'accessibilité aux édifices affectés au culte public, qu'ils soient ou non classés monuments historiques ». Rappelons en outre que le principe législatif de non-subventionnement du culte prévu par ces dispositions ne s'applique pas à certaines parties du territoire qui ne sont pas régies par la loi de 1905 (Alsace-Moselle, outre-mer).
24 Cette disposition, introduite par la loi du 25 décembre 1942 portant modification de la loi du 9 décembre 1905 sur la séparation des Églises et de l'État, constitue l'un des principaux avantages, pour une association cultuelle, du statut issu des dispositions de la loi du 9 décembre 1905. Une telle possibilité n'est en effet ouverte, pour les associations de droit commun régies par la loi de 1901, qu'aux seules associations reconnues d'intérêt général ayant un caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel, ou concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique, à la défense de l'environnement naturel ou à la diffusion de la culture, de la langue et des connaissances scientifiques françaises (liste prévue par le b du 1 de l'article 200 du CGI auquel renvoie le a de l'article 6 de la loi du 1er juillet 1901).
25 Ces libéralités sont régies par le paragraphe II de l'article 910 et l'article 910-1 du code civil, qui prévoient un régime dérogatoire, plus favorable, de libre acceptation des libéralités sous réserve de l'opposition du représentant de l'État.
26 Jusqu'à la loi du 24 août 2021 précitée, les associations cultuelles, si elles recevaient un tel immeuble par le biais d'une libéralité, devaient ensuite le vendre.
27 Ces dispositions prévoient que les associations peuvent acquérir à titre onéreux, posséder et administrer le local destiné à l'administration de l'association et à la réunion de ses membres, ainsi que les immeubles strictement nécessaires à l'accomplissement du but qu'elle se propose.
28 Rapport n° 3797 de M. Florent Boudié, fait au nom de la commission spéciale, déposé le 25 janvier 2021. Le plafond était alors fixé à 33 % des ressources annuelles totales.
29 Rapport n° 454 (2020-2021) de Mmes Jacqueline Eustache-Brinio et Dominique Vérien, fait au nom de la commission des lois, déposé le 18 mars 2021.
30 Rapport n° 4239, Tome 1, de M. Florent Boudié, fait au nom de la commission spéciale, déposé le 9 juin 2021.
31 Article 38 du décret du 16 mars 1906 portant règlement d'administration publique pour l'exécution de la loi du 9 décembre 1905 sur la séparation des Églises et de l'État en ce qui concerne l'attribution des biens, les édifices des cultes, les associations cultuelles, la police des cultes, dans sa rédaction résultant du décret n° 2021-1844 du 27 décembre 2021 relatif aux associations cultuelles régies par la loi du 9 décembre 1905.
32 La loi n° 2009-526 de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures avait mis en place un « rescrit administratif » permettant à une association qui souhaite savoir si elle entrait bien dans la catégorie des associations cultuelles de demander à l'administration de se prononcer expressément sur sa situation juridique afin de prévenir tout contentieux en la matière. Le paragraphe V de l'article 111 de cette loi prévoyait que « Toute association qui, n'ayant pas reçu de libéralité au cours des cinq années précédentes, souhaite savoir si elle entre dans l'une des catégories d'associations mentionnées au cinquième alinéa de l'article 6 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association pour prétendre au bénéfice des dispositions législatives ou réglementaires applicables à la catégorie d'associations dont elle revendique le statut, peut interroger le représentant de l'État dans le département qui se prononce sur sa demande dans des conditions définies par décret ».
33 Article L. 80 B du livre des procédures fiscales. L'association pouvait demander, dans le cadre d'un « rescrit fiscal » à l'administration fiscale si les dons reçus ouvrent droit aux réductions d'impôt prévues par les articles 200 et 238 bis du CGI.
34 Avis n° 401549 du Conseil d'État sur un projet de loi confortant le respect, par tous, des principes de la République, 3 décembre 2020, paragr. 73.
35 Ibid., paragr. 74.
36 La reconnaissance du caractère cultuel de l'association peut dès lors être refusée :
- lorsque celle-ci n'est pas formée pour subvenir « aux frais, à l'entretien et à l'exercice public d'un culte » (article 18 de la loi du 9 décembre 1905) ;
- lorsqu'elle n'a pas « exclusivement pour objet l'exercice d'un culte », ou qu'elle porte atteinte à l'ordre public (premier alinéa de l'article 19 de la loi de 1905) ;
- lorsqu'elle n'est pas composée sept personnes majeures au moins « domiciliées ou résidant dans la circonscription religieuse définie par les statuts de l'association » (Idem) ;
- lorsque « les actes de gestion financière et d'administration légale des biens accomplis par les directeurs ou administrateurs » ne sont pas « présentés au contrôle de l'assemblée générale des membres de l'association » chaque année au moins (Ibid., alinéa 3) ;
- ou lorsque les statuts de l'association ne prévoient pas « l'existence d'un ou de plusieurs organes délibérants ayant notamment pour compétence de décider de l'adhésion de tout nouveau membre, de la modification des statuts, de la cession de tout bien immobilier appartenant à l'association et, lorsqu'elle y procède, du recrutement d'un ministre du culte » (Ibid., alinéa 4).
37 Le décret n° 2021-1844 du 27 décembre 2021 relatif aux associations cultuelles régies par la loi du 9 décembre 1905 est venu préciser les conditions dans lesquelles s'effectue cette déclaration préalable. À cette déclaration est jointe une liste mentionnant au moins sept membres majeurs et domiciliés ou résidant dans la circonscription religieuse définie par les statuts. Par ailleurs, la déclaration s'accompagne des documents suivants : les statuts de l'association ; les nom, prénom, profession, domicile et nationalité des personnes qui, à un titre quelconque, sont chargées de son administration ; le budget prévisionnel de l'exercice en cours ; les comptes annuels des trois derniers exercices clos ou, si l'association a été créée depuis moins de trois ans, les comptes des exercices clos depuis sa création ; toute justification tendant à établir que l'association réunit les conditions requises pour être qualifiée d'association cultuelle en application des articles 18 et 19 de la loi du 9 décembre 1905 ; la liste des lieux où est organisé habituellement l'exercice public du culte et pour les unions, la liste des associations membres.
38 Elles ne peuvent ainsi pas recevoir des libéralités au titre de leur activité cultuelle. Elles peuvent bénéficier de subventions publiques pour ce qui concerne leurs activités non cultuelles.
39 Articles 1er, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 9 bis et 17 de la loi du 1er juillet 1901.
40 Article 4-1, alinéa 1er, de la loi de 1907.
41 Article 21, alinéa 2, de la loi de 1905.
42 Ibid., alinéa 3.
43 Ibid., alinéa 4.
44 Ibid., alinéa 5.
45 Elles doivent établir « leurs comptes annuels de sorte que leurs activités en relation avec l'exercice public d'un culte constituent une unité fonctionnelle présentée séparément. Elles sont tenues de consacrer un compte ouvert dans un établissement mentionné à l'article L. 5211 du code monétaire et financier à l'exercice de l'ensemble des transactions financières liées à leur activité d'exercice public du culte » (article 4-1, alinéa premier, de la loi de 1907).
46 Le décret pris pour l'application de ces dispositions prévoit cette obligation lorsque le montant des subventions publiques dépasse 23 000 euros ou lorsque leur budget dépasse 100 000 euros (art. 4 du décret n° 2021-1789 du 23 décembre 2021 pris pour l'application de la loi du 2 janvier 1907 concernant l'exercice public des cultes.)
47 Article 4-2, alinéa 1er, de la loi de 1907.
48 Ibid., alinéa 2.
49 Article 5 du décret n° 2021-1789 du 23 décembre 2021 précité.
50 Décision n° 77-87 DC du 23 novembre 1977, Loi complémentaire à la loi n° 59-1557 du 31 décembre 1959 modifiée par la loi n° 71-400 du 1er juin 1971 et relative à la liberté de l'enseignement, cons. 5.
51 Décision n° 2010-613 DC du 7 octobre 2010, Loi interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public, cons. 3 et 5.
52 Décision n° 2013-353 QPC du 18 octobre 2013, M. Franck M. et autres (Célébration du mariage - Absence de « clause de conscience » de l'officier de l'état civil), cons. 7.
53 Décision n° 2010-613 DC précitée, cons. 5.
54 Décision n° 2012-297 QPC du 21 février 2013, Association pour la promotion et l'expansion de la laïcité (Traitement des pasteurs des églises consistoriales dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle), cons. 5 ; rédaction reprise ensuite en substance, par exemple, dans la décision n° 2017-633 QPC du 2 juin 2017, Collectivité territoriale de la Guyane (Rémunération des ministres du culte en Guyane), paragr. 8.
55 Décision n° 2017-695 QPC du 29 mars 2018, M. Rouchdi B. et autre (Mesures administratives de lutte contre le terrorisme), paragr. 37.
56 Décision n° 71-44 DC du 16 juillet 1971, Loi complétant les dispositions des articles 5 et 7 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association, cons. 2. Dans cette décision, le Conseil a censuré des dispositions subordonnant l'acquisition de la capacité juridique des associations déclarées à un contrôle préalable par l'autorité judiciaire de leur conformité à la loi (cons. 3 et 4).
57 Voir notamment les décisions n° 2000-434 DC du 20 juillet 2000, Loi relative à la chasse, cons. 38 ; n° 2010–3 QPC du 28 mai 2010, Union des familles en Europe (Associations familiales), cons. 9 ; n° 2011–138 QPC du 17 juin 2011, Association Vivraviry (Recours des associations), cons. 3.
58 Pour écarter le grief tiré de la méconnaissance de la liberté d'association, le Conseil souligne ainsi, dans sa décision n° 2016-535 QPC du 19 février 2016 relative à des dispositions permettant à l'autorité administrative d'ordonner la fermeture provisoire de salles de spectacle, débits de boissons et lieux de réunion de toute nature ainsi que d'interdire les réunions de nature à provoquer ou à entretenir le désordre, que ces dispositions « n'ont ni pour objet ni pour effet d'encadrer les conditions dans lesquelles les associations se constituent et exercent leur activité » (Décision n° 2016-535 QPC du 19 février 2016, Ligue des droits de l'homme (Police des réunions et des lieux publics dans le cadre de l'état d'urgence), cons. 15). Il s'en déduit que le grief tiré de la méconnaissance de la liberté d'association est opérant à l'encontre de dispositions ayant pour objet ou effet d'encadrer l'activité des associations.
59 En témoigne, par exemple, la décision n° 2017-695 QPC du 29 mars 2018 relative à des dispositions permettant à l'autorité administrative, pour prévenir la commission d'actes de terrorisme, de fermer des lieux de culte dans lesquels les propos qui sont tenus, les idées ou théories qui sont diffusées ou les activités qui se déroulent provoquent à la violence, à la haine ou à la discrimination, provoquent à la commission d'actes de terrorisme ou font l'apologie de tels actes, dans laquelle le Conseil n'a pas jugé inopérant le grief tiré de la méconnaissance de la liberté d'association, mais l'a écarté sans motivation spécifique après avoir jugé que le législateur a « assuré une conciliation qui n'est pas manifestement déséquilibrée entre, d'une part, l'objectif de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l'ordre public et, d'autre part, la liberté de conscience et le libre exercice des cultes » (décision n° 2017-695 QPC du 29 mars 2018 précitée, paragr. 43).
60 Décision n° 84-176 DC du 25 juillet 1984, Loi modifiant la loi du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle et relative à certaines dispositions applicables aux services de communication audiovisuelle soumis à autorisation, cons. 2.
61 Décision n° 2001-456 DC du 27 décembre 2001, Loi de finances pour 2002, cons. 16.
62 Décision n° 2014-444 QPC du 29 janvier 2015, Association pour la recherche sur le diabète (Acceptation des libéralités par les associations déclarées), cons. 7.
63 Décision n° 91-299 DC du 2 août 1991, Loi relative au congé de représentation en faveur des associations et des mutuelles et au contrôle des comptes des organismes faisant appel à la générosité publique.
64 Ibid., cons. 9.
65 Ibid., cons. 14 et 15.
66 Décision n° 2000-434 DC du 20 juillet 2000 précitée, cons. 38.
67 Ibid., cons. 40.
68 Décision n° 2015-727 DC du 21 janvier 2016, Loi de modernisation de notre système de santé, cons. 70 et 71.
69 Décision n° 2021-823 DC du 13 août 2021, Loi confortant le respect des principes de la République, paragr. 23.
70 Ibid, paragr. 24 et 25.