Conseil constitutionnel

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Commentaire de la décision 2020-849 QPC

09/12/2022

Conformité

 

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 26 mai 2020 par le Conseil d'État (décision n° 440217 du 25 mai 2020) d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) posée par M. Daniel D. et autres relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des paragraphes I, III et IV de l'article 19 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19.

 

Dans sa décision n° 2020-849 QPC du 17 juin 2020, le Conseil constitutionnel a déclaré conformes à la Constitution les premier et dernier alinéas du paragraphe I de cet article 19, dans sa rédaction initiale.

 

I. – Les dispositions contestées

 

A. – Présentation des dispositions contestées

 

1. – Le report du deuxième tour des élections municipales de mars 2020

 

* L'article 1er du décret du 4 septembre 20191 a fixé la date de convocation des électeurs pour procéder au renouvellement des conseils municipaux et des conseillers communautaires au dimanche 15 mars 2020. Conformément aux dispositions de l'article L. 56 du code électoral (« En cas de deuxième tour de scrutin, il y est procédé le dimanche suivant le premier tour »), l'article 6 de ce décret a précisé que le second tour aurait lieu le dimanche 22 mars 2020.

 

À l'issue de ce premier tour de scrutin, marqué par un taux de participation inférieur à 45 %2, les conseils municipaux ont été intégralement renouvelés dans plus de 30 000 communes. Un second tour devait donc être organisé le 22 mars 2020 :

 

– dans les communes ou secteurs dans lesquels aucun candidat n'a été élu. Cela recouvre, d'une part, les communes de 1 000 habitants et plus dans lesquelles la liste arrivée en tête n'a pas obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés exigée par l'article L. 262 du code électoral3. Cela recouvre, d'autre part, les communes de moins de 1 000 habitants dans lesquelles aucun candidat n'a rempli la double condition posée par l'article L. 253 du même code pour être élu dès le premier tour (avoir recueilli la majorité absolue des suffrages exprimés et le quart des électeurs inscrits) ;

 

 dans les communes de moins de 1 000 habitants dans lesquelles seule une partie des conseillers municipaux a été élue (le cas d'un conseil municipal incomplet à l'issue du premier tour ne pouvant concerner une commune de 1000 habitants et plus).

 

Toutefois, compte tenu de l'évolution de l'épidémie de covid-19, le Gouvernement a décidé, en urgence, de reporter le second tour. Pour ce faire, le décret du 17 mars 20204 a abrogé l'article 6 du décret du 4 septembre 2019 précité. Parallèlement, il a déposé devant le Parlement un projet de loi « d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 ». L'exposé des motifs précise qu'il s'agit de reporter le second tour et de l'organiser dans les trois mois suivant le premier tour, ce qui impose de déroger à l'article L. 56 précité du code électoral et aux dispositions relatives à la durée des mandats des conseillers, à la date de dépôt des candidatures et au financement de la campagne électorale.

 

2. – Les paragraphes I, III et IV de l'article 19 de la loi du 23 mars 2020 (les dispositions renvoyées)

 

Le titre III de la loi du 23 mars 2020, composé des articles 19 et 20, a organisé les modalités de report du deuxième tour des élections municipales qui devait initialement se dérouler le 22 mars 2020.

 

Après avoir rappelé qu'en raison du contexte sanitaire et des mesures de confinement mises en œuvre, le maintien du second tour était inenvisageable, l'étude d'impact considère que « L'annulation de l'ensemble des élections et leur report complet n'étaient pas non plus envisageables car ils auraient remis en cause l'élection de conseillers municipaux et communautaires dans plus de 30 000 communes dès le premier tour et, dans les communes où le premier tour n'a pas été conclusif, remettant en cause le geste citoyen de plusieurs millions d'électeurs qui ont été voté malgré le contexte épidémique ».

 

Saisi pour avis, le Conseil d'État a considéré que « Le report du second tour d'un scrutin politique est sans précédent dans notre histoire politique contemporaine. Si aucune norme de valeur supralégislative ne l'interdit en soi, la jurisprudence constitutionnelle veille, s'agissant notamment de la prorogation des mandats électifs, à ce que des mesures de cette nature soient toujours justifiées par un motif d'intérêt général suffisant. Les exigences constitutionnelles d'égalité devant le suffrage, de sincérité du scrutin ainsi que de périodicité raisonnable d'exercice du suffrage ne peuvent en outre qu'encadrer particulièrement l'hypothèse, inédite dans son principe et dans ses proportions, de suspension d'une élection entre deux tours de scrutin » et qu'« une mesure de suspension et de report d'un deuxième tour de scrutin n'est admissible que dans des cas exceptionnels, pour des motifs d'intérêt général impérieux et à la condition que le report envisagé ne dépasse pas, eu égard aux circonstances qui le justifient, un délai raisonnable »5. Il a estimé que le projet de loi qui lui était présenté remplissait ces conditions.

 

* Le premier alinéa du paragraphe I de l'article 19 confirme implicitement la décision prise par décret de reporter le second tour, « pour attribuer les sièges qui n'ont pas été pourvus à l'issue du premier tour ». Ce report est motivé par les « circonstances exceptionnelles liées à l'impérative protection de la population face à l'épidémie de covid-19 ».

 

Il précise que ce second tour est reporté « au plus tard en juin 2020 ». C'est le Gouvernement qui doit fixer la date de ce second tour et convoquer les électeurs, par décret en conseil des ministres6, adopté le mercredi 27 mai 2020 au plus tard. La tenue de ce second tour n'est possible que « si la situation sanitaire permet l'organisation des opérations électorales au regard, notamment, de l'analyse du comité de scientifiques institué sur le fondement de l'article L. 3131-19 du code de la santé publique ». En ce sens, le paragraphe II de l'article 19 précise que le comité de scientifiques se prononcera sur l'état de l'épidémie et les risques sanitaires attachés à la tenue du second tour et de la campagne électorale.

 

En application de cette disposition, le décret n° 2020-642 du 27 mai 2020 a fixé la date du second tour au dimanche 28 juin 2020. Auparavant, dans un avis du 18 mai 2020, le comité de scientifiques avait considéré qu'il était possible de sécuriser les opérations électorales afin de réduire les risques. Il avait toutefois préconisé de tenir compte de la situation épidémiologique dans les quinze jours précédant la date du scrutin, précisant que cette évaluation pourrait alors motiver une nouvelle interruption du processus électoral.

 

Dès lors que la date de dépôt des déclarations de candidatures pour le second tour est en principe corrélée à la date du premier tour du scrutin, le deuxième alinéa du même paragraphe I prévoit, par dérogation au droit commun7, que ces déclarations « sont déposées au plus tard le mardi qui suit la publication du décret de convocation des électeurs » – soit, en l'occurrence, le mardi 2 juin 2020.

 

* En commission mixte paritaire, deux nouveaux alinéas ont été introduits dans ce paragraphe I.

 

Le premier vise à déterminer les conséquences à tirer dans l'hypothèse où la situation sanitaire, évaluée par le comité de scientifiques, ne permettrait finalement pas l'organisation du second tour en juin 2020. Il s'agit du troisième alinéa du paragraphe I, qui prévoit que les électeurs seront alors convoqués pour les deux tours d'un nouveau scrutin (sans que cela ait de conséquence, en revanche, sur les mandats acquis dès le premier tour, lequel a eu lieu le 15 mars 2020). Dans ce cas, il est précisé qu'une nouvelle loi8 prolongera en conséquence les mandats des conseillers municipaux et communautaires en fonction et déterminera également les modalités d'entrée en fonction des conseillers municipaux élus dès le premier tour dans les communes de moins de 1 000 habitants pour lesquelles le conseil municipal n'a pas été élu au complet.

 

Ce troisième alinéa consacre en quelque sorte l'avis du Conseil d'État sur le projet de loi, qui avait indiqué : « si la crise persiste à cette échéance [i.e. : au-delà de trois mois], contraint à prolonger les mesures d'urgence sanitaire et rend impossible l'organisation du deuxième tour avant l'été, il appartiendra aux pouvoirs publics de reprendre l'ensemble des opérations électorales dans les communes où les conseils municipaux sont incomplets ».

 

Le second ajout constitue le dernier alinéa du paragraphe I. Il prévoit, selon les travaux parlementaires, la « sanctuarisation des mandats acquis dès le premier tour »9. Que le second tour ait lieu en juin 2020 ou qu'il soit nécessaire d'organiser plus tard deux nouveaux tours dans les communes ne disposant pas d'un conseil municipal complet, cet alinéa précise en effet que « l'élection régulière des conseillers municipaux et communautaires […] élus dès le premier tour organisé le 15 mars 2020 reste acquise ». Par conséquent, aucun des deux cas de figure prévus par le législateur ne conduit à remettre en cause les mandats acquis le 15 mars dernier, qu'il s'agisse des élus des conseils municipaux complets (dans toute catégorie de communes) ou de ceux des conseils municipaux incomplets (dans des communes de moins de 1 000 habitants).

 

* Le projet de loi initial proposait que ces conseillers municipaux et communautaires élus dès le premier tour du scrutin entreraient en fonction immédiatement.

 

S'agissant des communes de moins de 1 000 habitants, il prévoyait de traiter spécifiquement les conseils municipaux dont la moitié au moins des conseillers a été élue dès le premier tour afin de les autoriser à entrer en fonction avant même l'organisation du second tour devant permettre de pourvoir le reste de sièges. Il s'agissait de leur permettre, une fois en place, de désigner provisoirement le maire et ses adjoints (alors qu'en principe, ils ne peuvent être désignés que si le conseil municipal est réuni au complet).

 

Cette solution particulière a été rejetée par le Sénat. M. Philippe Bas, président et rapporteur de la commission des lois, a estimé qu'elle était trop complexe, qu'elle posait des difficultés en terme d'égalité de traitement entre les communes de moins de 1 000 habitants et, enfin, qu'elle « remettrait en cause la sincérité du second tour, le vote des électeurs pouvant être influencé par les décisions prises par le conseil municipal ʺprovisoireʺ »10. Plus largement, estimant que l'élection des maires et des adjoints prévue dans les jours suivants ne pourrait se dérouler dans de bonnes conditions sanitaires, le Sénat a décidé de reporter l'entrée en fonction des conseillers élus dès le premier tour11.

 

Le paragraphe III de l'article 19 prévoit donc ce report « à une date fixée par décret au plus tard au mois de juin 2020, aussitôt que la situation sanitaire le permet au regard de l'analyse du comité de scientifiques ». Une fois cette date fixée, la première réunion du conseil municipal se tient de plein droit au plus tôt cinq jours et au plus tard dix jours après cette date. Celle-ci a été fixée au 18 mai 2020 par le décret n° 2020-571 du 14 mai 202012.

 

Les deuxième et troisième alinéas du paragraphe III prévoient que, par dérogation, les conseillers élus au premier tour dans les communes de moins de 1 000 habitants dans lesquelles le conseil municipal n'a pas été élu au complet et dans les communes à statut particulier entrent en fonction le lendemain du second tour de l'élection. Si la situation sanitaire ne permet pas l'organisation du second tour au plus tard au mois de juin 2020, ces alinéas renvoient à une nouvelle loi la détermination des conditions d'entrée en fonction.

 

* Le paragraphe IV de l'article 19 précise les conséquences sur les mandats des conseillers en exercice avant le premier tour (les conseillers « sortants », élus en 2014) du report de la date d'entrée en fonction des conseillers municipaux et communautaires, d'une part, et du report du second tour, d'autre part. Par dérogation à l'article L. 227 du code électoral qui prévoit que le mandat des conseillers municipaux est de six ans, le paragraphe IV prolonge ces mandats :

 

– dans les communes dans lesquelles le conseil municipal a été élu au complet, afin de tenir compte du report de son entrée en fonction, le mandat des actuels conseillers municipaux est prolongé jusqu'à l'entrée en fonction des conseillers élus au premier tour. De façon symétrique, s'ils sont par ailleurs conseillers communautaires, leur mandat est prorogé jusqu'à cette même date (1° du paragraphe IV) ;

 

– dans les communes dans lesquelles le conseil municipal n'a pas été élu au complet, les conseillers municipaux en exercice conservent leur mandat jusqu'au second tour. Le cas échéant, leur mandat de conseiller communautaire est également prorogé jusqu'au second tour (2° du même paragraphe). Le 3° et le dernier alinéa du paragraphe IV prévoient de manière similaire la prolongation jusqu'au second tour du mandat des conseillers en exercice dans les communes soumises à des dispositions spéciales (Paris, Lyon et Marseille)13 et pour les conseillers métropolitains de Lyon.

 

B. – Origine de la QPC et question posée

 

Lors du premier tour de scrutin organisé le dimanche 15 mars 2020 pour les élections municipales dans la commune de La Brigue (Alpes-Maritimes), qui compte moins de 1 000 habitants, trois listes s'étaient présentées. Sur les quinze sièges à pourvoir au sein du conseil municipal, huit candidats avaient été élus dès le premier tour14. Un second tour de scrutin était donc nécessaire pour attribuer les sept autres sièges.

 

M. Daniel D. et plusieurs autres colistiers avaient déposé, le 20 mars 2020, un recours devant le tribunal administratif de Nice tendant à l'annulation des opérations électorales du premier tour. Ils invoquaient notamment l'illégalité du décret du 17 mars 2020 qui avait reporté le second tour des élections municipales.

 

À l'occasion de cette contestation électorale, ils avaient déposé, le 27 mars 2020, une QPC portant sur les paragraphes I, II, III et IV de l'article 19 de la loi du 23 mars 2020. Ils critiquaient le « report sine die » du second tour des élections municipales. Selon eux, ces dispositions portaient notamment atteinte au principe de sincérité du scrutin garanti par l'article 3 de la Constitution.

 

Le 20 avril 2020, le tribunal administratif de Nice avait transmis la question de la conformité des paragraphes I, III et IV de l'article 19 au Conseil d'État. Par sa décision du 25 mai 2020 précitée, celui-ci avait renvoyé cette QPC au Conseil constitutionnel au motif que « Le moyen tiré de ce [que les dispositions en cause] portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, notamment au principe de sincérité du scrutin, soulève une question présentant un caractère sérieux ».

 

II. – L'examen de la constitutionnalité des dispositions contestées

 

A. – La version des dispositions renvoyées, les griefs des requérants, la délimitation du champ de la QPC et les conclusions relatives à certaines interventions

 

* Le Conseil d'État n'avait pas précisé dans quelle version de l'article 19 de la loi du 23 mars 2020 il renvoyait au juge constitutionnel les dispositions de ses paragraphes I, III et IV. Il revenait donc au Conseil constitutionnel de la déterminer lui-même. Conformément à sa jurisprudence habituelle, il a jugé que « la question prioritaire de constitutionnalité doit être considérée comme portant sur les dispositions applicables au litige à l'occasion duquel elle a été posée ». Il s'agissait en l'occurrence des dispositions de l'article 19 de la loi du 23 mars 2020 dans sa rédaction initiale15 (paragr. 1).

 

* Les requérants reprochaient, en premier lieu, aux dispositions renvoyées, adoptées postérieurement au premier tour des élections municipales, qui s'est tenu le 15 mars 2020, de reporter le second tour de ces élections à une date indéterminée, susceptible d'être fixée jusqu'à la fin du mois de juin 2020 par le pouvoir réglementaire. Selon eux, d'une part, le législateur ne pouvait pas interrompre un processus électoral en cours et aurait donc dû annuler les résultats du scrutin du 15 mars 2020 afin d'organiser de nouvelles élections municipales. D'autre part, alors que le scrutin à deux tours formerait un bloc indissociable, ces dispositions permettaient que le second tour puisse avoir lieu plus de trois mois après le premier tour, ce qui constituait, selon eux, un délai excessif. Enfin, en prévoyant la tenue de ce second tour pendant la crise sanitaire causée par l'épidémie de covid-19, le législateur aurait créé les conditions d'une forte abstention des électeurs. Il en résultait une méconnaissance des principes de sincérité du scrutin et d'égalité devant le suffrage. En deuxième lieu, les requérants soutenaient que les dispositions renvoyées avaient pour effet de valider les résultats du premier tour, sans égard pour les contestations en cours devant le juge de l'élection. Il en résultait une méconnaissance de la séparation des pouvoirs et de la garantie des droits. En dernier lieu, les requérants reprochaient à ces dispositions de prévoir des dates d'entrée en fonction et des durées de mandat des conseillers municipaux différentes selon qu'ils avaient été élus dès le premier tour ou qu'ils le seraient à l'issue du second tour reporté. Il en résultait une méconnaissance du principe d'égalité devant le suffrage.

 

Au regard de ces griefs, consistant à la fois à reprocher au législateur de ne pas avoir annulé l'ensemble des opérations électorales du premier tour et à critiquer le report du second tour et ses conséquences, le Conseil constitutionnel a jugé que la QPC portait sur les premier et dernier alinéas du paragraphe I de l'article 19 (paragr. 8).

 

* Les requérants concluaient à l'irrecevabilité de quatre demandes d'intervention16. Ils soutenaient que leurs auteurs ne justifiaient pas d'un intérêt spécial à intervenir aux motifs, notamment, qu'ils étaient parties à d'autres instances en cours et que leurs interventions avaient pour objet de soutenir la conformité à la Constitution des dispositions contestées.

 

Le Conseil constitutionnel a constaté que ces quatre demandes en intervention étaient présentées par des personnes ayant été élues lors du premier tour des élections municipales organisé le 15 mars 2020. Elles étaient parties en défense de contestations électorales déposées devant le tribunal administratif, à l'occasion desquelles l'auteur de ces contestations avait déposé une QPC portant sur tout ou partie des dispositions contestées dans la QPC objet de la décision commentée. Dès lors, par parallélisme avec sa jurisprudence qui admet couramment l'intervention d'une personne ayant, dans un autre litige, déposé une QPC contre les dispositions contestées devant lui par un requérant, le Conseil a jugé que ces quatre personnes disposaient bien d'un intérêt spécial à intervenir. Il a donc rejeté les conclusions aux fins d'irrecevabilité des requérants (paragr. 13).

 

* Enfin, l'un de ces intervenants se prévalait du projet de loi déposé le 27 mai 2020 (voir supra) pour soutenir que la QPC était dépourvue d'objet. Il faisait valoir que les dispositions renvoyées devaient être prochainement modifiées ou remplacées par des dispositions nouvelles qui pourraient s'appliquer aux instances en cours devant le juge de l'élection.

 

Sans même se prononcer sur l'objet et la portée exacte de ce texte, qui était en cours de discussion devant le Parlement à la date de sa décision, le Conseil constitutionnel a rappelé17 que, « en tout état de cause, la modification ou l'abrogation ultérieure de la disposition contestée ne fait pas disparaître l'atteinte éventuelle aux droits et libertés que la Constitution garantit et n'ôte donc pas son effet utile à la question prioritaire de constitutionnalité » (paragr. 15). Il a donc rejeté ces conclusions aux fins de non-lieu.

 

B. – La jurisprudence constitutionnelle

 

1. – La jurisprudence sur les modifications du calendrier électoral

 

Le Conseil constitutionnel a fréquemment contrôlé, en contentieux a priori, des dispositions modifiant le calendrier électoral (qui, à la différence de la présente affaire, n'étaient pas intervenues pendant le processus électoral lui-même). Ces dispositions prorogeaient ou écourtaient des mandats, parfois en cours, afin de tenir compte d'une réforme globale, afin d'éviter la concomitance d'un trop grand nombre d'élections ou, au contraire, afin d'organiser une telle concomitance dans le but de favoriser une plus large participation des électeurs.

 

Le Conseil effectue ce contrôle sur le fondement du droit de suffrage protégé par l'article 3 de la Constitution, qui, selon la jurisprudence, doit pouvoir être exercé par les citoyens « selon une périodicité raisonnable ».

 

Ainsi, dans sa décision n° 90-280 DC du 6 décembre 1990, après avoir rappelé que « le législateur, compétent pour fixer les règles concernant le régime électoral des assemblées locales peut, à ce titre, déterminer la durée du mandat des élus qui composent l'organe délibérant d'une collectivité territoriale », le Conseil a précisé que, « dans l'exercice de cette compétence, il doit se conformer aux principes d'ordre constitutionnel, qui impliquent notamment que les électeurs soient appelés à exercer selon une périodicité raisonnable leur droit de suffrage »18.

 

Dans sa décision n° 93-331 DC du 13 janvier 1994, saisi d'une loi rétablissant le renouvellement triennal par moitié des conseils généraux, le Conseil a d'abord jugé que « le législateur compétent pour fixer les règles concernant le régime électoral des assemblées locales peut, sous réserve du respect des dispositions et principes de valeur constitutionnelle, librement modifier ces règles » et « que la Constitution ne confère pas au Conseil constitutionnel un pouvoir général d'appréciation et de décision identique à celui du Parlement ; qu'il ne lui appartient donc pas de rechercher si les objectifs que s'est assigné le législateur auraient pu être atteints par d'autres voies, dès lors que, comme en l'espèce, les modalités retenues par la loi ne sont pas manifestement inappropriées à ces objectifs ». Il a ensuite considéré que « les électeurs doivent être appelés à exercer leur droit de suffrage pour la désignation des membres des conseils élus des collectivités territoriales selon une périodicité raisonnable » et qu'en l'espèce ce principe était respecté, dès lors notamment « que les modalités particulières relatives au mandat des conseillers généraux à élire en 1994 revêtent un caractère exceptionnel et transitoire s'insérant dans le cadre du dispositif d'ensemble adopté par le législateur »19.

 

Dans sa décision n° 94-341 DC du 6 juillet 1994, le Conseil était saisi des dispositions qui reportaient les élections municipales afin d'éviter leur concomitance avec l'élection présidentielle. Après avoir rappelé sa formulation de principe relative à la compétence du législateur et les limites liées au pouvoir d'appréciation du Parlement, il a jugé « qu'il résulte des travaux préparatoires de la loi que le législateur a justifié la prorogation du mandat des conseillers municipaux par la nécessité d'éviter des difficultés de mise en œuvre de l'organisation de l'élection présidentielle prévue en 1995 ; que cette prorogation et par suite la réduction du mandat des conseillers municipaux à élire a été limitée à trois mois et revêt un caractère exceptionnel ; que le choix opéré par le législateur n'est pas manifestement inapproprié aux objectifs qu'il s'est fixés ; que ce choix ne crée, dans son principe, ni dans ses modalités matérielles d'organisation, de confusion dans l'esprit des électeurs avec d'autres consultations électorales ; que dans cette mesure l'article 1er de la loi n'apparaît contraire ni au droit de suffrage garanti par l'article 3 de la Constitution, ni au principe de libre administration des collectivités locales, ni au principe d'égalité » (cette dernière référence à l'égalité devant la loi répondait à la critique de la différence de durée entre le mandat des conseillers municipaux sortants qui se trouvait prorogé et celui des conseillers municipaux à élire lors du scrutin suivant)20.

 

Dans sa décision n° 96-372 DC du 6 février 1996, le Conseil a contrôlé des dispositions qui reportaient de deux mois le renouvellement des membres de l'assemblée territoriale de la Polynésie française. Il a d'abord relevé que « le législateur a entendu éviter notamment, ainsi qu'il ressort des travaux préparatoires de la loi déférée, la concomitance de ce renouvellement et de l'examen par le Parlement d'une réforme du statut de ce territoire d'outre-mer ; qu'il s'est en particulier ainsi fixé pour objectif de permettre que les électeurs puissent être précisément informés des conséquences de leur choix ». Après avoir rappelé sa formulation de principe sur le caractère restreint de son contrôle, il a jugé que « la prorogation du mandat des membres de l'assemblée territoriale actuellement en fonction qui résulte du report des opérations électorales prévu par la loi déférée, a été limitée à deux mois et revêt un caractère exceptionnel et transitoire ; que cette prorogation n'est pas manifestement inappropriée aux objectifs que s'est fixés le législateur »21.

 

Dans la décision n° 2010-603 DC du 11 février 2010, saisi d'une loi organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et régionaux, le Conseil a, de nouveau, rappelé la compétence que le législateur tient de l'article 34 de la Constitution et le fait que, « dans l'exercice de cette compétence, il doit se conformer aux principes d'ordre constitutionnel, qui impliquent notamment que les électeurs soient appelés à exercer leur droit de suffrage selon une périodicité raisonnable ». Après avoir indiqué qu'il ne disposait pas du même pouvoir d'appréciation que le législateur, le Conseil a jugé qu'« en réduisant de six à quatre ans le mandat des conseillers régionaux qui seront élus en 2010 et de six à trois ans celui des conseillers généraux qui seront élus en 2011, le législateur n'a porté atteinte à la durée d'aucun mandat en cours ; qu'il a entendu que ces nouveaux mandats arrivent à échéance concomitamment dans la perspective d'une réforme future ; que, si cette dernière dépend de textes qui n'ont pas été promulgués ou même adoptés, le législateur était fondé, pour assurer le respect des exigences de clarté et de loyauté de l'élection des conseillers régionaux, en 2010, et des conseillers généraux, en 2011, à modifier la durée des mandats avant ces scrutins ; qu'il a donc ainsi poursuivi un but d'intérêt général ; que, pour les mêmes raisons, il n'était pas tenu de subordonner cette modification à l'entrée en vigueur de la réforme envisagée ; qu'au demeurant, la concomitance des scrutins peut également trouver une justification dans l'objectif de favoriser une plus forte participation du corps électoral à chacune de ces consultations »22.

 

Le Conseil constitutionnel a également déclaré conforme à la Constitution la prorogation de mandats électoraux justifiée par une réforme territoriale d'ensemble dans sa décision n° 2013-667 DC du 16 mai 2013. Il a notamment jugé « qu'en prorogeant d'un an le mandat des conseillers généraux, des conseillers régionaux et des membres de l'assemblée de Corse, le législateur a estimé que l'organisation en 2014 du renouvellement de l'assemblée délibérante des départements, des élections régionales ainsi que des élections municipales et de l'élection des députés européens aurait été de nature à favoriser l'abstention ; que le report de l'élection des membres des assemblées départementales est en outre rendu nécessaire par les délais de mise en œuvre de la réforme résultant du chapitre Ier du titre Ier de la loi déférée ; qu'il n'appartient pas au Conseil constitutionnel de substituer son appréciation à celle du législateur sur le choix de maintenir la concomitance des élections régionales et des élections départementales alors qu'est par ailleurs abrogée la loi du 16 février 2010 susvisée organisant cette concomitance ; que ce report, limité à un an, n'a pas pour effet de méconnaître le principe selon lequel les électeurs doivent être appelés à exercer leur droit de suffrage selon une périodicité raisonnable »23.

 

De même, la décision n° 2013-671 DC du 6 juin 2013 énonce qu'« en prolongeant d'une année au plus la durée du mandat des membres [de l'Assemblée des Français de l'étranger] dont le renouvellement était prévu en juin 2013 […], le législateur a entendu permettre l'application sans délai de la réforme générale, en cours d'adoption, de la représentation des Français établis hors de France ; qu'en évitant qu'il soit porté atteinte à la sincérité du suffrage en organisant l'élection de ces membres concomitamment à l'adoption de cette réforme, il a poursuivi un but d'intérêt général ; que le législateur n'était pas tenu de subordonner la prorogation des mandats à l'entrée en vigueur de la réforme en discussion ; qu'au regard de la durée totale de prorogation résultant de la combinaison de la loi du 15 juin 2011 et de la loi déférée, ces dispositions ne portent pas atteinte au principe selon lequel les électeurs doivent être appelés à exercer leur suffrage selon une périodicité raisonnable ». C'est donc ici au nom de la sincérité du suffrage qu'il était dérogé au rythme électoral normalement prévu24.

 

Au total, cette jurisprudence sur la périodicité raisonnable de l'exercice du suffrage reconnaît une importante marge de manœuvre au législateur. Le Conseil veille essentiellement à ce que les modifications des échéances électorales soient justifiées par un motif rationnel (parfois expressément qualifié de but d'intérêt général). Il n'a jamais prononcé de censure sur ce fondement.

 

2. – La jurisprudence sur la sincérité du scrutin

 

* En sa qualité de juge électoral, le Conseil constitutionnel se réfère couramment, depuis 1959, à la notion de sincérité du scrutin. Selon Richard Ghevontian, « on peut définir la sincérité du scrutin comme le révélateur de la volonté réelle de l'électeur. Dès lors que celle-ci ne peut pas être connue de manière certaine, et donc qu'il est impossible de connaître avec certitude le choix majoritaire des électeurs, l'élection est annulée par le juge »25. Il ajoute que « L'atteinte à la sincérité du scrutin est toutefois souvent liée à deux paramètres : l'écart de voix et l'influence déterminante de l'irrégularité génératrice du défaut de sincérité ». Cette atteinte à la sincérité est appréciée, au cas par cas, conformément au contrôle concret effectué par le juge de l'élection.

 

En contentieux électoral, le Conseil constitutionnel ne s'est prononcé qu'une seule fois sur un report en urgence du second tour d'une élection législative. Du fait d'un cyclone, le préfet de la Réunion avait, la veille du scrutin, reporté sine die le second tour. Le Gouvernement avait, ensuite, prévu la tenue de ce second tour une semaine plus tard. Le requérant se prévalait de l'irrégularité de la décision préfectorale pour demander l'annulation du scrutin. Dans sa décision n° 73-603/741 AN du 27 juin 1973, le Conseil a jugé :

 

« par arrêté en date du 10 mars 1973, le préfet de la Réunion a reporté à une date ultérieure "la plus rapprochée possible" le scrutin du deuxième tour des élections législatives qui devait se dérouler le lendemain, dans la deuxième circonscription de la Réunion, aux motifs qu'en raison des pluies diluviennes qui s'abattaient sur le département et de l'interdiction générale de circuler qu'il avait édictée, la sécurité des personnes se rendant dans les bureaux de vote était gravement menacée ; que, par décret en date du 12 mars 1973, le Gouvernement a fixé au 18 mars 1973 la date de convocation du collège électoral ;

 

« Considérant, d'une part, que la circonstance qu'un cyclone ait atteint l'île de la Réunion rendait inévitable qu'intervînt exceptionnellement une mesure de report du second tour ; qu'il est certes regrettable que la loi n'ait pas prévu l'autorité compétente pour tirer les conséquences de circonstances exceptionnelles de la nature de celles qui sont survenues à la Réunion les 10 et 11 mars 1973 ; que, dans ce silence de la loi, si le préfet de la Réunion n'était pas normalement compétent pour ordonner le report du second tour, cette irrégularité n'a pu altérer les résultats du scrutin alors surtout qu'aucune manœuvre frauduleuse n'est établie ; […] / d'autre part, que le report du second tour à une date où était connu le résultat d'ensemble de la consultation n'a pu avoir, en l'espèce, pour effet de modifier le sens du scrutin »26.

 

Quoique le terme de sincérité ne soit pas employé dans cette décision, l'idée n'en est pas totalement absente, en particulier lorsque le Conseil constitutionnel répond au grief tiré de ce que les électeurs réunionnais se sont prononcés une semaine plus tard que le reste du pays.

 

* Dans le contentieux de la constitutionnalité, le Conseil a également eu à appliquer, à plusieurs reprises, le principe de sincérité du scrutin – lequel n'avait, en revanche, encore jamais encore été invoqué en QPC27.

 

Ainsi, dans sa décision n° 2003-468 DC du 3 avril 2003, alors que les requérants soutenaient qu'un nouveau mode de scrutin favoriserait des manœuvres de nature à altérer la sincérité du scrutin, le Conseil a refusé de se prononcer de manière abstraite sur cette question : « la loi ne favorise pas par elle-même les manœuvres électorales ; […] il appartiendrait au juge de l'élection, saisi d'un tel grief, d'apprécier si la désignation comme tête de liste régionale d'un candidat qui ne serait pas placé en rang utile pour être élu a ou non altéré, dans les circonstances de l'espèce, la sincérité du scrutin »28.

À l'inverse, la décision n° 2003-475 DC du 24 juillet 2003 énonce que l'inscription sur les bulletins de vote du nom de personnes qui ne sont pas candidates à l'élection « risquerait de créer la confusion dans l'esprit des électeurs et, ainsi, d'altérer la sincérité du scrutin », ce dont le Conseil déduit que la disposition permettant une telle inscription « est contraire tant à l'objectif d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi qu'au principe de loyauté du suffrage »29.

 

Dans la décision n° 2013-667 DC précitée, le Conseil a jugé que des dispositions relatives au financement des campagnes électorales « ont notamment pour but d'assurer la sincérité du suffrage qui constitue une exigence constitutionnelle »30.

 

Dans sa décision n° 2013-673 DC du 18 juillet 2013, le Conseil s'est fondé explicitement sur la « sincérité du scrutin » pour contrôler les dispositions qui lui étaient déférées et a mentionné, en les rattachant implicitement à l'article 3 de la Constitution, « les exigences constitutionnelles de sincérité du scrutin »31.

 

Plus récemment, la décision n° 2018-773 DC du 20 décembre 2018 est la première à avoir explicitement rattaché ce principe à l'article 3 de la Constitution, dans une nouvelle formulation de principe : « Aux termes du troisième alinéa de l'article 3 de la Constitution, "Le suffrage peut être direct ou indirect dans les conditions prévues par la Constitution. Il est toujours universel, égal et secret". Il en résulte le principe de sincérité du scrutin »32.

 

Dans cette décision, le Conseil a contrôlé au regard de la liberté d'expression et de communication des dispositions instituant une procédure de référé visant à faire cesser la diffusion de fausses informations susceptibles, selon les termes de la loi, de porter atteinte à la sincérité du scrutin. Il a jugé « qu'il appartient au législateur de concilier le principe constitutionnel de sincérité du scrutin avec la liberté constitutionnelle d'expression et de communication ». Après avoir relevé qu'en adoptant ces dispositions, le législateur a entendu « assurer la clarté du débat électoral et le respect du principe de sincérité du scrutin » et qu'il a prévu différentes garanties, le Conseil a émis une double réserve d'interprétation pour assurer la conformité de ces dispositions à la liberté d'expression qui « revêt une importance particulière dans le débat politique et au cours des campagnes électorales »33.

 

Le Conseil veille donc, dans le cadre de son contrôle abstrait, à ce que certains éléments ne soient pas susceptibles d'altérer la sincérité du scrutin. Jusqu'alors, il n'avait fait porter ce contrôle que sur des éléments participant directement à l'opération électorale (certains bulletins, certaines modalités de vote) ou sur des événements extérieurs susceptibles de troubler les électeurs (fausses informations), et non sur le simple écoulement du temps entre deux tours de scrutin.

 

3. – La jurisprudence sur l'égalité devant le suffrage

 

Dans sa décision n° 2019-811 QPC du 25 octobre 201934, le Conseil constitutionnel a confirmé le rattachement du principe d'égalité devant le suffrage au troisième alinéa de l'article 3 de la Constitution, selon lequel le suffrage « est toujours universel, égal et secret », et à l'article 6 de la Déclaration de 1789, relatif à l'égalité devant la loi. Ce principe constitue un droit ou une liberté invocable dans le cadre de la QPC35. Sa mise en œuvre peut intéresser tant les électeurs que les candidats.

 

S'agissant des électeurs, la jurisprudence la plus abondante est celle par laquelle le Conseil apprécie les règles régissant le découpage des circonscriptions électorales, afin de s'assurer du caractère équilibré de la représentation politique36. Par ailleurs, combinée au principe de pluralisme des courants d'idées et d'opinions (prévu à l'article 4 de la Constitution), l'égalité devant le suffrage sert de fondement au contrôle des modes de scrutin37.

 

S'agissant des candidats, le Conseil veille à ce que la loi assure leur égalité de traitement, notamment pendant la campagne électorale. Par exemple, dans la décision n° 2016-729 DC du 21 avril 2016 relative à l'application du principe d'équité pendant la période dite « intermédiaire » de la campagne pour l'élection du Président de la République (période allant de la publication de la liste des candidats jusqu'à la veille du début de la campagne officielle), le Conseil a jugé que ce principe introduit une différence de traitement entre candidats se trouvant dans la même situation, mais que « cette différence de traitement, justifiée par le motif d'intérêt général de clarté du débat électoral, est en rapport direct avec l'objet de la loi, qui est de prendre en compte l'importance relative des candidats dans le débat public ». Le Conseil en a déduit que le principe d'égalité devant le suffrage n'était pas méconnu38.

 

C. – L'application à l'espèce

 

1. – Les griefs dirigés contre le premier alinéa du paragraphe I de l'article 19

 

* Le Conseil constitutionnel s'est d'abord prononcé sur les critiques portant sur le principe même de la suspension des opérations électorales après le premier tour des élections municipales et du report de leur second tour. Une telle intervention du législateur était inédite et posait donc une question constitutionnelle nouvelle.

 

Le Conseil l'a examinée, essentiellement, au regard des normes constitutionnelles suivantes :

 

– le principe de sincérité du scrutin, qui résulte du troisième alinéa de l'article 3 de la Constitution (paragr. 16). Ce principe, qui vise à assurer la clarté du débat électoral et à éviter que les électeurs puissent être trompés dans leurs choix, est mis en cause lorsque les conditions du débat sont susceptibles d'être perturbées par l'interruption des opérations électorales et la dissociation des deux tours qui les constituent ;

 

– le principe d'égalité devant le suffrage, qui découle du troisième alinéa de l'article 3 de la Constitution et de l'article 6 de la Déclaration de 1789 (paragr. 17). Le report du second tour pourrait, en effet, entraîner des ruptures d'égalité, notamment entre les candidats élus dès le premier tour et ceux en ballotage, entre les candidats sortants et les autres candidats ou encore entre les candidats au deuxième tour et les personnes non admises à s'y présenter ;

 

– le droit de suffrage, garanti par le troisième alinéa de l'article 3 de la Constitution, qui exige notamment que les électeurs soient convoqués aux urnes selon une périodicité raisonnable. Le Conseil a rappelé que cette exigence s'impose au législateur, compétent en application de l'article 34 de la Constitution pour fixer les règles concernant le régime électoral des assemblées locales et, à ce titre, pour déterminer la durée du mandat des élus qui composent l'organe délibérant d'une collectivité territoriale (paragr. 18).

 

Comme il l'avait déjà admis à propos du principe d'égalité devant le suffrage, le Conseil constitutionnel a ainsi implicitement reconnu, pour la première fois, que le principe de sincérité du scrutin et le droit de suffrage étaient des droits ou libertés garantis par la Constitution au sens de son article 61-1 et qu'ils pouvaient donc être invoqués au soutien d'une QPC.

 

Le Conseil constitutionnel a ensuite constaté que les dispositions contestées avaient suspendu les opérations électorales postérieurement à la tenue du premier tour et reporté l'organisation du second tour. Il a jugé qu'elles étaient le résultat d'un arbitrage entre deux objectifs difficilement conciliables : « Si [les dispositions contestées] remettent en cause l'unité de déroulement des opérations électorales, elles permettent, contrairement à une annulation du premier tour, de préserver l'expression du suffrage lors de celui-ci » (paragr. 21).

 

Il a alors indiqué les conditions dans lesquelles une telle intervention du législateur était constitutionnellement admissible : « le législateur ne saurait, sans méconnaître les exigences résultant de l'article 3 de la Constitution, autoriser une telle modification du déroulement des opérations électorales qu'à la condition qu'elle soit justifiée par un motif impérieux d'intérêt général et que, par les modalités qu'il a retenues, il n'en résulte pas une méconnaissance du droit de suffrage, du principe de sincérité du scrutin ou de l'égalité devant le suffrage » (même paragr.).

 

En effet, d'une part, compte tenu de la perturbation que le report du second tour d'un scrutin en cours peut potentiellement entraîner sur l'ensemble du processus électoral et des risques de manipulation attachés à une telle décision (dans l'hypothèse, par exemple, où une majorité parlementaire déciderait de modifier un processus électoral qui lui serait défavorable), les circonstances qui motivent ce report ne peuvent être que très restreintes. Ainsi, à la différence de sa jurisprudence relative aux adaptations du calendrier électoral ou aux modifications des durées de mandats électifs (rappelée plus haut), pour lesquelles un motif d'intérêt général « simple » peut suffire, le Conseil constitutionnel a exigé ici un motif impérieux d'intérêt général.

 

En l'espèce, il a jugé qu'en « adoptant les dispositions contestées, alors que le choix avait été fait, avant qu'il n'intervienne, de maintenir le premier tour de scrutin, le législateur a entendu éviter que la tenue du deuxième tour de scrutin initialement prévu le 22 mars 2020 et la campagne électorale qui devait le précéder ne contribuent à la propagation de l'épidémie de covid-19, dans un contexte sanitaire ayant donné lieu à des mesures de confinement de la population » (paragr. 22). Un tel objectif constitue, selon le Conseil, un motif impérieux d'intérêt général (même paragr.).

 

D'autre part, le Conseil devait également vérifier que les modalités du report du second tour retenues par le législateur n'emportaient pas une méconnaissance du droit de suffrage, du principe de sincérité du scrutin ou de l'égalité devant le suffrage.

 

À cet égard, il a d'abord examiné les modalités relatives à la fixation de la date du second tour. Les requérants critiquaient à la fois l'intervalle maximal entre les deux tours (qui pouvait aller jusqu'à quinze semaines) et le fait que le législateur n'avait pas déterminé lui-même la date du second tour.

 

En réponse, le Conseil a, au contraire, souligné la cohérence entre, d'un côté, ce délai maximal de quinze semaines et les règles de fixation de la date du second tour et, de l'autre, le motif ayant justifié la suspension en urgence du processus électoral et le report du second tour.

 

S'agissant du délai, le Conseil a jugé qu'il « était, lors de son adoption, adapté à la gravité de la situation sanitaire et à l'incertitude entourant l'évolution de l'épidémie » (paragr. 23).

 

S'agissant de la fixation de la date, il a relevé que « le législateur a imposé au pouvoir réglementaire de fixer la date de ce second tour, par décret en conseil des ministres pris le 27 mai 2020 au plus tard. Il a subordonné cette fixation à la condition que la situation sanitaire le permette, compte tenu notamment de l'analyse du comité de scientifiques prévu à l'article L. 3131-19 du code de la santé publique » (paragr. 24). Ce faisant, le législateur s'était assuré que le décret de convocation des électeurs serait adopté suffisamment tôt pour permettre un second tour au plus tard à la fin du mois de juin et que les opérations électorales ne seraient organisées que si la situation sanitaire ne s'y opposait pas.

 

S'il était, en outre, reproché à ces dispositions d'autoriser un second tour à une date prématurée au regard de l'évolution de l'épidémie de covid-19, au risque d'entraîner une très faible participation des électeurs, le Conseil a rappelé que la tenue du second tour était subordonnée à la condition que la situation sanitaire le permette. Il n'était donc pas possible de soutenir que ces dispositions avaient pour effet de favoriser « par elles-mêmes l'abstention » (paragr. 25). La question de l'effet du niveau de participation des électeurs sur la sincérité du scrutin peut seulement être débattue devant le juge administratif saisi d'une contestation électorale : « Il appartiendra, le cas échéant, au juge de l'élection, saisi d'un tel grief, d'apprécier si le niveau de l'abstention a pu ou non altérer, dans les circonstances de l'espèce, la sincérité du scrutin » (même paragr.). Le Conseil a ainsi, sur ce point, repris le raisonnement tenu dans sa décision n° 2003-468 DC précitée, dans laquelle il avait refusé de considérer que le mode de scrutin alors contesté puisse, en soi, favoriser par lui-même des manœuvres électorales de nature à altérer la sincérité des scrutins à venir39.

 

Enfin, le Conseil constitutionnel a relevé que, parmi les mesures d'adaptation du droit électoral prises à la suite du report du second tour, certaines contribuaient à préserver une certaine « continuité des opérations électorales » (paragr. 26) et à assurer la sincérité du scrutin et l'égalité devant le suffrage, malgré la distance temporelle séparant les deux tours.

 

Il a d'abord retenu que, sauf exceptions liées à des motifs objectifs (respect d'une décision de justice, décès, majorité), le second tour du scrutin initialement fixé au 22 mars 2020 aurait lieu à partir des listes électorales et des listes électorales complémentaires établies pour le premier tour40. Cette mesure permet de « préserver l'unité du corps électoral entre les deux tours » (paragr. 26). Par exemple, un électeur qui a déménagé après le premier tour ne peut pas, conformément d'ailleurs au droit commun, voter au deuxième tour dans sa nouvelle commune de résidence.

 

De même, les 6° et 7° du paragraphe XII de l'article 19 de la loi du 23 mars 2020 permettent de majorer par décret les plafonds de dépenses électorales applicables41 et d'obtenir le remboursement d'une partie des dépenses de propagande ayant été engagées pour le second tour du scrutin initialement prévu le 22 mars 202042. Le Conseil a jugé que ces dispositions contribuaient à assurer l'égalité entre les candidats au cours de la campagne (paragr. 27).

 

Enfin, pour préserver les possibilités de contester les résultats du premier tour en dépit de la suspension du scrutin, les électeurs ont pu, par dérogation au troisième alinéa de l'article L. 68 du code électoral43, obtenir communication des listes d'émargement des bureaux de vote à compter de l'entrée en vigueur du décret de convocation pour le second tour et jusqu'à l'expiration du délai de recours contentieux44, soit concrètement entre le 18 et le 25 mai 202045 (paragr. 28). Cette adaptation des délais au profit des électeurs requérants contribue à la sincérité du scrutin.

 

Par conséquent, compte tenu du motif du report et des modalités retenues par le législateur, le Conseil a jugé que le report du second tour des élections municipales au plus tard en juin 2020 ne méconnaissait ni le droit de suffrage, ni le principe de sincérité du scrutin, ni celui d'égalité devant le suffrage (paragr. 29).

 

* S'agissant des conséquences du report du second tour, les requérants critiquaient les différences introduites par ces dispositions sur les mandats des conseillers municipaux et les effets de ce report sur les contentieux électoraux en cours devant le juge administratif.

 

En premier lieu, les différences de traitement en matière de durée des mandats, entre les conseillers élus dès le premier tour et ceux dont le mandat ne débutera qu'à la date du second tour reporté, sont une conséquence directe de la décision de reporter le second tour du scrutin tout en préservant l'élection des candidats élus dès le premier tour. Le Conseil a jugé que « cette différence de traitement repose sur une différence de situation au regard de l'élection et répond directement à la volonté du législateur d'assurer la mise en œuvre des objectifs qu'il s'est fixés en reportant le second tour » (paragr. 30).

 

En second lieu, contrairement à ce que soutenaient les requérants, la décision de reporter le second tour sans annuler le premier n'a aucune conséquence sur la possibilité de contester les résultats de ce dernier devant le juge de l'élection, s'agissant des communes dans lesquelles un second tour est nécessaire. À cet égard, le Conseil a relevé que « les dispositions contestées n'ont aucune incidence sur les éventuelles contestations devant le juge de l'élection des opérations électorales du premier tour ». Il a donc écarté les griefs tirés de l'atteinte à la séparation des pouvoirs et au droit à un recours juridictionnel effectif (paragr. 31).

 

* Compte tenu de tout ce qui précède, le Conseil a déclaré le premier alinéa du paragraphe I de l'article 19 de la loi du 23 mars 2020 conforme à la Constitution (paragr. 32).

 

2. – Les griefs dirigés contre le dernier alinéa du paragraphe I de l'article 19

 

Les requérants et l'un des intervenants attribuaient au dernier alinéa du paragraphe I de l'article 19 une portée qu'il n'avait pas. En effet, ils considéraient que ces dispositions constituaient une loi validant rétroactivement les élections du premier tour et empêchant toute contestation de celui-ci.

 

Dans la décision commentée, le Conseil a rappelé l'objet limité de cette disposition : « [elle] se borne à préciser que ni le report du second tour au plus tard en juin 2020 ni l'éventuelle organisation de deux nouveaux tours de scrutin après cette date n'ont de conséquence sur les mandats régulièrement acquis dès le premier tour organisé le 15 mars 2020 » (paragr. 33). Il ne pouvait donc qu'en déduire que cette disposition n'avait « ni pour objet ni pour effet de valider rétroactivement les opérations électorales du premier tour ayant donné lieu à l'attribution de sièges » (même paragr.). Elle est ainsi sans influence sur l'office du juge électoral : elle n'a pas pour effet de rendre sans objet les contestations électorales déjà déposées à la date de son entrée en vigueur, pas plus qu'elle n'a pour effet de rendre irrecevables les contestations déposées postérieurement à cette date.

 

Après avoir écarté les griefs tirés de la méconnaissance des exigences de l'article 16 de la Déclaration de 1789 et des principes de sincérité du scrutin et d'égalité devant le suffrage (paragr. 34), le Conseil constitutionnel a, dès lors, également déclaré le dernier alinéa du paragraphe I de l'article 19 de la loi du 23 mars 2020 conforme à la Constitution (paragr. 35).

_______________________________________

1 Décret n° 2019-928 du 4 septembre 2019 fixant la date du renouvellement des conseillers municipaux et communautaires, des conseillers de Paris et des conseillers métropolitains de Lyon, et portant convocation des électeurs. Ce décret est pris en application, notamment, de l'article L. 227 du code électoral qui prévoit que « Les conseillers municipaux sont élus pour six ans. Lors même qu'ils ont été élus dans l'intervalle, ils sont renouvelés intégralement au mois de mars à une date fixée au moins trois mois auparavant par décret pris en Conseil des ministres. Ce décret convoque en outre les électeurs ».

2 Ce qui constitue un record d'abstention (55 %) pour des élections municipales. Des taux d'abstention plus importants ont déjà été constatés lors d'élections législatives (2017, 2ème tour), européennes (2004, 2009) ou cantonales (2011, 1er tour) et lors de référendums (sur la Nouvelle-Calédonie en 1988, sur le quinquennat en 2000).

3 Cet article faisait l'objet d'une autre QPC : voir la décision n° 2020-850 QPC du 17 juin 2020, Mme Patricia W. (Attribution des sièges au premier tour des élections municipales dans les communes de 1 000 habitants et plus).

4 Décret n° 2020-267 du 17 mars 2020 portant report du second tour du renouvellement des conseillers municipaux et communautaires, des conseillers de Paris et des conseillers métropolitains de Lyon, initialement fixé au 22 mars 2020 par le décret n° 2019-928 du 4 septembre 2019.

5 CE, avis n° 399873 du 18 mars 2020 rendu au Gouvernement sur un projet de loi d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19.

6 Par parallélisme avec la règle fixée par l'article L. 227 du code électoral.

7 Pour le second tour des élections municipales, les déclarations de candidatures sont déposées au plus tard, le mardi qui suit le premier tour, à dix-huit heures (article L. 267 du code électoral dans les communes de 1 000 habitants et plus ; article L. 255-4 du même code dans les communes de moins de 1 000 habitants).

8 Un projet de loi prévoyant de telles dispositions a été déposé le 27 mai 2020 à l'Assemblée nationale (devenu la loi n° 2020-760 du 22 juin 2020 tendant à sécuriser l'organisation du second tour des élections municipales et communautaires de juin 2020 et à reporter les élections consulaires).

9 M. Stanislas Guérini, in rapport de M. René-Paul Savary (n° 387, Sénat) et Mme Marie Guévenoux (n° 2766, Assemblée nationale), fait au nom de la commission mixte paritaire, déposé le 22 mars 2020.

10 Rapport n° 381 (Sénat – 2019-2020) fait au nom de la commission des lois, déposé le 19 mars 2020.

11 Amendement n° 93 rectifié, présenté par M. Philippe Bas le 19 mars 2020.

12 Décret n° 2020-571 du 14 mai 2020 définissant la date d'entrée en fonction des conseillers municipaux et communautaires élus dans les communes dont le conseil municipal a été entièrement renouvelé dès le premier tour des élections municipales et communautaires organisé le 15 mars 2020.

13 Communes mentionnées au chapitre IV du titre IV du livre Ier du code électoral.

14 Conformément à l'article L. 253 du code électoral, chacun d'entre eux a obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés et un nombre de suffrages égal au quart de celui des électeurs inscrits.

15 Depuis lors, cet article a été modifié par trois ordonnances et, postérieurement à la décision du Conseil constitutionnel, par la loi du 22 juin 2020 précitée.

16 Pour des précédents, voir les décisions nos 2017-685 QPC du 12 janvier 2018, Fédération bancaire française (Droit de résiliation annuel des contrats assurance-emprunteur), paragr. 5 à 7, et 2019-774 QPC du 12 avril 2019, Société Magenta Discount et autre (Contrôle des prix et des marges en Nouvelle-Calédonie), paragr. 9 à 11.

17 Voir les décisions n° 2011-219 QPC du 10 février 2012, M. Patrick É. (Non-lieu : ordonnance non ratifiée et dispositions législatives non entrées en vigueur), cons. 4, et n° 2010-55 QPC du 18 octobre 2010, M. Rachid M. et autres (Prohibition des machines à sous), cons. 2.

18 Décision n° 90-280 DC du 6 décembre 1990, Loi organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux, cons. 8.

19 Décision n° 93-331 DC du 13 janvier 1994, Loi rétablissant le renouvellement triennal par moitié des conseils généraux, cons. 4, 7 et 8.

20 Décision n° 94-341 DC du 6 juillet 1994, Loi relative à la date du renouvellement des conseillers municipaux, cons. 5 à 7. Dans cette même décision, le Conseil a également validé, au regard de l'égalité devant la loi, les dispositions particulières qui adaptaient les règles applicables à la campagne électorale pour ces élections municipales reportées, au motif que « les différences de situation susceptibles d'être créées répondent à la volonté du législateur d'assurer la mise en œuvre des objectifs qu'il s'est fixés » (cons. 13).

21 Décision n° 96-372 DC du 6 février 1996, Loi organique relative à la date du renouvellement des membres de l'assemblée territoriale de la Polynésie française, cons. 1 à 4.

22 Décision n° 2010-603 DC du 11 février 2010, Loi organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux, cons. 12 à 14.

23 Décision n° 2013-667 DC du 16 mai 2013, Loi relative à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral, cons. 62.

24 Décision n° 2013-671 DC du 6 juin 2013, Loi portant prorogation du mandat des membres de l'Assemblée des Français de l'étranger, cons. 7.

25 Richard Ghevontian, « La notion de sincérité du scrutin », Cahiers du Conseil constitutionnel, n° 13, janvier 2003.

26 Décision n° 73-603/741 AN du 27 juin 1973, A.N., Réunion (2ème circ.), cons. 14 à 16.

27 Outre la décision commentée, ce principe était également invoqué dans la décision n° 2020-850 QPC du même jour.

28 Décision n° 2003-468 DC du 3 avril 2003, Loi relative à l'élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu'à l'aide publique aux partis politiques, cons. 21.

29 Décision n° 2003-475 DC du 24 juillet 2003, Loi portant réforme de l'élection des sénateurs, cons. 25 et 26. Cette décision est la seule à se fonder sur ce principe de « loyauté du suffrage », appliqué à une élection. En revanche, en matière de référendum, le Conseil a développé une jurisprudence nourrie sur la « clarté » et la « loyauté » de la consultation : voir par exemple la décision n° 87-226 DC du 2 juin 1987, Loi organisant la consultation des populations intéressées de la Nouvelle-Calédonie et dépendances prévue par l'alinéa premier de l'article 1er de la loi n° 86-844 du 17 juillet 1986 relative à la Nouvelle-Calédonie, cons. 7 à 10 (qui censure partiellement le texte de la question appelée à être posée aux votants néo-calédoniens).

30 Décision n° 2013-667 DC du 16 mai 2013 précitée, cons. 30.

31 Décision n° 2013-673 DC du 18 juillet 2013, Loi relative à la représentation des Français établis hors de France, cons. 4, 6, 15 et 16. Voir également la décision n° 2013-681 DC du 5 décembre 2013, Loi organique portant application de l'article 11 de la Constitution, cons. 23.

32 Décision n° 2018-773 DC du 20 décembre 2018, Loi relative à la lutte contre la manipulation de l'information, paragr. 16.

33 Ibid., paragr. 17 à 26.

34 Décision n° 2019-811 QPC du 25 octobre 2019, Mme Fairouz H. et autres (Seuil de représentativité applicable aux élections européennes), paragr. 6.

35 Pour des exemples récents : décisions n° 2017-651 QPC du 31 mai 2017, Association En marche ! (Durée des émissions de la campagne électorale en vue des élections législatives), paragr. 4 à 11, et n° 2019-811 QPC du 25 octobre 2019 précitée.

36 Depuis la décision n° 85-196 DC du 8 août 1985, Loi sur l'évolution de la Nouvelle-Calédonie, cons. 16.

37 Par exemple : décision n° 2003-468 DC du 3 avril 2003 précitée, cons. 12 et 13.

38 Décision n° 2016-729 DC du 21 avril 2016, Loi organique de modernisation des règles applicables à l'élection présidentielle, cons. 14. Voir aussi la décision n° 2014-709 DC du 15 janvier 2015, Loi relative à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral, cons. 32 à 34.

39 Décision n° 2003-468 DC précitée, cons. 21 (voir supra).

40 Article 1er de l'ordonnance n° 2020-390 du 1er avril 2020 relative au report du second tour du renouvellement général des conseillers municipaux et communautaires, des conseillers de Paris et des conseillers de la métropole de Lyon de 2020 et à l'établissement de l'aide publique pour 2021. Cette ordonnance a été prise sur le fondement de l'article 20 de la loi du 23 mars 2020.

41 Dans la limite d'un coefficient de 1,5. Ce coefficient a été fixé à 1,2 par l'article 7 du décret n° 2020-643 du 27 mai 2020 relatif au report du second tour du renouvellement général des conseillers municipaux et communautaires, des conseillers de Paris et des conseillers métropolitains de Lyon de 2020 et à l'adaptation du décret du 9 juillet 1990 à l'état d'urgence sanitaire.

42 Voir l'article 1er du décret n° 2020-643 du 27 mai 2020 précité.

43 Selon lequel les listes d'émargement déposées à la préfecture ou à la sous-préfecture sont communiquées à tout électeur requérant pendant un délai de dix jours à compter de l'élection et, éventuellement, durant le dépôt des listes entre les deux tours de scrutin, soit à la préfecture ou à la sous-préfecture, soit à la mairie.

44 Lui-même prolongé par l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.

45 Article 5 de l'ordonnance n° 2020-390 du 1er avril 2020 précitée.