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Commentaire de la décision 2020-834 QPC

09/12/2022

Conformité - réserve

 

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 16 janvier 2020 par le Conseil d'État (décision nos 433296 et 433297 du 15 janvier 2020) d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) posée par l'union nationale des étudiants de France (UNEF) portant sur la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du dernier alinéa du paragraphe I de l'article L. 612-3 du code de l'éducation, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2018-166 du 8 mars 2018 relative à l'orientation et à la réussite des étudiants.

 

Dans sa décision n° 2020-834 QPC du 3 avril 2020, le Conseil constitutionnel a, sous une réserve d'interprétation, déclaré conformes à la Constitution les mots « Afin de garantir la nécessaire protection du secret des délibérations des équipes pédagogiques chargées de l'examen des candidatures présentées dans le cadre de la procédure nationale de préinscription prévue au même deuxième alinéa, les obligations résultant des articles L. 311-3-1 et L. 312-1-3 du code des relations entre le public et l'administration sont réputées satisfaites dès lors que » figurant au dernier alinéa du paragraphe I de l'article L. 612-3 du code de l'éducation, dans cette rédaction.

 

I. – Les dispositions contestées

 

A. – Historique et objet des dispositions contestées

 

1. – L'évolution de la procédure d'inscription en premier cycle de l'enseignement supérieur

 

Afin de faciliter le traitement des demandes d'inscription dans les formations de premier cycle de l'enseignement supérieur, la procédure d'inscription dans ces formations a été profondément réformée au cours de la dernière décennie. L'une des principales évolutions a été le recours par le ministère de l'enseignement supérieur à des traitements algorithmiques1 pour procéder à la sélection et à la répartition des candidats. Ce recours a d'abord conduit à l'institution, en 2011, d'une procédure d'affectation des étudiants entièrement automatisée, le dispositif « Admission post-bac » (APB). Celui-ci a toutefois soulevé de nombreuses critiques en raison des difficultés entourant sa mise en œuvre, auxquelles le législateur a entendu remédier par l'adoption d'une nouvelle procédure, mise en œuvre depuis la rentrée 2018 au moyen de la plateforme numérique dénommée « Parcoursup ».

 

a. – L'institution d'une procédure d'affectation des étudiants entièrement automatisée (APB)

 

* Si, en vertu de l'article L. 612-3 du code de l'éducation, le premier cycle de l'enseignement supérieur (conduisant au grade de licence structurée en trois années d'études) est ouvert à tous les titulaires du baccalauréat et à ceux qui ont obtenu l'équivalence ou la dispense de ce grade, la mise en œuvre d'une procédure régissant l'accès à l'enseignement supérieur a été prévue depuis longtemps dans différentes circonstances tenant, notamment, au caractère sélectif ou non des formations ouvertes.

 

Certaines formations sont ainsi autorisées par la loi à pratiquer une sélection, sur le fondement de critères préalablement établis. C'est le cas des sections de techniciens supérieurs des instituts, des écoles et des préparations à celles-ci, des grandes écoles et de tous les établissements où l'admission est subordonnée à un concours national ou à un concours de recrutement de la fonction publique.

 

Mais une procédure de classement des candidatures peut également être mise en œuvre pour des formations non sélectives. En effet, bien que tout bachelier soit réputé pouvoir librement s'inscrire dans ces formations, l'article L. 612-3 du code de l'éducation, qui trouve son origine dans la loi dite « Savary » du 26 janvier 19842, autorise un tri des candidatures lorsque leur nombre est supérieur aux capacités d'accueil de la formation demandée et donc que la filière est « en tension ». Avant 2018, ce départage – que la loi ne qualifie donc pas de « sélection » – était réalisé au moyen du traitement automatisé APB3.

 

* Créé par un arrêté du 8 avril 20114 après avoir été expérimenté dans le cadre de l'accès aux classes préparatoires aux grandes écoles, ce traitement avait pour objet le recueil et le traitement des vœux des candidats à une admission en première année d'une formation post-baccalauréat.

 

Pour les filières sélectives, le traitement APB n'intervenait pas dans la sélection des candidats retenus. Seuls les établissements où étaient dispensées ces formations pouvaient classer les candidatures et établir la liste des candidats admis, qui était ensuite uniquement retranscrite dans l'outil APB.

 

Pour les filières non sélectives, en revanche, c'est un algorithme national mis en œuvre dans le cadre du traitement APB qui classait les candidatures, à partir de trois critères d'importance décroissante : leur académie de rattachement, l'ordre des vœux formulés par les candidats et leur situation de famille. Lorsque des candidats se trouvaient dans une situation identique, ce classement était effectué au regard d'un nombre aléatoire attribué par l'algorithme lui-même, c'est-à-dire par tirage au sort5. C'est à partir de ce classement que le traitement algorithmique adressait automatiquement aux candidats une proposition de formation, sur laquelle les établissements ne disposaient d'aucune maîtrise.

 

Le dispositif APB avait pour objectif d'optimiser la gestion des vœux des élèves, en automatisant une tâche extrêmement lourde et chronophage pour l'administration, compte tenu des centaines de milliers de demandes d'inscription à traiter. Il devait également permettre d'uniformiser les critères de sélection, déterminés lors du paramétrage de l'algorithme, et d'en assurer une application homogène, préservant ainsi les candidats d'appréciations divergentes de leur profil, voire de passe-droits.

 

* Toutefois, le dispositif APB ne permettait pas de prendre en compte le parcours et les connaissances d'un candidat, pourtant déterminants pour l'appréciation de ses chances de réussite dans la filière demandée. En outre, la « délégation » de la sélection des candidats à un algorithme a été critiquée et des manquements à la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ont été constatés par la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) qui, par une décision du 30 août 2017 rendue publique, a mis en demeure le ministère de l'enseignement supérieur d'y remédier6.

 

L'un des principaux manquements concernait l'automatisation intégrale de la procédure d'affectation des étudiants, contraire à l'article 10 de cette loi, dans sa rédaction alors en vigueur7. Un autre manquement était la méconnaissance du droit d'accès fondé sur l'article 39 de la même loi8, dès lors qu'en cas de contestation de l'affectation proposée, les candidats, qui recevaient une réponse-type rappelant le nombre excessif de demandes d'inscription et les critères alors définis à l'article L. 612-3 du code de l'éducation, ne bénéficiaient d'aucune information relative à l'utilisation de l'algorithme et au fonctionnement de celui-ci.

 

Les difficultés soulevées par la mise en œuvre du dispositif APB, en particulier l'opacité de la procédure, le caractère aléatoire de l'affectation proposée et l'absence de publication de l'algorithme national, ont fait l'objet d'une large médiatisation, qui a notamment mis en exergue les problématiques nouvelles liées à l'utilisation par l'administration de traitements algorithmiques pour pourvoir les effectifs de formations universitaires en principe non sélectives, le cas échéant par voie de tirage au sort9.

 

C'est dans ce contexte qu'a été adoptée la loi n° 2018-166 du 8 mars 2018 relative à l'orientation et à la réussite des étudiants, qui a remplacé le dispositif APB par la procédure nationale de préinscription dans une formation du premier cycle de l'enseignement supérieur dite « Parcoursup ».

 

b. – L'institution d'une nouvelle procédure de préinscription dans l'enseignement supérieur (Parcoursup)

 

* En vertu du deuxième alinéa du paragraphe I de l'article L. 612-3 du code de l'éducation, dans sa rédaction résultant de la loi du 8 mars 2018 précitée, « l'inscription dans une formation du premier cycle dispensée par un établissement public est précédée d'une procédure nationale de préinscription qui permet aux candidats de bénéficier d'un dispositif d'information et d'orientation ».

 

Parcoursup, dont la mise en œuvre pérenne a été autorisée par un arrêté du 28 mars 201810, est la plateforme numérique servant de support à cette procédure. Elle permet aux lycéens, apprentis ou étudiants en réorientation qui souhaitent accéder à une formation du premier cycle de l'enseignement supérieur de formuler des vœux d'inscription (en principe au nombre de dix, non hiérarchisés, par candidat) et de répondre aux propositions d'admission qui leur sont faites par les établissements dispensant ces formations au cours de la phase d'admission dite « principale », durant laquelle chaque candidat peut suivre l'évolution « au fil de l'eau » de sa position sur les listes d'admission, en fonction des désistements des autres candidats.

 

* L'un des principaux apports de cette nouvelle procédure est que les candidats qui se connectent à la plateforme Parcoursup disposent de davantage d'informations qu'auparavant. En effet, en application du deuxième alinéa du paragraphe I de l'article L. 612-3 du code de l'éducation, ils ont connaissance des « caractéristiques de chaque formation » proposée par les établissements d'enseignement supérieur.

 

En premier lieu, outre des indications sur le contenu et les modalités d'organisation de la formation, ces caractéristiques comportent des éléments qualifiés d'« attendus », au sens où ils doivent permettre aux candidats d'être informés des « connaissances et compétences attendues pour la réussite dans la formation »11.

 

Ces attendus peuvent être fixés à deux niveaux. D'une part, ils font l'objet d'un « cadrage national » fixé par arrêté du ministre chargé de l'enseignement supérieur12 et sont présentés sur la plateforme comme des « attendus nationaux ». D'autre part, ces éléments de cadrage « peuvent être complétés » par chaque établissement pour prendre en compte les spécificités de leurs formations13 et apparaissent alors sur Parcoursup comme des « attendus locaux ».

En second lieu, les caractéristiques des formations comprennent également, en vertu de l'article D. 612-1-5 du même code, les « critères généraux encadrant l'examen des candidatures par les commissions d'examen des vœux » de chaque établissement (voir infra). Cette disposition a été ajoutée par un décret du 26 mars 201914. Selon le ministère de l'enseignement supérieur : « Afin d'assurer la transparence des décisions, toute formation doit expliciter au moment du paramétrage [de la plateforme nationale], les critères généraux pris en compte pour l'examen des vœux. Ces critères généraux doivent être cohérents avec le contenu, les attentes et les exigences des formations ; ils ne doivent pas être discriminatoires et doivent éclairer la démarche du candidat pendant sa phase d'orientation. La définition de ces éléments donne à la commission d'examen des vœux constituée dans chaque établissement le cadre général dans lequel elle définira les modalités et critères d'examen des vœux permettant d'examiner et, le cas échéant, d'ordonner les dossiers de candidature »15.

 

* La plateforme Parcoursup permet ensuite la transmission des vœux aux établissements dispensant les formations en cause, qui peuvent alors accéder aux données relatives aux candidats. Le sens de la réponse susceptible d'être apportée par l'établissement varie selon que la formation est sélective ou non.

 

Lorsque les vœux concernent des formations sélectives, les établissements peuvent accepter16, mettre en attente ou refuser une candidature.

 

S'agissant des formations non sélectives, les établissements peuvent accepter17 ou mettre en attente les demandes d'inscription (mais pas les refuser). En effet, pour ces formations, le paragraphe IV de l'article L. 612-3 prévoit que « lorsque le nombre de candidatures excède les capacités d'accueil d'une formation, les inscriptions sont prononcées par le président ou le directeur de l'établissement dans la limite des capacités d'accueil, au regard de la cohérence entre, d'une part, le projet de formation du candidat, les acquis de sa formation antérieure et ses compétences et, d'autre part, les caractéristiques de la formation ». Comme avant la réforme, cette dernière procédure est généralement qualifiée de « départage »18.

 

Compte tenu de cette compétence nouvelle du président ou du directeur de l'établissement pour prononcer les inscriptions, ce n'est plus au niveau national, mais au niveau de chaque établissement que doit être mise en œuvre une procédure de tri des candidatures pour les filières en tension. À cette fin, l'article D. 612–1–13 du code de l'éducation prévoit que les établissements réunissent une « commission d'examen des vœux » dont la composition est arrêtée par le chef d'établissement. Cette commission définit « les modalités et les critères d'examen » des candidatures, « dans le respect des critères généraux » portés à la connaissance des candidats sur Parcoursup (conformément à l'article D. 612-1-5 précité). C'est cette commission qui propose au chef d'établissement les réponses à faire aux candidats19. Les réponses favorables ou d'attente des chefs d'établissement sont ensuite enregistrées sur la plateforme Parcoursup pour pouvoir être notifiées aux candidats.

 

Lorsqu'un candidat reçoit une proposition d'admission, il indique sur la plateforme s'il l'accepte ou la refuse dans le délai qui lui est imparti. Les candidats n'ayant pas eu de proposition d'admission ou uniquement des propositions dont ils ne sont pas pleinement satisfaits à l'issue de la première phase dite « principale » peuvent se porter candidat, lors d'une « phase complémentaire », dans les formations au sein desquelles des places demeurent vacantes (article D. 612-1-1 du code de l'éducation).

 

2. – L'usage d'algorithmes dans la procédure Parcoursup

 

a. – Au niveau national

 

* La gestion des réponses à apporter aux candidats en fonction des décisions prises par les établissements d'enseignement est assurée par la plateforme Parcoursup grâce à un traitement algorithmique d'affection, parfois appelé « algorithme national », qui établit, pour chaque formation, l'ordre (dit « d'appel ») dans lequel les propositions d'admission sont envoyées aux candidats. Cet ordre résulte du classement pédagogique opéré par les établissements à l'issue de la procédure d'examen des vœux, mais tient également compte de certains autres critères, tels que des pourcentages minimaux de boursiers de l'enseignement secondaire et des pourcentages maximaux de non-résidents dans l'académie. Contrairement au dispositif APB, cette procédure nationale d'affection n'est pas entièrement automatisée, dès lors notamment qu'elle prévoit la possible intervention du recteur d'académie dans certaines circonstances20.

 

La transparence de ce traitement algorithmique au niveau national est assurée par les dispositions du paragraphe II de l'article L. 612-3 du code de l'éducation, qui prévoient que « la communication, en application des dispositions du code des relations entre le public et l'administration, du code source des traitements automatisés utilisés pour le fonctionnement de la plateforme mise en place dans le cadre de la procédure nationale de préinscription prévue au I s'accompagne de la communication du cahier des charges présenté de manière synthétique et de l'algorithme de traitement ».

 

Comme le met en évidence la rédaction de ces dispositions, le législateur n'a fait que confirmer une règle ayant d'abord été fixée par la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal, telle qu'interprétée par la Commission d'accès aux documents administratifs (CADA), puis consacrée par la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique. En effet, l'article L. 300-2 du code des relations entre le public et l'administration (CRPA), dans sa rédaction résultant de cette loi du 7 octobre 2016, dispose que les codes sources21 de traitements mis en œuvre dans le cadre de missions de service public constituent des documents administratifs. Dès lors, ces documents peuvent être publiés en ligne ou communiqués aux personnes qui en font la demande dans les conditions de droit commun prévues par le CRPA22.

 

* En outre, la loi du 7 octobre 2016 précitée a introduit des règles de diffusion spécifiques aux algorithmes fondant l'adoption de décisions administratives individuelles.

Ainsi, d'une part, l'article L. 311-3-1 du CRPA prévoit : « Sous réserve de l'application du 2° de l'article L. 311-523, une décision individuelle prise sur le fondement d'un traitement algorithmique comporte une mention explicite en informant l'intéressé. Les règles définissant ce traitement ainsi que les principales caractéristiques de sa mise en œuvre sont communiquées par l'administration à l'intéressé s'il en fait la demande ».

 

L'article R. 311-3-1-2 du même code précise à ce sujet :

« L'administration communique à la personne faisant l'objet d'une décision individuelle prise sur le fondement d'un traitement algorithmique, à la demande de celle-ci, sous une forme intelligible et sous réserve de ne pas porter atteinte à des secrets protégés par la loi, les informations suivantes :

« 1° Le degré et le mode de contribution du traitement algorithmique à la prise de décision ;

« 2° Les données traitées et leurs sources ;

« 3° Les paramètres de traitement et, le cas échéant, leur pondération, appliqués à la situation de l'intéressé ;

« 4° Les opérations effectuées par le traitement ».

 

D'autre part, l'article L. 312-1-3 du même code prévoit : « Sous réserve des secrets protégés en application du 2° de l'article L. 311-5, les administrations mentionnées au premier alinéa de l'article L. 300-2, à l'exception des personnes morales dont le nombre d'agents ou de salariés est inférieur à un seuil fixé par décret, publient en ligne les règles définissant les principaux traitements algorithmiques utilisés dans l'accomplissement de leurs missions lorsqu'ils fondent des décisions individuelles ».

 

Ces règles prévues par le CRPA à l'égard de tout traitement algorithmique imposent donc la communication du code source et des informations relatives à l'algorithme utilisé au niveau national par la plateforme Parcoursup.

 

Toutefois, afin de renforcer la transparence de la procédure, le législateur a prévu spécifiquement, au paragraphe II de l'article L. 612-3 du code de l'éducation, que la communication de ce code source s'accompagne « du cahier des charges présenté de manière synthétique et de l'algorithme du traitement ».

 

Ces obligations ont été mises en œuvre et les informations relatives à l'algorithme national ont ainsi été publiées le 21 mai 201824.

 

Cependant, contrairement au logiciel APB, la plateforme nationale Parcoursup ne procède pas au classement des candidatures, qui relève dorénavant de la compétence des établissements dispensant les formations proposées et des recteurs d'académie chargés de définir des taux d'insertion des candidats boursiers ou du « secteur » (voir supra). La connaissance des caractéristiques de l'algorithme national ne permet donc pas de comprendre la manière dont les candidatures à une même formation ont été classées. C'est ce qui a conduit M. Jacques Grosperrin, sénateur, à indiquer que le « code source et les algorithmes [nationaux] de Parcoursup devraient donc présenter un intérêt tout à fait limité » et qu'« En revanche, la question de la publication des algorithmes "locaux" éventuellement utilisés par les établissements pour sélectionner les candidats se pose afin d'assurer la transparence des décisions prises à l'égard des candidats, dans le respect cependant du principe de souveraineté des jurys »25.

 

b. – Au niveau local (les dispositions contestées)

 

* Le législateur a entendu assurer une certaine transparence des décisions prises par les établissements d'enseignement supérieur pour traiter les candidatures qu'ils reçoivent via le dispositif Parcoursup.

 

À cette fin, lors de la discussion de la loi relative à l'orientation et à la réussite des étudiants, il a adopté les dispositions – objet de la QPC – figurant au dernier alinéa du paragraphe I de l'article L. 612-3 du code de l'éducation, selon lesquelles : « Afin de garantir la nécessaire protection du secret des délibérations des équipes pédagogiques chargées de l'examen des candidatures présentées dans le cadre de la procédure nationale de préinscription prévue au même deuxième alinéa, les obligations résultant des articles L. 311-3-1 et L. 312–1–3 du code des relations entre le public et l'administration sont réputées satisfaites dès lors que les candidats sont informés de la possibilité d'obtenir, s'ils en font la demande, la communication des informations relatives aux critères et modalités d'examen de leurs candidatures ainsi que des motifs pédagogiques qui justifient la décision prise »26.

 

Ces dispositions sont issues d'un amendement du Gouvernement, dont l'objet indique qu'il vise à prendre en compte le principe du secret des délibérations des équipes pédagogiques, en s'inspirant d'une décision du Conseil d'État du 17 février 2016, selon laquelle, en prévoyant la communication des documents administratifs, « le législateur n'a pas entendu porter atteinte au principe d'indépendance des jurys d'où découle le secret de leurs délibérations et, par suite, permettre la communication tant des documents de leurs délibérations que de ceux élaborés préalablement par les jurys en vue de leurs délibérés »27.

 

Cet objet indique toutefois : « Afin de répondre malgré tout aux légitimes aspirations à la transparence des candidats à une inscription dans une formation de premier cycle de l'enseignement supérieur, le Gouvernement propose de garantir aux candidats un accès aux documents qui, sans compromettre le principe du secret des délibérations de la commission d'examen des candidatures, permettra au candidat de comprendre les motifs de la décision prise par l'établissement ».

 

Cela a conduit le législateur à écarter l'application des règles générales, déjà évoquées, prévues :

– à l'article L. 311-3-1 du CRPA, qui impose, d'une part, l'information des intéressés sur l'utilisation d'un traitement algorithmique en cas d'adoption d'une décision individuelle sur le fondement d'un tel traitement et, d'autre part, la communication aux intéressés qui en font la demande des règles définissant ce traitement ainsi que des principales caractéristiques de sa mise en œuvre ;

– et à l'article L. 312-1-3 du même code, qui oblige les administrations à publier en ligne les principaux traitements algorithmiques utilisés dans l'accomplissement de leurs missions lorsqu'ils fondent des décisions individuelles.

Il résulte implicitement mais nécessairement de cette double exclusion que les commissions d'examen des vœux sont autorisées à utiliser des algorithmes, parfois dits « locaux », pour classer les candidatures (sans qu'aucune autre disposition, législative ou réglementaire, ne le prévoie expressément). En pratique, le ministère de l'enseignement supérieur a mis à disposition des établissements un logiciel d'aide à la décision qu'ils peuvent paramétrer en fonction des critères qu'ils entendent appliquer28. Les établissements sont donc libres de recourir ou non à des outils algorithmiques et, s'ils y recourent, d'utiliser ce logiciel ou tout autre logiciel de leur choix.

 

À cet égard, dans un rapport remis au Parlement, le comité éthique et scientifique de Parcoursup évoque « les mal nommés "algorithmes locaux". C'est un fait que les jurys et les commissions utilisent des tableurs pour classer les candidats lors de leurs délibérations, et ce depuis que les tableurs existent, mais rien de plus, et il est inapproprié de parler d'algorithmes locaux. Sur les feuilles, au format "Excel" ou "Open Office", figurent en lignes les candidats et en colonnes les critères de classement. Les données sont extraites des dossiers des candidats dans la plate-forme et les critères sont déterminés par les commissions locales d'examen des vœux. Si tout ou partie de ces critères sont quantifiés, un pré-classement est établi, qui définit l'ordre d'examen des dossiers et sert d'aide aux délibérations. Pour les commissions de Parcoursup [par opposition à APB], la loi oblige à l'examen individuel des dossiers des candidats, autrement dit elle interdit l'automaticité »29.

 

En contrepartie des restrictions qu'il instaure, le dernier alinéa du paragraphe I de l'article L. 612-3 du code de l'éducation prévoit la communication aux candidats qui en font la demande, après la notification d'une décision les concernant, des critères et modalités d'examen de leurs candidatures ainsi que des motifs pédagogiques justifiant la décision prise30.

 

* Ces restrictions à l'accès aux informations relatives aux conditions de traitement des demandes d'inscription et, en particulier, aux caractéristiques des algorithmes localement mis en œuvre, ont fait l'objet d'importantes réserves lors des débats au Parlement.

 

Ainsi, lors de la discussion de la loi relative à l'orientation et à la réussite des étudiants, d'aucuns ont appelé à un « parallélisme des formes […] entre le niveau national et celui des filières et des établissements » en soulignant que « si l'on peut comprendre que les établissements soient amenés à utiliser des algorithmes spécifiques, on est en droit de s'interroger sur les modalités de leur mise en œuvre et de se préoccuper de la bonne information des bacheliers en vue de la formation de leurs vœux »31. Il a également pu être souligné que « la hausse très significative du nombre de candidatures à étudier conduira les établissements à mettre en place des algorithmes de traitement locaux dont on ne connaîtra ni le fonctionnement ni les critères de tri » et qu'avec le nouveau dispositif de préinscription, « on remplace un algorithme critiqué, mais qui avait la vertu d'être national, par des algorithmes locaux quelque peu opaques », ce manque de transparence étant alors qualifié de « dangereux »32.

 

Aux débats sur le principe même de la limitation de la communication des algorithmes locaux, se sont ajoutées des discussions sur la portée exacte de la restriction résultant de l'amendement du Gouvernement insérant le dernier alinéa du paragraphe I de l'article L. 612-3. Ainsi, la ministre de l'enseignement supérieur, Mme Frédérique Vidal, a indiqué lors des débats au Sénat que « la publication des algorithmes est inscrite dans la loi : ce n'est pas le sujet ici. Cet amendement vise simplement à permettre à un candidat d'obtenir communication, dans le cadre d'une démarche individuelle, des raisons de la décision le concernant, tout en préservant le secret des délibérations des équipes pédagogiques », ce qui a pu entretenir un doute sur le point de savoir s'il était alors fait référence à l'algorithme national ou aux algorithmes locaux33. En outre, la ministre a demandé, avec succès, le retrait d'un amendement proposé par M. Grosperrin imposant la communication des caractéristiques des algorithmes locaux au motif que l'amendement du Gouvernement introduisant le dernier alinéa du paragraphe I de l'article L. 612-3 satisfaisait déjà une telle demande.

 

Le débat a rebondi quelques semaines plus tard lors de l'examen du projet de loi sur la protection des données personnelles (mettant en œuvre le RGPD), à l'occasion duquel le Sénat avait supprimé l'alinéa objet de la QPC. Cet alinéa a finalement été rétabli par l'Assemblée nationale, sans changement dans son contenu, à la suite d'un amendement du Gouvernement dont l'exposé sommaire rappelait que le dispositif nécessitait toujours une intervention humaine et que la suppression de l'alinéa en cause « fragiliserait le rôle de la délibération des équipes pédagogiques »34.

 

* C'est ensuite une décision du Conseil d'État du 12 juin 2019 qui a précisé l'articulation entre les règles énoncées par le dernier alinéa du paragraphe I de l'article L. 612-3 du code de l'éducation et les règles prévues par le CRPA35.

 

Le Conseil d'État était saisi d'un recours formé par l'université des Antilles contre un jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe qui lui avait ordonné de communiquer à l'UNEF les procédés algorithmiques utilisés par elle dans le cadre du traitement des candidatures d'entrée en licence via la plateforme Parcoursup, ainsi que les codes sources correspondants. Le tribunal s'était fondé sur le principe général de communicabilité des documents administratifs énoncé à l'article L. 311-1 du CRPA, dont l'application n'est pas explicitement exclue par l'article L. 612-3 du code de l'éducation, et avait donc jugé que cette dernière disposition ne limitait cette communicabilité qu'à l'égard des candidats, et non des tiers tels que l'UNEF.

 

Au contraire, après avoir rappelé le contenu des dispositions du CRPA énonçant les principes de communicabilité et de publicité des algorithmes mis en œuvre par l'administration, le Conseil d'État a jugé que « Si ces dispositions sont, en principe, applicables aux traitements algorithmiques utilisés, le cas échéant, par les établissements d'enseignement supérieur pour fonder des décisions individuelles et si elles instaurent, par suite, un droit d'accès aux documents relatifs aux algorithmes utilisés par ces établissements et à leurs codes sources, il résulte des termes du dernier alinéa du I de l'article L. 612-3 du code de l'éducation […], éclairés par les travaux préparatoires de la loi dont ils sont issus, que le législateur a entendu régir par des dispositions particulières le droit d'accès aux documents relatifs aux traitements algorithmiques utilisés, le cas échéant, par les établissements d'enseignement supérieur pour l'examen des candidatures présentées dans le cadre de la procédure nationale de préinscription. Ces dispositions spéciales doivent ainsi être regardées comme ayant entendu déroger, notamment, aux dispositions de l'article L. 311-1 du code des relations entre le public et l'administration, en réservant le droit d'accès à ces documents aux seuls candidats, pour les seules informations relatives aux critères et modalités d'examen de leur candidature ».

 

Le Conseil d'État a donc rejeté la demande de l'UNEF, tout en indiquant néanmoins qu'il était « loisible à l'université des Antilles de communiquer ou de publier en ligne, sous réserve des secrets protégés par la loi, les documents relatifs aux traitements algorithmiques dont elle faisait le cas échéant usage dans le cadre de la procédure nationale de préinscription ».

 

* Ce régime restrictif de communicabilité a fait l'objet de critiques de la part de plusieurs autorités.

 

– La CADA a ainsi indiqué, dans un avis du 10 janvier 2019 (celui contesté par l'UNEF devant le tribunal administratif de la Guadeloupe dans l'affaire ci-dessus) : « La commission prend acte, tout en le déplorant, de ce que, par ces dispositions [celles de l'article L. 612-3 du code de l'éducation], le législateur a d'une part instauré un régime spécial d'accès, pour les candidats qui le demandent, aux procédés algorithmiques lorsque ceux-ci sont élaborés par les équipes pédagogiques chargées de l'examen des candidatures, et d'autre part a fait obstacle, pour ce type de documents administratifs, à l'obligation de publication en ligne prévue par l'article L. 312-1-3, ce qui exclut nécessairement le droit d'accès des tiers ».

 

La CADA encourage dès lors les établissements d'enseignement à procéder de manière spontanée à la publication des procédés algorithmiques qu'ils mettent en œuvre dans le cadre du dispositif Parcoursup. Elle souligne par ailleurs que « le droit d'accès spécial instauré par le législateur, au bénéfice des candidats qui en font la demande, aux informations relatives aux critères et modalités d'examen de leurs candidatures ainsi qu'aux motifs pédagogiques qui justifient la décision prise, doit leur permettre de connaître de façon complète et effective ces critères, modalités et motifs, ce qui peut inclure, le cas échéant, une information relative à un ou plusieurs éléments du traitement algorithmique »36.

 

– La CNIL, quant à elle, a recommandé la communication aux candidats, postérieurement à la décision prise par l'établissement, des « informations utiles concernant la logique sous-jacente de l'algorithme, l'importance et les conséquences prévues de cet algorithme […], à titre facultatif, dans une optique de transparence renforcée »37.

 

– Le Défenseur des droits a également recommandé au ministre de l'enseignement supérieur « de prendre les mesures nécessaires, d'ordre législatif et d'ordre réglementaire, afin de rendre publiques toutes les informations relatives au traitement, y compris algorithmique, et à l'évaluation des dossiers des candidats par les commissions locales des établissements d'enseignement supérieur en amont du processus de leur affectation dans les formations de premier cycle de l'enseignement supérieur, afin d'assurer la transparence de la procédure et de permettre aux candidats d'effectuer leurs choix en toute connaissance de cause »38. Il regrettait notamment qu'« au moment de la formulation de leurs vœux, les candidats ne disposent pas de l'ensemble des informations relatives aux modalités de traitement de leur candidature, en particulier l'ordre de prise en considération des critères propres à chaque formation, leur pondération, leur hiérarchisation, leur importance, leur poids dans la prise de décision par la commission locale. / Ainsi, le choix de ne dévoiler les modalités de pondération des données paramétrables qu'a posteriori et uniquement de manière individuelle, peut nuire à la nécessaire information des candidats sur les conditions précises dans lesquelles leurs dossiers sont évalués. / Le secret des délibérations du jury ne doit pas s'opposer à l'information des candidats sur le contenu exact et la manière précise d'évaluation de leurs candidatures. Le Défenseur des droits estime que la publication de ces informations ne porte pas atteinte aux principes de souveraineté du jury et du secret de ses délibérations, étant donné qu'il ne vise pas à dévoiler le contenu de l'appréciation portée sur chaque candidature mais uniquement les critères pris en compte dans cette appréciation ainsi que leur méthode d'application. Il est donc recommandé de rendre publiques ces informations ».

 

Il faut cependant préciser que cet avis est antérieur au décret précité du 26 mars 2019 qui a modifié l'article D. 612-1-5 du code de l'éducation pour prévoir que les caractéristiques des formations proposées sur la plateforme Parcoursup portées à la connaissance des candidats comprennent « les critères généraux encadrant l'examen des candidatures par les commissions d'examen des vœux ».

 

– Plus récemment, la Cour des comptes a estimé que les commissions d'examen des vœux étaient « difficilement assimilables à des jurys », notamment parce qu'elles ne sont pas souveraines (la décision demeurant prise par le chef d'établissement), et que « la bonne information des candidats sur les critères de classement des formations auxquels ils prétendent n'est pas complète. Les attendus publiés, dont les énoncés mériteraient une nouvelle revue, ne correspondent pas toujours aux paramétrages retenus in fine par les commissions d'examen des vœux. Ces dernières fonctionnent de manière de plus en plus automatisée, utilisant de façon croissante un outil d'aide à la décision informatique pour effectuer un pré-classement des candidats. Cette situation plaide pour la publication des algorithmes ayant servi à effectuer ces premiers tris ». La Cour estime « donc souhaitable […] d'abroger les dispositions du cinquième [et dernier] alinéa [du paragraphe I] de l'article L. 612–3 […] du code de l'éducation »39.

 

* Ajoutons que, dans le cadre du suivi de l'application de la loi sur l'orientation et la réussite des étudiants, la commission de la culture du Sénat a confié au sénateur Jacques Grosperrin, rapporteur de la loi, une mission d'évaluation sur les algorithmes locaux, à l'issue de laquelle elle a considéré qu'il était essentiel, pour la transparence de la procédure de Parcoursup, que les critères de ces algorithmes soient rendus publics40.

 

B. – Origine de la QPC et question posée

 

L'UNEF avait demandé à l'université de la Réunion et à l'université de Corse la communication des procédés algorithmiques qu'elles utilisent pour traiter les demandes d'inscription en licence reçues par le biais de la plateforme Parcoursup, ainsi que les codes sources correspondants. Ces demandes avaient été rejetées par des décisions datées, respectivement, du 22 novembre 2018 et du 15 novembre 2018. L'UNEF avait introduit des recours en annulation contre ces deux décisions, qui avaient été rejetés par le tribunal administratif de la Réunion et par celui de Bastia.

 

L'association avait alors formé des pourvois devant le Conseil d'État en vue d'obtenir l'annulation de ces deux ordonnances et avait soulevé, à l'appui de chacun d'eux, une QPC portant sur le dernier alinéa du paragraphe I de l'article L. 612-3 du code de l'éducation.

 

Par une décision du 15 janvier 2020 relative aux deux affaires, le Conseil d'État avait joint les deux QPC. Après avoir rappelé la portée des dispositions contestées, telles qu'il les avait déjà interprétées dans sa décision du 12 juin 2019 précitée41, il avait renvoyé ces QPC au Conseil constitutionnel au motif que « le moyen tiré de ce que ces dispositions méconnaîtraient "le droit de demander compte à tout agent public de son administration" garanti par l'article 15 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 soulève une question qui peut être regardée comme présentant un caractère sérieux ».

 

II. – L'examen de la constitutionnalité des dispositions contestées

 

A. – Les griefs et la délimitation du champ de la QPC

 

* L'UNEF soutenait, en premier lieu, que les restrictions apportées, par les dispositions renvoyées, à la communicabilité des informations relatives aux critères et aux modalités d'examen des demandes d'inscription dans une formation de premier cycle de l'enseignement supérieur étaient contraires à un droit à la communication des documents administratifs qui découlait, selon elle, de l'article 15 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

En effet, selon l'association requérante, ces dispositions ne permettaient de communiquer qu'une partie de ces informations, au seul bénéfice des candidats qui en font la demande une fois prise la décision relative à leur inscription. Ce faisant, elles excluaient tout accès des candidats et des tiers (parmi lesquels les organisations qui défendent leurs intérêts) aux règles et aux caractéristiques des algorithmes utilisés par les établissements d'enseignement supérieur, sans que ces restrictions ne puissent être justifiées par le secret des délibérations des jurys ni par aucun autre motif.

 

L'UNEF soutenait, en second lieu, que les dispositions contestées méconnaissaient le droit à un recours juridictionnel effectif résultant de l'article 16 de la Déclaration de 1789, en empêchant d'exercer avec succès un recours contestant l'absence de communication des informations en cause et en privant les justiciables des éléments nécessaires à la contestation effective du bien-fondé des refus d'inscription.

 

* Au regard de ces griefs, le Conseil constitutionnel a jugé que la QPC portait sur les mots « Afin de garantir la nécessaire protection du secret des délibérations des équipes pédagogiques chargées de l'examen des candidatures présentées dans le cadre de la procédure nationale de préinscription prévue au même deuxième alinéa, les obligations résultant des articles L. 311-3-1 et L. 312–1–3 du code des relations entre le public et l'administration sont réputées satisfaites dès lors que » figurant au dernier alinéa du paragraphe I de l'article L. 612-3 du code de l'éducation (paragr. 3).

 

B. – Les interventions

 

Plusieurs demandes d'intervention avaient été formées devant le Conseil constitutionnel. Celui-ci a admis quatre séries d'interventions qui ne posaient pas de difficulté particulière de recevabilité42.

 

En revanche, il a refusé d'en admettre deux, faute d'intérêt spécial à intervenir de leur auteur.

 

Ainsi, alors que M. Léo G., enseignant-chercheur, se prévalait de ses travaux universitaires sur la communicabilité des documents administratifs et qu'il faisait valoir que sa qualité d'enseignant-chercheur le conduisait à être en relation avec les étudiants inscrits dans l'enseignement supérieur via la procédure Parcoursup, le Conseil a jugé que « ces deux éléments ne sont pas de nature à lui conférer un intérêt spécial à intervenir dans la procédure de la présente question prioritaire de constitutionnalité » (paragr. 5). De même, le Conseil a jugé que le syndicat des avocats de France (SAF)43 ne justifiait pas non plus d'un intérêt spécial (paragr. 6).

 

C. – L'examen du grief tiré de la méconnaissance du droit d'accès aux documents administratifs

 

1. – La jurisprudence du Conseil constitutionnel

 

L'article 15 de la Déclaration de 1789 dispose : « La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration ».

 

Cet article est l'un des fondements de l'objectif de valeur constitutionnelle de bonne administration de la justice44 et de l'exigence de bon emploi des deniers publics45, mais avait fait l'objet, jusqu'à récemment, de peu d'applications directes46. Il a cependant pris davantage de place dans la jurisprudence depuis quelques années.

 

Ainsi, dans la décision n° 2015–471 QPC du 29 mai 2015, le Conseil constitutionnel a estimé que les exigences qui découlent de l'article 15 ne sont pas susceptibles de s'appliquer aux règles d'organisation d'un scrutin (était contestée la possibilité pour les membres d'un conseil municipal de voter à bulletin secret), reconnaissant ainsi que cet article est invocable en QPC, ce qui signifie qu'il recèle des droits et libertés que la Constitution garantit47.

 

En outre, la décision n° 2016-599 QPC du 2 décembre 2016 a précisé le sens de la notion d'« agent public » en jugeant qu'elle inclut les élus et les membres du pouvoir exécutif. Alors qu'était critiqué le fait que certains responsables publics ne soient pas justiciables de la Cour de discipline budgétaire et financière, le Conseil a considéré qu'il n'en résultait pas une méconnaissance de l'article 15 de la Déclaration de 1789, compte tenu des contrôles ou des obligations politiques, administratives ou pénales pesant par ailleurs sur ces responsables publics48.

 

Enfin, et directement en lien avec la décision commentée, le Conseil, dans sa décision n° 2017-655 QPC du 15 septembre 2017, a consacré un droit d'accès aux documents d'archives publiques, fondé sur l'article 15 :

 

« Aux termes de l'article 15 de la Déclaration de 1789 : "La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration". Est garanti par cette disposition le droit d'accès aux documents d'archives publiques. Il est loisible au législateur d'apporter à ce droit des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi » 49.

 

En l'espèce, le Conseil devait se prononcer sur des dispositions du code du patrimoine relatives aux archives publiques émanant du Président de la République, du Premier ministre et des autres membres du Gouvernement. Il était reproché à ces dispositions de conférer aux responsables politiques ou à leur mandataire, en cas de signature d'un protocole de remise, un droit exclusif d'autoriser, de façon discrétionnaire, la divulgation anticipée des documents qu'ils ont versés aux archives. Le Conseil a toutefois écarté le grief tiré de la méconnaissance de l'article 15 de la Déclaration de 1789 en considérant comme un objectif d'intérêt général le fait que le législateur ait « entendu, en les plaçant sous le contrôle des intéressés, accorder une protection particulière à ces archives, qui peuvent comporter des informations susceptibles de relever du secret des délibérations du pouvoir exécutif et, ainsi, favoriser la conservation et le versement de ces documents » et en observant que la restriction au droit d'accès aux documents d'archives publiques était « limitée dans le temps ». Il en a conclu : « les limitations apportées par les dispositions contestées à l'exercice du droit d'accès aux documents d'archives publiques résultant de l'article 15 de la Déclaration de 1789 sont justifiées par un motif d'intérêt général et proportionnées à cet objectif »50.

 

2. – L'application à l'espèce

 

* Dans la décision commentée, le Conseil constitutionnel a d'abord répondu au grief tiré de la méconnaissance du droit d'accès aux documents administratifs, ce qui supposait de déterminer si, comme le soutenaient l'association requérante et une partie des intervenants, une telle exigence constitutionnelle résultait du droit de demander compte à tout agent public de son administration, garanti par l'article 15 de la Déclaration de 1789.

 

Le Conseil constitutionnel a répondu de manière positive à cette question et a donc consacré un « droit d'accès aux documents administratifs » sur le fondement de cet article 15 (paragr. 8).

 

Il a ainsi étendu la portée reconnue à cette dernière disposition, dont il avait déjà dégagé, dans sa décision n° 2017-655 QPC du 15 septembre 2017 précitée, un droit à la communication des documents d'archives publiques, lesquels constituent une catégorie de documents administratifs. Une telle extension n'est guère surprenante. Il aurait été paradoxal que le droit d'obtenir que l'administration rende compte de son action, figurant à l'article 15 de la Déclaration de 1789, ne concerne que l'action passée de celle-ci, sans s'étendre à son action présente. En doctrine, plusieurs auteurs avaient d'ailleurs estimé que la décision sur les archives était sans le doute un prélude à la consécration d'un droit, plus large, d'accès aux documents administratifs51.

 

Reprenant ensuite les mêmes termes que dans cette même décision, le Conseil a précisé les conditions dans lesquelles le législateur peut porter atteinte au droit à la communication des documents administratifs, en énonçant dans la formulation de principe qu'« il est loisible au législateur d'apporter à ce droit des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi » (paragr. 8).

 

* Après avoir reconnu la valeur constitutionnelle du droit à la communication des documents administratifs, le Conseil constitutionnel s'est attaché à présenter les dispositions contestées et les restrictions qu'elles apportent à la communication des modalités et critères d'appréciation des candidatures à une formation de premier cycle de l'enseignement supérieur, en particulier en cas de recours à des algorithmes par les établissements d'enseignement pour le départage des candidats.

 

Sur ce dernier point, le Conseil constitutionnel a pris en compte l'interprétation des dispositions retenue par le Conseil d'État : « Il résulte de la jurisprudence constante du Conseil d'État que les dispositions contestées réservent ainsi l'accès aux documents administratifs relatifs aux traitements algorithmiques utilisés, le cas échéant, par les établissements d'enseignement supérieur pour l'examen des candidatures, aux seuls candidats qui en font la demande, une fois prise la décision les concernant, et pour les seules informations relatives aux critères et modalités d'examen de leur candidature. Ni les tiers ni les candidats, avant qu'une décision ait été prise à leur sujet, ne peuvent donc demander à ce que ces critères et modalités leur soient communiqués » (paragr. 12).

 

Le Conseil constitutionnel a ainsi implicitement admis que les documents relatifs aux caractéristiques et conditions de mise en œuvre des traitements algorithmiques utilisés localement par les établissements d'enseignement supérieur pour procéder au départage de candidats à des formations de premier cycle en tension constituent des documents administratifs.

 

Dès lors, il lui revenait d'apprécier si les restrictions apportées à la communication de tels documents étaient justifiées par des exigences constitutionnelles ou un motif d'intérêt général et si, au regard de l'objectif poursuivi, elles ne portaient pas une atteinte excessive au droit d'accès aux documents administratifs garanti par l'article 15 de la Déclaration de 1789.

 

* Concernant l'objectif poursuivi par le législateur, le Conseil constitutionnel a considéré que la protection du secret des délibérations, mentionnée par les dispositions contestées elles-mêmes, constituait un motif d'intérêt général susceptible de justifier des restrictions à la communication des critères et modalités d'examen des candidatures à une formation de premier cycle de l'enseignement supérieur. Il a en effet jugé : « il ressort des travaux préparatoires que le législateur a considéré que la détermination de ces critères et modalités d'examen des candidatures, lorsqu'ils font l'objet de traitements algorithmiques, n'était pas dissociable de l'appréciation portée sur chaque candidature. Dès lors, en restreignant l'accès aux documents administratifs précisant ces critères et modalités, il a souhaité protéger le secret des délibérations des équipes pédagogiques au sein des établissements. Il a ainsi entendu assurer l'indépendance de ces équipes pédagogiques et l'autorité de leurs décisions. Ce faisant, il a poursuivi un objectif d'intérêt général » (paragr. 13).

 

* Pour l'appréciation, ensuite, de la proportionnalité des atteintes portées au droit d'accès aux documents administratifs au regard de cet objectif d'intérêt général, le Conseil constitutionnel a pris en compte différentes garanties prévues par le législateur.

 

– La première est que les traitements algorithmiques en cause ne constituent pas le fondement exclusif des décisions prises à l'égard des candidats dans une formation de premier cycle de l'enseignement supérieur. Le Conseil a ainsi relevé que, « d'une part, l'usage de traitements algorithmiques pour procéder à cet examen n'est qu'une faculté pour les établissements » et que, « d'autre part, lorsque ceux-ci y ont recours, la décision prise sur chaque candidature ne peut être exclusivement fondée sur un algorithme. Elle nécessite, au contraire, une appréciation des mérites des candidatures par la commission d'examen des vœux, puis par le chef d'établissement » (paragr. 14).

 

Ce constat résulte de l'économie générale de la procédure prévue à l'article L. 612–3 du code de l'éducation, notamment du mécanisme de départage prévu à son paragraphe IV (qui suppose une appréciation de la « cohérence » entre le dossier du candidat et les caractéristiques de la formation) et, plus encore, des dispositions contestées elles-mêmes, en ce qu'elles font référence aux « délibérations des équipes pédagogiques chargées de l'examen des candidatures ». Les candidats disposent donc de la garantie d'interventions humaines dans la procédure d'affectation, tant au niveau des commissions d'examen des vœux que, ensuite, du directeur ou du président de l'établissement.

 

Le mécanisme Parcoursup ne repose donc pas sur des décisions administratives individuelles entièrement automatisées, à la différence de celles sur lesquelles le Conseil constitutionnel s'est prononcé dans sa décision n° 2018-765 DC du 12 juin 2018 relative à la loi sur la protection des données personnelles, décision qui a pris en compte, au titre des garanties justifiant d'écarter les griefs tirés de la méconnaissance de l'article 16 de la Déclaration de 1789 et de l'article 21 de la Constitution, le principe de la communicabilité des caractéristiques des algorithmes prévue à l'article L. 311-3-1 du CRPA52.

 

– Les autres garanties que le Conseil constitutionnel a mentionnées dans la décision commentée concernent l'étendue des informations communicables sur les critères et modalités d'examen des demandes d'inscription dans une formation de premier cycle de l'enseignement supérieur. Il a distingué, à cet égard, les informations accessibles ex ante, donc avant l'aboutissement de la procédure d'examen des candidatures, des informations communicables ex post, une fois la procédure nationale de préinscription terminée. Dans les deux cas, il a examiné la situation des candidats et des tiers (c'est-à-dire les autres personnes, morales ou physiques, ce qui inclut notamment les associations d'étudiants et les enseignants).

 

S'agissant des informations accessibles ex ante, le Conseil constitutionnel a relevé : « en application du deuxième alinéa du paragraphe I de l'article L. 612-3, les caractéristiques de chaque formation sont portées à la connaissance des candidats, avant que ceux-ci ne formulent leurs vœux, par l'intermédiaire de la plateforme numérique mise en place dans le cadre de la procédure nationale de préinscription. Elles font l'objet d'un cadrage national fixé par arrêté du ministre de l'enseignement supérieur. Il en résulte, d'une part, que les candidats ont accès aux informations relatives aux connaissances et compétences attendues pour la réussite dans la formation, telles qu'elles sont fixées au niveau national et complétées par chaque établissement. Ils peuvent ainsi être informés des considérations en fonction desquelles les établissements apprécieront leurs candidatures. Il en résulte, d'autre part, que les candidats ont également accès aux critères généraux encadrant l'examen des candidatures par les commissions d'examen des vœux » (paragr. 15). Ce faisant, le Conseil a jugé que la publicité, au profit des candidats, des « attendus » nationaux et locaux et des « critères généraux » d'examen des candidatures résultait de la loi, en ce que celle-ci prévoit que les « caractéristiques » de chaque formation sont « portées à la connaissance des candidats ».

 

Pour ce qui concerne les tiers, le Conseil a relevé que, si la loi ne prévoit pas explicitement, en leur faveur, un accès aux mêmes informations (qui figurent en pratique sur la plateforme Parcoursup53), « celles-ci ne sont pas couvertes par le secret. Les documents administratifs relatifs à ces connaissances et compétences attendues et à ces critères généraux peuvent donc être communiqués aux personnes qui en font la demande, dans les conditions de droit commun prévues par le code des relations entre le public et l'administration » (paragr. 15).

 

S'agissant des informations communicables ex post, le Conseil constitutionnel a observé qu'en application du dernier alinéa du paragraphe I de l'article L. 612-3, une fois qu'une décision de refus a été prise à leur égard, les candidats peuvent, à leur demande, obtenir la communication par l'établissement des informations relatives aux critères et modalités d'examen de leurs candidatures, ainsi que des motifs pédagogiques justifiant la décision. Ainsi, les candidats peuvent « être informés de la hiérarchisation et de la pondération des différents critères généraux établies par les établissements ainsi que des précisions et compléments apportés à ces critères généraux pour l'examen des vœux d'inscription » (paragr. 16). Comme l'avaient également indiqué la CADA et le Conseil d'État (voir supra), le Conseil constitutionnel a ajouté que la « communication prévue par ces dispositions peut […] comporter des informations relatives aux critères utilisés par les traitements algorithmiques éventuellement mis en œuvre par les commissions d'examen » (même paragr.). Cette communication atténue ainsi l'atteinte portée par les dispositions contestées au droit d'accès des candidats aux documents administratifs en cause.

 

Toutefois, le Conseil constitutionnel a souligné que cette communication ex post d'informations relatives aux critères et modalités d'examen des candidatures était réservée aux seuls candidats.

 

Or, après la mise en œuvre de la procédure nationale de préinscription, l'exclusion de toute communication aux tiers de telles informations constituerait une atteinte disproportionnée au regard de l'objectif, poursuivi par le législateur, de protection du secret des délibérations des équipes pédagogiques. Le Conseil constitutionnel a, dès lors, formulé une réserve d'interprétation selon laquelle « les dispositions contestées ne sauraient, sans méconnaître le droit d'accès aux documents administratifs, être interprétées comme dispensant chaque établissement de publier, à l'issue de la procédure nationale de préinscription et dans le respect de la vie privée des candidats, le cas échéant sous la forme d'un rapport, les critères en fonction desquels les candidatures ont été examinées et précisant, le cas échéant, dans quelle mesure des traitements algorithmiques ont été utilisés pour procéder à cet examen » (paragr. 17). Chaque établissement devra ainsi rendre compte – pour reprendre les termes de l'article 15 de la Déclaration de 1789 – des critères qu'il a utilisés, le cas échéant au moyen de traitements algorithmiques, pour examiner les candidatures formulées sur Parcoursup.

 

Le Conseil a ensuite jugé que, sous cette réserve, les limitations apportées par les dispositions contestées à l'exercice du droit d'accès aux documents administratifs résultant de l'article 15 de la Déclaration étaient justifiées par un motif d'intérêt général et proportionnées à cet objectif et a donc écarté le grief tiré de la méconnaissance de cet article (paragr. 18).

 

* Le Conseil constitutionnel a, enfin, écarté le grief tiré de la méconnaissance du droit à un recours juridictionnel effectif. D'une part, le refus par un établissement d'enseignement supérieur de communiquer un document administratif relatif à l'examen d'une demande d'inscription dans une formation du premier cycle ou de procéder à une telle inscription peut être contesté devant le juge administratif. D'autre part, « la restriction d'accès à certains documents administratifs relatifs aux traitements algorithmiques éventuellement utilisés par l'établissement ne prive pas d'effectivité les recours contre une décision de refus d'inscription » (paragr. 20).

 

Les dispositions contestées ont donc été déclarées conformes à la Constitution, sous la réserve précitée (paragr. 22).

_______________________________________

1 Le dictionnaire Larousse définit l'algorithme comme un « ensemble de règles opératoires dont l'application permet de résoudre un problème énoncé au moyen d'un nombre fini d'opérations » (qui ne prend donc pas nécessairement la forme d'un dispositif informatique ni même automatisé), tout en précisant qu'un algorithme « peut être traduit, grâce à un langage de programmation, en un programme exécutable par un ordinateur ».

2 Loi n° 84-52 du 26 janvier 1984 sur l'enseignement supérieur (article 14).

3 Ce dispositif avait lui-même succédé à la plateforme télématique RAVEL (Recensement automatisé des vœux des élèves), utilisée entre 1987 et 2004.

4 Arrêté du 8 avril 2011 relatif à la procédure de préinscription en première année d'une formation postbaccalauréat.

5 Sur ce mode de traitement et son évolution, voir notamment Leïla Frouillou, Clément Pin et Agnès van Zanten, « Le rôle des instruments dans la sélection des bacheliers dans l'enseignement supérieur. La nouvelle gouvernance des affectations par les algorithmes », Sociologie, 2019/2, vol. 10, spéc. p. 211-212.

6 Décision de la présidente de la CNIL n° MED-2017-053 du 30 août 2017.

7 Dans cette rédaction, antérieure aux adaptations justifiées par l'application du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données ou RGPD), l'article 10 prévoyait notamment : « Aucune autre décision [qu'une décision de justice] produisant des effets juridiques à l'égard d'une personne ne peut être prise sur le seul fondement d'un traitement automatisé de données destiné à définir le profil de l'intéressé ou à évaluer certains aspects de sa personnalité ».

8 Dans sa rédaction alors en vigueur, cet article précisait : « Toute personne physique justifiant de son identité a le droit d'interroger le responsable d'un traitement de données à caractère personnel en vue d'obtenir : […] / Les informations permettant de connaître et de contester la logique qui sous-tend le traitement automatisé en cas de décision prise sur le fondement de celui-ci et produisant des effets juridiques à l'égard de l'intéressé ».

9 Sur ce point, voir la décision du Conseil d'État du 22 décembre 2017, n° 410561, annulant la circulaire n° 2017-077 du 24 avril 2017 relative aux procédures d'admission via le portail APB et jugeant notamment qu'un tel tri, dont aucun texte ni aucun principe ne fait obstacle à ce qu'il repose sur le tirage au sort, ne pouvait, sauf à méconnaître le caractère limitatif des critères fixés par l'article L. 612-3, intervenir qu'à titre exceptionnel pour départager un nombre limité de candidats.

10 Arrêté du 28 mars 2018 autorisant la mise en œuvre d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « Parcoursup ». Avant cet arrêté et dans l'attente de l'adoption de la loi du 8 mars 2018, un arrêté du 19 janvier 2018 avait créé un traitement automatisé temporaire également dénommé « Parcoursup » permettant de recueillir et de conserver les vœux des candidats. C'est cette collecte anticipée qui a permis l'application de la nouvelle procédure dès la rentrée 2018.

11 Article D. 612-1-5 du code de l'éducation.

12 Deuxième phrase du deuxième alinéa du paragraphe I de l'article L. 612-3 et premier alinéa de l'article D. 612-1-6 du code de l'éducation.

13 Deuxième alinéa de l'article D. 612-1-6.

14 Décret n° 2019-231 du 26 mars 2019 relatif à la procédure nationale de préinscription pour l'accès aux formations initiales du premier cycle de l'enseignement supérieur et modifiant le code de l'éducation.

15 Note de cadrage sur l'examen des vœux formulés par les candidats, session 2020, p. 2.

16 Cette réponse positive peut être soit inconditionnelle, soit « subordonnée à l'acceptation, par [le candidat], du bénéfice des dispositifs d'accompagnement pédagogique ou du parcours de formation personnalisé proposés par l'établissement pour favoriser sa réussite » (réponse dite « oui si », prévue au troisième alinéa du paragraphe I de l'article L. 612-3).

17 Comme pour les filières sélectives, il peut s'agir d'une acceptation sous condition (voir la note infrapaginale précédente).

18 Cf. par exemple la décision du Conseil constitutionnel validant le paragraphe IV de l'article L. 612-3 (n° 2018-763 DC du 8 mars 2018, Loi relative à l'orientation et à la réussite des étudiants, paragr. 23 à 26).

19 Cette procédure ne concerne que les formations non sélectives (deuxième et troisième alinéas de l'article D. 612-1-13 du code de l'éducation).

20 En effet, les candidats peuvent obtenir un réexamen de leur candidature par le recteur au regard de leur état de santé, d'un handicap, de leur inscription en tant que sportif de haut niveau ou de leurs charges de famille (paragraphe IX de l'article L. 612-3 du code de l'éducation). Ils peuvent également obtenir une intervention du recteur lorsqu'ils n'ont pas obtenu de proposition d'affectation (paragraphe VIII du même article).

21 Un code source est un texte qui détaille les instructions d'un programme informatique dans un langage de programmation compréhensible et utilisable par l'homme. À la différence d'un algorithme, il s'agit donc d'un élément ayant nécessairement une dimension informatique. Un code source peut contenir un ou plusieurs algorithmes : dans ce cas, l'accès au premier donne accès aux seconds. Inversement, un algorithme n'est pas nécessairement inclus dans un code source, ni même, plus largement, dans un dispositif informatique.

22 « Sous réserve des dispositions des articles L. 311-5 et L. 311-6, les administrations mentionnées à l'article L. 300-2 sont tenues de publier en ligne ou de communiquer les documents administratifs qu'elles détiennent aux personnes qui en font la demande, dans les conditions prévues par le présent livre » (article L. 311-1 du CRPA).

23 Celui-ci mentionne les « autres documents administratifs dont la consultation ou la communication porterait atteinte : / a) Au secret des délibérations du Gouvernement et des autorités responsables relevant du pouvoir exécutif ; / b) Au secret de la défense nationale ; / c) À la conduite de la politique extérieure de la France ; / d) À la sûreté de l'État, à la sécurité publique, à la sécurité des personnes ou à la sécurité des systèmes d'information des administrations ; / e) À la monnaie et au crédit public ; / f) Au déroulement des procédures engagées devant les juridictions ou d'opérations préliminaires à de telles procédures, sauf autorisation donnée par l'autorité compétente ; / g) À la recherche et à la prévention, par les services compétents, d'infractions de toute nature ; / h) Ou sous réserve de l'article L. 124-4 du code de l'environnement, aux autres secrets protégés par la loi ».

24 https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid130407/les-algorithmes-de-parcoursup.html

25 Rapport n° 241 (Sénat – 2017-2018) de M. Jacques Grosperrin, fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, déposé le 24 janvier 2018.

26 Lorsqu'il a examiné cette loi dans le cadre de son contrôle a priori, le Conseil constitutionnel a déclaré conformes à la Constitution les deuxième, troisième et quatrième alinéas du paragraphe I ainsi que les paragraphes III et IV de l'article L. 612-3, mais ne s'est pas prononcé sur le dernier alinéa du paragraphe I (décision n° 2018-763 DC du 8 mars 2018 précitée).

27 CE, 17 février 2016, n° 371453, ccl. Édouard Crépey, point 4. Cette jurisprudence a été critiquée : le Conseil d'État « a consacré une solution qui ne nous paraît pas ménager un juste équilibre entre la protection des jurys et la transparence à laquelle les candidats ont droit, et qui constitue une condition élémentaire de l'égalité entre préparationnaires (tant les asymétries d'information peuvent être fortes selon que les candidats sont plus ou moins introduits…). On ne voit pas en quoi la communication, postérieurement à la publication des résultats, des critères pris en compte par le jury et de ses attendus (au-delà du "rapport du jury" qu'il est d'usage de publier) pourrait porter une atteinte réelle à son indépendance » (Alexandre Lallet et Pearl Nguyen Duy, « Communication des documents administratifs », Répertoire Dalloz de contentieux administratif, juin 2019, § 109).

28 Cet outil est « une feuille de tableur, comportant trois types de colonnes que la formation doit paramétrer. Les colonnes du premier type sont quantitatives ; elles se basent sur des données scolaires chiffrées (notes bulletins et épreuves bac) auxquelles la formation attribue des coefficients. Les colonnes du deuxième type concernent la fiche "Avenir" [remplie par les enseignants du lycée d'origine]. Enfin, une colonne d'appréciation qualitative est obligatoire, la commission devant attribuer une note sur examen du dossier. Des notes, manquantes ou non, peuvent être attribuées ou modifiées à la hausse "à la main" par la commission, et la trace de cette intervention est nécessairement gardée sous forme de bref commentaire. / […] La moitié des formations ont utilisé cet outil en 2019 » selon le comité éthique et scientifique de Parcoursup (Isabelle Falque-Pierrotin, présidente, Gérard Berry, Jean-Richard Cytermann, Max Dauchet, Jean-Marie Filloque, Catherine Moisan et Isabelle Roussel) dans son rapport au Parlement, janvier 2020, p. 7.

29 Ibid., p. 6. L'extrait cité omet cependant de préciser que les critères sont déterminés par les commissions dans le respect des « critères généraux » fixés par l'établissement (voir supra).

30 Les candidats disposent d'un mois à compter de la notification de refus pour formuler leur demande (dernier alinéa du paragraphe VIII de l'article D. 612-1-14 du code de l'éducation).

31 M. Laurent Lafon, Sénat, séance du 7 février 2018.

32 M. Stéphane Piednoir, ibid.

33 Même séance.

34 Amendement n° 9 à l'article 14, adopté en nouvelle lecture lors de la séance du 12 avril 2018.

35 CE, 12 juin 2019, UNEF, n° 427916, ccl. Frédéric Dieu, point 8.

36 CADA, avis n° 20184400 du 10 janvier 2019.

37 Tout en précisant que de telles informations n'étaient pas imposées par le RGPD, dès lors que la décision n'est pas entièrement automatisée : « Foire aux questions. Parcoursup et les établissements d'enseignement supérieur », 20 novembre 2019 (www.cnil.fr/fr/parcoursup-et-les-etablissements-denseignement-superieur).

38 Défenseur des droits, décision n° 2019-021 du 18 janvier 2019.

39 Un premier bilan de l'accès à l'enseignement supérieur dans le cadre de la loi Orientation et réussite des étudiants. Communication au comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques de l'Assemblée nationale, février 2020.

40 Compte rendu de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat, 17 juillet 2019 : http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20190715/cult.html.

41 La décision de renvoi indique ainsi, à son point 8, qu'il « résulte des termes mêmes [des dispositions du dernier alinéa du paragraphe I de l'article L. 612-3 du code de l'éducation], éclairées par les travaux préparatoires de la loi dont elles sont issues, que ces dispositions spéciales ont entendu déroger, notamment, aux dispositions de l'article L. 311-1 du code des relations entre le public et l'administration, en réservant le droit d'accès à ces documents aux seuls candidats qui en font la demande, une fois la décision les concernant prise, et pour les seules informations relatives aux critères et modalités d'examen de leur candidature ».

42 À savoir : celle formée par la conférence des présidents d'universités, la conférence des grandes écoles, la conférence des directeurs des écoles françaises d'ingénieurs, l'assemblée des directeurs d'instituts universitaires de technologie et l'association des proviseurs de lycées à classes préparatoires aux grandes écoles ; celle émanant de La Quadrature du net ; celle introduite par le syndicat national de l'enseignement supérieur (SNESUP), l'union nationale des syndicats CGT des établissements d'enseignement supérieur et de recherche, le syndicat national Force ouvrière de l'enseignement supérieur et de la recherche et la fédération des syndicats solidaires démocratiques éducation ; celle formée par l'union nationale lycéenne, la fédération des conseils de parents d'élèves des écoles publiques et le syndicat « Solidaires étudiant-e-s, syndicat de luttes ».

43 Celui-ci était cosignataire de l'intervention présentée par l'union nationale lycéenne et autres (voir la note infrapaginale précédente).

44 Voir, par exemple : décision n° 2012-235 QPC du 20 avril 2012, Association Cercle de réflexion et de proposition d'actions sur la psychiatrie (Dispositions relatives aux soins psychiatriques sans consentement), cons. 17.

45 Décision n° 2009-575 DC du 12 février 2009, Loi pour l'accélération des programmes de construction et d'investissement publics et privés, cons. 4.

46 Seules cinq décisions portent sur son application directe : décisions n° 97-388 DC du 20 mars 1997, Loi créant les plans d'épargne retraite, cons. 53 et 54 (dans laquelle le grief est jugé inopérant) ; n° 2011-641 DC du 8 décembre 2011, Loi relative à la répartition des contentieux et à l'allègement de certaines procédures juridictionnelles, cons. 7 et 8 ; n° 2015-471 QPC du 29 mai 2015, Mme Nathalie K.-M. (Délibérations à scrutin secret du conseil municipal), cons. 7 et 8 ; n° 2016-599 QPC du 2 décembre 2016, Mme Sandrine A. (Personnes justiciables de la cour de discipline budgétaire et financière), paragr. 11 et 12 ; n° 2017-655 QPC du 15 septembre 2017, M. François G. (Accès aux archives publiques émanant du Président de la République, du Premier ministre et des autres membres du Gouvernement).

47 Décision n° 2015-471 QPC du 29 mai 2015 précitée, cons. 7 et 8.

48 Décision n° 2016-599 QPC du 2 décembre 2016 précitée, paragr. 11 et 12.

49 Décision n° 2017-655 QPC du 15 septembre 2017 précitée, paragr. 4.

50 Ibid., paragr. 7 à 9.

51 Tatiana Disperati, « La consécration d'un droit d'accès aux documents d'archives publiques », RFDC, mars 2018, n° 113, p. 194 ; Sophie Hutier, « La discrète entrée de la transparence administrative dans la jurisprudence constitutionnelle », Constitutions, octobre-décembre 2017, n° 4, p. 599 ; Nicolas Thiébaut, « La transparence par les archives. À propos de la reconnaissance par le Conseil constitutionnel d'un "droit d'accès aux documents d'archives publiques" », LPA, 16 mai 2018, n° 98, p. 13.

52 Décision n° 2018-765 DC du 12 juin 2018, Loi relative à la protection des données personnelles, paragr. 70 à 72. Selon cette décision, « le seul recours à un algorithme pour fonder une décision administrative individuelle est subordonné au respect de trois conditions », notamment la suivante : « conformément à l'article L. 311-3-1 du [CRPA], la décision administrative individuelle doit mentionner explicitement qu'elle a été adoptée sur le fondement d'un algorithme et les principales caractéristiques de mise en œuvre de ce dernier doivent être communiquées à la personne intéressée, à sa demande », ce dont le Conseil avait déduit a contrario que « lorsque les principes de fonctionnement d'un algorithme ne peuvent être communiqués sans porter atteinte à l'un des secrets ou intérêts énoncés au 2° de l'article L. 311-5 du [CRPA], aucune décision individuelle ne peut être prise sur le fondement exclusif de cet algorithme » (faute que l'article L. 311-3-1 soit alors applicable, ses dispositions prévoyant la communication « sous réserve de l'application du 2° de l'article L. 311-5 »). Cette même décision avait également relevé, notamment, que la loi garantissait que le responsable du traitement s'assure de la maîtrise du traitement algorithmique et de ses évolutions afin de pouvoir expliquer, en détail et sous une forme intelligible, à la personne concernée par la décision, la manière dont le traitement a été mis en œuvre à son égard, ce qui exclut les algorithmes auto-apprenants (« Il en résulte que ne peuvent être utilisés, comme fondement exclusif d'une décision administrative individuelle, des algorithmes susceptibles de réviser eux-mêmes les règles qu'ils appliquent, sans le contrôle et la validation du responsable du traitement »).

53 En outre, celles figurant dans les arrêtés ministériels définissant le cadrage national précité sont publiées au Journal officiel.