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Commentaire de la décision 2019-809 QPC

09/12/2022

Conformité

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 25 juillet 2019 par le Conseil d'État (décision no 430121 du 24 juillet 2019) d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) posée par l'union nationale des étudiants en droit, gestion, AES, sciences économiques, politiques et sociales (UNEDESEP) et deux autres associations, portant sur la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du troisième alinéa de l'article 48 de la loi n° 51-598 du 24 mai 1951 de finances pour l'exercice 1951.

 

Dans sa décision n° 2019-809 QPC du 11 octobre 2019, le Conseil constitutionnel a déclaré ces dispositions conformes à la Constitution.

 

I. – Les dispositions contestées

 

A. – Origine et objet des dispositions contestées

 

La perception de droits d'inscription pour l'accès aux établissements publics d'enseignement supérieur était déjà prévue antérieurement à la loi de finances pour 1951 (1). L'article 48 de cette loi s'est limité à donner compétence aux ministres du budget et de l'enseignement supérieur pour en fixer le montant (2).

 

1. – L'existence de droits d'inscription pour l'accès aux établissements publics d'enseignement supérieur avant la loi du 24 mai 1951

 

Au lendemain de la Révolution, l'enseignement supérieur public a été organisé autour de l'Université, d'abord de manière fortement centralisée, suivant la volonté de Napoléon Ier1, puis sous une forme progressivement décentralisée en même temps que s'affirmait la liberté de l'enseignement supérieur2. Depuis cette époque, l'État a pris en charge l'essentiel du coût des formations dispensées au sein des facultés et autres établissements publics de l'enseignement supérieur. En retour, des droits d'inscription d'un faible montant ont presque toujours été demandés aux étudiants souhaitant accéder aux formations qui y sont dispensées et postuler aux diplômes d'État3.

 

* L'article 134 du décret impérial du 17 mars 1808 fondant l'organisation générale de l'Université impériale prévoyait déjà, au titre des revenus affectés à celle-ci, qu' « Il sera prélevé, au profit de l'Université, et dans toutes les Écoles de l'Empire, un vingtième sur la rétribution payée par chaque élève pour son instruction ». L'exigence d'une telle rétribution fut maintenue sous la Restauration et la monarchie de Juillet, tandis que l'enseignement primaire fut le seul à bénéficier de mesures favorisant l'accès aux enfants issus de familles démunies durant la IIe République puis le Second Empire. Sous la IIIe République, la loi des 18 et 19 mars 1880 relative à la liberté de l'enseignement supérieur affirma, certes, que « Les inscriptions prises dans les facultés de l'État sont gratuites » (article 3), mais cette mesure, qui visait principalement à renforcer l'attractivité des établissements publics quelques années après la fin du monopole de l'État dans l'enseignement supérieur4, fut rapidement remise en cause par le législateur.

 

L'article premier de la loi de finances du 26 février 1887 rétablit des droits d'inscription dans les établissements d'enseignement supérieur, fixés à l'époque à « 30 francs par trimestre », tout en prévoyant que les boursiers en seraient nécessairement dispensés et qu'un dixième des autres étudiants pourraient l'être dans chaque établissement. Il renvoya par ailleurs à un décret la détermination des « formes suivant lesquelles les dispenses du droit d'inscription » seraient accordées5.

 

La loi du 10 juillet 1896 relative à la constitution des universités confirma l'existence de ces droits. Précisant les conditions du financement des universités, son article 4 indiquait que, « À dater du 1er janvier 1898, il sera fait recette, au budget de chaque université, des droits d'études, d'inscription, de bibliothèque et de travaux pratiques acquittés par les étudiants conformément aux règlements ». Ce même article prévoyait que les droits perçus par les universités ne pouvaient être affectés par elles qu'aux objets suivants : « dépenses des laboratoires, bibliothèques et collections ; construction et entretien des bâtiments, création de nouveaux enseignements, œuvres dans l'intérêt des étudiants ».

 

Le régime applicable aux droits d'inscription du supérieur se stabilisa ainsi jusqu'à la Seconde Guerre mondiale, durant laquelle un décret du 10 août 1945 pris en vertu de la loi des pleins pouvoirs confia au Gouvernement la compétence pour fixer ces droits.

 

* Comme l'indiquait Mme Questiaux dans ses conclusions sur la décision d'Assemblée du Conseil d'État du 28 janvier 1972, l'existence quasi-constante de droits d'inscription pour l'accès à l'enseignement supérieur « contraste avec la fermeté de l'affirmation du principe [de gratuité] dans la loi du 16 juin 1881 pour l'enseignement primaire »6. À compter de cette réforme, plus aucune rétribution scolaire7 ne fut en effet perçue dans les écoles primaires publiques. Le Conseil d'État reconnut au principe de gratuité de l'enseignement primaire une valeur générale et absolue8.

 

La gratuité fut étendue au niveau secondaire par les lois de finances du 27 décembre 1927 (article 89) et du 16 avril 1930 (article 157). Après la réinstauration d'une rétribution scolaire par le gouvernement de Vichy, l'ordonnance n° 45-26 du 8 janvier 1945 relative à la gratuité de l'externat simple dans les établissements d'enseignement public du second degré rétablit la gratuité de l'enseignement public du second degré et l'étendit aux « classes préparatoires aux grandes écoles et à l'enseignement supérieur des établissements d'enseignement public du second degré ».

 

De nos jours, le principe de gratuité de l'enseignement scolaire est inscrit aux articles L. 132-19 et L. 132-210 du code de l'éducation. Il ne vaut que pour l'enseignement public11.

 

2. – L'article 48 de la loi du 24 mai 1951 de finances pour l'exercice 1951

 

* Le principe même de la gratuité de l'enseignement supérieur n'a pas été évoqué lors des travaux parlementaires relatifs à la loi de finances pour 1951, à l'origine des dispositions qui font l'objet de la décision commentée. Le seul point ayant donné lieu à débat concernait plus globalement l'objet de l'article 48, en ce qu'il attribue compétence aux ministres du budget et chargé de l'enseignement supérieur pour fixer le montant des droits d'inscription, de scolarité, d'examen, de concours et de diplôme dans les établissements de l'État. Lors des débats devant l'Assemblée nationale, certains députés ont dénoncé un empiètement de l'exécutif sur le législatif12.

 

Depuis lors, l'existence de droits d'inscription pour l'accès à l'enseignement supérieur a été confirmée par plusieurs autres dispositions législatives. L'article 41 de la loi du 26 janvier 1984 dite « Savary »13, aujourd'hui codifié à l'article L. 719-4 du code de l'éducation14, a intégré ces droits aux différentes ressources dont bénéficient les établissements relevant de l'enseignement supérieur : « Les établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel disposent, pour l'accomplissement de leurs missions, des équipements, personnels et crédits qui leur sont attribués par l'État. Ils peuvent disposer des ressources provenant notamment de la vente des biens, des legs, donations et fondations, rémunérations de services, droits de propriété intellectuelle, fonds de concours, de la participation des employeurs au financement des premières formations technologiques et professionnelles et de subventions diverses. Ils reçoivent des droits d'inscription versés par les étudiants et les auditeurs. Ils peuvent recevoir des subventions d'équipement ou de fonctionnement des régions, départements et communes et de leurs groupements ».

 

En 1986, la place des droits d'inscription a de nouveau été abordée lors des travaux parlementaires relatifs au projet de loi dit « Devaquet » sur l'enseignement supérieur15. À l'instar de l'article 41 de la loi précitée du 26 janvier 1984, l'article 17 de ce projet visait les droits d'inscription au titre des différentes ressources financières des établissements publics d'enseignement supérieur. Pour Paul Séramy, rapporteur au Sénat, la perception de ces droits était conciliable avec le principe constitutionnel de gratuité, dont il fondait l'application à l'enseignement supérieur sur le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 : « Conformément au Préambule de la Constitution de 1946, l'État a le devoir d'organiser l'enseignement supérieur public. Bien évidemment, le principe de gratuité de l'enseignement n'empêche pas les établissements d'enseignement supérieur de percevoir des droits d'inscription »16.

 

Plus récemment, la loi n° 2013-660 du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche a institué les communautés d'universités et établissements (COMUE) et prévu que ces établissements pourraient percevoir directement les droits d'inscription aux formations pour lesquelles ils sont accrédités (article L. 718-15 du code de l'éducation).

 

* Dans le cadre fixé par le législateur en 1951, le juge administratif a précisé la portée de la notion de « droits d'inscription » en déniant aux établissements publics d'enseignement supérieur toute compétence pour établir des contributions relatives à des prestations normalement assurées sans contrepartie financière spécifique, qui s'apparenteraient ainsi à des suppléments de droits d'inscription17. Dans le même sens, il a jugé que, si les établissements d'enseignement supérieur peuvent instituer, en sus des droits d'inscription, des rémunérations pour services rendus, cette possibilité ne leur est ouverte qu'à la condition que les prestations correspondantes ne soient pas rendues nécessaires par le type d'études poursuivies et ne présentent pas un caractère obligatoire18.

 

* En revanche, le Conseil d'État a, à plusieurs reprises, refusé de contrôler, au regard du principe de gratuité de l'enseignement énoncé au treizième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, des actes réglementaires instituant des frais de scolarité en considérant que la loi du 24 mai 1951 faisait écran entre les actes attaqués et le Préambule de la Constitution de 194619.

 

Ainsi, dans sa décision d'Assemblée précitée du 28 janvier 1972, il était saisi de la légalité d'un arrêté fixant le montant des droits annuels de scolarité pour les facultés, les instituts d'études judiciaires, les écoles nationales supérieures d'ingénieurs et les instituts universitaires de technologie, à un niveau sensiblement supérieur à l'arrêté précédent. Parmi les griefs développés devant lui, était invoquée la violation du principe constitutionnel de gratuité de l'enseignement supérieur. Dans ses conclusions, la commissaire du Gouvernement, Mme Nicole Questiaux, estimait, au regard du treizième alinéa du Préambule de 1946, que « voici donc affirmée comme une obligation de l'État la gratuité de l'enseignement public à tous les degrés. Ceci vise sans doute aucun l'enseignement supérieur, ne serait-ce qu'en raison des termes très généraux donnés dans l'alinéa précédent au contenu de l'enseignement ; ne serait-ce aussi en raison même du contexte historique ».  Toutefois, dans sa décision, le Conseil d'État ne s'est pas prononcé en considération du principe de gratuité. Il a jugé que « l'arrêté attaqué du 28 août 1969 a été pris sur le fondement de l'article 48 de la loi de finances du 24 mai 1951 qui a prévu, notamment, que les taux et modalités de perception des droits d'inscription et de scolarité dans les établissements de l'Etat seraient fixés par arrêté du ministre intéressé et du ministre du budget ; que, des lors, le moyen tiré de ce que les dispositions dudit arrêté, lequel est intervenu dans les conditions fixées par la loi précitée, auraient méconnu un principe de gratuité de l'enseignement posé dans le préambule de la constitution du 27 octobre 1946 auquel se réfère la constitution du 4 octobre 1958 est inopérant »20.

 

Plusieurs auteurs ont néanmoins adhéré à l'idée défendue par Mme Questiaux que la généralité des termes du treizième alinéa devait être comprise, dans un contexte propice au déploiement des idéaux démocratiques, comme étendant la gratuité à l'enseignement supérieur21. Pour ces auteurs, un tel principe ne faisait pas pour autant obstacle à l'existence de droits d'inscription, dès lors qu'ils étaient d'un montant modique22.

 

* Il résulte de cette évolution législative et jurisprudentielle que les droits d'inscription fixés pour l'accès à l'université se sont principalement définis en pratique, jusqu'à aujourd'hui, par leur caractère obligatoire et national, sauf à l'égard des boursiers du gouvernement français, des boursiers sur critères sociaux ou des pupilles de la nation, qui en sont exonérés. Ces droits contribuent à financer, dans une proportion limitée par rapport à la prise en charge étatique, les prestations normalement assurées par le service public de l'enseignement supérieur (comme les frais de dossier, l'accès aux bibliothèques universitaires ou aux salles de travail, etc.), mais non les enseignements eux-mêmes. Ils se distinguent en cela de véritables droits (ou frais) de scolarité, bien qu'ils soient parfois présentés sous cette expression23.

 

 

B. – Origine de la QPC et question posée

 

L'UNEDESEP et deux autres associations étudiantes avaient déposé un recours pour excès de pouvoir devant le Conseil d'État mettant en cause la légalité de l'arrêté du 19 avril 2019 relatif aux droits d'inscription applicables à compter de la rentrée universitaire 2019-202024. À cette occasion, elles avaient soulevé une QPC mettant en cause le troisième alinéa de l'article 48 de la loi du 24 mai 1951.

 

Par la décision précitée du 24 juillet 2019, le Conseil d'État a renvoyé la QPC au Conseil constitutionnel après avoir considéré que ces dispositions « fondent, conjointement aux dispositions de l'article L. 719-4 du code de l'éducation, la faculté pour les établissements d'enseignement supérieur de percevoir des droits d'inscription » et que « le moyen tiré de ce qu'elles méconnaissent les droits constitutionnellement protégés par le treizième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, aux termes duquel : "La Nation garantit l'égal accès de l'enfant et de l'adulte à l'instruction, à la formation professionnelle et à la culture. L'organisation de l'enseignement public gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l'État", présente un caractère sérieux ».

 

II. – L'examen de la constitutionnalité des dispositions contestées

 

A. – Les questions préalables

 

* Les associations requérantes soutenaient que les dispositions du troisième alinéa de l'article 48 de la loi du 24 mai 1951 méconnaissaient le treizième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946. Elles faisaient valoir, d'une part, que le principe de gratuité de l'enseignement public, qui découlait selon elles de cet alinéa, faisait obstacle à la perception de droits d'inscription pour l'accès à l'enseignement supérieur. D'autre part, elles estimaient qu'en se bornant à habiliter les ministres compétents à fixer les taux des droits d'inscription pour l'accès aux formations de l'enseignement supérieur sans considération des ressources des étudiants, le législateur n'avait pas entouré cette habilitation de garanties suffisantes, en violation du principe d'égal accès à l'instruction. Pour ces mêmes motifs, elles soutenaient que ces dispositions étaient entachées d'incompétence négative dans des conditions affectant les exigences de gratuité de l'enseignement public et d'égal accès à l'instruction.

 

* Le Conseil constitutionnel était saisi de trois demandes d'intervention au soutien de la QPC.

 

L'article 6 du règlement intérieur du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les QPC prévoit que les personnes justifiant d'un « intérêt spécial » sont admises à présenter une intervention.

 

À cet égard, le Conseil a considéré que l'union confédérale des ingénieurs et cadres CFDT ne justifiait pas, notamment au regard de son objet social, d'un intérêt spécial à intervenir dans la procédure. Il a donc rejeté cette demande d'intervention (paragr. 4).

 

Les autres intervenants développaient les mêmes griefs que les associations requérantes.

 

B. – Le grief tiré de la méconnaissance des exigences posées par le treizième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946

 

1. – La jurisprudence constitutionnelle

 

Le treizième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, auquel renvoie le Préambule de la Constitution de 1958, prévoit : « La Nation garantit l'égal accès de l'enfant et de l'adulte à l'instruction, à la formation professionnelle et à la culture. L'organisation de l'enseignement public gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l'État ».

 

* Le Conseil constitutionnel a progressivement reconnu la valeur constitutionnelle de plusieurs exigences découlant de cet alinéa, lui attribuant ainsi une portée normative sans équivoque.

 

La première consécration a eu lieu au détour de la décision n° 77-87 DC du 23 novembre 1977, par laquelle le Conseil constitutionnel a placé le principe de la liberté de l'enseignement au nombre des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République. Assurant la conciliation entre ce principe et le treizième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, il a jugé  que « l'affirmation par le même Préambule de la Constitution de 1946 que "l'organisation de l'enseignement public gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l'État" ne saurait exclure l'existence de l'enseignement privé, non plus que l'octroi d'une aide de l'État à cet enseignement dans des conditions définies par la loi »25. Implicitement, le Conseil a ainsi consacré pour la première fois la valeur constitutionnelle du treizième alinéa du Préambule.

 

* Le Conseil constitutionnel a ensuite expressément consacré des principes sur le fondement de cet alinéa. Ce fut tout d'abord le cas du principe d'égal accès à l'instruction dans sa décision n° 2001-450 DC du 11 juillet 2001. Le Conseil était alors saisi des dispositions de l'article 14 de la loi portant diverses dispositions d'ordre social, éducatif et culturel autorisant le conseil de direction de l'Institut d'études politiques de Paris à « adopter des procédures d'admission comportant notamment des modalités particulières destinées à assurer un recrutement diversifié parmi l'ensemble des élèves de l'enseignement du second degré ». Soulevant d'office le moyen tiré de la violation du treizième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, il a jugé que, « s'il est loisible au législateur de déroger aux dispositions du troisième alinéa de l'article L. 612-3 du code de l'éducation en vue de permettre la diversification de l'accès des élèves du second degré aux formations dispensées par l'Institut d'études politiques de Paris, c'est à la condition que les modalités particulières que fixera à cette fin, sous le contrôle du juge de la légalité, le conseil de direction de l'Institut, reposent sur des critères objectifs de nature à garantir le respect de l'exigence constitutionnelle d'égal accès à l'instruction ; que, sous cette réserve, l'article 14 est conforme à la Constitution »26.

 

Plus récemment, dans sa décision n° 2018-763 DC du 8 mars 201827, le Conseil constitutionnel a validé au regard du principe d'égal accès à l'instruction certaines dispositions de la loi relative à l'orientation et à la réussite des étudiants organisant deux dispositifs visant l'un comme l'autre à instituer une forme de sélection pour l'entrée dans l'enseignement supérieur :

 

– le premier prévoit la possibilité pour un établissement public dispensant une formation d'enseignement supérieur de subordonner l'inscription d'un candidat à l'acceptation, par ce dernier, du bénéfice des dispositifs d'accompagnement pédagogique ou du parcours de formation personnalisé proposés par l'établissement pour favoriser sa réussite. Il est tenu compte, à cette fin, des aménagements et des adaptations dont bénéficient les candidats en situation de handicap. Les auteurs de la saisine reprochaient à ces dispositions de permettre un traitement différencié des candidats dans une même filière, selon l'établissement, et de ne pas préciser si la prise en compte du handicap a pour objet ou non de favoriser l'accès à l'enseignement supérieur des candidats en situation de handicap. Pour écarter le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égal accès à l'instruction, le Conseil a considéré, d'une part, que le législateur, en prévoyant « que les établissements publics d'enseignement supérieur peuvent tenir compte des caractéristiques de la formation, lesquelles font d'ailleurs l'objet d'un "cadrage national" fixé par arrêté ministériel, ainsi que des acquis et compétences des candidats afin, le cas échéant, de subordonner leur inscription à l'acceptation par eux de dispositifs d'accompagnement et de formation », a « retenu des critères objectifs et rationnels, dont il a suffisamment précisé le contenu, de nature à garantir le respect du principe d'égal accès à l'instruction », et, d'autre part, qu'« il ressort des termes mêmes des dispositions contestées que c'est aux fins de favoriser la réussite des candidats en situation de handicap qu'il est tenu compte des aménagements et adaptations dont ils bénéficient »28 ;

 

– le second institue un mécanisme de départage des candidats lorsque leur nombre excède les capacités d'accueil des formations en cause. Dans ce cas, les inscriptions sont décidées par le chef d'établissement au regard de la cohérence entre, d'une part, le projet de formation des candidats, leurs acquis et leurs compétences et, d'autre part, les caractéristiques de la formation. Le Conseil a jugé qu'« en prévoyant que les inscriptions sont décidées en tenant compte de la cohérence entre, d'une part, le projet de formation du candidat, les acquis de sa formation antérieure et ses compétences et, d'autre part, les caractéristiques de la formation, le législateur, qui n'a pas méconnu l'étendue de sa compétence, a retenu des critères objectifs de nature à garantir le respect de l'exigence constitutionnelle d'égal accès à l'instruction »29.

 

Par cette dernière décision, le Conseil constitutionnel a donc expressément considéré que le principe d'égal accès à l'instruction s'appliquait aussi bien à l'enseignement scolaire qu'à l'enseignement supérieur.

 

Dans sa décision n° 2016-558/559 QPC du 29 juillet 2016, le Conseil a également déduit de la première phrase du treizième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 « que la mise en œuvre d'une politique garantissant un égal accès de tous à la formation professionnelle constitue une exigence constitutionnelle »30. Le Conseil a ainsi expressément affirmé la valeur constitutionnelle du principe d'égal accès à la formation professionnelle31 et admis qu'il devait figurer au nombre des droits et libertés invocables dans le cadre d'une QPC.

 

* Jusqu'à la décision commentée, le Conseil constitutionnel n'avait pas expressément consacré la valeur constitutionnelle de l'exigence de gratuité de l'enseignement public, à laquelle il avait seulement fait référence en s'appuyant, dans deux décisions, sur la seconde phrase du treizième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946.

 

Dans sa décision n° 99-414 DC du 8 juillet 1999 sur la loi d'orientation agricole, il s'était prononcé sur des dispositions qui plaçaient en dehors du régime contractuel prévu aux articles L. 813-1 et suivants du code rural, régime auquel est liée l'aide de l'État, les formations d'enseignement supérieur (autres que celle conduisant au brevet de technicien supérieur) dispensées par les lycées agricoles privés et notamment les classes préparatoires aux grandes écoles d'agriculture. Pour écarter le grief tiré de la méconnaissance du principe de la liberté de l'enseignement, il avait considéré « que le principe de liberté de l'enseignement constitue l'un des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, réaffirmés par le préambule de la Constitution de 1946 et auxquels la Constitution de 1958 a conféré valeur constitutionnelle ; qu'en ce qui concerne l'enseignement supérieur, il trouve son fondement dans les lois susvisées des 12 juillet 1875 et 18 mars 1880 ; que l'affirmation, par le treizième alinéa du préambule de la Constitution de 1946, selon laquelle "l'organisation de l'enseignement public gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l'État" ne saurait exclure l'existence de l'enseignement privé, non plus que l'octroi d'une aide de l'État à cet enseignement dans les conditions définies par la loi »32.

 

Dans sa décision n° 2012-654 DC du 9 août 2012, le Conseil était saisi de dispositions de la loi de finances rectificative qui supprimaient la prise en charge par l'État des frais de scolarité dans les établissements d'enseignement français à l'étranger. Les députés et sénateurs saisissants reprochaient à ces dispositions de porter atteinte au principe de gratuité de l'enseignement public. S'il avait refusé de retenir ce grief, il avait néanmoins considéré, après avoir rappelé la seconde phrase du treizième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, que « cette obligation constitutionnelle d'organiser un enseignement public gratuit et laïque ne s'impose pas à l'État hors du territoire de la République ; que les dispositions contestées sont relatives aux conditions de prise en charge des frais de scolarité des enfants français scolarisés dans les établissements français à l'étranger ; que, par suite, le moyen tiré de la violation du principe de gratuité de l'enseignement public est inopérant ; que le principe d'égalité devant la loi n'impose pas davantage la gratuité de la scolarité des enfants français scolarisés à l'étranger »33. Le commentaire de la décision en avait déduit que « le principe d'égalité ne peut avoir pour effet d'étendre le principe de gratuité de l'enseignement public à tous les Français, où qu'il se trouvent »34.

 

2. – La reconnaissance du principe de gratuité de l'enseignement public et son application à l'enseignement supérieur public

 

La décision commentée a donné l'occasion au Conseil constitutionnel de s'appuyer sur les deux phrases du treizième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 pour affirmer, pour la première fois, que « l'exigence constitutionnelle de gratuité s'applique à l'enseignement supérieur public » (paragr. 6). Plusieurs conséquences peuvent être tirées de cette formulation de principe.

 

Tout d'abord, la reconnaissance de cette exigence constitutionnelle vient enrichir la portée normative du treizième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, sur le fondement duquel le Conseil avait progressivement dégagé les principes d'égal accès à l'instruction et à la formation professionnelle, par référence aux termes employés dans la première phrase de cet alinéa. 

 

Ensuite, le Conseil constitutionnel admet implicitement que l'exigence de gratuité et celle d'égal accès à l'instruction constituent, au même titre que le principe d'égal accès à la formation professionnelle, des droits ou libertés au sens des dispositions de l'article 61-1 de la Constitution, qui sont donc susceptibles d'être invoqués dans le cadre de la procédure de QPC.

 

Enfin, et c'était l'un des principaux enjeux de la question qui lui était posée, le Conseil a conféré une dimension générale à cette exigence en jugeant qu'elle s'appliquait à l'enseignement supérieur public. Cette question pouvait paraître ouverte dans la mesure où les débats préparatoires à l'adoption du treizième alinéa du Préambule de 1946 ne faisaient pas apparaître de façon certaine l'intention du constituant35. En affirmant que l'exigence de gratuité s'applique à l'enseignement supérieur, le Conseil constitutionnel a privilégié une lecture extensive des termes « à tous les degrés » employés dans la seconde phrase du treizième alinéa, plutôt qu'une lecture restrictive qui aurait consisté à réserver ces termes, et donc l'application de l'exigence de gratuité, à l'enseignement délivré dans les établissements publics du primaire et du secondaire alors que, si la notion de premier et second degré est ancrée dans le code de l'éducation, cela n'a pas toujours été le cas.

 

En revanche, il peut être relevé que le Conseil constitutionnel a jugé que l'application du principe de gratuité à l'enseignement supérieur se déduisait de la combinaison des deux premières phrases du treizième alinéa. En effet, la première phrase de cet alinéa pose le principe d'une exigence d'égal accès à l'instruction de l'enfant mais aussi de l'adulte. Un enseignement gratuit et laïc peut être vu comme le moyen nécessaire d'aboutir à l'exigence posée par la première phrase.

 

En outre, une interprétation trop restrictive de la seconde phrase du treizième alinéa du Préambule de 1946 aurait eu pour conséquence de réduire le « devoir de l'État » de mettre en place un enseignement public – indépendamment des qualités que doit recouvrir cet enseignement public – aux seuls degrés primaire et secondaire. Cela aurait été priver de tout support constitutionnel l'obligation pour l'État de mettre en place un enseignement public universitaire. 

 

La dimension générale donnée à l'exigence de gratuité contribue en tout état de cause à l'unification du périmètre du treizième alinéa du Préambule de 1946 dans la mesure où le Conseil avait déjà jugé, dans sa décision du 8 mars 2018 précitée, que le principe d'égal accès à l'instruction devait s'étendre à l'enseignement supérieur public.

 

Après avoir consacré l'application de l'exigence de gratuité à l'enseignement supérieur public, le Conseil constitutionnel a précisé la portée de cette exigence constitutionnelle. Il a jugé qu'elle « ne fait pas obstacle, pour ce degré d'enseignement, à ce que des droits d'inscription modiques soient perçus en tenant compte, le cas échéant, des capacités financières des étudiants » (paragr. 6). Ce faisant, le Conseil a considéré que l'exigence de gratuité, si elle constitue la règle applicable à l'enseignement supérieur comme à tout autre degré de l'enseignement public, ne doit pas pour autant revêtir pour l'enseignement supérieur une portée absolue. Il n'est donc pas interdit au législateur de prévoir des droits d'inscription pour l'accès aux établissements d'enseignement supérieur public, dès lors que ces droits se caractérisent par leur modicité appréciée en tenant compte, le cas échéant, des capacités financières des étudiants. Ainsi, dans son acception propre à l'enseignement supérieur, cette exigence n'interdit pas que soient établis des droits d'inscription éventuellement corrélés aux coûts de la formation, pour autant que ces droits soient intrinsèquement peu élevés ou que des mécanismes tenant compte des situations financières respectives des étudiants assurent pour chacun de ceux-ci une modicité des droits dus propre à assurer leur égal accès à l'instruction. Quant au champ d'application de l'exigence de gratuité ainsi précisée, il n'appartenait pas au Conseil constitutionnel de se prononcer sur une distinction possible entre diplômes d'Etat et diplômes d'établissement.

 

Au regard de cette interprétation de l'exigence de gratuité, le Conseil constitutionnel a considéré que les dispositions contestées, qui se limitent à prévoir la compétence du pouvoir réglementaire pour fixer les montants annuels des droits perçus par les établissements publics d'enseignement supérieur et acquittés par les étudiants, ne méconnaissaient ni cette exigence, ni celle d'égal accès à l'instruction, dès lors qu'« il appartient aux ministres compétents de fixer, sous le contrôle du juge, les montants de ces droits dans le respect des exigences de gratuité de l'enseignement public et d'égal accès à l'instruction » (paragr. 7).

 

Il a donc écarté les griefs tirés de la méconnaissance des exigences de gratuité de l'enseignement public et d'égal accès à l'instruction (paragr. 8).

 

En définitive, le Conseil constitutionnel a déclaré conformes à la Constitution les dispositions du troisième alinéa de l'article 48 de la loi du 24 mai 1951 de finances pour l'exercice 1951.

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1 La création de l'Université remonte à la loi du 10 mai 1806 relative à la formation d'une Université impériale. À cette époque toutefois, « l'Université » ne se limitait pas à l'enseignement supérieur et désignait en réalité l'organisation générale qui englobait les facultés, lycées, collèges et écoles primaires.

2 La liberté de l'enseignement a été proclamée de manière générale par la Charte constitutionnelle de 1830 (article 69) avant d'être consacrée spécialement pour l'enseignement supérieur par la loi dite « Laboulaye » du 12 juillet 1875 puis par celle du 18 mars 1880, qui tempéra le libéralisme de la précédente en rétablissant le monopole de la collation des grades et des titres universitaires au profit des facultés de l'État.

3 En ce sens, voir les conclusions de Mme Nicole Questiaux sur la décision d'Assemblée du Conseil d'État du 28 janvier 1972, Conseil transitoire de la faculté des lettres et des sciences humaines de Paris (CE, 28 janvier 1972, n° 79200, publié au recueil Lebon).

4 Ibid. : « Comme le disent ingénument les commentateurs de la loi de finances du 26 février 1887, le législateur de 1880 voulait au moment où il faisait disparaître les prérogatives attachées par la loi du 12 juillet 1875 à l'enseignement supérieur libre faire rejaillir plus de faveurs sur l'enseignement de l'État. Cette considération ayant paru sept ans plus tard n'avoir plus la même valeur, le législateur a rétabli ces droits ».

5 Décret du 31 mars 1887 qui rétablit le droit d'inscription dans les facultés et écoles d'enseignement supérieur de l'État.

6 Article premier de la loi dite « Ferry » du 16 juin 1881 établissant la gratuité absolue de l'enseignement primaire dans les écoles publiques : « Il ne sera plus perçu de rétribution scolaire dans les écoles primaires publiques, ni dans les salles d'asile publiques » (équivalent des écoles maternelles).

7 S'agissant de l'enseignement primaire et secondaire, on parle de « rétribution scolaire » et non de frais d'inscription ou de scolarité.

8 CE, 22 mars 1918, Ville de La Rochelle, n° 58150, publié au recueil Lebon : la disposition de l'article 1er de la loi du 16 juin 1881, aux termes de laquelle aucune rétribution scolaire ne sera plus perçue dans les écoles primaires publiques, a un caractère général et vise toutes les écoles primaires énumérées par l'article 1er de la loi du 30 octobre 1886, notamment les écoles primaires supérieures et les cours complémentaires qui sont une modalité de cet enseignement. Ni le régime financier des écoles, ni le lieu du domicile des familles des élèves n'ont d'influence sur la gratuité de l'enseignement primaire public. Dès lors, la délibération par laquelle un conseil municipal décide que les élèves forains paieront une redevance pour la fréquentation d'une école primaire supérieure et de cours complémentaires, est entachée d'illégalité. Dans le même sens, CE, 7 janvier 1932, Sieur Delbos, publié au recueil Lebon, p. 15.

9 L'article L. 132-1 du code de l'éducation prévoit : « L'enseignement public dispensé dans les écoles maternelles et élémentaires est gratuit ».

10 L'article L. 132-2 du code de l'éducation prévoit : « L'enseignement est gratuit pour les élèves des lycées et collèges publics qui donnent l'enseignement du second degré, ainsi que pour les élèves des classes préparatoires aux grandes écoles et à l'enseignement supérieur des établissements d'enseignement public du second degré ».

11 CE, Ass., 5 décembre 1997, Union régionale des organismes de gestion des établissements d'enseignement catholique des Pays-de-Loire et autres, n° 174185, recueil Lebon, p. 478.

12 Intervention de Bernard Paumier devant l'Assemblée nationale, JOAN, Compte-rendu des débats, 2ème séance du 18 mai 1951. Lors des débats devant le Conseil de la République, Antoine Courrière résumait la position de la commission des finances en ces termes : « [Elle] a rejeté cet article parce qu'elle a estimé qu'il s'agissait là peut-être de taxes sans grande importance quant à leur somme, mais qui étaient excessivement sensibles au point de vue psychologique […] En ce qui concerne les droits d'inscription, de scolarité, d'examen, de concours et de diplôme, nous estimons que le Parlement doit donner son avis sur le montant des sommes qui sont demandées aux étudiants. Je crois d'ailleurs que, dans une période difficile en ce qui concerne les rapports du Gouvernement et des étudiants, il convient de ne pas irriter ces derniers un peu plus et c'est la raison pour laquelle je demande au Conseil de la République de voter dans le sens indiqué par la commission des finances » (c'est-à-dire la disjonction de cet article du projet de loi de finances examiné).

13 Loi n° 84-52 du 26 janvier 1984 sur l'enseignement supérieur. Le Conseil constitutionnel a examiné cette loi dans sa décision n° 83-165 DC du 20 janvier 1984, Loi relative à l'enseignement supérieur, sans toutefois se prononcer sur son article 41.

14 Ordonnance n° 2000-549 du 15 juin 2000 relative à la partie Législative du code de l'éducation.

15 Ce projet de loi a finalement été retiré par le Premier ministre.

16 Paul Séramy, rapport n° 22 (Sénat – 1986-1987) fait au nom de la commission des affaires culturelles sur le projet de loi sur l'enseignement supérieur, p. 67. La commission proposait d'introduire dans la loi la possibilité de fixer le montant de ces droits d'inscription à l'intérieur d'une fourchette déterminée par le législateur : le montant minimum aurait été fixé, comme auparavant, par arrêté du ministre chargé de l'enseignement supérieur, les établissements auraient eu la possibilité d'augmenter ces droits dans la limite d'un plafond. Elle précisait toutefois que le produit de ces droits ne pourrait correspondre à des dépenses d'enseignement. Lors de la séance publique du 28 octobre 1986, le rapporteur justifiait cette proposition de modification en précisant le cadre qui s'imposerait aux établissements : « Cet amendement précise que les droits d'inscription ne peuvent correspondre à des dépenses d'enseignement. L'enseignement lui-même, conformément à la Constitution, doit être financé par l'État. Les droits d'inscription ne peuvent donc servir à financer que des services annexes à l'enseignement. Pour que cette autonomie plus grande ne soit pas une source de difficultés pour des étudiants de milieu modeste, l'amendement apporte deux précisions : d'une part, les boursiers restent exonérés de tous droits et, d'autre part, les universités peuvent elles-mêmes accorder des bourses à des étudiants méritants et les exonérer de tous droits ».

17 Voir, par exemple, CE, 7 juillet 1993, Université de Jean Moulin de Lyon III, nos 80720, 84086, 84087. Dans cette décision, le Conseil d'État devait contrôler la légalité de la délibération d'un conseil d'administration d'une université qui instituait une contribution des étudiants au fonctionnement des services pédagogiques. Il a jugé que « si l'Université de Jean Moulin Lyon III se prévaut de ce que la contribution pédagogique qu'elle a instituée correspondait à une "rémunération de service" au sens de la loi du 12 novembre 1968, et présentait un caractère facultatif dès lors que tout étudiant avait la possibilité, en renonçant à l'ensemble des prestations correspondantes, d'en obtenir le remboursement, il résulte de l'instruction que lesdites prestations concernaient notamment l'accès aux bibliothèques des facultés et aux salles de travail ; qu'en disposant que des prestations normalement assurées sans contrepartie financière spécifique seraient soumises au versement d'une contribution de 140 F, le conseil de l'université a institué un supplément de droits d'inscription ; qu'il résulte des dispositions susmentionnées de la loi du 24 mai 1951, que l'université n'était pas compétente pour instituer ce supplément ; que, par suite, l'Université de Jean Moulin Lyon III n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé la délibération du 11 mai 1982 »

18 TA de Grenoble, 4 novembre 1992, n° 912950, JurisData : n° 1992-049901. Dans cette affaire, le juge a annulé la délibération du conseil d'administration d'une université instituant « en sus des droits d'inscription fixés par arrêté ministériel du 5 août 1991, une contribution forfaitaire des étudiants d'un montant de 250 francs correspondant à "un certain nombre de prestations supplémentaires variables selon le diplôme postulé et optionnels dans la plupart des cas" [dès lors que] les caractères obligatoire et forfaitaire de cette contribution s'opposent à ce qu'elle puisse être regardée comme une rémunération pour services rendus susceptible d'être légalement perçue par un établissement public d'enseignement supérieur ».

19 Il s'agit d'une application de la jurisprudence classique dite « Arrighi » selon laquelle « en l'état actuel du droit public français, [le moyen tiré de ce qu'une disposition législative serait contraire à la Constitution] n'est pas de nature à être discuté devant le Conseil d'Etat statuant au contentieux » (CE Sect., 6 novembre 1936, recueil Lebon, p. 966).

20 Dans le même sens, voir CE, 27 avril 1987, n° 39183, Inédit au recueil Lebon, et CE, 27 oct. 2004, Devynck-Fujiwara, n° 252970.

21 Voir par exemple MM. Labetoulle et Cabanes, « Chronique générale de jurisprudence administrative française », Actualité juridique du droit administratif, 1972, p. 91.

22 Ibid.

23 Jean-Louis Lajoie et Jean-Paul Tomasi, « Droits d'inscription et redevances universitaires », Actualité juridique de droit administratif, 1988, p. 499.

24 Cet arrêté, pris sur le fondement de l'article 48 de la loi de finances pour 1951, prévoit que des droits d'inscription d'un montant différent seront appliqués en fonction de la qualité de l'usager souhaitant s'inscrire dans un établissement d'enseignement supérieur. Un premier tableau détermine les montants applicables aux personnes remplissant l'une des conditions fixées par les articles 3 à 6 de cet arrêté du 19 avril 2019, parmi lesquelles figurent les étudiants français ou ressortissants d'un pays de l'Union Européenne, de l'Espace Economique Européen ou de la Suisse. Comme auparavant les montants fixés ne représentent qu'une faible part du coût moyen de la formation, à raison de 170 euros pour une licence et 243 euros pour un master. Pour les étudiants ne remplissant aucune de ces conditions, en particulier les ressortissants extra-communautaires, l'article 8 de l'arrêté renvoie à un second tableau dans lequel les droits d'inscription sont fixés à un niveau substantiellement plus élevé (par exemple, 2 770 euros pour une licence et 3770 euros pour un master).

25 Décision n° 77-87 DC du 23 novembre 1977, Loi complémentaire à la loi n° 59-1557 du 31 décembre 1959 modifiée par la loi n° 71-400 du 1er juin 1971 et relative à la liberté de l'enseignement, cons. 3 et 4.

26 Décision n° 2001-450 DC du 11 juillet 2001, Loi portant diverses dispositions d'ordre social, éducatif et culturel, cons. 33.

27 Décision n° 2018-763 DC du 8 mars 2018, Loi relative à l'orientation et à la réussite des étudiants.

28 Décision précitée, paragr. 12.

29 Ibidem, paragr. 25.

30 Décision n° 2016-558/559 QPC du 29 juillet 2016, M. Joseph L. et autre (Droit individuel à la formation en cas de rupture du contrat de travail provoquée par la faute lourde du salarié), paragr. 7.

31 Cette reconnaissance résultait déjà implicitement de la décision n° 2006-533 DC du 16 mars 2006, Loi relative à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes, cons. 17 et 18.

32 Décision n° 99-414 DC du 8 juillet 1999, Loi d'orientation agricole, cons. 6.

33 Décision n° 2012-654 DC du 9 août 2012, Loi de finances rectificative pour 2012 (II), cons. 76.

34 Commentaire, p. 38.

35 Les débats menés lors de la seconde assemblée Constituante avaient surtout porté sur la question de la place de la liberté de l'enseignement dans le Préambule et sur l'inscription de l'exigence de neutralité.