• Commentaire DC

Commentaire de la décision 2012-658 DC

13/06/2023

Le projet de loi organique relatif à la programmation et à la gouvernance des finances publiques a été délibéré en Conseil des ministres le 19 septembre 2012 et déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale le même jour avec engagement de la procédure accélérée. L'Assemblée l'a adopté en première lecture le 10 octobre 2012 et le Sénat le 30 octobre 2012. Après qu'une commission mixte paritaire est parvenue à élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion, le texte a été adopté en termes identiques par l'Assemblée nationale le 19 novembre 2012 et par le Sénat le 22 novembre 2012.

 

La loi organique a été soumise au Conseil constitutionnel le lendemain par le Premier ministre en application du dernier alinéa de l'article 46 et du premier alinéa de l'article 61 de la Constitution.

 

Dans sa décision n° 2012-658 DC du 13 décembre 2012, le Conseil constitutionnel a déclaré cette loi organique conforme à la Constitution, à l'exception d'une partie des 1° et 3° de l'article 11 et de la dernière phrase de l'article 15, qui ont été déclarées contraires à la Constitution. Le Conseil constitutionnel a également assorti la déclaration de conformité à la Constitution du dernier alinéa de l'article 7 et de la dernière phrase de l'article 8 d'une réserve d'interprétation, et il a fait de même pour les articles 13, 14 et 15. Il a, en outre, déclaré que les articles 10, une partie du 2° ainsi que le septième alinéa de l'article 11, les articles 17 et 20 et le dernier alinéa de l'article 21 ne relèvent pas de la loi organique.

 

 

I – Le fondement de la loi organique : les articles 34, 47 et 47-1 de la Constitution

 

Saisi de la question de savoir si la ratification du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) au sein de l'Union européenne, signé à Bruxelles le 2 mars 2012, comportait une clause contraire à la Constitution, le Conseil constitutionnel a eu l'occasion de se prononcer, dans sa décision n° 2012-653 DC du 9 août 2012, en particulier sur la question de savoir si portaient atteinte à des règles constitutionnelles les modalités, prévues par l'article 3.2 du traité, selon lesquelles les règles de discipline budgétaire prévues par l'article 3.1 devaient prendre effet dans les législations nationales. Dans sa décision, le Conseil a estimé « qu'introduire directement des dispositions contraignantes et permanentes imposant le respect des règles relatives à l'équilibre des finances publiques exige la modification » des articles 34 et 47 de la Constitution (cons. 21)1. Il a en revanche jugé que la seconde branche de l'alternative ouverte par l'article 3.2, selon laquelle « Les règles énoncées au paragraphe 1 prennent effet dans le droit national des parties contractantes au plus tard un an après l'entrée en vigueur du présent traité, au moyen de dispositions… dont le plein respect et la stricte observance tout au long des processus budgétaires nationaux sont garantis de quelque autre façon », pouvait être mise en œuvre par une loi organique.

 

Il a ainsi jugé : « Considérant que le vingt-deuxième alinéa précité de l'article 34 de la Constitution permet que des dispositions de nature organique soient prises pour fixer le cadre des lois de programmation relatives aux orientations pluriannuelles des finances publiques ; que, sur ce fondement et sur celui des dix-huitième et dix-neuvième alinéas précités de l'article 34 de la Constitution en ce qui concerne les lois de finances et les lois de financement de la sécurité sociale, le législateur organique peut, pour que les règles énoncées au paragraphe 1 de l'article 3 du traité prennent effet dans les conditions prévues par cette seconde branche de l'alternative, adopter des dispositions encadrant ces lois relatives, notamment, à l'objectif de moyen terme ainsi qu'à la trajectoire d'ajustement de la situation budgétaire des administrations publiques, au mécanisme de correction de cette dernière et aux institutions indépendantes intervenant tout au long du processus budgétaire »2.

 

S'appuyant sur cette référence à la loi organique dans l'avant-dernier alinéa de l'article 34 de la Constitution, le Gouvernement a présenté un projet de loi organique destinée à mettre en œuvre les stipulations du traité, dont la ratification a été par ailleurs autorisée par une loi du 22 octobre 20123.

 

En reconnaissant au législateur organique la faculté de mettre en œuvre les stipulations du TSCG, le Conseil n'a dégagé aucune exigence constitutionnelle quant au respect de ces stipulations. Par ailleurs, le Conseil constitutionnel ne procède pas au contrôle de la conventionnalité des lois et, d'ailleurs, le traité dont la loi organique déférée poursuit la mise en œuvre, n'est pas entré en vigueur à ce jour.

 

Le cadre constitutionnel de la présente loi organique est ainsi double.

 

* En premier lieu, le Gouvernement ayant retenu la seconde branche de l'alternative de l'article 3.2 du TSCG, la loi organique ne peut mettre en place des dispositions faisant prendre effet de façon contraignante aux règles budgétaires chiffrées et aux mécanismes de correction. C'est ce que le Conseil constitutionnel a rappelé dans la décision du 13 décembre 2012, en considérant « qu'à la suite de la décision du 9 août 2012 susvisée et compte tenu du choix ouvert par l'article 3 du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire, cette loi organique a principalement pour objet de déterminer les dispositions « dont le plein respect et la stricte observance » tout au long du processus budgétaire permettent que prennent effet les règles d'équilibre des finances publiques prévues par le paragraphe 1 de l'article 3 du traité » (cons. 2). En conséquence :

 

– la loi de programmation des finances publiques ne peut s'imposer aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale ;

 

– les avis des institutions indépendantes créées ne lieront pas le Gouvernement et le Parlement ;

 

– la mise en œuvre du mécanisme de correction ne peut s'imposer au législateur.

 

* En second lieu, chacun sait que la loi organique ne peut intervenir que dans les cas et conditions expressément prévus par la Constitution. En l'espèce, le Conseil constitutionnel a dégagé, dans les considérants 4 à 7 de sa décision du 13 décembre 2012, cinq fondements constitutionnels à la loi organique soumise à son contrôle :

 

– Le 18ème alinéa de l'article 34 de la Constitution dispose : « Les lois de finances déterminent les ressources et les charges de l'État dans les conditions et sous les réserves prévues par une LO ».

 

– L'alinéa 1er de l'article 47 de la Constitution dispose : « Le Parlement vote les lois de finances dans les conditions fixées par une loi organique ».

 

– Le 19ème alinéa de l'article 34 de la Constitution dispose : « Les lois de financement de la sécurité sociale déterminent les conditions générales de son équilibre financier et, compte tenu de leurs prévisions de recettes, fixent ses objectifs de dépenses dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique ».

 

– L'alinéa 1er de l'article 47-1 de la Constitution dispose : « Le Parlement vote les projets de loi de financement de la sécurité sociale dans les conditions prévues par une loi organique ».

 

– Enfin, aux termes des avant-dernier et dernier alinéas de l'article 34 de la Constitution :

 

« Les orientations pluriannuelles des finances publiques sont définies par des lois de programmation. Elles s'inscrivent dans l'objectif d'équilibre des comptes des administrations publiques.

 

« Les dispositions du présent article pourront être précisées et complétées par une loi organique. »

 

Dans le cadre de l'examen des dispositions de la loi organique, le Conseil a distingué les dispositions prises sur le fondement des quatre habilitations des articles 34 (18ème et 19ème alinéas), 47 et 47-1 de la Constitution, et qui sont relatives aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale, de celles prises sur le cinquième fondement constitutionnel évoqué, celui des deux derniers alinéas de l'article 34 de la Constitution tels qu'interprétés par le Conseil dans sa décision du 9 août 2012 précitée, relatives aux lois de programmation des finances publiques. Le Conseil a ainsi retenu une interprétation large de cette habilitation, dont la limite est l'impossibilité de contraindre les lois de finances et de financement de la sécurité sociale.

 

Il a toutefois procédé à un examen distinct des dispositions relatives au Haut Conseil des finances publiques, celui-ci étant appelé à intervenir aussi bien dans la procédure relative à l'adoption des lois de programmation des finances publiques que dans celle relative à l'adoption des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale.

 

II. – La conformité à la Constitution des dispositions relatives aux lois de programmation des finances publiques

 

Le Conseil a d'abord examiné les dispositions de la loi organique relatives aux lois de programmation des finances publiques, figurant aux articles 1er à 6 de la loi organique – les autres dispositions établissant un lien entre lois de programmation des finances publiques et Haut Conseil des finances publiques étant examinées sous ce second chef.

 

A. – Le contenu exclusif des lois de programmation des finances publiques

 

L'article 1er de la loi organique soumise à l'examen du Conseil est la conséquence directe du TSCG. Il pose l'obligation pour la France de définir un objectif à moyen terme de solde structurel des administrations publiques, lequel figurera dans la loi de programmation des finances publiques. Cet article présente la particularité de se référer au TSCG : cette méthode de rédaction permet de ne pas recopier une définition fort longue et non résumable.

 

L'article 2 complète le contenu des orientations pluriannuelles des finances publiques définies par la loi de programmation des finances publiques, en y faisant figurer à la fois des orientations obligatoires (qui complètent celles prévues par l'article 1er) et des orientations facultatives.

 

Le Conseil constitutionnel a considéré que « les orientations pluriannuelles ainsi définies par la loi de programmation des finances publiques n'ont pas pour effet de porter atteinte à la liberté d'appréciation et d'adaptation que le Gouvernement tient de l'article 20 de la Constitution dans la détermination et la conduite de la politique de la Nation ; qu'elles n'ont pas davantage pour effet de porter atteinte aux prérogatives du Parlement lors de l'examen et du vote des projets de loi de finances et des projets de loi de financement de la sécurité sociale ou de tout autre projet de loi » (cons. 12).

 

Cette rédaction, bien qu'inspirée de rédactions figurant dans les décisions sur la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) et la loi organique relative aux lois de financements de la sécurité sociale (LOLFSS)4, en diffère de manière sensible. Elle porte non pas sur des dispositions relatives à l'information jointe à certains projets de loi mais sur les dispositions qui figureront dans les lois de programmation des finances publiques elles-mêmes. Elle évoque non seulement la liberté d'appréciation et d'adaptation du Gouvernement mais également les prérogatives du Parlement dans l'examen et le vote des textes de loi. Le Conseil constitutionnel a ainsi confirmé que la loi organique ne peut mettre en place des dispositions faisant prendre effet de façon contraignante aux orientations budgétaires chiffrées qui figureront dans la loi de programmation des finances publiques.

 

L'article 28 de la loi organique, relatif à l'entrée en vigueur des dispositions de cette loi, a prévu que « pour l'application des articles 7, 9, 14 et 23, les orientations pluriannuelles des finances publiques sont celles définies dans la loi de programmation des finances publiques applicable » à la date d'entrée en vigueur de la loi organique.

 

Le Conseil constitutionnel a énoncé, pour cette disposition, un considérant identique à celui formulé pour les articles 1er et 2 de la loi organique relatifs au contenu des lois de programmation (cons. 63).

 

B. – La durée de programmation des lois de programmation des finances publiques

 

L'article 3 de la loi organique a fixé une durée minimale de trois années pour la programmation de la loi de programmation des finances publiques et prévoit que chacune des orientations pluriannuelles figurant dans cette loi devra être définie pour une période de programmation déterminée.

 

Le Conseil constitutionnel a considéré « que cet article ne fait pas obstacle à ce que le législateur modifie au cours de la période de programmation une loi de programmation des finances publiques ou en adopte une nouvelle qui s'y substitue » (cons. 14).

 

 

C. – Le domaine facultatif partagé des lois de programmation des finances publiques

 

L'article 4 de la loi organique définit, à côté du domaine obligatoire, un domaine facultatif des lois de programmation des finances publiques partagé avec les lois de finances et les lois de financement de la sécurité sociale : les « règles relatives à la gestion des finances publiques ne relevant pas du domaine exclusif des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale » et les règles relatives à « l'information et au contrôle du Parlement dans ce domaine ». Il convient de rappeler que l'avant-dernier alinéa de l'article 2 consacre par ailleurs un domaine facultatif exclusif des lois de programmation : « La loi de programmation des finances publiques peut comporter des orientations pluriannuelles relatives à l'encadrement des dépenses, des recettes et du solde ou au recours à l'endettement de tout ou partie des administrations publiques ».

 

L'avant-dernier alinéa de l'article 34 de la Constitution dispose : « Les orientations pluriannuelles des finances publiques sont définies par des lois de programmation. Elles s'inscrivent dans l'objectif d'équilibre des comptes des administrations publiques ».

 

Une lecture stricte de cet alinéa interdirait que figurent dans les lois de programmation des finances publiques des dispositions autres que celles relatives aux orientations pluriannuelles des finances publiques. Il n'y est en effet aucunement dit que les lois de programmation des finances publiques puissent comporter autre chose qu'une programmation et des orientations.

 

Toutefois, le Conseil a fait prévaloir, aussi bien en 2001 qu'en 2005, une conception extensive du champ de la LOLF et de la LOLFSS, par exemple en ce qui concerne la LOLF pour les dispositions ne relevant pas des ressources et des charges de l'État5.

 

De plus, la décision du 9 août 2012 précitée a pu sembler s'inscrire dans le même type de conception extensive en ce qui concerne les lois de programmation, alors que le Conseil y a jugé qu'il s'agissait de « fixer le cadre des lois de programmation »6.

 

Le Conseil constitutionnel, retenant une interprétation extensive, a considéré que le dernier alinéa de l'article 34 de la Constitution « habilite le législateur à préciser et compléter les dispositions du vingt-et-unième alinéa ; que le législateur organique pouvait définir des catégories de dispositions pouvant figurer tant dans la loi de programmation des finances publiques que dans une loi de finances, une loi de financement de la sécurité sociale ou une autre loi » (cons. 16).

 

Le Conseil a toutefois complété son examen de l'article 4 en soulignant que « le législateur organique a défini un domaine facultatif se bornant à des dispositions relatives à la gestion des finances publiques ainsi qu'à des dispositions relatives à l'information et au contrôle du Parlement sur cette gestion ; qu'une disposition ne se rattachant pas à l'un de ces deux champs ne pourra trouver sa place en loi de programmation des finances publiques » (cons. 17). Par conséquent, les lois de programmation ne pourront inclure de mesures excédant ce champ facultatif sans encourir la censure des dispositions, à l'instar des mesures excédant le champ de la LOLF ou de celles excédant le champ de la LOLFSS qui sont censurées à l'occasion de l'examen des lois de finances ou des lois de financement de la sécurité sociale.

 

D. – Le rapport annexé aux lois de programmation des finances publiques

 

L'article 5 de la loi organique définit le contenu du rapport annexé au projet de loi de programmation des finances publiques. Ce rapport contiendra à la fois des éléments qui viendront compléter les orientations pluriannuelles contenues dans la loi elle-même ainsi que des éléments d'information et d'explication de la programmation retenue et de son contexte. Le législateur organique a fait le choix de soumettre ce rapport à l'approbation du Parlement, à l'instar des rapports annexés aux lois de programmation. Le Conseil n'a relevé aucun problème de constitutionnalité.

 

E. – La sincérité des lois de programmation des finances publiques

 

L'article 6 de la loi organique énonce le principe de sincérité des lois de programmation des finances publiques : « La loi de programmation des finances publiques présente de façon sincère les perspectives de dépenses, de recettes, de solde et d'endettement des administrations publiques. Sa sincérité s'apprécie compte tenu des informations disponibles et des prévisions qui peuvent raisonnablement en découler ».

 

Le Conseil constitutionnel a relevé qu'il est notamment prévu à l'article 13 de la loi organique que le Haut Conseil des finances publiques rende un avis sur les prévisions macroéconomiques sur lesquelles repose le projet de loi de programmation des finances publiques. Il a considéré « que la sincérité de la loi de programmation devra être appréciée notamment en prenant en compte cet avis » (cons. 19).

 

Au total, le Conseil constitutionnel a déclaré l'ensemble des dispositions des articles 1er à 6 conformes à la Constitution.

 

 

III. – La conformité à la Constitution des dispositions relatives aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale

 

Les dispositions relatives aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale sont dispersées dans les différents chapitres de la loi organique, notamment parce que le projet de loi organique initial ne prévoyait pas de les faire figurer dans la LOLF ou de les codifier dans les dispositions organiques du code de la sécurité sociale, et que cette codification a ensuite été assurée par l'introduction d'articles additionnels au cours de l'examen du projet de loi organique au Parlement.

 

Le Conseil constitutionnel a donc regroupé ces différentes dispositions pour examiner leur constitutionnalité.

 

A. – L'article liminaire des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale

 

L'article 7 de la loi organique prévoit que devra figurer dans la loi de finances de l'année, dans les lois de finances rectificatives et dans les lois de financement rectificatives de la sécurité sociale un « article liminaire approuvant un tableau de synthèse retraçant l'état des prévisions, pour l'année sur laquelle elles portent, de solde structurel et de solde effectif de l'ensemble des administrations publiques ». L'article 8 prévoit le même type de dispositions pour la loi de règlement. Le 1° du paragraphe I et le paragraphe II de l'article 24 procèdent à des coordinations dans la LOLF et le code de la sécurité sociale.

 

Après avoir relevé que ces dispositions introduisent dans les lois de finances et certaines lois de financement de la sécurité sociale un article liminaire qui ne s'insère dans aucune des parties définies pour les lois de finances par l'article 34 de la loi organique du 1er août 20017 et pour les lois de financement de la sécurité sociale par l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale, le Conseil constitutionnel a considéré « que, d'une part, elles comprennent des dispositions permettant d'assurer une présentation des prévisions et des soldes notamment pour l'État ainsi que pour les régimes obligatoires de base de sécurité sociale ; qu'à ce titre elles trouvent leur fondement dans l'habilitation conférée à la loi organique par les dix-huitième et dix-neuvième alinéas de l'article 34 de la Constitution ; que, d'autre part, les autres dispositions figurant dans cet article liminaire portent sur l'ensemble des administrations publiques ; que l'ensemble de ces dispositions ont pour objet d'assurer l'information du Parlement » (cons. 22).

 

D'une part, il a ainsi confirmé son interprétation large des renvois aux lois organiques financières. D'autre part, il a également confirmé que cet article liminaire n'aura qu'une valeur informative, au titre d'un cadrage prévisionnel.

 

Le Conseil constitutionnel a par ailleurs considéré que la disposition permettant à l'article liminaire de déclarer une situation de circonstances exceptionnelles au sens de l'article 3 du TSCG ou de constater que de telles circonstances n'existent plus n'appelait pas de remarque de constitutionnalité.

 

Il a enfin examiné la question que soulevait le dernier alinéa de l'article 7, définissant le contenu de l'exposé des motifs, pour l'article liminaire, des projets de loi de finances de l'année, des projets de loi de finances rectificative et des projets de loi de financement rectificative de la sécurité sociale ainsi que la dernière phrase de l'article 8, définissant le contenu de l'exposé des motifs pour l'article liminaire du projet de loi de règlement. Jusqu'à présent, si le législateur organique avait introduit une exigence de présentation d'un exposé des motifs avec tout projet de loi, il n'avait pas détaillé le contenu de cet exposé des motifs8.

 

Le législateur peut préciser le contenu de l'exposé des motifs des projets de loi de finances et des projets de loi de financement de la sécurité sociale afin d'améliorer l'information du Parlement. Cependant, le Conseil constitutionnel a considéré que ces dispositions « ne peuvent faire obstacle à l'examen des projets de loi de finances de l'année, des projets de loi de finances rectificative et des projets de loi de financement rectificative de la sécurité sociale dans les conditions fixées par les articles 47 et 47-1 de la Constitution ; que, par suite, leur méconnaissance ne saurait donner lieu à l'application de la procédure prévue par le quatrième alinéa de l'article 39 de la Constitution » (cons. 25).

 

Ce faisant, le Conseil constitutionnel a expressément confirmé la particularité de la procédure parlementaire d'examen des projets de loi de finances et des projets de loi de financement de la sécurité sociale, encadrée par de strictes conditions de délai et de navette.

 

B. – Les rapports et annexes joints aux projets de loi de finances et projets de loi de financement de la sécurité sociale

 

Les rapports et annexes joints aux projets de loi de finances et aux projets de loi de financement de la sécurité sociale ont fait l'objet de nombreuses modifications et de nombreux ajouts, que le Conseil constitutionnel a reconnu conformes à la Constitution :

 

– le paragraphe I de l'article 9 (et le 3° du paragraphe I de l'article 24 qui modifie par coordination l'article 50 de la loi organique du 1er août 2001), complétant le contenu du rapport annexé au projet de loi de finances de l'année, afin que ce rapport présente l'évaluation prévisionnelle de l'effort structurel et du solde effectif, détaillés par sous-secteurs des administrations publiques ;

 

– le paragraphe II du même article 9 (et le 1° du paragraphe III de l'article 24 qui modifie par coordination l'article L.O. 111-4 du code de la sécurité sociale), complétant le contenu du rapport annexé au projet de loi de financement de la sécurité sociale, afin que ce rapport présente l'évaluation prévisionnelle de l'effort structurel des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale pour l'année à venir ;

 

– le dernier alinéa du paragraphe I de l'article 23, complétant les dispositions devant figurer dans le rapport annexé au projet de loi de règlement prévu par l'article 48 de la loi organique du 1er août 2001 en cas d'écart important au regard des orientations pluriannuelles de solde structurel de l'ensemble des administrations publiques tel que défini par le paragraphe II de l'article 23 ;

 

– le deuxième alinéa du paragraphe III de l'article 23 (et le 4° du paragraphe I de l'article 24 qui modifie par coordination l'article 51 de la loi organique du 1er août 2001 et le 2° du paragraphe III de l'article 24 qui modifie par coordination l'article L.O. 111-4 du code de la sécurité sociale), créant un rapport annexé au projet de loi de finances de l'année et au projet de loi de financement de la sécurité sociale de l'année en cas d'écart important au regard des orientations pluriannuelles de solde structurel de l'ensemble des administrations publiques tel que défini par le paragraphe II de l'article 23 ;

 

– le 5° du paragraphe I de l'article 24, complétant le contenu des annexes au projet de loi de règlement prévues par le 7° de l'article 54 de la loi organique du 1er août 2001, en prévoyant qu'y figure la liste des contrats de partenariat et des baux emphytéotiques de l'État, avec leurs montants et leurs dates d'échéances, et qu'y figure également l'avis du Haut Conseil des finances publiques prévu au paragraphe I de l'article 23 ;

 

– l'article 25, complétant le contenu du rapport annexé au projet de loi de finances de l'année prévu par l'article 50 de la loi organique du 1er août 2001 et abrogeant l'article 52 de cette même loi organique, relatif au rapport retraçant l'ensemble des prélèvements obligatoires ainsi que leur évolution qui est présenté par le Gouvernement à l'ouverture de la session ordinaire ;

 

– l'article 26, complétant le contenu des documents et annexes au projet de loi de règlement prévus par l'article 54 de la loi organique du 1er août 2001 afin qu'y figure le montant des dépenses fiscales et que les rapports annuels de performance mentionnent le montant des dépenses fiscales par programme.

 

Concernant les rapports annexés ou les compléments aux rapports annexés prévus aux paragraphes I et III de l'article 23, ainsi que les compléments apportés au rapport annexé prévu par l'article 50 de la LOLF, lesquels comprennent des dispositions relatives aux orientations législatives ou réglementaires, le Conseil constitutionnel a toutefois rappelé « que ces dispositions n'ont pas pour effet de porter atteinte à la liberté d'appréciation et d'adaptation que le Gouvernement tient de l'article 20 de la Constitution dans la détermination et la conduite de la politique de la Nation » (cons. 30 et 32), confirmant ainsi l'analyse qui avait déjà été la sienne lors du contrôle de la LOLF à propos du contenu de certains des documents annexés aux lois de finances9.

 

 

IV. – Les dispositions relatives au Haut Conseil des finances publiques (chapitre III)

 

Le chapitre III institue un Haut Conseil des finances publiques, organisme indépendant placé auprès de la Cour des comptes, présidé par son premier président et dont la mission principale est de donner des avis indépendants sur les prévisions macroéconomiques et l'estimation du produit intérieur brut potentiel sur lesquelles reposent les projets de loi de finances, de financement de la sécurité sociale ou de programmation des finances publiques.

 

Dans sa décision du 9 août 2012 précitée, le Conseil a jugé que : « le législateur organique peut, pour que les règles énoncées au paragraphe 1 de l'article 3 du traité prennent effet dans les conditions prévues par cette seconde branche de l'alternative, adopter des dispositions encadrant ces lois relatives, notamment, à l'objectif de moyen terme ainsi qu'à la trajectoire d'ajustement de la situation budgétaire des administrations publiques, au mécanisme de correction de cette dernière et aux institutions indépendantes intervenant tout au long du processus budgétaire »10.

 

Ainsi, le fait que le législateur organique crée une institution indépendante (le Haut Conseil des finances publiques) intervenant dans le processus budgétaire pour donner un avis sur les prévisions sur lesquelles reposent les lois financières relève bien du domaine de la loi organique, de même qu'en relèvent les dispositions apportant des garanties de compétence et d'indépendance des membres qui composent cet organisme.

 

Le Conseil constitutionnel a examiné successivement les dispositions relatives à la composition du Haut Conseil des finances publiques, à sa consultation et à son fonctionnement.

 

A. – La composition du Haut Conseil des finances publiques

 

L'article 11 prévoit que le Haut Conseil des finances publiques est composé de onze membres : outre le premier président de la Cour des comptes, quatre magistrats de cette Cour qu'il désigne, quatre personnalités désignées par les présidents de l'Assemblée nationale, du Sénat et de chacune des commissions des finances de chaque assemblée, un membre nommé par le président du Conseil économique, social et environnemental (CESE) et le directeur général de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE).

 

– À l'exception des deux personnalités membres de droit, l'article 11 prévoyait que les membres devaient être entendus en audience publique par les commissions des finances et les commissions des affaires sociales des deux assemblées ou, pour les membres nommés par un organe de l'une ou l'autre assemblée parlementaire, par les commissions des assemblées concernées.

 

Le principe de cette audition a été introduit à l'article 11 par un amendement de M. Christophe Caresche à l'Assemblée nationale, prévoyant une « audition publique » des membres désignés par les présidents des assemblées et les présidents des commissions des finances des assemblées. Cette disposition a été étendue par le Sénat aux quatre magistrats de la Cour des comptes, puis, en commission mixte paritaire (CMP), également au membre nommé par le président du CESE.

 

Cette disposition prévoit une audition sans avis des commissions permanentes compétentes.

 

Un tel avis est constitutionnellement possible, dans le cadre de l'article 13 de la Constitution, pour les nominations par le Président de la République11.

 

En revanche, le Conseil constitutionnel a estimé que le principe de la séparation des pouvoirs fait obstacle à ce que, en l'absence de disposition constitutionnelle le permettant, la nomination par une autorité administrative ou juridictionnelle soit subordonnée à l'audition par les assemblées parlementaires. Cette décision s'inscrit dans la logique de la décision n° 2009-581 DC du 25 juin 2009 dans laquelle le Conseil constitutionnel avait jugé que « la séparation des pouvoirs interdit que, pour conduire les évaluations, les rapporteurs du comité [permanent d'évaluation et de contrôle des politiques publiques] puissent bénéficier du concours d'experts placés sous la responsabilité du Gouvernement » et que « les recommandations du comité transmises au Gouvernement comme le rapport de suivi de leur mise en œuvre ne sauraient, en aucun cas, adresser une injonction au Gouvernement »12.

 

Au total, la deuxième phrase du troisième alinéa de l'article 11 et la deuxième phrase de son cinquième alinéa, qui prévoyaient l'audition publique des membres nommés par le premier président de la Cour des comptes et par le président du CESE, ont été déclarées contraires à la Constitution (cons. 39). Seul l'avis prévu au quatrième alinéa pour les membres nommés par des autorités parlementaires a été jugé conforme à la Constitution. En revanche, le Conseil constitutionnel a jugé que cette disposition n'a pas le caractère organique (voir infra).

 

– Le septième alinéa de l'article 11 est relatif aux règles permettant d'assurer la parité au sein du Haut Conseil. Le législateur est, dans le respect des autres exigences constitutionnelles et notamment de l'article 6 de la Déclaration de 1789, à même de prévoir de telles règles depuis que la rédaction de l'article 1er de la Constitution, telle qu'elle résulte de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, prévoit que la loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes « aux responsabilités professionnelles et sociales ». En l'espèce, l'article 11 comprend des garanties de compétence des membres du Haut Conseil, soit en raison de leur appartenance à la Cour des comptes, soit du fait de leur désignation à raison de leur compétence dans le domaine des prévisions macroéconomiques et des finances publiques.

 

Ce septième alinéa instaure, aux fins de favoriser la parité , un dispositif imposant que les membres nommés par le Premier président de la Cour des comptes et les organes des assemblées parlementaires soient composés à égalité d'hommes et de femmes. Si, pour le premier président, qui nomme quatre membres, la question de la nomination d'un nombre égal d'hommes et de femmes paraît simple, il n'en va pas de même pour les cinq autres autorités de nomination (les présidents de l'Assemblée nationale, du Sénat et des commissions des finances ainsi que le président du CESE) qui ne nomment chacun qu'un membre. Par suite, le dispositif prévoit, non sans une certaine complexité, un dispositif de tirage au sort initial, dont les modalités sont fixées par décret, afin de préciser comment chacune de ces autorités doit désigner un homme ou une femme. Il prévoit enfin une alternance du genre lors du renouvellement par chaque autorité de nomination.

 

Le Conseil constitutionnel a jugé que ces dispositions ne sont pas contraires à la Constitution. Toutefois, les distinctions ainsi constituées entre femmes et hommes ne sont constitutionnellement autorisées que pour autant qu'elles favorisent l'égalité de représentation hommes-femmes. Le Conseil a donc jugé qu'il appartiendra au décret en Conseil d'État de fixer les modalités du tirage au sort de nature à assurer en permanence le respect de cet objectif. En particulier, compte tenu du renouvellement partiel du Haut Conseil après trente mois, il conviendra d'éviter que ce renouvellement partiel combiné à la règle d'alternance du genre n'ait pour conséquence de déséquilibrer la parité de composition. Le Conseil a toutefois jugé que ces dispositions n'ont pas le caractère organique (cons. 43, voir infra).

 

B. – La consultation du Haut Conseil des finances publiques

 

Les articles 13, 14 et 15 sont relatifs à la consultation du Haut Conseil sur les projets de loi de programmation des finances publiques, les projets de loi de finances (LFI) de l'année, les projets de loi de financement de la sécurité sociale de l'année (LFSS), les projets de loi de finances rectificative (LFR) et les projets de loi de financement rectificative de la sécurité sociale (LFRSS).

 

Ces dispositions prévoient d'une part des délais minimum de saisine du Haut Conseil. Ainsi, dans le premier alinéa de l'article 13, pour les lois de programmation des finances publiques, et en vertu du premier alinéa de l'article 14 pour les lois de finances de l'année, cette saisine doit intervenir : « Au plus tard une semaine avant que le Conseil d'État soit saisi du projet de loi… ». S'agissant des LFR et LFRSS, cette saisine doit intervenir sans délai. Ces dispositions résultent d'amendements introduits par le rapporteur à l'Assemblée nationale, M. Christian Eckert. D'autre part, les dispositions de l'article 13 prévoient que l'avis du Haut Conseil sur les prévisions macroéconomiques sur lesquelles repose le projet de loi de programmation « est joint au projet de loi de programmation des finances publiques lors de sa transmission au Conseil d'État. Il est joint au projet de loi de programmation des finances publiques déposé au Parlement et rendu public par le Haut Conseil lors de ce dépôt ». L'article 14 comporte les mêmes dispositions pour les projets de loi de finances de l'année. Une exigence différente est formulée en ce qui concerne l'avis sur les PLFR et PLFRSS : la dernière phrase de l'article 15 prévoit que l'avis du Haut Conseil doit être rendu avant l'adoption du projet en première lecture par l'Assemblée nationale.

 

Le Conseil a d'abord examiné ces dispositions au regard de l'article 39 de la Constitution dont il résulte que « l'ensemble des questions posées par le texte adopté par le conseil des ministres doivent avoir été soumises au Conseil d'État lors de sa consultation »13. C'est sur le fondement de cette jurisprudence que le Conseil impose notamment que les avis rendus par les organes de la Polynésie française sur les projets de loi qui, dès l'origine, comportent des dispositions relatives à l'organisation particulière de la Polynésie doivent être rendus de façon implicite ou expresse avant l'avis du Conseil d'État14.

 

Or, l'avis du Haut Conseil des finances publiques est destiné à permettre l'appréciation de la sincérité de la loi de programmation, de finances ou de financement de la sécurité sociale. Le Conseil a donc jugé que cet avis est au nombre des « questions posées par le texte adopté », au sens de la jurisprudence précitée.

 

S'agissant du projet de loi de programmation des finances publiques, du projet de loi de finances de l'année et du projet de loi de financement de la sécurité sociale de l'année, cette exigence est satisfaite puisque les articles 13 et 14 prévoient que l'avis est joint au projet de loi lors de sa transmission au Conseil d'État.

 

Le Conseil a en revanche estimé que la dernière phrase de l'article 15 qui permet que, s'agissant des lois de finances rectificatives et des lois de financement rectificatives de la sécurité sociale, l'avis puisse être rendu jusqu'à l'adoption en première lecture du projet par l'Assemblée nationale, méconnaissait ces exigences. Il a donc déclaré cette phrase contraire à la Constitution (cons. 53).

 

Le Conseil a, en outre formulé une réserve d'interprétation sur les articles 13, 14 et 15 (cons. 54), inspirée de précédents dans lesquels il a jugé, à plusieurs reprises, tant pour la LOLF que pour la LOLFSS, qu'en cas de méconnaissance des exigences posées par ces textes quant aux délais et aux obligations de fourniture de documents d'information, « la conformité de la loi de finances (ou de la loi de financement de la sécurité sociale) à la Constitution serait alors appréciée au regard… des exigences de continuité de la vie nationale »15.

 

S'agissant de l'avis du Haut Conseil, prévu par l'article 16, en cas de révision en cours d'examen des prévisions macroéconomiques sur lesquelles reposent un projet de loi de programmation des finances publiques, un projet de loi de finances ou un projet de loi de financement de la sécurité sociale, le Conseil n'a pas formulé de remarque de constitutionnalité.

 

C. – Le fonctionnement du Haut Conseil des finances publiques

 

Le Conseil constitutionnel a d'abord déclaré conformes à la Constitution, sans formuler de remarques de constitutionnalité, les articles relatifs au mode de fonctionnement du Haut Conseil (article 21 à l'exception du dernier alinéa), à ses pouvoirs d'audition et aux informations dont il bénéficie (article 18 et 19).

 

S'agissant de l'article 22, introduit au Sénat par un amendement de M. Philippe Marini contre l'avis du Gouvernement puis modifié en CMP, il confie au président du Haut Conseil des finances publiques la gestion des crédits nécessaires à l'accomplissement de ses missions et prévoit que ces crédits seront regroupés au sein d'un programme spécifique de la mission « Conseil et contrôle de l'État ». Les dispositions similaires qui avaient été prévues pour le Contrôleur général des lieux de privation de liberté figuraient en loi ordinaire et n'avaient pas été contrôlées par le Conseil constitutionnel16. La première phrase, relative à la gestion des crédits par le président du Haut Conseil, n'appelait aucune remarque de constitutionnalité. La deuxième phrase, relative à l'existence d'un programme spécifique au sein d'une mission expressément citée, posait une question relative à la compétence du législateur organique non seulement pour définir l'architecture budgétaire des lois de finances – ce qui ne fait pas de doute – , mais également pour prévoir certains éléments matériels au sein de l'architecture qu'il définit.

 

L'article 7 de la LOLF prévoit : « Seule une disposition de loi de finances d'initiative gouvernementale peut créer une mission. Toutefois, une mission spécifique regroupe les crédits des pouvoirs publics, chacun d'entre eux faisant l'objet d'une ou de plusieurs dotations. De même, une mission regroupe les crédits des deux dotations suivantes : 1° Une dotation pour dépenses accidentelles, destinée à faire face à des calamités, et pour des dépenses imprévisibles ; 2° Une dotation pour mesures générales en matière de rémunérations dont la répartition par programme ne peut être déterminée avec précision au moment du vote des crédits. »

 

Le Conseil constitutionnel a estimé que la deuxième phrase de l'article 22 introduit une dérogation à ces dispositions en ajoutant à la mission relative aux pouvoirs publics, la consécration organique de l'existence, en loi de finances, de la mission « Conseil et contrôle de l'État » et, au sein de cette mission, d'un programme regroupant les crédits du Haut Conseil. Ces dispositions ont bien un caractère organique qui trouve son fondement dans les dispositions constitutionnelles relatives aux lois de finances. Le Conseil n'a pas estimé contraire à la Constitution la possibilité, pour le législateur organique, de créer ainsi des catégories au sein de l'architecture budgétaire qui s'imposent à la loi de finances (cons. 61).

 

 

V. – Les dispositions n'ayant pas le caractère organique

 

Le Conseil a déclaré dans sa décision l'absence de caractère organique de plusieurs des dispositions de la loi examinée. Il n'en résulte pas une inconstitutionnalité de ces dispositions mais la faculté pour la loi « ordinaire » de les modifier. Il en va ainsi :

 

– de l'article 10 (article unique du chapitre II), introduit à l'Assemblée nationale par un amendement de Mmes Elisabeth Guigou et Marietta Karamanli, qui prévoit une faculté d'organiser des débats dans les assemblées parlementaires sur des sujets de coordination des politiques économiques et budgétaires à l'échelle européenne, dans la mesure où ces dispositions sont uniquement relatives au fonctionnement des assemblées (cons. 62).

 

– des dispositions du septième alinéa de l'article 11 relatives à la parité hommes-femmes au sein du Haut Conseil, dans la mesure où ces dispositions ne sont pas relatives aux garanties d'indépendance ou de compétence des membres du Haut Conseil (cons. 43) ;

 

– de celles des dispositions du 2° de l'article 11 qui prévoient l'audition publique conjointe par les commissions des finances et des affaires sociales des assemblées concernées, des personnes nommées au Haut Conseil par le président du Sénat, le président de l'Assemblée nationale ainsi que les présidents des commissions des finances de l'assemblée nationale et du Sénat, ces dispositions relevant du fonctionnement des assemblées (cons. 40) ;

 

– de l'article 17, relatif à l'avis que rend le Haut Conseil sur les prévisions macroéconomiques sur lesquelles repose le projet de programme de stabilité établi au titre de la coordination des politiques économiques des États membres de l'Union européenne. Le fait que le législateur organique prévoie que le Haut Conseil rend un avis sur les prévisions macroéonomiques sur lesquelles reposent les projets de loi de finances ainsi que les projets de lois de financement de la sécurité sociale (art. 14 et 15) trouve son fondement dans l'habilitation du législateur organique à fixer le cadre procédural des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale. Il en va de même en ce qui concerne l'avis sur les prévisions macroéconomiques sur lesquelles repose le projet de loi de programmation des finances publiques (art. 13). En revanche, aucun fondement à une habilitation organique comparable ne peut être trouvé dans la Constitution pour le projet de programme de stabilité. L'article 17 n'est donc pas une disposition de nature organique (cons. 56) ;

 

– de l'article 20, introduit à l'Assemblée nationale par un amendement de M. Pierre-Alain Muet, qui prévoit une possibilité d'audition du président du Haut Conseil par les commissions parlementaires. Outre le fait que l'article 5 bis de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires prévoit déjà qu'« une commission spéciale ou permanente peut convoquer toute personne dont elle estime l'audition nécessaire, réserve faite, d'une part, des sujets de caractère secret et concernant la défense nationale, les affaires étrangères, la sécurité intérieure ou extérieure de l'État, d'autre part, du respect du principe de la séparation de l'autorité judiciaire et des autres pouvoirs », une telle disposition, qui n'est relative ni à l'avis que doit délivrer le Haut Conseil ni à ses garanties d'indépendance, mais au fonctionnement des assemblées, n'est pas de nature organique (cons. 59).

 

– du dernier alinéa de l'article 21, dans sa rédaction résultant d'un amendement du rapporteur au Sénat, qui prévoit que le Haut Conseil « établit et rend public son règlement intérieur, qui précise les conditions dans lesquelles son président peut déléguer ses attributions » (cons. 60). De la même manière, lors du contrôle de la loi organique relative au Défenseur des droits, le Conseil avait considéré que « les dispositions de l'article 37, relatives aux services du Défenseur des droits, et celles de l'article 39, qui prévoient qu'il établit et rend public un règlement intérieur et un code de déontologie applicable aux personnels et aux collèges du Défenseur des droits, n'ont pas le caractère organique »17.

 

_______________________________________

1  Décision n° 2012-653 DC du 9 août 2012, Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire, cons. 21.

2  Ibid., cons. 24.

3  Loi n° 2012-1171 du 22 octobre 2012 autorisant la ratification du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire.

4  Lors de l'examen des dispositions de l'article 52 de la LOLF relatif au rapport sur les prélèvements obligatoires, le Conseil constitutionnel avait considéré : « s'agissant du rapport relatif aux prélèvements obligatoires prévu à l'article 52, que "l'évaluation financière pour l'année en cours et les deux années suivantes, de chacune des dispositions, de nature législative ou réglementaire, envisagées par le Gouvernement" revêt un caractère indicatif ; qu'elle ne saurait porter atteinte à la liberté d'appréciation et d'adaptation que le Gouvernement tient de l'article 20 de la Constitution dans la détermination et la conduite de la politique de la Nation » (décision n° 2001-448 DC du 25 juillet 2001, Loi organique relative aux lois de finances, cons. 90). Voir également décision n° 2005-519 DC du 29 juillet 2005, Loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale, cons. 33

5  Décision n° 2001-448 DC précitée, cons. 69.

6 Décision n° 2012-653 DC précitée, cons. 24.

7 Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

8  Article 7 de la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 relative à l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution.

9  Décision n° 2001-448 DC précitée, cons. 90.

10  Décision n° 2012-653 DC du 9 août 2012 précitée, cons. 24.

11  L'article 6 de la loi organique n° 2009-38 du 13 janvier 2009 portant application de l'article 25 de la Constitution a prévu l'application de cette procédure à la nomination du président de la commission prévue par l'article 25 de la Constitution par le Président de la République. L'article unique de la loi organique n° 2009-257 du 5 mars 2009 relative à la nomination des présidents des sociétés France Télévisions et Radio France et de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France l'a prévue pour ces fonctions. Enfin, la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution a établi une liste d'emplois et fonctions auxquels cette procédure est applicable.

12 Décision n° 2009-581 DC du 25 juin 2009, Résolution tendant à modifier le règlement du règlement de l'Assemblée nationale, cons. 61 et 62.

13 Décision n° 2003-468 DC du 3 avril 2003, Loi relative à l'élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu'à l'aide publique aux partis politiques, cons. 7.

14 Décision n° 2004-490 DC du 12 février 2004, Loi organique portant statut d'autonomie de la Polynésie française, cons. 20.

15 Décisions nos 2001-448 DC du 25 juillet 2001 précitée, cons. 75 ; 2005-517 DC du 7 juillet 2005, Loi organique modifiant la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances, cons. 6, et 2005-519 DC du 29 juillet 2005, Loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale, cons. 18.

16 Voir les deux premières phrases de l'article 13 de la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007 instituant un Contrôleur général des lieux de privation de liberté dans leur rédaction initiale : « Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté gère les crédits nécessaires à l'accomplissement de sa mission. Ces crédits sont inscrits au programme intitulé « Coordination du travail gouvernemental ». »

17  Décision n° 2011-626 DC du 29 mars 2011, Loi organique relative au Défenseur des droits, cons. 18.