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Commentaire de la décision 2011-207 QPC

09/12/2022

Conformité

 

 

 

 

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 17 octobre 2011 par le Conseil d'État d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 621-25, des premier et deuxième alinéas de l'article L. 621-27 et de l'article L. 621-29 du code du patrimoine.

 

Dans sa décision n° 2011-207 QPC du 16 décembre 2011, le Conseil constitutionnel a déclaré ces dispositions conformes à la Constitution.

 

 

I. – Présentation des dispositions contestées

 

L'ordonnance n° 2004-178 du 20 février 2004 relative à la partie législative du code du patrimoine a codifié, aux articles L. 621-25 et suivants de ce code, les dispositions de la loi du 23 juillet 1927 complétant la loi du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques. Cette loi instituait l'inventaire supplémentaire des monuments historiques dont l'objet était défini par son article 1er : « Les édifices ou parties d'édifices publics ou privés qui, sans justifier une demande de classement immédiate, présentent un intérêt archéologique suffisant pour en rendre désirable la préservation, pourront, à toute époque, être inscrits par arrêté du ministre des beaux-arts, sur un inventaire supplémentaire. »

 

Quoique la rédaction ait été modernisée et élargie, c'est la même logique que l'on retrouve, en droit positif, à l'article L. 621-25 du code du patrimoine, première disposition contestée par la présente QPC1. L'évolution la plus marquante du vocabulaire législatif tient au changement de dénomination de cette liste d'immeubles : depuis l'ordonnance n° 2005-1128 du 8 septembre 2005 relative aux monuments historiques et aux espaces protégés, l'ancienne inscription à l'« inventaire supplémentaire » est devenue l'« inscription au titre des monuments historiques ».

 

Il convient donc, aujourd'hui comme hier, de distinguer deux types de monuments historiques du point de vue de leur protection administrative : d'une part les monuments classés au titre des monuments historiques et, d'autre part, les monuments inscrits à ce même titre (ancien inventaire supplémentaire). La décision de classement – régime très protecteur institué dès 18872 – ou d'inscription (qui peut être un prélude au classement) dépend du degré d'« intérêt d'histoire ou d'art » de l'immeuble concerné, pour reprendre les termes de l'article L. 621-25 : grand intérêt pour le classement ; intérêt moindre mais « suffisant pour en rendre désirable la préservation », pour l'inscription. En 2011, le ministère de la culture estime à 12 000 le nombre des immeubles classés et à environ 28 000 celui des immeubles inscrits.

 

Le but du classement ou de l'inscription est d'assurer la protection des biens qui en font l'objet, en vue de les préserver. À cette fin, ces deux types de mesure instituent diverses contraintes pesant sur les propriétaires des biens classés ou inscrits, contraintes logiquement plus fortes dans le premier cas que dans le second. Il convient de présenter d'abord la procédure d'inscription, qui seule relevait de la présente QPC, et ensuite son régime juridique, spécialement du point de vue du propriétaire du bien inscrit.

 

A. – La procédure d'inscription

 

Les textes du code du patrimoine sont peu détaillés au sujet de la procédure aboutissant à l'inscription d'un immeuble au titre des monuments historiques.

 

Selon l'article L. 621-25, la décision appartient à l'« autorité administrative », c'est-à-dire, en pratique, au préfet de région. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 621-27, « l'inscription au titre des monuments historiques est notifiée aux propriétaires ».

 

Ces brèves dispositions sont complétées par celles du décret n° 2007-487 du 30 mars 20073, codifié depuis le décret n° 2011-574 du 24 mai 20114 dans la partie réglementaire du code du patrimoine (articles R. 621-53 et suivants).

 

Selon l'article R. 621-53 du code du patrimoine, la demande d'inscription peut être présentée, s'agissant des immeubles privés, par le propriétaire, par « toute personne y ayant intérêt » (on parle de « tiers intéressé »), par le ministre chargé de la culture ou par le préfet de région. C'est en principe cette dernière autorité qui, en vertu de l'article R. 621-54, prononce par arrêté l'inscription, « après avis de la commission régionale du patrimoine et des sites ». L'article R. 621-57 prévoit les mentions obligatoires de la décision d'inscription. Aucune motivation relative à l'« intérêt d'histoire ou d'art » n'est expressément prescrite par ce texte5.

 

L'article R. 621-58, précisant les dispositions de l'article L. 621-27, prévoit que « la décision d'inscription de l'immeuble est notifiée par le préfet de région au propriétaire ». Le même article pose en outre une qualification juridique de la mesure : l'inscription crée une « servitude de protection ».

 

Il convient encore de relever que ni les textes législatifs ni les dispositions réglementaires applicables à la procédure d'inscription ne prévoient une information du propriétaire en amont de la notification de la décision administrative6. Par ailleurs, le Conseil d'État a jugé que la décision d'inscription n'entre pas dans le champ d'application de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations7.

 

B. – Le régime juridique de l'inscription

 

L'inscription au titre des monuments historiques – qui emporte servitude d'utilité publique – crée certaines obligations, précisées par l'ordonnance du 8 septembre 2005, à la charge du propriétaire de l'immeuble. Ces obligations sont énumérées par l'article L. 621-27 du code du patrimoine (dont seuls les deux premiers alinéas étaient renvoyés au Conseil constitutionnel). Cet article porte sur les travaux envisagés par le propriétaire et distingue selon qu'ils rentrent ou non dans le champ d'application des autorisations d'urbanisme.

 

– Selon le premier alinéa de l'article L. 621-27, qui vise les travaux les plus modestes, l'inscription entraîne pour les propriétaires « l'obligation de ne procéder à aucune modification de l'immeuble ou partie de l'immeuble inscrit, sans avoir, quatre mois auparavant, avisé l'autorité administrative de leur intention et indiqué les travaux qu'ils se proposent de réaliser »8. Selon le troisième alinéa de l'article L. 621-27 (non renvoyé), l'autorité administrative avisée « ne peut s'opposer à ces travaux qu'en engageant la procédure de classement au titre des monuments historiques prévue par le présent titre ». Ce classement ne peut être effectué en principe, pour un immeuble privé, que par décret en Conseil d'État à défaut d'accord du propriétaire (article L. 621-6 du code du patrimoine).

 

– Selon le deuxième alinéa de l'article L. 621-27, « lorsque les constructions ou les travaux envisagés sur les immeubles inscrits au titre des monuments historiques sont soumis à permis de construire, à permis de démolir, à permis d'aménager ou à déclaration préalable, la décision accordant le permis ou la décision de non-opposition ne peut intervenir sans l'accord de l'autorité administrative chargée des monuments historiques »9. L'article R. 621-60 du code du patrimoine prévoit que cette règle ne s'applique pas aux « travaux d'entretien ou de réparations ordinaires qui sont dispensés de toute formalité »10. Dans tous les autres cas, l'accord du préfet de région est indispensable. Ainsi la démolition peut, par exemple, être interdite sans qu'il soit nécessaire d'engager la procédure de classement.

 

Le non-respect de ces dispositions est pénalement sanctionné par l'article L. 624-1 du code du patrimoine.

 

– Selon le troisième alinéa de l'article L. 621-27 (non renvoyé), « les travaux sur les immeubles inscrits sont exécutés sous le contrôle scientifique et technique des services de l'État chargés des monuments historiques ». Le but et les modalités de l'intervention de ces services sont détaillés par les articles R. 621-63 à R. 621-68 du code du patrimoine.

 

Dans sa décision précitée du 8 juillet 2009, le Conseil d'État a jugé qu'en raison de ces contraintes, « la décision d'inscription a pour effet, par elle-même, de limiter l'exercice du droit de propriété »11. Dans cette espèce, il a toutefois décidé que l'inscription au titre des monuments historiques de vestiges archéologiques, « remarquables par leur ampleur et leur état de conservation », ne portait pas au droit de propriété des requérants « une atteinte disproportionnée au but d'intérêt général poursuivi par la décision contestée » et en a déduit une absence de violation de l'article 1er du protocole additionnel n° 1 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui assure le droit au respect des biens.

 

 

II. – Examen de constitutionnalité

 

Selon la société requérante, les dispositions renvoyées portaient atteinte au droit de propriété protégé par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Appliquant ici de manière traditionnelle sa jurisprudence relative à la protection du droit de propriété, le Conseil constitutionnel qualifie dans un premier temps les dispositions contestées et, dans un second temps, après avoir écarté l'application de l'article 17, en vérifie la conformité à l'article 2 de la Déclaration de 1789.

 

A. – Qualification des dispositions contestées

 

La jurisprudence traditionnelle du Conseil constitutionnel distingue entre la privation du droit de propriété, au sens de l'article 17 de la Déclaration de 1789, et l'atteinte aux conditions d'exercice de ce droit, au sens de son article 2. Dans le premier cas, la privation ne peut intervenir que « lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité » ; dans le second cas, le Conseil examine si l'atteinte portée aux conditions d'exercice du droit de propriété est justifiée par des motifs d'intérêt général et proportionnée à l'objectif poursuivi par le législateur.

 

En l'espèce, il ne faisait pas de doute que les dispositions contestées entraient dans le champ d'application de l'article 2 de la Déclaration de 1789, dans la mesure où le propriétaire du bien inscrit au titre des monuments historiques n'est en rien privé de son immeuble. Il ne perd pas non plus le droit d'en disposer librement, notamment de le vendre ou de le donner, sauf à avertir son ayant-droit de la mesure d'inscription dont le bien fait l'objet et à prévenir l'administration de ce transfert de propriété.

 

Le Conseil constitutionnel relève ainsi que les dispositions du code du patrimoine ont pour seul effet d'instituer « une servitude d'utilité publique sur les immeubles faisant l'objet de l'inscription » (cons. 6). Or, les effets de cette servitude ne portent que sur l'autorisation ou l'encadrement administratif des travaux que le propriétaire envisage d'effectuer sur son bien. Le propriétaire du bien inscrit se trouve en effet « soumis aux obligations prévues par l'article L. 621-27 du code du patrimoine pour les travaux qu'il souhaite entreprendre sur son bien ». Il en résulte que « les dispositions contestées, qui n'entraînent aucune privation du droit de propriété, n'entrent pas dans le champ d'application de l'article 17 de la Déclaration de 1789 ».

 

Il n'en reste pas moins que le droit du propriétaire de jouir de son bien constitue l'un des attributs essentiels du droit de propriété (article 544 du code civil) et que les dispositions contestées créent diverses contraintes qui affectent ce droit, au-delà de ce qui résulte du droit commun de l'urbanisme. Le Conseil devait donc vérifier la conformité de ces dispositions aux exigences de la protection constitutionnelle des conditions d'exercice du droit de propriété.

 

B. – Absence d'atteinte aux conditions d'exercice du droit de propriété

 

Au titre de l'article 2 de la Déclaration de 1789, le Conseil constitutionnel vérifie que les dispositions législatives contestées répondent à un motif d'intérêt général. Il exerce en outre un contrôle de proportionnalité entre la gravité de l'atteinte au droit de propriété et l'importance du motif d'intérêt général poursuivi. Il tient également compte des garanties qui entourent la réalisation de l'atteinte à l'exercice du droit de propriété.

 

Sur le premier point, la  décision n° 2011-207 QPC du 16 décembre 2011 est formulée de façon particulièrement concise : « L'inscription au titre des monuments historiques vise la préservation du patrimoine historique et artistique ; qu'ainsi, elle répond à un motif d'intérêt général » (cons. 7). Ce dernier est clairement mentionné à l'article L. 621-25 du code du patrimoine qui subordonne l'inscription au titre des monuments historiques au fait que l'immeuble ou la partie d'immeuble considéré présente « un intérêt d'histoire ou d'art suffisant pour en rendre désirable la préservation ». Le juge administratif, qui peut être saisi d'un recours en annulation de la décision d'inscription, veille – au terme d'un contrôle normal – à ce que celle-ci soit bien fondée au regard de cette exigence légale12.

 

Rappelant le contrôle opéré par le juge de l'excès de pouvoir, le Conseil constitutionnel a relevé que « la décision d'inscription au titre des monuments historiques doit être prise sur la seule considération des caractéristiques intrinsèques de l'immeuble qui en fait l'objet » (cons. 8). Ce motif est important puisqu'il constitue une réponse à l'argumentation du requérant qui faisait spécialement grief aux dispositions contestées de ne pas prévoir de mesures d'enquête ou d'information préalables à la décision de classement (cf. supra, I).

 

Il faut en effet souligner qu'au titre de la proportionnalité de la mesure, le Conseil constitutionnel attache une grande importance aux conditions et garanties de procédure qui entourent la réalisation de toute atteinte à l'exercice du droit de propriété. Sa jurisprudence s'applique en particulier aux servitudes administratives.

 

Ainsi, dans sa décision n° 85-198 DC du 13 décembre 198513, au sujet de l'installation sur les propriétés bâties de moyens de diffusion audiovisuelle (« amendement Tour Eiffel »), le Conseil constitutionnel a jugé « que, faute d'avoir institué une procédure d'information et de réclamation assortie de délais raisonnables ou tout autre moyen destiné à écarter le risque d'arbitraire dans la détermination des immeubles désignés pour supporter la servitude, les dispositions de l'article 3-II relatives à son institution doivent être déclarées non conformes à la Constitution » (cons. 12).

 

Plus récemment, dans sa décision n° 2011-182 QPC du 14 octobre 2011, le Conseil constitutionnel a jugé, au sujet des servitudes de passage et d'aménagement des voies de défense contre les incendies de forêts, que « le législateur s'est en l'espèce borné à prévoir une enquête publique pour les seuls cas où les aménagements nécessitent une servitude d'une largeur supérieure à six mètres ; que, faute d'avoir prévu, dans les autres cas, le principe d'une procédure destinée à permettre aux propriétaires intéressés de faire connaître leurs observations ou tout autre moyen destiné à écarter le risque d'arbitraire dans la détermination des propriétés désignées pour supporter la servitude, les dispositions contestées doivent être déclarées contraires à la Constitution » (cons. 8)14.

 

Or, si la procédure de réalisation des travaux sur le bien inscrit est encadrée par les textes, il n'en va pas de même, du point de vue du propriétaire, pour la décision d'inscription elle-même. Le propriétaire du bien inscrit ne bénéficie en effet, comme il a été vu, d'aucune information préalable à la décision d'inscription, notamment dans l'hypothèse où la demande émane d'un « tiers intéressé ». Ainsi le propriétaire n'est-il pas consulté pendant la phase d'instruction.

 

Par le considérant précité, le Conseil met toutefois en relief la spécificité de la procédure d'inscription au titre des monuments historiques qui tient à son caractère « objectif ». Seul l'immeuble visé par l'inscription est en effet, par hypothèse, concerné, et il l'est en raison de ses qualités historiques ou artistiques « intrinsèques » (cons. 8). En d'autres termes, à la différence des deux décisions précitées du Conseil constitutionnel, la mesure ne saurait ici frapper un immeuble voisin plutôt que celui qui fait l'objet de la décision. Or, c'est bien ce risque d'arbitraire qui justifiait expressément les mesures d'information et d'enquête publique exigées par le juge constitutionnel, en 1985 comme en 2011.

 

Le Conseil devait ensuite se prononcer sur la gravité de l'atteinte portée par les dispositions contestées aux conditions d'exercice du droit de propriété quant au fond (régime juridique des travaux sur le bien inscrit). Plusieurs arguments lui ont permis de conclure au caractère proportionné de ces dispositions.

 

– Le Conseil, reprenant la distinction opérée par l'article L. 621-27 du code du patrimoine, relève d'abord « que, pour les travaux qui entrent dans le champ d'application des autorisations et des déclarations préalables en matière d'urbanisme, la décision accordant le permis ou la décision de non-opposition ne peut intervenir sans l'accord de l'autorité administrative chargée des monuments historiques ; que les autres travaux, lorsqu'ils ont pour effet d'entraîner une modification de l'immeuble ou de la partie de l'immeuble inscrit, sont soumis à une simple déclaration préalable quatre mois avant leur réalisation ; qu'en cas d'opposition de l'autorité administrative, celle-ci ne peut qu'engager, sous le contrôle du juge administratif, la procédure de classement au titre des monuments historiques » (cons. 9). Il en résulte que le code du patrimoine organise lui-même, expressément, un régime de protection différencié selon l'importance des travaux envisagés par le propriétaire. Ces contraintes ne sont pas excessives et sont indispensables pour assurer la préservation des immeubles inscrits, dans un but d'intérêt général.

 

– Le Conseil ajoute que, « dans tous les cas, les travaux d'entretien ou de réparation ordinaires sont dispensés de toute formalité » (cf. supra, I). Cette règle traduit encore l'idée que les mesures sont graduées en fonction du risque, important ou négligeable, que les travaux sont susceptibles de faire peser sur la préservation de l'intérêt d'art ou d'histoire de l'immeuble inscrit.

 

– Le juge constitutionnel relève encore que « l'autorité administrative ne saurait imposer des travaux au propriétaire du bien inscrit », ce qui différencie ce régime de celui applicable aux immeubles classés au titre des monuments historiques (ce qui suppose un intérêt plus grand) et que le propriétaire du bien inscrit « conserve la liberté de faire réaliser les travaux envisagés par les entreprises de son choix, sous la seule condition du respect des prescriptions de l'autorité administrative soumises au contrôle du juge de l'excès de pouvoir ».

 

– Le Conseil rappelle également que le propriétaire est susceptible de tirer certains avantages de l'inscription dont son bien fait l'objet : « Le propriétaire peut demander, pour le financement d'une partie de ces travaux, une subvention de l'État », la règle résultant de l'article L. 621-29 du code du patrimoine (contesté par la présente QPC).

 

Pour l'ensemble de ces motifs, le Conseil juge que « les dispositions contestées ne portent pas aux conditions d'exercice du droit de propriété une atteinte disproportionnée au but recherché ; que cette atteinte ne méconnaît donc pas l'article 2 de la Déclaration de 1789 » (cons. 10).

 

Enfin, la présente décision mentionne un second grief invoqué par le requérant qui estimait que les dispositions contestées faisaient peser sur le propriétaire du bien inscrit une charge anormale et spéciale contraire au principe d'égalité devant les charges publiques posé par l'article 13 de la Déclaration de 1789, spécialement en raison de l'absence d'indemnisation pour les contraintes imposées. Le Conseil estime que les dispositions contestées « ne créent aucune rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques » (cons. 10). S'il est vrai que le principe d'égalité devant les charges publiques permet l'indemnisation des sujétions que peut imposer la loi15, encore faut-il que le préjudice invoqué soit, pour reprendre le vocabulaire du juge administratif, anormal et spécial ; la rupture doit ainsi être caractérisée, selon la jurisprudence du Conseil. Ici, le préjudice n'est pas certain (l'inscription peut profiter au propriétaire) et il n'apparaît nullement anormal ou d'une exceptionnelle gravité, au regard des contraintes mesurées qui ont été rappelées.

 

Le Conseil constitutionnel a, par conséquent, jugé conformes à la Constitution l'article L. 621-25, les premier et deuxième alinéas de l'article L. 621-27 et l'article L. 621-29 du code du patrimoine.

_______________________________________

1  « Les immeubles ou parties d'immeubles publics ou privés qui, sans justifier une demande de classement immédiat au titre des monuments historiques, présentent un intérêt d'histoire ou d'art suffisant pour en rendre désirable la préservation peuvent, à toute époque, être inscrits, par décision de l'autorité administrative, au titre des monuments historiques.

« Peut être également inscrit dans les mêmes conditions tout immeuble nu ou bâti situé dans le champ de visibilité d'un immeuble déjà classé ou inscrit au titre des monuments historiques ».

2  Loi du 30 mars 1887 relative à la conservation des monuments et objets d'art ayant un intérêt historique et artistique.

3  Relatif aux monuments historiques et aux zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager.

4  Relatif à la partie réglementaire du code du patrimoine.

5  Qui dispose : « La décision d'inscription mentionne :

« 1° La dénomination ou la désignation de l'immeuble ;

« 2° L'adresse ou la localisation de l'immeuble et le nom de la commune où il est situé ;

« 3° L'étendue totale ou partielle de l'inscription avec les références cadastrales des parcelles, en précisant, si l'inscription est partielle, les parties de l'immeuble auxquelles elle s'applique ;

« 4° Le nom et le domicile du propriétaire avec la désignation de l'acte de propriété. »

6  Conseil d'État, 7 février 1992, SCI du Vieux-Château, n° 118488.

7  Conseil d'État, 8 juillet 2009, Valette et autres, n° 308778 (Droit administratif, octobre 2009, comm. n° 133, note Guyomar) : « Il résulte des dispositions combinées des articles 1er de la loi du 11 juillet 1979 et 24 de la loi du 12 avril 2000, que les décisions d'inscription d'un immeuble à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques, lesquelles ne présentent pas le caractère de décisions individuelles, ne sont pas au nombre de celles qui ne peuvent intervenir qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales ; que, dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la décision en cause aurait été prise en violation de ces dispositions ; qu'aucune autre disposition législative ou réglementaire n'impose à l'autorité administrative d'inviter les propriétaires concernés à présenter des observations préalablement à l'intervention d'une décision d'inscription. »

8  Le Conseil d'État a récemment jugé qu'« en soumettant à déclaration préalable les travaux de modification des immeubles inscrits, le législateur a entendu viser les travaux qui sont de nature soit à affecter la consistance ou l'aspect de la partie inscrite de l'immeuble, soit à compromettre la conservation de celle-ci » (27 avril 2011, Association La demeure historique, n° 309709).

9  Voir aussi articles R. 421-28 du code de l'urbanisme pour le permis de démolir, R. 421-16 pour le permis de construire.

10 Ces travaux d'entretien ou ordinaires sont également exclus de la déclaration de l'alinéa premier de l'article L. 621-27.

11 Conseil d'État, 8 juillet 2009, Valette et autres, préc.

12 Le juge administratif peut à cette fin ordonner des vérifications ou se rendre sur les lieux.

13 Décision n° 85-198 DC du 13 décembre 1985, Loi modifiant et complétant la loi n° 83-663 du 22 juillet 1983 et portant dispositions diverses relatives aux rapports entre l'Etat et les collectivités territoriales.

14  Décision n° 2011-182 QPC du 14 octobre 2011, M. Pierre T. (Servitude administrative de passage et d'aménagement en matière de lutte contre l'incendie).

15 Décision n° 87-237 DC du 30 décembre 1987, Loi de finances pour 1988, cons. 21 : « Les principes d'égalité devant la loi et d'égalité devant les charges publiques proclamés par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, dans ses articles 6 et 13, s'appliquent aussi bien dans l'hypothèse où la loi prévoit l'octroi de prestations que dans les cas où elle impose des sujétions. »