Conseil constitutionnel

  • Commentaire QPC
  • Pénal
  • Droit de la procédure pénale
  • réquisitoire
  • avocat
  • ministère public
  • instruction judiciaire
  • partie civile
  • mis en examen
  • ordonnance
  • prévenu

Commentaire de la décision 2011-160 QPC

09/12/2022

Non conformité partielle

 

 

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 15 juin 2011 d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) posée par M. Hovanes A. devant le tribunal correctionnel de Rennes et renvoyée par la chambre criminelle de la Cour de cassation (arrêt n° 3455 du 7 juin 2011). Cette QPC portait sur la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de la seconde phrase du deuxième alinéa de l'article 175 du code de procédure pénale (CPP) qui organise le règlement de l'information préparatoire.

 

Dans sa décision n° 2011-160 QPC du 9 septembre 2011, le Conseil constitutionnel a censuré deux mots de cette phrase et en a déclaré le surplus conforme à la Constitution.

 

 

I. – Exposé de la question

 

A. – La disposition contestée

 

L'article 175 du CPP traite de la procédure qui conduit au règlement de l'information c'est-à-dire à la décision du juge d'instruction qui clôture l'information soit par un non-lieu, soit par une déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental1, soit par le renvoi des personnes mises en examen devant la juridiction de jugement compétente. Sa rédaction actuelle, à l'exception du dernier alinéa, résulte de l'article 19 de la loi n° 2007-291 du 5 mars 2007 tendant à renforcer l'équilibre de la procédure pénale, appelée parfois « loi après Outreau » dans la mesure où y ont été inscrites certaines des préconisations de la commission de l'Assemblée nationale chargée d'analyser les suites de cette affaire2.

 

En l'espèce, il s'est agi de renforcer le caractère contradictoire du règlement de l'information en permettant aux parties de faire des observations, y compris en réplique, aux réquisitions du parquet, avant que le juge ne rende son ordonnance de règlement et en prévoyant que cette ordonnance devra faire état des éléments à charge et à décharge.

 

Avant cette réforme entrée en vigueur le 1er juillet 2007, l'article 175 du CPP instituait la procédure de règlement qui se déroulait de la manière suivante : le juge qui estimait l'information terminée adressait un « avis de fin d'information » aux parties et à leurs avocats leur impartissant un délai de vingt jours pour faire des demandes d'actes ou d'annulation (l'expiration de ce délai opérant une « purge des nullités ») ; le dossier était alors communiqué au parquet pour qu'il prenne ses réquisitions définitives dans un délai d'un mois ou trois mois (selon que les personnes étaient ou non détenues) ; le juge réglait le dossier à l'issue de ce délai.

 

Dans la nouvelle procédure, le juge adresse l'avis de fin d'information aux parties en même temps que la communication du dossier pour règlement au parquet. Un premier délai d'un ou trois mois (selon qu'il y a ou non des personnes détenues dans la procédure) est ouvert pour les réquisitions du parquet et les observations ou demandes des parties. Un second délai de dix jours ou un mois s'ouvre pour les éventuelles répliques du parquet et des parties. Le juge règle le dossier à l'issue de ce délai.

 

Cet article a été modifié par la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures qui l'a complété par un dernier alinéa rétablissant la possibilité, pour les parties, de renoncer aux délais en présence de leur avocat.

 

Aucune des ces lois n'a été soumise au Conseil constitutionnel.

 

B. – Les griefs

 

La QPC ne portait en réalité que sur la seconde phrase du deuxième alinéa de l'article 175 du CPP selon laquelle les réquisitions du procureur de la République ne sont adressées qu'aux avocats des parties. En effet, n'était contestée que l'absence de notification des réquisitions à la partie qui se défend seule.

 

Par conséquent, le Conseil constitutionnel a, comme il l'avait déjà fait à huit reprises3, limité le champ de sa saisine à la seconde phrase du deuxième alinéa de l'article 175 du CPP.

 

Le requérant, qui s'était doté du concours d'un avocat en cours de procédure, invoquait le droit à un procès équitable et les droits de la défense. C'est au regard de ces principes que la chambre criminelle de la Cour de cassation avait jugé la question sérieuse. Comme le soulignait l'avocat général de la Cour de cassation dans ses réquisitions : « Il me semble pour le moins problématique qu'un mis en examen ou une partie civile, faute d'être assisté par un avocat, soit mis dans l'impossibilité de présenter des observations sur les réquisitions du ministère public. »

 

C. – L'avocat dans l'instruction préparatoire

 

Le droit de toute personne mise en examen de bénéficier de l'assistance d'un avocat est précisément garanti : le quatrième alinéa de l'article 116 du CPP prévoit que, lors de sa première comparution devant le juge d'instruction, le mis en examen qui n'est pas assisté d'un avocat est informé de son droit d'en désigner un ou de demander à ce qu'il lui en soit désigné un d'office. Lorsqu'une personne est convoquée aux fins de mise en examen, la convocation mentionne un avis identique (article 80-2).

 

Le témoin assisté reçoit la même information avant d'être entendu (article 113–4).

 

Les victimes sont informées, dès le début de l'instruction, de leur droit de se constituer partie civile et d'être assistées d'un avocat, le cas échéant commis d'office (article 80-3).

 

Il convient de préciser que la commission d'office de l'avocat n'implique pas le bénéfice de l'aide juridictionnelle : la personne qui demande un avocat commis d'office n'a que l'assurance de la présence d'un avocat désigné par le bâtonnier, cette présence n'étant pas subordonnée à la solvabilité du justiciable. En revanche, ce dernier devra verser des honoraires à l'avocat s'il ne remplit pas les conditions prévues pour bénéficier de l'aide juridictionnelle totale.

 

Le choix de l'avocat et, le cas échéant, le remplacement de l'avocat en cours de procédure fait l'objet d'un certain formalisme organisé par l'article 115 du CPP depuis la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 qui a entendu prévenir les nullités qui pourraient résulter d'erreurs de notification ou de convocation à raison d'un changement d'avocat4.

 

– Le CPP prévoit des droits qui sont réservés aux avocats dans la procédure. De façon générale, dans la procédure pénale, le nombre de ces droits est en diminution. Ainsi, depuis la loi n° 85-1407 du 30 décembre 1985 portant diverses dispositions de procédure pénale et de droit pénal, toutes les ordonnances du juge d'instruction sont notifiées à l'avocat et aux parties. Par ailleurs, devant la juridiction de jugement, les parties privées peuvent obtenir une copie des pièces de la procédure à leurs frais. Après avoir longtemps limité ce droit en matière correctionnelle, la Cour de cassation l'a reconnu par deux arrêts du 12 juin 1996 sur le fondement de l'article 6 § 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CESDH)5. Toute personne majeure peut en principe choisir de se défendre seule. Les exceptions sont rares : d'une part, devant la cour d'assises où l'accusé est obligatoirement assisté d'un défenseur6, d'autre part, dans des cas de vulnérabilité du prévenu, lorsqu'il est mineur7, lorsqu'il fait l'objet d'une mesure de protection juridique8 ou lorsqu'il est atteint d'une infirmité de nature à compromettre sa défense9.

 

Au cours de l'instruction, l'avocat du mis en examen bénéficie de droits que le mis en examen ne pourrait pas exercer seul.

 

– Ainsi, seul l'avocat peut consulter le dossier de l'information et se faire délivrer une copie des pièces. La loi du 30 décembre 199610 a instauré un dispositif permettant à l'avocat de communiquer certaines pièces à son client après une déclaration d'intention au greffe du tribunal et sous réserve de l'absence d'opposition du juge d'instruction, motivée par les risques de pressions (article 114 du CPP).

 

– Les parties peuvent demander qu'un acte d'instruction soit accompli en présence de leur avocat (article 82-2 du CPP), alors qu'elles ne peuvent demander à assister elles-mêmes à un tel acte (ce qui ne prive pas le juge, s'il le souhaite, de les convoquer en vue de les entendre à l'occasion d'un acte d'instruction, par exemple, pour une reconstitution).

 

– Si les conclusions des rapports d'expertise et des examens techniques ou scientifiques sont portées à la connaissance des parties et des avocats, seuls ces derniers se voient remettre une copie de l'intégralité du rapport d'expertise (article 167).

 

– Devant la chambre de l'instruction, le dossier est ouvert à la consultation pour les seuls avocats (article 197) et seul l'avocat est entendu. La comparution personnelle de la personne concernée est de droit si elle le demande, sauf en matière de détention provisoire où elle est soumise à des limitations destinées à éviter les transferts répétés entre la maison d'arrêt et la cour d'appel (article 199).

 

Les limitations des droits de la personne qui se défend seule ont, pour certaines, été soumises à la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) sur le fondement de l'article 6 § 3 de la CESDH et en particulier son c) qui reconnaît à tout accusé le droit de « se défendre lui-même ». Dans un arrêt Foucher c. France du 18 mars 199711, la CEDH avait condamné la France au motif qu'un prévenu n'avait pas eu communication de son dossier pénal devant le tribunal de police alors qu'il avait choisi de se défendre seul, comme la loi française le permet. Cet arrêt relève d'ailleurs, dans sa motivation, le revirement de jurisprudence opéré par les arrêts de la Cour de cassation du 12 juin 1996 précités.

 

Plus récemment, dans une affaire Menet c. France12 du 14 juin 2005 où le requérant était une partie civile qui avait choisi de se défendre seule et n'avait pu accéder au dossier, la CEDH a jugé que l'article 6 § 1 (seul applicable s'agissant d'une victime) n'avait pas été méconnu. La Cour a considéré que l'objectif de préserver le secret de l'instruction constituait un but légitime et, d'autre part, que le requérant n'était pas accusé.

 

 

II. – Examen de la constitutionnalité

 

A. – La jurisprudence du Conseil constitutionnel

 

1. – La jurisprudence du Conseil constitutionnel sur l'avocat dans la procédure pénale

 

La jurisprudence du Conseil constitutionnel sur le droit à l'avocat dans la procédure pénale est assez abondante.

 

En janvier 198113, le Conseil avait censuré une disposition qui permettait au président d'une juridiction d'écarter de la salle d'audience un avocat dans des conditions portant atteinte aux droits de la défense. Le Conseil a, par la suite, reconnu à trois reprises que le principe du libre entretien avec un avocat d'une personne gardée à vue constitue « un droit de la défense qui s'exerce durant la phase d'enquête de la procédure pénale »14. Le Conseil a censuré, en 1993, des dispositions qui méconnaissaient ce droit15. En outre, il n'est pas rare que le Conseil relève, parmi les garanties légales assurant le respect des droits de la défense, l'assistance de l'avocat. Il en est allé ainsi en matière de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité16. Enfin, la décision du 30 juillet 2011 sur la garde à vue17 a conduit à imposer le droit à l'assistance effective d'un avocat pour toute personne interrogée en garde à vue. Le droit à l'assistance d'un avocat n'est toutefois pas absolu et s'apprécie en fonction de l'utilité des droits de la défense dans chaque étape de la procédure. Le Conseil a ainsi jugé que l'assistance d'un avocat n'est pas requise lors du défèrement devant le procureur de la République à l'issue de la garde à vue18.

 

Cette jurisprudence ne pouvait toutefois fonder un précédent adapté au règlement de la présente QPC qui portait sur l'infériorité des droits d'une personne qui fait le choix de se défendre seule par rapport à celle qui bénéficie de l'assistance d'un avocat.

 

Une seule décision antérieure porte sur cette question. Elle touche d'ailleurs quasiment à la même étape de la procédure que celle qui était contestée devant le Conseil constitutionnel dans le cadre de la présente QPC. Lorsque, par la loi qui est devenue n° 93-1013 du 24 août 1993, le législateur a modifié les articles 178 et 179 du CPP pour instituer la « purge des nullités » qui résulte de l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel, les requérants avaient soutenu devant le Conseil constitutionnel que cette disposition aurait pour effet, en l'absence de l'assistance obligatoire d'un avocat, que les droits de la défense ne seraient pas également assurés pour tous.

 

Dans sa décision du 11 août 1993, le Conseil constitutionnel a répondu « qu'assurément les possibilités de vérification de la régularité de la procédure ne sont pas les mêmes selon que la personne concernée dispose ou non de l'assistance d'un avocat ; que toutefois, il appartient à l'intéressé de décider en toute liberté d'être ou de ne pas être assisté d'un avocat, au besoin commis d'office ; que, dès lors, le grief susénoncé ne saurait être accueilli »19.

 

2. – Le droit à un procès équitable et l'égalité devant la justice

 

La jurisprudence du Conseil constitutionnel relative à l'équilibre des droits des parties met en jeu à la fois le principe d'égalité devant la justice, garanti par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, et les droits que son article 16 garantit, à savoir, notamment, le droit à un recours juridictionnel effectif et les droits de la défense. Le Conseil juge ainsi, à l'appui de ces deux normes, que « si le législateur peut prévoir des règles de procédure différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquelles elles s'appliquent, c'est à la condition que ces différences ne procèdent pas de distinctions injustifiées et que soient assurées aux justiciables des garanties égales, notamment quant au respect du principe des droits de la défense, qui implique en particulier l'existence d'une procédure juste et équitable garantissant l'équilibre des droits des parties »20.

 

Sur ce fondement, le Conseil a jugé que l'article 575 du CPP, qui limitait le droit de la partie civile de se pourvoir en cassation, méconnaissait ces exigences. Toute en reconnaissant que « la partie civile n'est pas dans une situation identique à celle de la personne mise en examen ou à celle du ministère public », il a aussi jugé que, compte tenu des droits qui sont reconnus à la partie civile au cours de l'instruction par le CPP, son article 575 « apporte une restriction injustifiée aux droits de la défense »21.

 

Plus récemment, le Conseil constitutionnel a confirmé que « la personne mise en examen n'est pas dans une situation identique à celle de la partie civile ou à celle du ministère public » et en a tiré la conséquence que « les différences de traitement résultant de l'application de règles de procédure propres à chacune des parties privées et au ministère public ne sauraient, en elles-mêmes, méconnaître l'équilibre des droits des parties dans la procédure »22.

 

En outre, s'agissant de la procédure d'examen par le juge des libertés et de la détention de la demande de mise en liberté d'une personne placée en détention provisoire, le Conseil constitutionnel a jugé « que l'équilibre des droits des parties interdit que le juge des libertés et de la détention puisse rejeter la demande de mise en liberté sans que le demandeur ou son avocat ait pu avoir communication de l'avis du juge d'instruction et des réquisitions du ministère public »23.

 

La lecture des pièces de la procédure d'examen de la QPC à la Cour de cassation montre que ce considérant a particulièrement retenu l'attention par la référence qui est faite à l'alternative entre le demandeur et l'avocat. Si, dans cette décision, le Conseil constitutionnel a estimé que le juge ne pouvait refuser une demande de mise en liberté sans que les réquisitions du parquet aient été communiquées au demandeur, la formulation retenue par le Conseil n'avait pas pour finalité de donner une indication quant à la réponse à apporter à la question ici posée de savoir si les droits d'une partie qui a choisi de se défendre seule peuvent être inférieurs à ceux d'une partie assistée d'un avocat.

 

Dans la présente décision, s'agissant des garanties égales qui doivent être assurées à tous les justiciables, le Conseil constitutionnel a particulièrement fondé sa décision sur les droits de la défense et le principe du contradictoire.

 

B. – La décision du 9 septembre 2011

 

Pour s'opposer à l'argumentation du requérant, le Secrétariat général du Gouvernement avançait principalement trois arguments :

 

– le droit de toute partie à l'assistance d'un avocat dans l'instruction est effectivement garanti ; la personne qui a choisi de se défendre seule ne peut se plaindre des conséquences de son choix ;

 

– s'il y a une atteinte à l'équilibre des droits des parties, elle porte sur une phase d'orientation de la procédure qui ne préjudicie pas aux droits du mis en examen lequel pourra se défendre devant le tribunal en cas de renvoi ;

 

– enfin, et surtout, la mesure tend à assurer la protection du secret de l'instruction dès lors que le réquisitoire définitif constitue une synthèse du dossier d'instruction avec des références circonstanciées.

 

Ces arguments n'ont toutefois pas convaincu le Conseil constitutionnel.

 

La disposition contestée ne s'applique pas seulement au mis en examen qui, s'il est renvoyé devant la juridiction de jugement, aura tout loisir de se défendre à cette occasion. Elle est également opposable à la partie civile qui, en cas de non-lieu, ne pourra pas faire entendre ses arguments devant la juridiction de jugement. Certes, la partie civile peut faire appel du non-lieu, mais le Conseil constitutionnel n'a jamais admis qu'une atteinte aux principes fondamentaux du procès devant une juridiction puisse être rééquilibrée par le réexamen par une juridiction de rang supérieur.

 

S'agissant de la préservation du secret de l'enquête et de l'instruction, sa protection, particulièrement justifiée en début d'enquête et d'instruction alors que les risques de déperdition de preuve ou de pressions sont importants, ne saurait être aussi forte lorsque l'instruction est terminée. En outre, il s'agit non de consulter le dossier (comme dans la décision précitée du 11 août 1993) mais de connaître les demandes formulées par l'autorité de poursuite à l'issue de la procédure d'instruction et les charges retenues par elle pour convaincre le juge de prononcer une décision de renvoi devant la juridiction de jugement.

 

– Dès lors que la loi reconnaît à la personne mise en examen et à la partie civile le droit de se défendre seules, elle ne peut porter à leur droit de se défendre une atteinte qui, en pratique, conduit à ce qu'une décision juridictionnelle soit rendue sur les demandes du ministère public, sans que ces demandes leur soient communiquées. Il est d'ailleurs contradictoire de reconnaître aux parties, même si elles se défendent seules, le droit d'adresser des observations en réponse aux réquisitions définitives du parquet et de leur interdire d'en prendre connaissance. Ce qui est méconnu en l'espèce, au-delà des droits de la défense, c'est le principe du contradictoire qui interdit qu'une partie soit jugée sans avoir été mise à même de prendre connaissance des demandes formulées à son encontre.

 

Dans sa décision n° 2011-160 QPC du 9 septembre 2011, le Conseil a donc jugé que les dispositions de la loi qui ont pour effet de réserver la notification des réquisitions définitives du ministère public aux avocats assistant les parties méconnaissent les droits de la défense et le principe du contradictoire. Il a procédé ce faisant à une censure « chirurgicale » portant sur les seuls mots qui emportent cet effet et a déclaré conforme à la Constitution le surplus de la seconde phrase du deuxième alinéa de l'article 175 du CPP.

 

S'agissant des effets dans le temps de sa décision, le Conseil constitutionnel a précisé que la déclaration d'inconstitutionnalité est applicable à toutes les procédures dans lesquelles les réquisitions définitives du procureur de la République ont été adressées en application du deuxième alinéa de l'article 175 du CPP postérieurement à la publication de la décision. S'agissant des procédures dans lesquelles ces réquisitions avaient été adressées antérieurement, le Conseil a, en outre, précisé qu'à la condition que les procédures pénales ayant donné lieu à l'instruction n'aient pas été définitivement jugées à la date de publication de la décision du Conseil constitutionnel, l'inconstitutionnalité pouvait être invoquée par une partie à la double condition, d'une part, qu'à la date du règlement de l'information, cette partie n'était pas représentée par un avocat et, d'autre part, que l'ordonnance de règlement lui ait fait grief. Le Conseil a ainsi entendu garantir l'effet utile de la QPC tout en limitant son bénéfice aux seules personnes qui ont un intérêt légitime à invoquer l'inconstitutionnalité constatée.

_______________________________________

1  Ou, si une partie le demande, un renvoi au procureur général aux fins de saisine de la chambre de l'instruction pour statuer sur l'irresponsabilité pénale (article 706-120 du CPP).

2  André Vallini et Philippe Houillon Au nom du peuple français, juger après Outreau, rapport de la commission d'enquête chargée de rechercher les causes des dysfonctionnements de la justice dans l'affaire dire d'Outreau et de formuler des propositions pour éviter leur renouvellement, Assemblée nationale, XIIe législature, n° 3125, juin 2006.

3  Décisions n° 2010-81 QPC du 17 décembre 2010, M. Boubakar B. (Détention provisoire : réserve de compétence de la chambre de l'instruction), cons. 3, n° 2010-92 QPC du 28 janvier 2011, Mme Corinne C. et autre (Interdiction du mariage entre personnes de même sexe), cons. 3, n° 2010-99 QPC du 11 février 2011, Mme Laurence N. (Impôt de solidarité sur la fortune – Plafonnement), cons. 3, n° 2010-105/106 QPC du 17 mars 2011, M. César S. et autre (Majoration fiscale de 40 % après mise en demeure), cons. 4, n° 2010-104 QPC du 17 mars 2011, Epoux B. (Majoration fiscale de 80 % pour activité occulte), cons. 3, n° 2011-128 QPC du 6 mai 2011, Syndicat SUD AFP (Conseil d'administration de l'Agence France-Presse), cons. 3, n° 2011-144 QPC du 30 juin 2011, Départements de l'Hérault et des Côtes-d'Armor (Concours de l'État au financement par les départements de la prestation de compensation du handicap), cons. 6 et n° 2011-143 QPC du 30 juin 2011, Départements de la Seine-Saint-Denis et de l'Hérault (Concours de l'État au financement par les départements de l'allocation personnalisée d'autonomie), cons. 6.

4  Loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, article 117.

5  Cour de cassation, chambre criminelle, 12 juin 1996, n° 95-82735 et n° 96-80219.

6  Article 317 du CPP.

7  Ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante, articles 4-1, 7-2 et 14-2.

8  Articles 706-112 et 706-116 du CPP.

9  Article 417, alinéa 4, du CPP.

10 Loi n° 96-1235 du 30 décembre 1996 relative à la détention provisoire et aux perquisitions de nuit en matière de terrorisme, article 2.

11 CEDH, 18 mars 1997, Foucher c France, n°22209/93, § 37.

12 CEDH, deuxième section, 14 juin 2005, Menet c. France, n° 39553/02.

13 Décision n° 80-127 DC des 19 et 20 janv. 1981, Loi renforçant la sécurité et protégeant la liberté des personnes, cons. 48 à 53.

14 Décision n° 93-326 DC du 11 août 1993, Loi modifiant la loi n° 93-2 du 4 janvier 1993 portant réforme du code de procédure pénale, cons. 12, n° 93-334 DC du 20 janvier 1994, Loi instituant une peine incompressible et relative au nouveau code pénal et à certaines dispositions de procédure pénale, cons 18 ; n° 2004-492 DC du 2 mars 2004, Loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, cons. 31.

15 Décision n° 93-326 DC du 11 août 1993, précitée, cons. 10 à 15.

16 Décision n° 2004-492 DC du 2 mars 2004, précitée, cons. 108.

17 Décision n° 2010-14/22 QPC du 30 juillet 2010, M. Daniel W. et autres (Garde à vue).

18 Décision n° 2011-125 QPC du 6 mai 2011, M. Abderrahmane L. (Défèrement devant le procureur de la République), cons. 12.

19 Décision n° 93-326 DC du 11 août 1993, Loi modifiant la loi n° 93-2 du 4 janvier 1993 portant réforme du code de procédure pénale, cons. 25.

20 Décision n° 2010-15/23 QPC du 23 juillet 2010, Région Languedoc-Roussillon et autres (Article 575 du code de procédure pénale), cons. 4.

21 Ibidem, cons. 8.

22 Décision n° 2011-153 QPC du 13 juillet 2011, M. Samir A. (Appel des ordonnances du juge d'instruction et du juge des libertés et de la détention), cons. 5.

23 Décision n° 2010-62 QPC du 17 décembre 2010, M. David M. (Détention provisoire : procédure devant le juge des libertés et de la détention), cons. 7.