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Commentaire de la décision 2010-3 QPC

09/12/2022

Conformité

 

La seconde décision rendue, le 28 mai 2010, par le Conseil constitutionnel sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution (décision n° 2010-3 QPC, Union des familles en Europe) a répondu à la question de savoir si était conforme à la Constitution le 2° de l'article L. 211-3 du code de l'action sociale et des familles (CASF) habilitant l'union nationale et les unions départementales des associations familiales à « représenter officiellement auprès des pouvoirs publics l'ensemble des familles et notamment désigner ou proposer les délégués des familles aux divers conseils, assemblées ou autres organismes institués par l'État, la région, le département, la commune ».

 

I. – La procédure

 

A. − Le renvoi de la question par le Conseil d'État

 

Cette question lui avait été renvoyée par le Conseil d'État à la demande de l'Union des familles en Europe (UFE) qui avait formé un recours pour excès de pouvoir contre le décret n° 2008-1112 du 30 octobre 2008 créant un Haut conseil de la famille (codifié au 2° de l'article D. 141-3 du CASF).

 

En vertu de ce décret, le Haut conseil de la famille comprend 52 membres dont 14 représentants du mouvement familial, 7 désignés par l'Union nationale des associations familiales (UNAF) et 7 par chacun des 7 mouvements familiaux nationaux généraux adhérant à l'UNAF : l'association Familles rurales, l'association Familles de France, la Confédération syndicale des familles, les Associations familiales protestantes, la Confédération nationale des associations familiales catholiques, l'Union des familles laïques et le Conseil national des associations familiales laïques. L'UFE n'y est donc pas représentée.

 

Le rapporteur public devant le Conseil d'État1 avait hésité avant de conclure que la disposition contestée était « applicable au litige » au sens du 1° de l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel. C'est en définitive en retenant une interprétation souple de la notion d'applicabilité au litige que le Conseil d'État a saisi le Conseil constitutionnel.

 

Cette interprétation est conforme à l'esprit de la réforme : si l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 avait conservé la rédaction initiale du projet du Gouvernement (la disposition législative contestée « commande l'issue du litige ») les conditions pour que le Conseil constitutionnel fût saisi n'eussent certainement pas été réunies. Cette question prioritaire de constitutionnalité donne l'illustration de ce qu'une disposition qui ne commande pas l'issue du litige peut néanmoins être considérée comme lui étant applicable.

 

B. − La procédure contradictoire devant le Conseil constitutionnel

 

En application de l'article 1er du règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité, la QPC a été enregistrée dès sa réception au registre du secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le numéro 2010-3 QPC. Le représentant des parties à l'instance en a été avisé, ainsi que le Président de la République, le Premier ministre, les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat. Ces avis fixaient au 4 mai 2010 la date avant laquelle les parties ou les autorités précitées pouvaient présenter des observations écrites et, le cas échéant, produire des pièces au soutien de celles-ci.

 

Les premières observations du président de l'Assemblée nationale ont été enregistrées le 22 avril 2010. Celles du Gouvernement, de la SCP Delaporte, Briard, Trichet pour le compte de l'UFE et de la SCP Boutet pour l'UNAF ont été enregistrées le 4 mai 2010. Ces pièces ont été communiquées à l'ensemble des autorités et parties.

 

Toujours conformément à l'article 1er du règlement, une copie de ces premières observations et, le cas échéant, des pièces produites à leur soutien, a été notifiée aux parties et autorités qui pouvaient, dans les mêmes conditions, présenter des observations avant la date du 12 mai 2010. Ces secondes observations ne pouvaient avoir d'autre objet que de répondre aux premières. La SCP Delaporte, Briard, Trichet et de la SCP Boutet ont déposé de nouvelles observations, enregistrées le 12 mai 2010 et communiquées contradictoirement.

 

Par courrier en date du 17 mai 2010, les parties ont été avisées de la possibilité de présenter leurs observations orales devant le Conseil constitutionnel lors la première audience publique du Conseil constitutionnel, en date du 25 mai 2010. L'affaire a été délibérée le 27 mai 2010 et la décision rendue le 28 mai. Elle a alors été publiée conformément à l'article 23–11 de l'ordonnance n° 58–1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel2.

 

Dans sa décision n° 2010-3 QPC du 28 mai 2010, le Conseil constitutionnel a déclaré conforme à la Constitution la disposition contestée.

 

II. – La disposition contestée

 

A. − Son origine

 

Le 2° de l'article L. 211-3 du code de l'action sociale et des familles trouve une lointaine origine dans le 2° de l'article 2 de l'acte dit « loi n° 1107 du 29 décembre 1942 relative aux associations familiales », dénommée également « loi Gounot », ainsi rédigé :

 

« Les associations de familles ont pour mission : …

2° De représenter officiellement les familles auprès des pouvoirs publics et notamment de nommer ou, lorsque les membres ou les règlements confient la nomination à une autorité publique, de proposer les délégués des familles aux divers conseils, assemblées ou autres organismes institués par ‘l'État, la région, le département, la commune ; … »

 

À la Libération, le Gouvernement provisoire de la République française adopta l'ordonnance n° 45-323 du 3 mars 1945 relative aux associations familiales qui constata la nullité de l'acte dit loi du 29 décembre 1942.

 

Cette ordonnance reprit certaines des dispositions de l'acte de 1942 mais dans un esprit totalement différent comme en témoigne son exposé des motifs :

 

« Le régime de Vichy avait tenté de réaliser ce rassemblement par la création à tous les échelons de la vie administrative, d'une association familiale à but général, ouverte dans la commune ou le canton à toutes les familles françaises et chargée de représenter les familles dans l'ensemble de leurs intérêts matériels ou moraux devant les pouvoirs publics. Ce fut l'œuvre d'un acte dit loi du 29 décembre 1942 et d'un règlement d'administration publique, pris pour son application le 3 décembre 1943.

 

« L'esprit qui animait ces textes apparaît incompatible avec la restauration d'un régime de liberté. L'association de base était unique par commune ou par canton. L'adhésion des familles, certes, était libre, mais elles ne pouvaient trouver leur expression que par ce seul canal. Une tutelle administrative assez pesante alourdissait, d'autre part, chacun des rouages de l'édifice.

 

« À l'unité, le projet substitue le pluralisme, plus conforme aux traditions libérales de notre droit public. Les associations familiales, de quelque appartenance, qu'elles se réclament, pourront désormais adhérer en toute liberté à une union départementale et, par l'intermédiaire des unions départementales, à une union nationale qui exerceront la représentation de toutes les familles auprès des pouvoirs publics. Ainsi, tous les mouvements privés qui ont fait la preuve de leur activité et de leur dévouement et grâce à qui l'idée familiale a pris corps, pourront, sans rien perdre de leur autonomie et de leur activité propre, harmoniser leur action. Ainsi se concilieront la nécessaire discipline que postule toute collaboration active et permanente avec les pouvoirs publics et la richesse qui résulte de la diversité même de la vie.

 

« L'ordonnance définit l'association familiale. C'est une association déclarée, librement créée dans le cadre de la loi du 1er juillet 1901, qui assure sur le plan matériel et moral la défense des intérêts généraux des familles et groupe, à cet effet, les familles françaises. Elle prévoit encore la possibilité de créer à l'échelon communal ou intercommunal des unions locales. »

 

Le 2° de l'article 6 de l'ordonnance de 1945 adopte ainsi une rédaction différente de celle du 2° de l'article 2 de l'acte du 29 décembre 1942 : « L'union nationale et les unions départementales des associations familiales sont habilitées, sans préjudice de tous les droits et prérogatives pouvant résulter de leurs statuts, à : […] 2° représenter officiellement auprès des pouvoirs publics l'ensemble des familles et notamment désigner ou proposer les délégués des familles aux divers conseils, assemblées ou autres organismes institués par l'État, le département, la commune ».

 

Cette disposition a été codifiée sous l'article 3 du code de la famille et de l'aide sociale par le décret n° 56-149 du 24 janvier 1956 portant publication de ce code auquel la loi n° 58-346 du 3 avril 1958 relative aux conditions d'application de certains codes a donné valeur législative.

 

Modifiée par une loi du 11 juillet 19753, elle a été recodifiée sous l'article L. 211-3 du code de l'action sociale et des familles par l'ordonnance n° 2000-1249 du 21 décembre 2000 relative à la partie législative du code de l'action sociale et des familles, laquelle a été ratifiée par l'article 87 de la loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l'action sociale et médico-sociale.

 

Cet historique montre que la disposition contestée est bien de forme législative, condition qui donne compétence au Conseil constitutionnel pour en apprécier la conformité à la Constitution.

 

B. − Sa conformité à la Constitution

 

Selon l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité, le « monopole absolu » dont bénéficierait l'Union nationale des associations familiales pour représenter l'ensemble des familles auprès des pouvoirs publics aurait méconnu le principe d'égalité entre les associations familiales et l'Union nationale des associations familiales. Il porterait également atteinte, d'une part, à la liberté d'expression des associations familiales et au pluralisme des courants de pensées et d'opinions, d'autre part, à la liberté d'association.

 

1. − Le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité

 

Selon la jurisprudence constante du Conseil constitutionnel « le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit »4. Il impose donc qu'en principe, des personnes placées dans une situation identique soient traitées de la même manière. Rappelons également que ce principe « n'est pas moins applicable entre les personnes morales qu'entre les personnes physiques, car, les personnes morales étant des groupements de personnes physiques, la méconnaissance du principe d'égalité entre celles-là équivaudrait nécessairement à une méconnaissance de l'égalité entre celles-ci »5.

 

Pour vérifier si ce principe était respecté, le Conseil constitutionnel s'est principalement fondé sur les articles L. 211-1 à L. 211-12 du CASF relatifs aux « associations familiales ».

 

D'une part, l'article L. 211-1 de ce code définit les associations familiales. Sous la forme d'associations régies par la loi du 1er juillet 1901, elles se forment librement conformément au titre Ier de cette loi et elles relèvent de la catégorie des associations familiales à raison de leur objet sociétal : la défense de l'ensemble des intérêts matériels et moraux, soit de toutes les familles, soit de certaines catégories d'entre elles. Elles ont ainsi vocation à représenter :

– des familles constituées par le mariage et la filiation ;

– des couples mariés sans enfant ;

– toutes personnes physiques soit ayant charge légale d'enfants par filiation ou adoption, soit exerçant l'autorité parentale ou la tutelle sur un ou plusieurs enfants dont elles ont la charge effective et permanente.

 

D'autre part, les articles suivants du CASF concernent les regroupements d'associations en vue d'exercer certaines missions d'intérêt général (articles L. 211-2 et L. 211-6) :

– au niveau national, une union nationale des associations familiales (UNAF) ;

– dans chaque département, une fédération départementale dite Union départementale des associations familiales (UDAF) ;

– au niveau local, des unions locales d'associations familiales.

 

L'article L. 211-5 fixe la composition de l'union nationale : « L'union nationale est composée par les unions départementales des associations familiales, constituées conformément à l'article L. 211-4 et qui lui apportent leur adhésion, et les fédérations, confédérations, associations familiales nationales regroupant au niveau national les associations et sections adhérentes aux unions départementales. »

 

L'article L. 211-4 fixe celle des unions départementales : « Les unions départementales des associations familiales sont composées par les associations familiales ayant leur siège social dans le département qui apportent à ces unions leur adhésion, ainsi que les fédérations regroupant exclusivement dans le département les associations telles que définies à l'article L. 211-1. »

 

L'article L. 211-6 est relatif aux unions locales : « Sur la proposition des unions départementales agréées, peuvent, par arrêté du ministre chargé de la famille, se constituer à l'intérieur de leur département et dans chaque circonscription (fraction de commune, commune ou groupement de communes) des unions locales d'associations familiales. – Ces unions sont formées des associations familiales qui ont donné leur adhésion et qui ont leur siège social dans la circonscription… »

 

Ces unions sont constituées dans un but d'utilité publique et ne relèvent donc pas entièrement du titre Ier de la loi du 1er juillet 1901 puisque les articles suivants du code prévoient trois dérogations importantes :

– les statuts et le règlement intérieur sont soumis, pour les unions locales, à l'agrément de l'union départementale, pour les unions départementales, à l'agrément de l'union nationale, pour l'union nationale, à l'agrément du ministre chargé de la famille (article L. 211-7 du CASF) ;

– l'union nationale et chaque union départementale des associations familiales sont administrées par un conseil dont les membres doivent être pour partie élus, au suffrage familial tel qu'il est prévu à l'article L. 211-9, pour partie désignés par les fédérations, confédérations ou associations familiales adhérentes selon les proportions que doivent prévoir les statuts de ces unions (article L. 211-8 du CASF) ;

– au sein des unions départementales, chaque association familiale adhérente dispose d'un nombre de suffrages calculé en fonction des charges de famille de leurs adhérents (article L. 211-9 du CASF).

 

Il en résulte que, d'une façon générale, les associations familiales et les unions chargées de regrouper ces dernières pour permettre la représentation officielle de l'ensemble des familles auprès des pouvoirs publics non seulement ne sont pas placées dans la même situation mais ont en réalité une nature différente. Les associations familiales sont librement fondées sur le contrat d'association auxquels souscrivent les sociétaires pour défendre les intérêts moraux qu'ils définissent librement ensemble alors que l'UNAF et les UDAF constituent des fédérations d'associations organisées dans le cadre défini par la loi afin de poursuivre le but qu'elle définit.

 

Par conséquent, le principe d'égalité entre associations familiales et unions départementales ou nationales ne saurait être invoqué pour critiquer le fait que les premières ne jouissent pas des prérogatives reconnues au secondes, pas plus qu'il ne saurait fonder la critique du fait que les secondes ne jouissent pas des libertés reconnues aux premières.

 

Si la loi reconnaissait à certaines associations un pouvoir de représentation auprès des pouvoirs publics qu'elle dénierait à d'autres, une difficulté pourrait se poser au regard du principe d'égalité. Toutefois, il n'en est rien. Toutes les associations familiales au sens de l'article L. 211-1 du CASF sont traitées de la même façon et sont libres de participer ou non au dispositif de fédération des associations familiales (dans les UDAF et les UNAF) afin d'exercer certaines missions de service public et notamment la représentation officielle des familles au travers d'une association instituée par la loi regroupant toutes les associations familiales souhaitant y adhérer.

 

Le grief a donc été écarté.

 

2. − Le grief tiré de la méconnaissance de la liberté d'expression

 

La protection constitutionnelle de la liberté d'expression se fonde sur l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi. » Le Conseil constitutionnel ajoute qu'il s'agit là d'une liberté fondamentale « d'autant plus précieuse que son exercice est une condition de la démocratie et l'une des garanties du respect des autres droits et libertés » et « que les atteintes portées à l'exercice de cette liberté doivent être nécessaires, adaptées et proportionnées à l'objectif poursuivi »6.

 

Le pouvoir reconnu à des unions d'associations, déclarées d'utilité publiques par la loi, pour « représenter officiellement auprès des pouvoirs publics l'ensemble des familles et notamment désigner ou proposer les délégués des familles aux divers conseils, assemblées ou autres organismes institués par l'État, la région, le département, la commune » ne conduit aucunement à restreindre la liberté d'expression des associations familiales. Celles-ci peuvent en effet librement adhérer ou non à ces unions et peuvent s'exprimer librement dans le cadre des intérêts matériels et moraux qu'elles défendent.

 

Le grief repose en réalité sur l'affirmation erronée selon laquelle le dispositif critiqué instituerait un « monopole de représentation ». C'est par une lecture sommaire de l'article, qui précise que l'UNAF représente « l'ensemble des familles » auprès des pouvoirs publics, qu'on peut être tenté de parvenir à cette conclusion. Toutefois, le dernier alinéa de l'article L. 211-3 du CASF précise : « Chaque association familiale et fédération d'associations familiales, dans la limite de ses statuts, conserve le droit de représenter auprès des pouvoirs publics les intérêts dont elle a assumé la charge ». Ainsi, qu'elle adhère ou non à l'UNAF, chaque fédération d'associations familiales conserve le pouvoir de défendre ses intérêts définis dans son objet sociétal.

 

Par conséquent, comme le rappelait le ministre de la santé, Mme Simone Veil, lors de la discussion de la loi précitée de 1975 « le système créé par l'ordonnance de 1945 n'institue pas un véritable monopole puisque rien n'empêche une association qui n'a pas adhéré à l'UNAF de défendre en pleine légitimité les intérêts de ses membres »7. Mme Veil préférait à juste titre la notion de « privilège » à celle de monopole.

 

Le Conseil a donc également rejeté ce deuxième grief.

 

3. − Le grief tiré de la méconnaissance du pluralisme des courants de pensées et d'opinions

 

C'est la première fois que le Conseil constitutionnel était amené à répondre à la question de savoir si les objectifs à valeur constitutionnelle constituent des « droits et libertés » au sens de l'article 61-1 de la Constitution.

 

On sait que les objectifs de valeur constitutionnelle (OVC) n'énoncent pas un droit mais un but, un objectif, que le législateur doit prendre en compte lorsqu'il légifère dans ce domaine. Ainsi constituent de tels OVC :

– le maintien de l'ordre public (n° 82-141 DC du 27 juillet 1982, cons. 5) ;

– le pluralisme des courants d'opinions et de pensées (pour la communication audiovisuelle : n° 82-141 DC du 27 juillet 1982, cons. 5 ; pour la presse écrite : n° 84-181 DC du 11 octobre 1984, cons. 38 ; pour les partis politiques : n° 2003-468DC du 3 avril 2003, cons. 12) ;

– la possibilité pour toute personne de disposer d'un logement décent (n° 94-359 DC du 19 janvier 1995, cons. 7) ;

– l'accessibilité et l'intelligibilité du droit (n° 99–421 DC du 16 décembre 1999, cons. 13) ;

– la lutte contre la fraude fiscale (n° 99-424 DC du 29 décembre 1999, cons. 52) ;

– le bon usage ou le bon emploi des deniers publics (n° 2003-473 DC du 26 juin 2003, cons. 18) ;

– la recherche des auteurs d'infractions (n° 96-377 DC du 16 juillet 1996, cons. 16) ;

– le pluralisme et l'indépendance des médias (n° 2009-577 DC du 3 mars 2009, cons. 3) ;

– la bonne administration de la justice (n° 2009-595 DC du 3 décembre 2009, cons. 4).

 

Ces objectifs, qu'il appartient au législateur de mettre en œuvre et qui doivent guider l'action normative, ne sont pas des droits subjectifs comme les principes de valeur constitutionnelle. Ils ne sont pas d'application directe. Ils ne s'adressent pas aux individus mais au législateur pour lequel ils constituent des obligations de moyens et non de résultat.

 

Le Conseil constitutionnel n'a cependant pas voulu trancher de façon générale, à l'occasion de cette décision, la question de l'invocabilité des OVC dans le cadre de la question prioritaire de constitutionnalité.

 

D'une part, certains OVC ont été déduits par le Conseil constitutionnel des droits et libertés constitutionnels, afin de fonder certaines mesures adoptées par le législateur qui ont pour effet de limiter les droits et libertés : c'est le cas de la bonne administration de la justice, de la protection des deniers publics, de la préservation de l'ordre public. D'autres ont été institués directement par le constituant en vue de rendre plus effectifs des droits et libertés constitutionnels : c'est la cas de la parité entres les hommes et les femmes (article 1er de la Constitution : « La loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu'aux responsabilités professionnelles et sociales » ou de la péréquation financière entre collectivités territoriales (article 72-2 : « La loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l'égalité entre les collectivités territoriales »).

 

D'autre part, le Conseil constitutionnel n'a jamais donné une définition de la catégorie des OVC comme il l'a fait pour les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République8. Au contraire même, sa jurisprudence montre qu'il est extrêmement prudent en la matière et préfère souvent utiliser la catégorie des « exigences de valeur constitutionnelle » qui regroupe les règles, les principes et les OVC.

 

En l'espèce, le Conseil constitutionnel a considéré que le grief tiré de la méconnaissance de l'objectif de valeur constitutionnelle du pluralisme des courants de pensées et d'opinions était, en tout état de cause, inopérant, comme il l'avait fait en 2004 pour les sociétés sportives9, dès lors que ce grief n'était pas invoqué dans une matière où cet objectif revêt une valeur constitutionnelle, à savoir la vie politique10 et les médias11. Il ne s'est donc pas prononcé sur le point de savoir si cet OVC, de caractère particulier, pouvait être regardé comme un « droit » ou une « liberté » au sens de l'article 61-1.

 

4. − Le grief tiré de l'atteinte à la liberté d'association

 

Par sa décision n° 71-44 DC du 16 juillet 1971, le Conseil constitutionnel a :

 

– rangé le principe de la liberté d'association « au nombre des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République et solennellement réaffirmés par le préambule de la Constitution » ;

– considéré que « ce principe est à la base des dispositions générales de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association » ;

– déduit de ce principe que « la constitution d'associations, alors même qu'elles paraîtraient entachées de nullité ou auraient un objet illicite, ne peut être soumise pour sa validité à l'intervention préalable de l'autorité administrative ou même de l'autorité judiciaire » ;

– réservé le cas « des mesures susceptibles d'être prises à l'égard de catégories particulières d'associations ».

 

Les dispositions de CASF ne portent aucune atteinte à la liberté d'association des associations familiales qui, contrairement aux unions d'associations, sont entièrement soumises au titre Ier de la loi du 1er juillet 1901. Elles sont en effet libres d'adhérer ou non à l'union nationale ou à l'union départementale dès lors qu'elles remplissent les conditions fixées par les articles L. 211-4 et L. 211-5 du CASF. Elles peuvent solliciter leur affiliation auprès d'un mouvement familial national de leur choix. Elles ont également la possibilité de se constituer en fédération départementale, elle-même affiliée à un mouvement familial national.

 

Certes, la non-adhésion à ces structures semi-publiques peut les empêcher de recevoir certaines subventions, mais, d'une part, cette disposition résulte de l'article L. 211-10 du CASF dont le Conseil constitutionnel n'est pas saisi et, d'autre part, comme le Conseil d'État l'a jugé à propos de l'article R. 211-13 du CASF le fait de prévoir que les fonds sont versés par les UDAF et l'UNAF aux seules associations qui en sont membres, a pour objet de contribuer au financement des missions d'intérêt général confiées à ces associations à raison de leur adhésion à ces fédérations départementales ou nationales et n'est pas contraire à la liberté d'association12.

 

Quant aux unions d'associations familiales, qui sont des « catégories particulières d'associations », les restrictions apportées par la loi à leur liberté sont à la fois adaptées et proportionnées aux missions d'intérêt général qui leur sont confiées, comme l'a déjà jugé le Conseil constitutionnel pour les fédérations de chasseurs13.

 

Le Conseil constitutionnel a donc écarté les quatre griefs invoqués par l'auteur de la QPC, trois étant non fondés, un étant inopérant. Il a ensuite constaté que « la disposition contestée n'est contraire à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit » pour en conclure que la disposition contestée était « conforme à la Constitution ».

 

 

_______________________________________

1 Cf. les conclusions de Mlle Courrèges, AJDA, 17 mai 2010, p. 1013-1018.

2 « (…) Elle est notifiée aux parties et communiquée soit au Conseil d'État, soit à la Cour de cassation ainsi que, le cas échéant, à la juridiction devant laquelle la question prioritaire de constitutionnalité a été soulevée. – Le Conseil constitutionnel communique également sa décision au Président de la République, au Premier ministre et aux présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat ainsi que, dans le cas prévu au dernier alinéa de l'article 23-8, aux autorités qui y sont mentionnées. (…) »

3 Loi n° 75-629 du 11 juillet 1975 portant modification des articles 1er à 16 du code de la famille et de l'aide sociale, article 3.

4 Voir dernièrement, décision n° 2009-588 DC du 6 août 2009, Loi réaffirmant le principe du repos dominical et visant à adapter les dérogations à ce principe dans les communes et zones touristiques et thermales ainsi que dans certaines grandes agglomérations pour les salariés volontaires, cons. 16.

5 Décision n° 81-132 DC du 16 janvier 1982, Loi de nationalisation, cons. 29.

6 Décision n° 2009-580 DC du 10 juin 2009, Loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet, cons. 15.

7 JO Sénat, séance du 15 mai 1975, p. 865.

8 Décision n° 88-244 DC du 20 juillet 1988, Loi portant amnistie, cons. 11 et 12.

9 Décision n° 2004-507 DC du 9 décembre 2004, Loi portant diverses dispositions relatives au sport professionnel, cons. 24.

10 Cf. le dernier alinéa de l'article 4 de la Constitution. : « La loi garantit les expressions pluralistes des opinions et la participation équitable des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la Nation. »

11 Cf. l'article 34 de la Constitution : « La loi fixe les règles concernant… le pluralisme et l'indépendance des médias ».

12 CE, 27 juin 2008, Union des Familles en Europe, n° 290750 ; cf. également pour des fonds gérés par les organisations syndicales : CE, 30 juin 2003, MEDEF, n° 248347.

13 Décision n° 2000-434 DC du 20 juillet 2000, Loi relative à la chasse, cons. 37 à 40.