Conseil constitutionnel

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Commentaire de la décision 2010-13 QPC

09/12/2022

Conformité

 

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 28 mai 2010 par le Conseil d'État (décision n° 337840 du 28 mai 2010), dans les conditions prévues à l'article 61–1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles 9 et 9-1 de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage. Il a jugé ces dispositions conformes à la Constitution.

 

 

I. − Les dispositions contestées

 

Les articles 9 et 9-1 de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage ont été modifiés par les lois n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance et n° 2007-1787 du 20 décembre 2007 de simplification du droit.

 

L'article 9 de la loi du 5 juillet 2000 prévoit une procédure simplifiée d'expulsion lorsque la commune s'est conformée aux obligations résultant du schéma départemental d'accueil, mais aussi lorsque, bien que non inscrite dans ce schéma, elle s'est dotée d'une aire d'accueil ou lorsqu'elle a décidé, sans y être tenue par le schéma départemental d'accueil, de financer une telle aire. Cette disposition donne ainsi la possibilité au préfet de procéder, après mise en demeure et pour les seules communes ayant satisfait à leurs obligations légales en matière d'accueil des gens du voyage, à l'évacuation forcée des résidences mobiles en cas de stationnement illicite sans passer par le juge.

 

L'article 9-1 a pour objet d'étendre aux communes non inscrites au schéma départemental d'accueil des gens du voyage les procédures de mise en demeure et d'évacuation forcée par décision du préfet instituées par l'article 9 susmentionné.

 

 

II. – La conformité à la Constitution

 

La question prioritaire de constitutionnalité portait sur la conformité à la Constitution des articles 9 et 9-1 de la loi du 5 juillet 2000 au motif qu'ils porteraient atteinte à la liberté d'aller et venir et au principe d'égalité devant la loi.

 

S'agissant du respect de la liberté d'aller et venir, le Conseil constitutionnel a fait application de sa jurisprudence classique selon laquelle il appartient au législateur d'assurer la conciliation entre, d'une part, la prévention des atteintes à l'ordre public, nécessaire à la sauvegarde de droits et de principes de valeur constitutionnelle, et, d'autre part, l'exercice des libertés constitutionnellement garanties, au nombre desquelles figurent la liberté d'aller et venir, composante de la liberté personnelle protégée par les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 17891.

 

Le Conseil a rappelé que les mesures de police administrative susceptibles d'affecter l'exercice des libertés constitutionnellement garanties, au nombre desquelles figure la liberté d'aller et venir, doivent être justifiées par la nécessité de sauvegarder l'ordre public2.

 

Compte tenu de l'objectif poursuivi, la conciliation opérée par le législateur n'était pas entachée d'erreur manifeste. La mise en œuvre par le préfet de l'évacuation forcée des résidences mobiles des gens du voyage est strictement précisée et encadrée par la loi :

 

– elle n'est possible qu'en cas de stationnement irrégulier et que si ce stationnement irrégulier entraîne des risques d'atteinte à la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques ;

 

– elle ne peut être diligentée que sur demande du maire, du propriétaire ou du titulaire du droit d'usage du terrain ;

 

– elle ne peut survenir qu'après mise en demeure des propriétaires de quitter les lieux ;

 

– elle fait bénéficier les intéressés d'un délai qui ne peut être inférieur à vingt-quatre heures à compter de la notification de la mise en demeure pour évacuer spontanément les lieux occupés illégalement ;

 

– elle ne trouve pas à s'appliquer aux personnes propriétaires du terrain sur lequel elles stationnent, qui disposent d'une autorisation délivrée sur le fondement de l'article L. 443-1 du code de l'urbanisme ou qui stationnent sur un terrain aménagé dans les conditions prévues à l'article L. 443-3 du même code ; 

 

– enfin, la mise en demeure peut faire l'objet d'un recours suspensif devant le tribunal administratif, lequel doit se prononcer dans les soixante-douze heures.

 

S'agissant du respect du principe d'égalité, le Conseil constitutionnel a considéré que celui-ci n'était pas méconnu par l'article 1er de la loi du 5 juillet 2000 qui définit le champ d'application des dispositions contestées. Cet article prévoit qu'elles s'appliquent aux personnes dont « l'habitat traditionnel est constitué de résidences mobiles ».

 

Le Conseil constitutionnel a relevé que ces dispositions devaient être combinées avec celles de l'article 2 de la loi n° 69-3 du 3 janvier 1969 relative à l'exercice des activités ambulantes et au régime applicable aux personnes circulant en France sans domicile ni résidence fixe. Il en ressort que sont concernées les personnes « n'ayant ni domicile ni résidence fixes de plus de six mois dans un État membre de l'Union européenne ».

 

Le législateur s'est fondé ainsi sur une différence de situation objective entre les personnes dont l'habitat principal est constitué de résidences mobiles et qui ont un mode de vie itinérant, quelles que soient leurs origines, et celles qui vivent de manière sédentaire.

 

En outre, au regard des objectifs d'intérêt général que le législateur s'est assignés en adoptant la loi du 5 juillet 2000 – assurer l'accueil des gens du voyage tout en garantissant le respect de l'ordre public et les droits des tiers –, ces deux catégories de personnes sont bien placées dans une situation différente.

 

Aussi le Conseil constitutionnel a-t-il considéré que la distinction opérée par l'article 1er n'instituait aucune discrimination fondée sur une origine ethnique. Par suite, les griefs tirés de l'atteinte portée au principe d'égalité ont été rejetés. Les articles 9 et 9–1 de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 ont été déclarés conformes à la Constitution.

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1 Décision n° 2003-467 DC du 13 mars 2003, Loi pour la sécurité intérieure, cons. 8.

2 Id., cons. 9.