• Commentaire DC

Commentaire de la décision 2009-578 DC

13/06/2023

Le projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion a été délibéré en conseil des ministres le 28 juillet 2008. Après déclaration d'urgence, il a été adopté par le Sénat le 21 octobre 2008 et l'Assemblée nationale le 10 février 2009. Il a été adopté définitivement, après réunion de la commission mixte paritaire, par les deux assemblées le 19 février 2009.

 

Cette loi a été déférée au Conseil constitutionnel, le 24 février 2009, par soixante sénateurs et par plus soixante députés. Ceux-ci soulevaient des griefs à l'encontre de six articles de la loi, les articles 4, 61, 62, 64, 65 et 118.

 

Le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2009–578 DC du 18 mars 2009, a censuré l'article 4 de la loi déférée ainsi qu'une partie des articles 61, 64 et 118. Il a également soulevé d'office et censuré deux « cavaliers », les articles 115 et 123.

 

 

I.- Les dispositions contestées

 

A.- L'article 4

 

L'article 4 avait pour objet d'insérer un article L. 423-14 dans le code de la construction et de l'habitation (CCH) afin de prélever une partie des ressources financières des organismes d'habitations à loyer modéré (HLM) lorsqu'au cours des deux derniers exercices comptables, leurs investissements annuels moyens étaient restés inférieurs à une fraction de leur potentiel financier annuel moyen.

 

Les requérants critiquaient ces dispositions sur plusieurs points. Le prélèvement constituerait une sanction à caractère fiscal méconnaissant, d'une part, le principe de non-rétroactivité des lois répressives posé par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et, d'autre part, l'article 34 de la Constitution en vertu duquel il revient à la loi de prévoir « l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures ». Il ne respecterait ni le principe de sécurité juridique ni le principe d'égalité devant les charges publiques.

 

Le Conseil constitutionnel a tout d'abord écarté la qualification de « sanction ayant le caractère d'une punition » pour retenir celle d'« imposition de toutes natures » au sens de l'article 34 de la Constitution. Ce prélèvement n'aurait pu être une sanction que si la finalité poursuivie avait été la répression d'un manquement à une obligation fixée par la loi ou le règlement1. En l'espèce, le but poursuivi était la mutualisation de ressources destinées au logement social mais inutilisées dans le but d'inciter les organismes HLM à développer leurs investissements. Il s'agissait donc d'une imposition incitative qui relevait de la catégorie des « impositions de toutes natures », à l'instar du prélèvement sur les fonds déposés auprès de l'ORGANIC2 ou du prélèvement sur le centre national des caisses d'épargne et de prévoyance3.

 

Puis le Conseil constitutionnel a fait droit au grief tiré de l'incompétence négative du législateur pour censurer l'article 4 de la loi déférée.

 

L'article 34 de la Constitution réserve en effet au législateur le soin de fixer « les règles concernant… l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures ». En vertu de l'article 37, il n'appartient au pouvoir réglementaire que d'édicter les modalités d'application qui sont nécessaires à la mise en œuvre de ces règles et non de fixer ces règles.

 

S'agissant des modalités de recouvrement, les règles étaient précisément définies : le prélèvement devait être recouvré et contrôlé selon les mêmes procédures et sous les mêmes sanctions, garanties, sûretés et privilèges que la taxe sur la valeur ajoutée.

 

L'article 4 posait difficulté pour l'assiette et le taux. Il prévoyait en effet que le prélèvement avait pour assiette le « potentiel financier » des organismes défini par décret, qu'il devait être versé si, au cours des deux derniers exercices comptables, les investissements des organismes HLM annuels moyens étaient restés inférieurs à une fraction, fixée par décret, de leur potentiel financier moyen et qu'il était calculé, selon un taux progressif également fixé par décret, sur ce potentiel financier annuel moyen des deux derniers exercices sans pouvoir excéder le tiers de celui-ci.

 

Sur la détermination de l'assiette d'un impôt, le Conseil a une jurisprudence bien établie. Il a déjà annulé, en 1985, un impôt dont l'assiette n'était pas clairement déterminée par la loi4. Le considérant se conclut ainsi : « L'article 14-III, n'ayant pas fixé les règles concernant l'assiette de l'impôt, n'est pas conforme à l'article 34 de la Constitution. » De même, au titre de l'assiette le législateur doit déterminer les catégories de redevables5.

 

Qu'est-ce alors que le « potentiel financier annuel moyen » ? Il n'est pas défini par la loi. Le code de la construction et de l'habitation l'ignore, tant dans sa partie législative que réglementaire. Il est utilisé dans deux documents qui ont été transmis par le Gouvernement, une circulaire du 4 février 2008 relative aux conventions globales de patrimoine des organismes d'habitation à loyer modéré et l'arrêté du 26 janvier 2009 fixant le budget des offices publics de l'habitat soumis aux règles de la comptabilité publique, qui reprennent l'une et l'autre la définition proposée par l'exposé des motifs de la loi, à savoir :

 

« Le potentiel financier constitue l'un des ratios, couramment utilisé par les bailleurs sociaux, permettant d'apprécier la situation financière des organismes. Il exprime l'écart existant, généralement positif, entre les ressources de long terme du bilan (fonds propres, subventions, emprunts) et les emplois stables exprimés par les valeurs immobilisées du même bilan (comptes de la classe 2). Très proche de la notion de " fonds de roulement ", le potentiel financier en diffère par l'exclusion de ressources non investissables qui sont d'une part, la provision pour gros entretien, d'autre part les dépôts de garantie des locataires. »

 

Au cours des débats, Mme Terrade, sénateur, a dénoncé l'imprécision du cadre défini à l'article 4 de la loi : « On nous met donc dans la situation de devoir légiférer sans simulations, sans précisions réelles sur le barème du prélèvement et sans garantie absolue sur les conditions de l'utilisation. Cela commence à faire un peu beaucoup pour un seul article ! Si l'on y ajoute une pincée de rétroactivité, un risque de voir le prélèvement frapper des organismes sortis d'un plan de redressement à moyen terme et une opacité globale sur l'utilisation des fonds, le tour est joué ! »

 

M. Badré avait, quant à lui, déposé des amendements précisant la définition du potentiel financier qui ont été écartés à la demande du Gouvernement : « Il vaudrait mieux retenir le potentiel financier à terminaison des opérations plutôt que le potentiel financier à fin d'exercice, ce qui permettrait d'avoir une vision plus sincère de l'état du patrimoine et des investissements des organismes en cause. – Le potentiel financier à fin d'exercice ne tient pas compte des gestions financières que l'organisme a pu prendre afin d'optimiser les moyens financiers ou de réduire les coûts de financement des investissements locatifs réalisés et, surtout, des investissements locatifs à réaliser. »

 

À cette assiette imprécise devait s'appliquer un taux dont la définition était également renvoyé au décret, la loi se bornant à préciser qu'il devait être « progressifsans pouvoir excéder le tiers du potentiel financier annuel moyen des deux derniers exercices ».

 

En ce qui concerne les taux, la jurisprudence du Conseil admet « des fourchettes à condition qu'elles ne soient pas trop larges » (Cahiers n° 11, 2001, p. 13, à propos de la loi de finances de 2001). Cette jurisprudence est née de la nécessité de donner un contenu au principe de libre administration des collectivités territoriales et de leur permettre d'ajuster les taux des taxes locales à leurs besoins de financement. Cette situation a été modifiée en 2003 puisque le nouvel article 72-2 de la Constitution dispose qu'« elles peuvent recevoir tout ou partie du produit des impositions de toutes natures » et que « la loi peut les autoriser à en fixer l'assiette et le taux dans les limites qu'elle détermine ». Cette jurisprudence a donc été constitutionnalisée pour ces collectivités. Si le Conseil constitutionnel ne l'a pas remise en cause pour l'État et ses établissements publics, il semble cependant que ces « fourchettes » doivent être limitées pour ne pas entraîner un transfert de compétences du législateur vers le pouvoir réglementaire.

 

Ici, le taux ne faisait pas l'objet d'un minimum mais seulement d'un maximum (le « tiers » du potentiel financier annuel moyen). La précision selon laquelle ce taux devait être « progressif » conduisait à penser que le taux pourrait varier de 0 à 33 %. Aux yeux du Conseil constitutionnel, cela n'a pas paru suffisamment encadré d'autant plus que ce taux devait s'appliquer à un « potentiel financier annuel moyen » qui n'était lui-même pas suffisamment défini.

 

Enfin, troisième imprécision : il revenait également à un décret de déterminer les conditions d'assujettissement à ce prélèvement. L'alinéa 1er de l'article L. 423-14 disposait en effet que les organismes d'HLM seraient soumis à ce prélèvement sur leurs ressources financières, si au cours des deux derniers exercices comptables, leurs investissements annuels moyens étaient restés inférieurs à une fraction de leur potentiel financier annuel moyen : « Un décret en Conseil d'État fixe le niveau de cette fraction qui ne peut être supérieure à la moitié du potentiel financier annuel moyen des deux derniers exercices. »

 

Ce sont pour trois raisons cumulatives (absence de définition de l'assiette du nouveau prélèvement, encadrement insuffisant du taux et du champ d'application de cette imposition) que le Conseil constitutionnel a censuré l'ensemble de l'article 4 de la loi déférée, dont les dispositions formaient un ensemble indivisible, pour non-respect de l'article 34 de la Constitution .

 

B.- Les articles 61, 64 et 65

 

Les articles 4 à 17 de la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948 portant modification et codification de la législation relative aux rapports des bailleurs et locataires ou occupants de locaux d'habitation ou à usage professionnel et instituant des allocations de logement, prévoient un droit au maintien dans les lieux des locataires, dès lors qu'ils remplissent leurs obligations locatives, sans limitation de durée, quelle que soit l'évolution de leur situation familiale et de leurs revenus. En application de l'article L. 442-6 du CCH, ces articles sont applicables aux HLM.

 

Les articles 61 et 64 de la loi déférée (respectivement applicables aux offices d'HLM et aux sociétés d'économie mixte) avaient pour objet de remettre en cause ce droit au maintien dans les lieux en cas de sous-occupation du logement (nouvel article L. 442-3-1 du CCH), lorsqu'un logement adapté au handicap n'est plus occupé par une personne handicapée (nouvel article L. 442-3-2 du CCH) et en cas de dépassement du double des plafonds de ressources pour l'attribution d'un logement social. Ce troisième cas était limité aux logements sociaux « situés dans des zones géographiques définies par décret en Conseil d'État se caractérisant par un déséquilibre important entre l'offre et la demande de logements » (nouvel article L. 442-3-3 du CCH).

 

Les saisissants dénonçaient sur le fondement des articles 4 et 16 de la Déclaration de 1789, une atteinte à la liberté contractuelle et à la sécurité juridique.

 

L'article 65 de la loi déférée, qui abaissait de 10,3 % le plafond des ressources pour l'attribution d'un logement social, était également critiqué par les requérants au titre de l'atteinte portée aux contrats en cours. En outre, l'impact du nouveau dispositif, impliquait de lire ces trois articles ensemble : l'abaissement du plafond de ressources pour l'attribution d'un logement augmente l'effet des dispositions relatives à la suppression du droit au maintien dans les lieux des personnes dont les ressources excèdent de plus du double le plafond des ressources. Le Conseil donc a examiné ensemble les articles 61, 64 et 65 de la loi.

 

- Sur l'atteinte à la liberté contractuelle, la jurisprudence du Conseil constitutionnel est bien établie. Pendant longtemps, le Conseil a dénié toute valeur constitutionnelle à la liberté contractuelle (n° 94-348 DC du 3 août 1994). Néanmoins, entre 1998 et 2000, le Conseil a progressivement reconnu que le législateur doit justifier d'un motif d'intérêt général suffisant pour porter atteinte aux contrats légalement conclus sous peine de méconnaître les exigences découlant des articles 4 (liberté) et 16 (garantie des droits) de la Déclaration de 1789, ainsi que, dans le domaine particulier de la participation des travailleurs à la détermination collective de leurs conditions de travail, celles découlant du huitième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 (n° 2002-465 DC du 13 janvier 2003).

 

Toutefois, en l'espèce, la disposition remettait en cause le cadre légal de contrats qui, bien que relevant du droit privé, sont d'abord les instruments d'une politique sociale destinée à permettre l'attribution de logement sociaux aux personnes défavorisées. L'attribution et de ces logements obéit à une procédure et à des conditions prévues par la loi et le règlement ; elle laisse moins de place à l'autonomie de la volonté des contractants qu'à l'application de cette règlementation. Par conséquent, le Conseil a estimé que le législateur, compétent pour définir les règles applicables à la politique du logement social, est, par la même, fondé à modifier les règles applicables à l'attribution des logements sociaux et aux conditions de résiliation des contrats en cours. Le motif d'intérêt général suffisant est inhérent à la démarche législative elle-même.

 

En outre, le Conseil a relevé que l'objectif consistant à favoriser la mobilité dans le parc locatif social pour permettre l'attribution de logements sociaux aux personnes les plus défavorisées contribuait à la mise en œuvre de l'objectif constitutionnel que constitue la possibilité, pour toute personne, de disposer d'un logement décent, cet objectif trouvant son fondement dans les dixième et onzième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946 (n° 2004-503 DC du 12 août 2004, cons 21).

 

- Les requérants formulaient un second grief tiré de l'atteinte à la sécurité juridique des locataires. Les moyens à l'appui de ce grief était développés en commun avec ceux qui dénonçaient l'atteinte portée aux contrats en cours. En outre les requérants, dénonçaient, dans cette même argumentation, l'insuffisance des garanties légales encadrant la mise en œuvre du nouveau dispositif.

 

Dans la mesure où le dispositif adopté aura pour effet que certains locataires, qui s'acquittaient de l'ensemble de leurs obligations locatives, devront quitter leur logement, le Conseil a examiné si ces articles ne privaient pas de garanties légales d'autres exigences constitutionnelles, en particulier celles qui résultent des dixième et onzième alinéas du Préambule de 1946.

 

En l'espèce, le législateur avait prévu plusieurs garanties encadrant la mesure. En particulier, les personnes âgées de plus de soixante-cinq ans, les locataires présentant un handicap ou ayant à leur charge une personne présentant un handicap, ou encore les titulaires d'un logement situé en zone urbaine sensible en étaient exclues. Il était donc tenu compte de la condition sociale des intéressés. De plus, la loi prévoyait des obligations à la charge de l'organisme HLM. Le bailleur doit, en cas de sous-occupation ou d'inadaptation du logement, proposer au locataire un nouveau logement et fournir une aide à la mobilité (articles L. 442-3-1 et L. 442-3-2). En cas de dépassement du double des plafonds de ressources, le locataire est protégé notamment par la longueur des délais. Le Conseil constitutionnel a donc jugé que ce dispositif ne privait de garanties légales aucune exigence constitutionnelle.

 

- Enfin, les requérants dénonçaient, comme étant contraire au principe d'égalité devant la loi, l'une des exceptions apportée à ce nouveau dispositif, laquelle prévoyait que la remise en cause du droit au maintien dans les lieux ne s'appliquait pas « aux locataires qui occupent un logement acquis ou géré par un organisme d'habitations à loyer modéré depuis moins de dix ans au 1er janvier 2009 ou depuis cette date et qui, avant son acquisition ou sa prise en gestion, ne faisait pas l'objet d'une convention conclue en application de l'article L. 351-2 du présent code, à condition que ces locataires soient entrés dans les lieux préalablement à l'entrée en vigueur de ladite convention ».

 

Cette exception, qui s'ajoutait à d'autres exceptions fondées sur la situation sociale (personnelle ou géographique) dépendait ainsi de la date d'entrée des locataires dans les lieux et de la date d'entrée du logement dans le parc locatif social. Le Conseil constitutionnel a jugé que ces critères fondés sur la situation juridique des locataires ou de l'immeuble étaient sans rapport avec l'objectif social poursuivi par la loi. Il a donc censuré cette exception.

 

C.- L'article 62

 

Prenant la suite du mécanisme de l'indemnité d'occupation, le supplément de loyer de solidarité ou « surloyer », destiné à améliorer l'accès aux logements locatifs sociaux des plus défavorisés, a été institué en 19966 et réformé en 20067. Facultatif, il est devenu obligatoire. Défini par les articles L. 441-3 et suivants du code de la construction et de l'habitation, il s'applique dès que le dépassement du plafond de ressources du locataire fixé pour obtenir un logement social est supérieur ou égal à 20 %. L'article L. 441–4 du même code précise que le cumul du loyer et du « surloyer » est lui-même plafonné à 25 % des ressources de l'ensemble des personnes vivant au foyer.

 

L'article 62 de la loi déférée insérait un nouvel alinéa dans l'article L. 441–4 pour instituer également un plafond lorsque le cumul du loyer et du « surloyer » « excède, par mètre carré de surface habitable, un plafond fixé par décret ». L'objectif était de ne pas faire payer au locataire d'un logement social un loyer total supérieur à ce qui est pratiqué dans le secteur non social situé dans la même zone géographique.

 

Les sénateurs et députés requérants exprimaient à l'encontre de cette disposition trois types de griefs. D'abord, ils estimaient qu'en faisant renvoi au décret le législateur n'avait pas épuisé sa compétence. Ensuite, ils jugeaient que ce renvoi, par l'incertitude qu'il créait, rendait la disposition contraire à l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi et ce d'autant plus qu'il existait déjà un système de plafonnement en fonction des ressources des intéressés. Enfin, ils considéraient que la méconnaissance de ces principes entraînait une violation du principe d'égalité.

 

Le « surloyer » n'est pas une imposition de toutes natures. Il n'exigeait donc pas du législateur les mêmes exigences que celles qui s'imposaient à lui, par exemple à l'article 4 de la loi déférée, article que le Conseil a censuré. Il ressortissait clairement des travaux parlementaires qu'en renvoyant au décret la détermination du montant du nouveau plafond, le législateur avait entendu permettre qu'il soit tenu compte des prix pratiqués dans le secteur de chaque bien loué. Il s'agissait d'adapter le barème à la « réalité du terrain ». Il aurait été difficile pour le Parlement de le faire lui-même. La partie du CCH relatif au « surloyer » prévoit déjà, dans le même souci d'adaptation, plusieurs renvois au décret. L'articulation avec le plafond existant, fixé à 25 % des ressources cumulées des occupants du logement, ne posait pas non plus de difficulté de compréhension. En effet, trouvera à s'appliquer le plafond le plus favorable au locataire. Ainsi, il était clair que les personnes placées dans une même situation financière et géographique seraient traitées de la même façon.

 

Le seizième alinéa de l'article 34 prévoit que la loi ne fixe du régime de la propriété, des droits réels et des obligations civiles et commerciales que les principes fondamentaux. Comme l'a relevé le Conseil constitutionnel à de multiples reprises8, l'objectif de valeur constitutionnel d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi exige que la loi soit suffisamment précise et non équivoque.

 

Le Conseil constitutionnel a ainsi jugé, à l'aune de ces principes, que le dispositif de l'article 62 de la loi déféré était suffisamment précis au regard des prescriptions de l'article 34 de la Constitution, non équivoque et n'était pas contraire au principe d'égalité.

 

D.- L'article 118

 

L'article 118 résulte, d'une part, d'un amendement du Gouvernement adopté par l'Assemblée nationale en première lecture et, d'autre part, pour le 1° de son paragraphe III, d'une proposition faite par la commission mixte paritaire.

 

Le 1° du III de l'article 118 visait à résoudre les difficultés de gouvernance de l'office interdépartemental de l'Essonne, du Val-d'Oise et des Yvelines, d'une part, en fixant le nombre total de membres de son conseil d'administration et, d'autre part, en établissant la représentation respective au sein de cet organe des trois départements de rattachement sur la base du patrimoine possédé par l'office dans chacun d'entre eux.

 

Ces dispositions étaient contestées par les sénateurs et députés requérants au motif qu'elles avaient été adoptées selon une procédure contraire à la Constitution.

 

Était donc posée la question de l'application de la règne de l'« entonnoir » en vertu de laquelle, au cours de la navette, le débat ne doit plus porter que sur les dispositions sur lesquelles un accord n'est pas déjà intervenu. Était plus particulièrement posée la question de l'application de cette règle au niveau de la commission mixte paritaire, l'alinéa 2 de l'article 45 de la Constitution disposant que la commission mixte paritaire est « chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion ».

 

Dès l'année 2000, le Conseil a souligné que « les seuls amendements susceptibles d'être adoptés après la réunion de la commission mixte paritaire doivent être soit en relation directe avec une disposition restant en discussion, soit dictés par la nécessité de respecter la Constitution, d'assurer une coordination avec d'autres textes en cours d'examen au Parlement ou de corriger une erreur matérielle… » 9 Par la suite, il a eu l'occasion de préciser que cette règle s'appliquait dès après la première lecture10.

 

Dans sa décision du 18 mars 2009, le Conseil constitutionnel a constaté que les dispositions du 1° du III de l'article 118 adoptées par la CMP puis par chacune des assemblées n'avaient de relation directe avec aucune des dispositions du projet de loi restant en discussion. Il les a donc déclarées contraires à la Constitution. La circonstance que ces dispositions prenaient la forme d'un alinéa additionnel inséré dans un article restant en discussion n'avait aucune incidence sur cette analyse11.

 

 

II.- Les dispositions soulevées d'office

 

Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 18 mars 2009, a soulevé d'office deux articles pour les déclarer contraires à la Constitution en tant qu'ils constituaient des « cavaliers ».

 

Il en était ainsi de l'article 115 de la loi déférée adopté en première lecture et modifié par la commission mixte paritaire. Cet article, qui reprenait la substance d'une proposition de loi qui a déjà fait l'objet de deux lectures devant chaque assemblée, imposait à tout occupant d'un logement d'installer un détecteur de fumée dans un délai de trois ans et de veiller à son entretien. Appliquant sa jurisprudence sur les « cavaliers », le Conseil constitutionnel a examiné si cette disposition n'était pas dépourvu de tout lien avec les dispositions du projet de loi déposé devant la première assemblée saisie. Constatant l'absence de lien, il a déclaré l'article 115 contraire à la Constitution.

 

Il a suivi le même raisonnement à l'égard de l'article 123 qui ratifiait l'ordonnance étendant trois parties du code général des collectivités locales aux communes de la Polynésie française, à leurs groupements et à leurs établissements publics. Cette disposition émanait d'un amendement gouvernemental et qui a été adoptée sans examen de la commission compétente et sans débat, ne présentait aucun lien avec le projet de loi.

 

Cette ordonnance, prise sur le fondement de l'article 74-1 de la Constitution, c'est-à-dire sans loi d'habilitation mais avec obligation de ratification expresse dans les dix-huit mois de sa publication au Journal officiel, aura donc connu une destinée difficile. Elle aurait pu être ratifiée dès le mois de décembre 2007 puisque le Parlement avait alors modifié plusieurs de ses dispositions12 mais celui-ci avait tenu à préciser que « le présent article n'emporte pas ratification de l'ordonnance n° 2007-1434 du 5 octobre 2007 précitée ». La loi pour le développement économique des outre-mer déposé le 28 juillet 2008 aurait pu également la ratifier, comme le prévoyait son article 31, mais le retard mis à son examen ne permettait finalement pas de respecter le délai de ratification devant expirer le 6 avril 2009. Pour ne pas devenir caduque, cette ordonnance devra faire l'objet, avant cette date, d'une ratification à l'occasion de l'adoption du nouveau projet de loi spécialement déposé à cette fin au Sénat en février 2009. Dans le cas contraire, les trente-trois communes de Polynésie française qui avaient demandé à être soumises, dès le 1er janvier 2009, au contrôle de légalité et au contrôle budgétaire a posteriori devraient repasser sous la tutelle du haut-commissaire de la République.

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1  Décisions n° 2000-436 DC du 7 décembre 2000, cons. 44 et 45 ; n° 83-168 DC du 20 janvier 1984, cons. 15.

2  Décision n° 95-371 DC du 29 décembre 1995, cons. 12.

3  Décision n° 98-405 DC du 29 décembre 1998, cons. 56.

4  Décision n° 85-191 DC du 10 juillet 1985, cons. 4 et 5.

5  Décision n° 90-283 DC du 8 janvier 1991, cons. 42 et 43.

6  Loi n° 96–162 du 4 mars 1996 relative au supplément de loyer de solidarité.

7  Loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement, article 71.

8  Pour des applications récentes, voir décisions nos 2007-557 DC du 15 novembre 2007, cons. 19 ; 2007-561 DC du 17 janvier 2008, cons. 5 à 10 ; 2008-563 DC du 21 février 2008, cons. 25 ; 2008-564 DC du 19 juin 2008, cons. 16, 24, 25 et 29 ; 2008-567 DC du 24 juillet 2008, cons. 39 et 40 ; pour l'affirmation du principe, voir décision n° 99–421 DC du 16 décembre 1999, cons. 13.

9  Décision n° 2000-430 DC du 29 juin 2000, cons. 6.

10 Décisions nos 2004-501 DC du 5 août 2004, cons. 26 ; 2005-532 DC du 19 janvier 2006, cons. 26 ; 2006–533 DC du 16 mars 2006, cons. 6 ; 2007–553 DC du 3 mars 2007, cons. 34.

11 Décision n° 2007–553 DC du 3 mars 2007, cons. 34.

12 Article 6 de la loi n° 2007-1720 du 7 décembre 2007 tendant à renforcer la stabilité des institutions et la transparence de la vie politique en Polynésie française.