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Commentaire de la décision 2003-466 DC

13/06/2023

Saisi de la loi d'orientation et de programmation pour la justice adoptée lors de la session extraordinaire de l'été 2002, le Conseil constitutionnel avait émis une importante réserve dans sa décision n° 2002-461 DC du 29 août 2002 : son titre II, relatif à la " juridiction de proximité ", ne pourrait recevoir application qu'après la promulgation d'une loi statutaire prévoyant les garanties d'indépendance et de capacité appropriées aux fonctions des juges de proximité.

C'est de ce volet statutaire qu'il a été saisi par le Premier ministre le 24 janvier 2003.

Le constituant n'a pas interdit à des juges non professionnels d'exercer des fonctions juridictionnelles " normalement réservées " aux magistrats de carrière dès lors :

- d'une part, que les fonctions ainsi exercées par des personnes qui n'entendent pas pour autant embrasser la carrière judiciaire ne constituent qu'" une part limitée " de celles normalement réservées aux magistrats de carrière ;

- d'autre part, que soient fixées des " garanties appropriées permettant de satisfaire au principe d'indépendance, qui est indissociable de l'exercice des fonctions judiciaires, et aux exigences (égale admissibilité des citoyens " à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents ") qui découlent de l'article 6 de la Déclaration de 1789 " (notamment : n° 98-396 DC du 19 février 1998, cons. 17, Rec. p. 153).

Cette jurisprudence, dégagée à propos des magistrats exerçant à titre temporaire au sein des juridictions judiciaires, est transposable aux juges de proximité en entendant par " part limitée " celle des compétences transférées et non plus celle de la proportion entre juges non professionnels et magistrats de carrière au sein d'une même juridiction.

Au regard de l'article 64 de la Constitution, le transfert de compétences judiciaires à un nouvel ordre de juridiction composé de juges non professionnels est donc possible s'il porte sur une part limitée des attributions dévolues aux juridictions judiciaires ordinaires et si des garanties statutaires appropriées sont prises pour que le juge non professionnel se comporte en " bon juge " dans l'exercice des missions qui lui incomberont.

En l'espèce, la première condition - celle qui tient à la " part limitée " des attributions transférées - a été satisfaite par la loi du 9 septembre 2002 en raison de la définition prudente du transfert de compétences retenue par le législateur.

Quant à la seconde condition - qui tient aux conditions de désignation et au statut des intéressés - elle devait précisément, en vertu de la décision du 29 août 2002, être satisfaite par la loi statutaire relative aux juges de proximité, qui complète le titre II de la loi du 9 septembre 2002, et sans laquelle ce titre II ne pourrait recevoir application.

Le Conseil constitutionnel s'est d'abord convaincu du caractère organique de la loi.

En effet, les fonctions du juge de proximité, même plus réduites que celles du juge d'instance, sont " prélevées " sur celles-ci et n'en diffèrent ni sur les règles de fond, ni sur les règles de procédure.

La diversité des compétences du juge de proximité, le fait qu'elles étaient " normalement " exercées par le juge judiciaire et l'imbrication entre les deux ordres de juridiction conduisent à placer le statut du juge de proximité sous un régime de même nature juridique que celui des magistrats exerçant à titre temporaire au sein des juridictions judiciaires : la loi organique prévue à l'article 64 de la Constitution.

Pour autant, l'insertion des garanties statutaires des juges de proximité dans l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958, portant loi organique relative au statut de la magistrature, n'a ni pour objet ni pour effet d'intégrer les juges de proximité dans le corps judiciaire régi par le statut de la magistrature. Une chose est qu'ils relèvent des mêmes droits et obligations que la magistrature judiciaire professionnelle. Autre chose est qu'ils en fassent partie. Cette précision est apportée par la décision n° 2003-466 DC .

Sur le fond, la loi organique devait respecter non seulement le principe de l'indépendance de l'autorité judiciaire et la règle de l'inamovibilité des magistrats du siège, comme l'exige l'article 64 de la Constitution, mais également le principe proclamé par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, selon lequel tous les citoyens étant égaux aux yeux de la loi, ils « sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents ».

I) ARTICLE 1ER

L'article 1er de la loi organique insère dans l'ordonnance statutaire un chapitre V quinquies (intitulé " Des juges de proximité ") comportant huit articles (41-17 à 41-24).

1) L'article 41-17 désigne cinq catégories de personnes pouvant se porter candidates à l'exercice des fonctions de juge de proximité.

Au regard des exigences constitutionnelles rappelées ci-dessus, le législateur avait-il correctement défini ces catégories ?

En pareille matière, le contrôle du Conseil constitutionnel est nécessairement restreint. Il ne dispose pas en effet, selon un considérant constamment repris, d'un " pouvoir d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement " (entre autres exemples récents : n° 2000-433 DC du 27 juillet 2000, cons. 41, Rec. p. 121).

Toutefois, au regard de l'objectif que s'est assigné le législateur (qui est de recruter des personnes aptes à rendre la justice), comme au regard de la norme constitutionnelle en jeu (art. 6 de la Déclaration), le Conseil devait s'assurer en l'espèce de l'absence d'erreur manifeste.

Il n'a pas décelé d'erreur manifeste dans la définition des première, deuxième, quatrième et cinquième de ces catégories.

La question était beaucoup plus délicate pour la troisième catégorie, même s'il était formellement exigé des intéressés qu'ils aient rempli des fonctions " les qualifiant pour l'exercice de fonctions judiciaires " et même si, comme on le verra à propos de la procédure de recrutement, l'appréciation de cette condition (et, plus généralement, de l'ensemble des aptitudes requises) n'échappait pas au CSM.

Le Conseil s'est prononcé en censurant en partie le nouvel article 41-17, jugeant qu'il définissait de façon manifestement trop large cette catégorie.

S'agissant de la troisième catégorie (personnes justifiant de 25 ans dans des fonctions d'encadrement), il a estimé que le législateur avait commis une erreur manifeste en étendant ces fonctions d'encadrement, sans exigence particulière de connaissances ou d'expérience juridiques, aux anciens responsables de services administratifs, économiques ou sociaux. La censure eût sans doute été évitée si le législateur avait prévu, dans leurs cas, un test de connaissances juridiques approprié.

2) Aux termes de l'article 41-18 nouveau de l'ordonnance, issu d'un amendement adopté à l'Assemblée nationale :

" Le magistrat du siège du tribunal de grande instance chargé de l'administration du tribunal d'instance organise l'activité et les services de la juridiction de proximité. - Il fixe par une ordonnance annuelle la répartition des juges de proximité dans les différents services de la juridiction. - Cette ordonnance est prise en la forme prévue par le code de l'organisation judiciaire ".

Cette mesure de gestion, si elle ne revêt pas le caractère organique, ne méconnaît aucune norme constitutionnelle.

Elle ne confère au juge d'instance chargé de l'administration du tribunal ni le pouvoir de nommer un juge de proximité dans un ressort déterminé, ni celui de mettre fin à ses fonctions ou de le muter, ni celui de lui soustraire la connaissance d'une affaire. Contrairement à ce qui était soutenu par l'opposition au Sénat, elle ne place pas un ordre de juridiction sous la tutelle d'un autre.

Le nouvel article 41-18 de l'ordonnance s'inspire au demeurant du droit commun de l'organisation judiciaire. L'article L. 710-1 du code de l'organisation judiciaire (de caractère non organique) confie en effet aux chefs de juridictions le soin de fixer dans une ordonnance annuelle, dite " de roulement ", " la répartition des juges dans les différents services de la juridiction ".

Si elle devait être déclassée en raison de son caractère non organique, cette disposition n'encourait pas la censure du Conseil constitutionnel.

3) L'article 41-19 nouveau de l'ordonnance, qui fixe les règles de nomination des juges de proximité, occupe une place centrale dans le texte et conditionne en grande partie la constitutionnalité de ce dernier.

L'Assemblée nationale a souhaité limiter à sept ans non renouvelables la durée d'exercice des fonctions de juge de proximité, comme le prévoyait d'ailleurs initialement le projet de loi. En première lecture, le Sénat, contre l'avis du Gouvernement, avait jugé utile, quant à lui, de renouveler des juges de proximité, dès lors qu'ils avaient " fait leurs preuves ". Les députés ont néanmoins fait valoir les risques d'inconstitutionnalité d'un tel renouvellement. Celui-ci entrait en conflit avec les exigences posées par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 29 août 2002 concernant le respect du " principe d'indépendance indissociable de l'exercice des fonctions juridictionnelles ".

Le renouvellement, qui pouvait être regardé comme une atteinte à l'indépendance des intéressés, n'est plus possible dans le texte définitivement adopté.

Le premier alinéa du nouvel article 41-19 de l'ordonnance est fondamental puisqu'il prévoit que la nomination des juges de proximité se fait " dans les formes prévues pour les magistrats du siège ".

Comme les magistrats du siège, les intéressés seront donc nommés dans une juridiction déterminée par décret du Président de la République, sur proposition du garde des sceaux, après avis conforme de la formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l'égard du siège (art. 28 du statut).

En vertu du dernier alinéa du nouvel article 41-19, un décret en Conseil d'Etat précisera les conditions de dépôt et d'instruction des dossiers de candidatures à l'exercice des fonctions de juge de proximité.

Les informations fournies par le Gouvernement tant au Parlement qu'au Conseil constitutionnel sur la teneur du futur décret apportaient tous apaisements sur le rigueur du processus de sélection.

En outre, les intéressés n'ayant pas nécessairement l'expérience des fonctions juridictionnelles, le troisième alinéa de l'article 41-19 permet à la formation compétente du CSM de soumettre les candidats, avant leur entrée en fonction, à une " formation probatoire " organisée par l'Ecole nationale de la magistrature.

Le quatrième alinéa de l'article 41-19 prévoit à cet égard que " le directeur de l'Ecole nationale de la magistrature établit, sous forme d'un rapport, le bilan du stage probatoire du candidat, qu'il adresse à la formation compétente du Conseil supérieur de la magistrature et au garde des sceaux, ministre de la justice ". Cette formation aura donc à nouveau à se prononcer sur les aptitudes de l'intéressé et pourra émettre un avis non conforme lorsque le stage probatoire se sera révélé non concluant.

L'article 41-19 a donc été jugé conforme aux prescriptions constitutionnelles.

La décision n° 2003-466 DC reprend toutefois une réserve d'interprétation qui figurait déjà dans un précédent relatif à un recrutement latéral de magistrats judiciaires (n° 98-396 DC du 19 février 1998, cons. 9 à 12, Rec. p. 153) : la compétence juridique et l'aptitude à juger des candidats aux fonctions de juge de proximité devront être strictement appréciées et les places prévues chaque année non nécessairement pourvues en totalité.

A noter également que la décision n° 2003-466 DC fait reposer les exigences d'impartialité et d'indépendance du juge sur l'article 16 de la Déclaration de 1789. L'intérêt de cette référence tient à ce que l'article 16 DDHC porte, en droit interne, les exigences du " procès équitable " énoncées, en droit européen, par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Plus généralement, la référence à l'article 16 DDHC permet d'ancrer dans le droit positif constitutionnel beaucoup des composantes de la notion de " sécurité juridique " (Voir tout récemment, pour le respect des conventions en cours, la décision n° 2002-465 DC du 13 janvier 2003 (cons. 4)).

4) L'article 41-20 précise la place des juges de proximité par rapport à la magistrature judiciaire.

La jurisprudence antérieure du Conseil constitutionnel sur les magistrats non professionnels exerçant à titre temporaire au sein des juridictions judiciaires (voir notamment n° 92-305 DC du 21 février 1992, cons. 64, Rec. p. 27 ; n° 94-355 DC du 10 janvier 1995, cons. 8, Rec. p. 151) exige de soumettre ceux-ci " aux droits et obligations applicables à l'ensemble des magistrats, sous la seule réserve des dispositions spécifiques qu'impose l'exercice temporaire de leurs fonctions ".

Se conformant à ces exigences, le nouvel article 41-20 de l'ordonnance soumet les juges de proximité au statut de la magistrature sous réserve des dérogations suivantes :

- n'étant magistrats qu'à titre temporaire, ils ne peuvent ni siéger au Conseil supérieur de la magistrature, ni être membres de la commission d'avancement prévue à l'article 34 du statut, ni participer à la désignation des membres de ces instances ;

- ne faisant pas carrière dans la magistrature, ils ne peuvent recevoir aucun avancement.

Les autres dérogations au statut, inhérentes aux fonctions des juges de proximité (rémunération, lieu de résidence, incompatibilités professionnelles), figurent aux articles suivants.

L'article 41-20 n'appelait aucune critique de constitutionnalité.

5) Le nouvel article 41-21 de l'ordonnance dispose que " Les juges de proximité exercent leurs fonctions à temps partiel. Ils perçoivent une indemnité de vacation dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat ".

Dans sa décision du 29 août 2002, le Conseil constitutionnel avait écarté implicitement le moyen tiré de ce que la rémunération des juges de proximité sous forme de vacations porterait atteinte à une exigence constitutionnelle.

Cette particularité est justifiée par la circonstance qu'ils n'ont pas embrassé la carrière judiciaire et peuvent exercer une activité professionnelle concomitamment à leurs fonctions judiciaires (n° 94-355 DC du 10 janvier 1995, cons. 17, Rec. p. 151).

6) Le nouvel article 41-22 de l'ordonnance fixe le régime des incompatibilités professionnelles applicable aux juges de proximité.

Il autorise les juges de proximité à exercer une activité professionnelle parallèlement à leurs fonctions judiciaires. Est ainsi instituée une nouvelle dérogation au statut de la magistrature, dont l'article 8 prévoit que " l'exercice des fonctions de magistrat est incompatible avec l'exercice de toutes fonctions publiques et de toute autre activité professionnelle ou salariée ".

Déjà admise pour les magistrats exerçant à titre temporaire (art. 44-14 du statut), cette dérogation se justifie par le fait que les juges de proximité n'exerceront leurs fonctions qu'à temps partiel. Elle permettra ainsi le recrutement de personnes en activité.

L'exercice concomitant de fonctions judiciaires et d'une activité professionnelle appelle cependant un strict encadrement afin de préserver l'indépendance des magistrats concernés.

Si, dans sa décision précitée du 10 janvier 1995 (n° 94-355 DC du 10 janvier 1995, cons. 21 à 26, Rec. p. 151), le Conseil a admis la possibilité, pour les magistrats exerçant à titre temporaire, d'exercer concomitamment une activité professionnelle, ce n'est en effet pas sans avoir vérifié que les conditions posées pour ce cumul d'activités étaient de nature à préserver leur indépendance.

S'inspirant étroitement de ce précédent, l'article 41-22 n'encourt pas davantage de critique de constitutionnalité que les dispositions relatives aux magistrats recrutés à titre temporaire examinées le 10 janvier 1995.

En effet, l'article 41-22 installe plusieurs solides garde-fous à l'encontre d'éventuels conflits d'intérêts.

Tout d'abord, l'activité professionnelle en cause ne doit être de nature à porter atteinte ni à la dignité de la fonction de juge, ni à son indépendance.

En deuxième lieu, le juge de proximité ne peut être un agent public (sous réserve des exceptions traditionnelles relatives aux activités d'enseignement et à la participation à certaines commissions administratives).

En outre, l'exercice en parallèle d'une profession libérale juridique et judiciaire soumise à statut ou dont le titre est protégé par la loi est soumis à deux conditions :

- D'une part, les intéressés ne peuvent exercer leurs fonctions de juge de proximité dans le ressort du tribunal de grande instance où ils ont leur domicile professionnel.

- D'autre part, les membres de ces professions - et leurs salariés - ne peuvent effectuer aucun acte de leur profession dans le ressort de la juridiction de proximité à laquelle ils sont affectés.

Le troisième alinéa de l'article 41-22 envisage l'hypothèse d'un changement d'activité professionnelle durant la période d'exercice des fonctions juridictionnelles. Le juge de proximité doit faire connaître tout changement d'activité professionnelle au premier président de la cour d'appel. C'est à ce dernier qu'est donc confié le soin de faire connaître au juge de proximité une éventuelle incompatibilité avec ses fonctions judiciaires.

Il est en effet logique de faire intervenir le premier président de la cour d'appel, ce dernier étant compétent, de façon générale, pour saisir le CSM de faits motivant des poursuites disciplinaires. Cette responsabilité résulte de l'article 50-2 de l'ordonnance statutaire, applicable aux juges de proximité en vertu du nouvel article 41-23.

Le quatrième alinéa de l'article 41-22 interdit au juge de proximité de connaître d'un litige :

- lorsque l'affaire présente un lien avec sa profession ;

- lorsque sont en présence des parties avec l'une desquelles il entretient ou a entretenu des relations professionnelles.

Un mécanisme de renvoi de l'affaire à un autre juge de proximité du même ressort est institué dans cette hypothèse. Le pouvoir de décider du renvoi appartient au président du tribunal de grande instance, dès lors qu'il est saisi d'une demande en ce sens par le juge de proximité lui-même ou par l'une des parties. Sa décision, qui constitue une mesure d'administration judiciaire, n'est susceptible d'aucun recours.

Eu égard à l'ensemble des précautions ainsi prises par le législateur, l'article 41-22 nouveau de l'ordonnance statutaire n'appelait pas de critique de constitutionnalité.

La décision complète toutefois cet ensemble par une réserve d'interprétation découlant de la combinaison des dispositions examinées et de celles applicables à l'exercice en commun des professions libérales juridiques: les interdictions édictées par les premier et quatrième alinéas du nouvel article 41-22 du statut de la magistrature doivent s'entendre comme visant non seulement l'exercice à titre individuel d'une profession juridique, mais encore une activité professionnelle exercée au sein d'une association ou au nom d'une société civile professionnelle.

7) L'article 41-23 fixe le régime disciplinaire des juges de proximité.

Il précise que le pouvoir disciplinaire à l'égard des juges de proximité s'exerce dans les conditions prévues par le chapitre VII de l'ordonnance statutaire (" Discipline ").

Le pouvoir d'adresser un avertissement est confié au premier président de la cour d'appel dans le ressort de laquelle siège le juge de proximité. Le pouvoir disciplinaire proprement dit sera exercé, comme dans le droit commun judiciaire, par le Conseil supérieur de la magistrature, conformément à l'article 48 du statut.

Comme celui des magistrats exerçant à titre temporaire, dont il s'inspire étroitement, le régime disciplinaire applicable aux juges de proximité tient compte de leur spécificité. Outre l'avertissement, les juges de proximité ne sont passibles que de deux types de sanctions disciplinaires, au lieu de sept pour les magistrats professionnels : la réprimande avec inscription au dossier, prévue au 1° de l'article 45, et la fin des fonctions judiciaires. En effet, les autres sanctions prévues à l'article 45, telles que le déplacement d'office, le retrait de certaines fonctions, l'abaissement d'échelon ou la rétrogradation, sont sans objet pour des juges qui ne font pas carrière dans la magistrature.

Ces dispositions ne soulevaient pas de question de constitutionnalité.

8) Aux termes de l'article 41-24 nouveau de l'ordonnance, relatif à la cessation des fonctions des juges de proximité :

" Les juges de proximité ne peuvent demeurer en fonction au-delà de l'âge de soixante-quinze ans. - Il ne peut être mis fin à leurs fonctions qu'à leur demande ou au cas où aurait été prononcée à leur encontre la sanction de la fin des fonctions prévue à l'article 41-23. - Durant un an à compter de la cessation de leurs fonctions judiciaires, les juges de proximité sont tenus de s'abstenir de toute prise de position publique en relation avec ces fonctions ".

Les hypothèses ainsi visées (les seules dans lesquelles il peut être mis fin à l'exercice des fonctions de juge de proximité) respectent l'indépendance du juge de proximité, ainsi que le principe de l'inamovibilité des magistrats du siège.

A noter que " la sanction prévue à l'article 41-23 " est précisément celle qui prononce la fin des fonctions à l'issue d'une procédure disciplinaire.

II) LES AUTRES ARTICLES DE LA LOI

Ils sont tous issus d'amendements.

1) Introduit par l'Assemblée nationale avec l'avis favorable du Gouvernement, l'article 2 transpose à la situation particulière des juges de proximité la procédure d'évaluation applicable aux magistrats judiciaires en vertu de l'article 12-1 de l'ordonnance.

2) L'article 3 provient d'un amendement sans rapport direct avec les juges de proximité puisqu'il a trait à la durée maximale des fonctions de juge des affaires familiales dans une même juridiction. Toutefois, cet amendement est " non dépourvu de tout lien avec le texte en discussion ", puisqu'il porte sur le statut de la magistrature et modifie le même texte que l'article unique du projet de loi. De plus c'est en première lecture qu'il a été voté. N'ont donc pas été violées les règles de procédure législative que la Constitution a rendues applicables aux amendements (en ce sens : n° 2001-445 DC du 19 juin 2001, cons. 47 à 51, Rec. p. 63.).

Introduit par la loi organique n° 2001-539 du 25 juin 2001, l'article 28-3 du statut de la magistrature impose des obligations de mobilité à certains magistrats en limitant à dix ans l'exercice, dans un même tribunal de grande instance ou de première instance, des fonctions de juge d'instruction, de juge des affaires familiales, de juge des enfants et de juge de l'application des peines. Il a été déclaré conforme à la Constitution par le Conseil dans sa décision n° 2001-445 DC du 19 juin 2001.

Applicable aux nominations intervenues depuis le 1er janvier 2002, cette disposition s'est cependant avérée, à l'épreuve des faits, difficile à mettre en oeuvre pour les juges des affaires familiales.

Aussi l'article 3 de la loi organique, adopté par le Sénat sur amendement du Gouvernement, exclut-il les fonctions de juge aux affaires familiales des fonctions spécialisées soumises à une mobilité fonctionnelle.

3) L'article 4 est, comme le précédent, issu d'un amendement sans rapport direct avec les juges de proximité. Pour les mêmes raisons que l'article 3, il ne constitue pas pour autant un " cavalier législatif ".

La loi organique n° 88-23 du 7 janvier 1988 a autorisé le maintien en activité des magistrats des cours d'appel et des tribunaux de grande instance ayant atteint la limite d'âge, fixée à soixante-cinq ans par l'article 76 du statut de la magistrature.

A leur demande, ces magistrats peuvent être maintenus en activité pour une période non renouvelable de trois ans afin d'exercer, selon le cas, les fonctions de conseiller, de substitut général, de juge ou de substitut. Sur proposition du garde des sceaux et dans les formes prévues pour les nominations des magistrats du siège ou du parquet, ils sont maintenus en activité, en surnombre de l'effectif de la juridiction, dans l'une des fonctions qu'ils ont demandé à occuper. Leur maintien en activité ne peut se prolonger au-delà de l'âge de soixante-dix ans.

Prévu à l'origine jusqu'au 31 décembre 1995, ce dispositif a été prorogé à deux reprises : jusqu'au 31 décembre 1999 par la loi organique n° 95-64 du 19 janvier 1995, puis jusqu'au 31 décembre 2002 par la loi organique n° 99-583 du 12 juillet 1999.

Adopté par le Sénat sur amendement du Gouvernement, l'article 4 de la loi soumise au Conseil pérennise les dispositions relatives au maintien en activité des magistrats des cours d'appel et des tribunaux de grande instance, en supprimant, au premier alinéa de l'article 1er de la loi du 7 janvier 1988, toute référence à une date butoir.

La modification apportée à la loi du 7 janvier 1988 alignera le régime du maintien en activité des magistrats des cours d'appel et des tribunaux d'instance sur celui applicable tant aux magistrats hors hiérarchie de la Cour de cassation (au 1er janvier 2003, dix-neuf magistrats hors hiérarchie occupent la position de " maintien en activité " à la Cour de cassation en application de la loi organique n° 86-1303 du 23 décembre 1986) qu'aux membres du corps des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel. Les dispositions prévoyant le maintien en activité des magistrats hors hiérarchie à la Cour de cassation, lesquelles ont un caractère pérenne, ont été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil en 1986 (n° 86-219 DC du 22 décembre 1986, Rec. p. 172).

Aucun de ces trois derniers articles de la loi organique n'appelait de critique de constitutionnalité.

En conclusion, la loi organique a été déclarée pour l'essentiel conforme à la Constitution, mais au prix d'une précision, d'un déclassement, de deux réserves d'interprétation et d'une censure :

- une précision : quant à la non appartenance des juges de proximité au corps des magistrats judiciaires ;

- un déclassement : quant au caractère non organique du nouvel article 41-18 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 ;

- deux réserves d'interprétation : quant à la nécessaire sélectivité dans la nomination des juges de proximité (art. 41-19 nouveau de l'ordonnance) et quant à l'applicabilité du régime d'incompatibilités édicté à l'article 41-22 nouveau de l'ordonnance à l'exercice en commun des professions libérales juridiques aussi bien qu'à leur exercice à titre individuel ;

- une censure portant sur quelques mots de l'article 41-17 nouveau de l'ordonnance qui ouvraient de façon manifestement excessive, au regard de l'article 6 DDHC la possibilité de se porter candidat aux fonctions de juge de proximité.