• Commentaire DC

Commentaire de la décision 2002-464 DC

13/06/2023

Adoptée définitivement le 18 décembre 2002, la loi de finances pour 2003 a été déférée au Conseil constitutionnel par plus de soixante députés et par plus de soixante sénateurs.

Etaient mises en cause la sincérité du texte (I), ainsi que la conformité à la Constitution de huit de ses articles (II). Ont été censurés, au besoin d'office, quelques cavaliers budgétaires (III).

I - SUR LA SINCÉRITE DE LA LOI DE FINANCES POUR 2003

Dans le prolongement des réponses déjà faites au grief d'insincérité lors de l'examen des précédentes lois de finances et de financement [n° 99-422 DC du 21 décembre 1999, cons. 22 à 31, Rec. p. 143 ; n° 99-424 DC du 29 décembre 1999, cons. 2 à 16, Rec. p. 156 ; n° 2000-437 DC du 19 décembre 2000, cons. 14 à 19 et cons. 45 à 46, Rec. p. 190 ; n° 2001-453 DC du 18 décembre 2001, cons. 4 à 13, Rec. p. 164 : n° 2001-456 DC du 27 décembre 2001, cons. 2 à 11, Rec. p. 180 ; n° 2002-463 DC du 12 décembre 2002, cons. 2 à 9.], le Conseil constitutionnel n'a pas constaté en l'espèce d'erreur manifeste caractérisant une volonté de fausser les grandes lignes de l'équilibre budgétaire.

Le débat de constitutionnalité ne peut tourner au débat d'experts. Dès lors qu'en l'état des informations disponibles et des prévisions qui peuvent raisonnablement en découler, la prévision retenue peut être valablement argumentée et ne traduit pas l'intention du Gouvernement d'abuser le Parlement, le Conseil constitutionnel ne saurait se substituer aux organismes de prévision officiels. Or, le Gouvernement, tant devant le Parlement que dans ses observations en défense, a présenté un argumentaire sérieux pour étayer les hypothèses économique sous-tendant l'article d'équilibre de la loi de finances pour 2003.

Il ne ressortait pas des éléments qui lui étaient soumis, a considéré le Conseil constitutionnel, que les évaluations de recettes pour 2003 prises en compte à l'article d'équilibre soient entachées d'une erreur manifeste, compte tenu des aléas inhérents à leur évaluation et des incertitudes relatives à l'évolution de l'économie en 2003.

Il a relevé à cet égard que l'erreur alléguée par la saisine des députés dans le choix des hypothèses économiques ne conduirait, selon les requérants eux-mêmes, qu'à une surestimation des recettes fiscales de faible ampleur au regard des masses budgétaires.

Il reste que le taux de croissance retenu, rapproché des projections les plus récentes des instituts de conjoncture, paraît en effet optimiste. Aussi, comme pour la loi de finances pour 2000 (n° 99-424 DC du 29 décembre 1999, cons. 4, Rec. p. 156), comme pour la loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 (n° 2001-453 DC précitée, cons. 6) et comme pour la loi de finances pour 2002 (n° 2001-456 DC précitée, cons. 4), le Conseil a-t-il invité le Gouvernement à présenter une loi de finances rectificative s'il apparaît en cours d'année que sont remises en cause les conditions générales de l'équilibre budgétaire.

S'agissant des dépenses, était sans portée l'argument tiré de ce que certains membres du Gouvernement ont évoqué l'utilisation qui pourra être faite en 2003 de crédits reportés de l'année précédente. Une telle possibilité existe bel et bien, dans les limites prescrites par l'article 17 de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 relative aux lois de finances. Elle subsistera dans les conditions prévues par l'article 15 de la loi organique du 1er août 2001 sur les lois de finances. Les indications données par le Gouvernement à ce titre ne peuvent que concourir à la bonne information du Parlement, sans constituer par elles-mêmes un aveu de sous-estimation.

Quant à l'annonce d'un « gel » de crédits dès le début de l'exercice, il traduit lui-aussi un souci d'information du Parlement sur l'usage qu'entend faire le Gouvernement, dans le cadre des pouvoirs que lui confie l'article 20 de la Constitution, de l'autorisation que lui a donnée le Parlement de recueillir des recettes et de réaliser des dépenses.

Rappelons que les plafonds de dépenses votés par le Parlement fixent une borne à la consommation des crédits, mais n'emportent pas obligation de dépenser à due concurrence.

Il appartient au pouvoir exécutif d'utiliser les crédits inscrits en loi de finances en fonction de la conjoncture économique, des besoins de la population et des services publics, ainsi que des engagements de la France.

En matière d'exécution de la loi de finances, la possibilité de procéder à une annulation de crédit est une prérogative gouvernementale à laquelle le législateur ne peut faire obstacle [n° 2000-429 DC du 30 mai 2000, cons. 14, Rec. p. 84].

Ajoutons que certaines dispositions de la loi organique du 1er août 2001, d'ores et déjà applicables en 2003, faciliteront le contrôle du Parlement sur la consommation des crédits en cours d'exercice. Il s'agit en particulier de son article 14 qui, en matière d'annulation de crédits, impose l'information des commissions chargées des finances à l'Assemblée nationale et au Sénat. La même obligation d'information doit valoir pour un gel de crédits.

La saisine des sénateurs estimait la procédure législative viciée par l'adoption au Sénat d'un amendement gouvernemental réduisant les prévisions de recettes à hauteur de 700 millions d'euros (en méconnaissance, selon eux, des prescriptions de l'article 39 de la Constitution, étendues aux amendements gouvernementaux par la jurisprudence du Conseil).

L'amendement en cause s'est borné à tirer au Sénat les conséquences des ultimes corrections apportées au projet de loi de finances rectificative pour 2002 déposé peu auparavant à l'Assemblée nationale. Il s'agit donc d'une mesure de coordination justifiée par la chronologie comme par un souci de sincérité budgétaire.

Sous réserve de ces observations, il y avait lieu de rejeter les griefs d'insincérité.

II - ARTICLES CONTESTÉS

1) L'article 4 de la loi déférée porte de cinq à dix ans la période durant laquelle les particuliers pourront, en vertu du 11 de l'article 150-OD du code général des impôts (CGI), imputer sur les plus-values de même nature les moins values subies à compter du 1er janvier 2002 lors de la cession de valeurs mobilières.

L'argumentation des députés requérants mettait en cause la nouvelle portée de l'article 150 quinquies du CGI.

Le dernier alinéa de l'article 150 quinquies du CGI aligne sur le régime de l'article 150-OD (par renvoi au 11 de cet article) les pertes subies « dans le cadre de contrats se référant à des emprunts obligataires ou à des actions admises aux négociations sur un marché réglementé français ou négociées sur le marché hors cote français ».

Les requérants dénonçaient une rupture d'égalité dans l'allongement résultant de ce renvoi par l'article 150 quinquies au 11 de l'article 150-OD. Selon eux, en effet, les pertes subies sur les marchés mentionnés à l'article 150 sexies continueront de s'imputer, comme auparavant, sur l'année de leur réalisation et les cinq suivantes.

Cette argumentation se méprenait sur la portée du nouveau dispositif d'imputation des moins values mobilières.

L'article 4 de la loi déférée a pour objet d'allonger la durée d'imputation des pertes sur cessions de valeurs mobilières (obligations, actions), afin de tenir compte de la baisse des marchés boursiers. Sa finalité est d'encourager les particuliers à orienter leur épargne vers ces marchés.

La mesure s'applique aux opérations visées à l'article 105-0A (valeurs mobilières, droits sociaux, titres assimilés), mais aussi aux opérations réalisées sur les marchés à terme d'instruments financiers ou portant sur des options ou des bons d'options lorsque les actifs concernés sont ceux de l'article 150-0A.

L'article 4 forme donc un ensemble cohérent : il s'applique aux titres, ainsi qu'aux contrats et options portant sur ces mêmes titres.

En revanche, au regard de l'objectif recherché par le législateur, il n'y avait pas lieu de l'étendre aux opérations visées à l'article 150 sexies qui portent sur les devises, bons de caisse et titres de créance, lesquels ne sont pas affectés par la crise des marchés financiers.

2) L'article 8 de la loi de finances relève le plafond de la réduction d'impôt au titre des sommes versées pour l'emploi d'un salarié à domicile. Il le porte de 6 900 euros à 7 400 euros pour les dépenses engagées en 2002 et à 10.000 euros pour les dépenses engagées à compter du 1er janvier 2003.

Pour la saisine des députés, cette mesure méconnaissait « le principe, déduit par le Conseil constitutionnel de l'article 13 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, selon lequel l'appréciation par le législateur des facultés contributives des citoyens ne doit pas conduire à une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques ».

Le bénéfice de la réduction ne contrevient pas au principe d'égalité devant l'impôt dès lors que l'incitation fiscale à employer un salarié à domicile sert un voire deux objectifs constitutionnels :

- principalement celui que fixe le cinquième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 (« Chacun a le devoir de travailler et le droit d'obtenir un emploi ...») ;

- accessoirement et dans certains cas (garde d'enfants à domicile), celui que définit son dixième alinéa (« La Nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement » ).

Depuis son institution en 1991, la réduction d'impôt pour l'emploi d'un salarié à domicile tend au développement et au maintien d'emplois de proximité, soit directement, soit par l'intermédiaire d'associations agréées. Elle concourt en outre à la lutte contre le "travail au noir" par l'obligation faite à l'employeur de déclarer l'identité et l'adresse de la personne employée et d'acquitter les charges sociales. Elle a enfin pour effet de permettre la garde au domicile familial des jeunes enfants, le soutien scolaire, l'aide ménagère et, combinée à d'autres mesures, le maintien des personnes âgées à leur domicile ou l'hébergement de personnes invalides.

En raison de son objectif constamment mis en avant lors des débats parlementaires, le montant de la réduction d'impôt doit être assez significatif pour permettre aux ménages de créer des emplois dotés d'une suffisante stabilité et adéquats aux besoins que l'on entend couvrir.

Le Gouvernement observait à cet égard qu'en relevant de 6.900 euros à 10.000 euros le plafond de la réduction d'impôt à compter de l'imposition des revenus 2003, le législateur crée les conditions d'emploi, par chaque foyer fiscal, d'un salarié travaillant à trois quarts de temps.

3) L'article 11 de la loi déférée modifie le régime fiscal de sociétés d'investissements immobiliers cotées (SIIC). A cet effet, il insère dans le code général des impôts un article 208 C et modifie diverses dispositions du même code.

a) L'article 11 était d'abord contesté par la saisine des députés sur le terrain de la procédure législative. Ils lui reprochaient en effet d'émaner d'un amendement sénatorial [Amendement déposé le 27 novembre 2002 par le rapporteur général, M. Marini, au nom de la Commission des finances du Sénat], bien qu'introduisant des dispositions financières entièrement nouvelles, en méconnaissance, selon eux, de l'article 39 de la Constitution.

L'article 39 de la Constitution dispose que les projets de loi de finances sont soumis en premier lieu à l'Assemblée nationale. Le Conseil constitutionnel en a déduit que la priorité d'examen par l'Assemblée nationale vaut également pour les amendements gouvernementaux aux lois de finances, dès lors qu'ils constituent « une mesure financière entièrement nouvelle » [n° 76-73 DC du 28 décembre 1976, cons. 2, Rec. p. 41 et commentaire de B. Genevois dans « La jurisprudence du Conseil constitutionnel », STH 88, p. 174].

Mais ce qui vaut pour les amendements gouvernementaux ne vaut pas pour les amendements parlementaires [En ce sens : n° 95-369 DC du 28 décembre 1995, cons. 27, Rec. p. 257].

b) L'article 11 était également contesté par la saisine des députés sur le terrain de l'égalité devant l'impôt.

Avant de présenter les nombreuses branches de leur argumentation, il convient de brosser l'économie générale de l'article.

Dans le but d'accroître la capitalisation boursière de la place de Paris et d'attirer l'épargne vers un secteur important sur le plan économique, l'article 11 institue un régime de « transparence fiscale » au profit des sociétés d'investissements immobiliers cotées.

Comme l'indiquait M. Marini, rapporteur général pour le Sénat, les sociétés françaises d'investissements immobiliers cotées (SIIC) ont pour activité la détention à long terme, le développement et l'arbitrage d'actifs destinés à la location. Elles représentent environ 1 % de la capitalisation boursière de Paris.

Peu nombreuses (une dizaine), d'une faible capitalisation boursière (12,5 milliards d'euros pour 22,5 milliards d'euros d'actifs gérés), avec peu de « petits actionnaires », elles pourraient pourtant se développer à l'instar des sociétés d'investissements immobiliers allemandes, néerlandaises ou belges, qui bénéficient de régimes fiscaux favorables.

Aussi l'article 11 permet-il aux SIIC d'opter pour l'exonération d'impôt sur les sociétés sur la fraction de leur bénéfice provenant de la location d'immeubles et des plus-values sur cession d'immeubles.

Les bénéfices exonérés provenant de la location des immeubles devront être distribués à hauteur de 85 % avant la fin de l'exercice qui suit celui de leur réalisation.

Les bénéfices exonérés provenant de la cession d'immeubles devront être distribués à hauteur de 50 % avant la fin du deuxième exercice qui suit celui de leur réalisation.

Enfin, si elles sortent du régime dans les dix ans, les SIIC devront acquitter un complément d'impôt sur les sociétés au taux de droit commun de l'année de sortie sur les plus-values exonérées dès l'origine.

Peuvent opter pour ce régime de transparence fiscale les sociétés par actions cotées sur un marché réglementé français, disposant d'un capital social d'au moins 15 millions d'euros et dont l'objet principal est l'acquisition ou la construction d'immeubles en vue de la location, ou la détention de participations dans des sociétés ayant ce même objet social.

Lors de l'exercice de l'option et par dérogation à l'article 221 bis du code général des impôts, les plus-values latentes des immeubles et parts de sociétés immobilières seront taxées au taux de 16,5 % au niveau de la SIIC (« exit tax »). Ces plus-values échapperont aux contributions additionnelles à l'impôt sur les sociétés [Articles 235 ter ZA et 235 ter ZC du code général des impôts].

De même, par dérogation à l'article 111 bis, les réserves existant lors de l'entrée dans le nouveau régime ne seront pas réputées distribuées aux associés pour le calcul de leur impôt sur le revenu.

La transparence fiscale exclut la société du régime de l'avoir fiscal et de celui des sociétés mères-filiales. En revanche elle ne s'oppose pas à ce que les actions de telles sociétés figurent dans « un plan d'épargne en actions » (PEA).

Les dispositions de l'article 11 ainsi résumées, que leur reprochaient les députés requérants au regard du principe d'égalité ?

- Ils dénonçaient en premier lieu une rupture d'égalité devant l'impôt entre les actionnaires des SIIC et ceux des autres sociétés fiscalement transparentes.

Les requérants négligeaient le fait que les SIIC sont des sociétés de capitaux, nécessairement cotées, faisant obligatoirement appel public à l'épargne. En cela, elles se distinguent bien évidemment des sociétés civiles relevant de l'article 8 du code général des impôts, qu'elles soient immobilières ou non.

- En deuxième lieu, la saisine contestait que les actions des SIIC puissent figurer dans un PEA. Un tel avantage devait être réservé, selon eux, aux placements effectués dans des sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés.

Cependant, au regard de l'objectif poursuivi par le législateur lorsqu'il a créé les « PEA » par la loi n°92-66 du 16 juillet 1992 - inciter les épargnants à se tourner vers les entreprises afin de stimuler le développement économique - l'avantage dénoncé est en rapport direct avec le but d'intérêt général visé.

Au demeurant, cet avantage n'est pas sans contrepartie puisqu'il impose au bénéficiaire d'un PEA de s'engager sur la durée (le placement est bloqué). Une contrepartie supplémentaire réside, dans le cas particulier des actionnaires de SIIC, dans le fait qu'ils ne bénéficieront pas de l'avoir fiscal.

De plus, l'article 11 ne crée pas de nouvelle discrimination entre membres des sociétés de personnes, d'une part, et associés des SIIC, d'autre part. En effet, la législation sur les PEA rend déjà inéligibles les parts de sociétés de personnes, alors que les titres des sociétés commerciales ayant un objet immobilier y sont déjà admis.

- En troisième lieu, les députés requérant estimaient exorbitant le régime fiscal applicable aux plus-values latentes des SIIC lors de leur entrée dans le nouveau régime.

Il est exact que ce régime est favorable tant aux sociétés (« exit tax » au taux de 16,5 %, exonération de la contribution sociale sur l'impôt sur les sociétés) qu'à leurs actionnaires (auxquels ne sont pas réputées distribuées les réserves réévaluées).

Mais l'avantage décidé par le législateur est en lien direct avec le but d'intérêt général qu'il s'est assigné (promouvoir, directement et indirectement, la construction et la rénovation d'immeubles destinés à la location ; accroître la capitalisation boursière de la place de Paris).

Le Conseil a déjà admis, au nom de l'intérêt général économique, des mécanismes fiscaux dérogatoires tendant à susciter le développement du marché boursier [n° 93-320 DC du 21 juin 1993, cons. 18 et 19, Rec. p. 146].

- Les requérants voyaient enfin une rupture d'égalité dans le fait que le nouveau régime n'impose pas aux SIIC d'avoir pour objet exclusif l'acquisition ou la construction d'immeubles en vue de la location, mais seulement cette activité pour « objet principal ». Les SIIC bénéficieraient ainsi, pour leurs activités accessoires, d'un traitement fiscal plus favorable que les sociétés exerçant ordinairement ces activités. C'est oublier qu'en vertu du II du nouvel article 208 C du code général des impôts, les SIIC sont exonérées d'impôt sur les sociétés pour la seule fraction de leurs bénéfices provenant de la location d'immeubles et des plus-values sur la cession d'immeubles. Pour leurs activités accessoires, elles seront soumises aux règles de droit commun de l'impôt sur les sociétés.

4) Par souci de simplification fiscale et de réduction des charges de gestion, l'article 27 de la loi de finances pour 2003 supprime le « droit de licence sur les débits de boissons ».

A cet effet, le I de l'article 27 abroge les articles 1568 à 1572 du code général des impôts (« licence des débitants de boissons »).

Afin de ne pas pénaliser les communes (bénéficiaires de ces droits), les II et III de l'article 27 tendent en outre à compenser, au moins globalement, les effets sur les finances locales de la suppression desdits droits. Ainsi, la dotation globale de fonctionnement est majorée de façon pérenne d'un montant équivalent aux recettes que percevaient les communes au titre du droit de licence sur les débits de boissons.

a) Le 2° du I de l'article 27 tire les conséquences purement rédactionnelles de la suppression des droits de licence sur les débits de boissons en réécrivant l'article 1699 du code général des impôts, qui fixe les règles de recouvrement communes à la taxe sur les spectacles et aux droits de licence sur les débits de boissons. La référence à ces derniers disparaît donc de la nouvelle rédaction.

Cependant, du fait de cette réécriture de l'article 1699, qui est de bonne technique codificatrice, l'article 27 reprend la référence déjà faite par l'article 1699 à la répression des infractions prévue pour les impôts visés au titre III de la première partie du livre Ier du CGI (contributions indirectes et assimilées).

Or, exposaient les députés requérants, l'article 1791 du CGI prévoit que les infractions aux dispositions du titre III de la première partie du livre premier de ce code donnent lieu à des pénalités dont le montant est compris entre une fois et trois fois celui des droits éludés. Ils soutenaient que « ces dispositions qui peuvent, dans nombre de cas, donner lieu à l'application de sanctions manifestement hors de proportion avec la gravité des infractions qu'elles ont pour objet de réprimer, méconnaissent le principe de proportionnalité des délits et des peines, qui s'applique également aux sanctions fiscales ... ».

Serait en conséquence inconstitutionnel le renvoi opéré à l'article 1791 du CGI par l'article 1699 du même code tel que réécrit par l'article 27 de la loi déférée.

Ils demandaient au Conseil constitutionnel de censurer dans cette mesure l'article 27.

Ce faisant, les députés requérants invitaient le Conseil à faire application de sa jurisprudence dite « Nouvelle Calédonie » [n° 85-187 DC du 25 janvier 1985, cons. 10, Rec. p. 43] sur le contrôle de dispositions législatives promulguées.

Certes, la conformité à la Constitution d'une loi déjà promulguée peut être appréciée à l'occasion de l'examen de dispositions législatives qui la modifient, la complètent ou affectent son domaine [Par exemple : n° 89-256 DC du 25 juillet 1989, cons. 10, Rec. p. 53 ; n° 99-410 DC du 15 mars 1999, cons. 39, Rec. p. 51].

N'entre cependant pas dans le champ de ce contrôle de constitutionnalité par voie d'exception l'ajustement purement rédactionnel de l'article 1699 du CGI auquel procède le 2° du I de l'article 27 de la loi déférée.

La décision 2002-464 DC a ainsi fourni l'occasion au Conseil de dissiper le malentendu qu'a pu faire naître la rédaction occasionnellement retenue depuis 1997 du considérant de principe sur le contrôle de la loi promulguée : « La régularité au regard de la Constitution des termes d'une loi déjà promulguée peut être utilement contestée à l'occasion de l'examen par le Conseil constitutionnel de dispositions législatives qui affectent son domaine, la complètent ou, même sans en changer la portée, la modifient » [Par exemple : n° 99-414 DC du 8 juillet 1999, cons. 2, Rec. p. 92 ; n° 99-416 DC du 23 juillet 1999, cons. 37, Rec. p. 100].

b) La saisine des sénateurs dénonçait pour sa part une violation du principe de libre administration des collectivités territoriales par le mécanisme de compensation prévu à l'article 27 pour compenser les conséquences sur les finances communales de la suppression du droit de licence sur les débits de boissons.

Ce mécanisme entravait selon eux la libre administration des collectivités territoriales dès lors qu'il ne bénéficiera pas directement aux communes concernées, à due concurrence des pertes subies par chacune d'entre elles, mais seulement indirectement au travers des majorations de la « dotation globale de fonctionnement » (DGF) et du « solde de la dotation d'aménagement » respectivement prévues par les II et III de l'article critiqué.

Le Conseil n'a pu que rappeler à cet égard que, dans l'état actuel des dispositions constitutionnelles, la sauvegarde du principe de libre administration n'impose pas, lorsque le législateur supprime une taxe locale, une compensation « au franc le franc » [Par exemple n° 2000-432 DC du 12 juillet 2000, Rec. p. 104 ; n° 2000- 442 DC du 28 décembre 2000, cons. 10 , Rec. p. 211].

Si, en effet, comme le rappelle une jurisprudence constante [Par exemple n° 2000-432 DC précitée, cons. 4], l'article 72 de la Constitution veut que les collectivités territoriales « s'administrent librement par des conseils élus » , chacune d'elles le fait « dans les conditions prévues par la loi ». En vertu de l'article 34 de la Constitution, le législateur et lui seul détermine les principes fondamentaux de la libre administration des collectivités locales, de leurs compétences et de leurs ressources, ainsi que les règles concernant l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures. Il lui revient seulement de veiller à ce que les règles qu'il pose sur le fondement de ces dispositions n'aient pas pour effet de restreindre les ressources fiscales directes des collectivités territoriales au point d'entraver leur libre administration.

En tout état de cause, le montant des droits de licence sur les débits de boissons est trop faible pour que sa suppression puisse entraîner, pour le budget de quelque commune que ce soit, une perte susceptible d'entraver le bon fonctionnement des services municipaux.

5) L'article 29 tend à assujettir France Télécom aux impositions directes locales dans les conditions de droit commun et à compenser la perte de recettes induite pour l'Etat par cette réforme. Jusque là, en effet, l'équivalent du montant des taxes locales était versé par France Télécom au budget de l'Etat.

Aussi le 1 du III de l'article 29 de la loi de finances pour 2003 réduit-il, à due concurrence de la perte subie par l'Etat, le montant de la «compensation de la suppression de la part salaires de la taxe professionnelle » versée par l'Etat à chaque collectivité territoriale dans le cadre des « prélèvements sur recettes ».

Cette compensation a été instituée par l'article 44 de la loi de finances pour 1999 qui, dans le but de lutter contre le chômage, a soustrait les salaires à l'assiette de la taxe professionnelle.

Au cas où, pour une collectivité déterminée, le montant des pertes de recettes subies par l'Etat du fait de la « banalisation fiscale » de France Télécom serait supérieur au montant de la «compensation de la suppression de la part salaires de la taxe professionnelle », le solde s'imputera sur le produit des quatre taxes directes locales. Ce mécanisme est décrit par le 2 du III de l'article 29 de la loi déférée.

L'ensemble du dispositif mis en place par l'article 29 sera neutre pour toutes les parties concernées (Etat, collectivités territoriales, France Télécom).

Toutefois, la saisine des députés critiquait le principe d'un prélèvement de l'Etat sur les recettes recouvrées pour le compte des collectivités territoriales (c'est-à-dire le mécanisme décrit au 2 du III de l'article 29), considérant un tel prélèvement comme contraire à la fois :

- au principe d'universalité budgétaire rappelé à l'article 18 de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 ;

- à l'article 34 de la Constitution, dès lors que ce prélèvement ne pourrait s'analyser que comme une imposition et que la disposition contestée ne définirait pas tous les éléments légaux de celle-ci (modalités de recouvrement en particulier).

Cette argumentation manquait en fait car, à l'instar des « frais d'assiette et de recouvrement des taxes locales », le nouveau prélèvement sera retracé dans les recettes budgétaires de l'Etat (à la ligne intitulée « Autres impôts directs perçus par voie de rôle »).

Par ailleurs, si ce prélèvement était une imposition, ses éléments seraient suffisamment définis par l'article 29 :

- Le montant prélevé sur chaque collectivité territoriale concernée est complètement déterminé (perte pour l'Etat résultant de la banalisation fiscale de France Télécom diminuée de la « compensation de l'exonération de la part salariale de la taxe professionnelle » prévue au D de l'article 44 de la loi de finances pour 1999) ;

- Quant aux modalités de recouvrement, elles allaient de soi : l'Etat, qui perçoit pour le compte des collectivités territoriales les taxes directes locales, retiendra le montant à prélever sur le produit brut de ces taxes, comme il le fait déjà au titre des frais d'assiette et de recouvrement des taxes locales.

6) L'article 80 de la loi de finances a pour objet de lier désormais l'octroi de la prime de l'Etat aux bénéficiaires d'un « plan épargne logement » (PEL) à la souscription effective d'un prêt épargne-logement.

A cet effet, l'article L. 315-4 du code de la construction et de l'habitation est rédigé par le I de l'article 80 dans les termes suivants :

« Les bénéficiaires d'un prêt d'épargne-logement reçoivent de l'Etat, lors de la réalisation du prêt, une prime dont le montant est fixé compte tenu de leur effort d'épargne ».

Le II de l'article 80 applique les nouvelles dispositions aux « comptes d'épargne logement ouverts à compter du 12 décembre 2002 ».

Jusque là, en effet, en application de l'article R. 315-40 du code de la construction et de l'habitation, le souscripteur d'un « plan d'épargne logement » (catégorie particulière de compte d'épargne logement) recevait de l'Etat une prime égale au montant des intérêts acquis, sans avoir eu nécessairement à contracter un prêt.

Or selon l'article L. 315-1 du même code, « le régime d'épargne-logement a pour objet de permettre l'octroi de prêts aux personnes qui ont fait des dépôts à un compte d'épargne-logement et qui affectent cette épargne au financement de logements destinés à l'habitation principale ».

Le législateur a donc voulu mettre en cohérence l'ensemble des dispositions relatives à l'épargne-logement en subordonnant dans tous les cas l'aide de l'Etat à la réalisation d'un emprunt destiné à l'acquisition d'un logement.

Il n'a pas entendu pour autant porter atteinte aux droits nés des contrats conclus, en vertu de l'article R. 315-25 du code de la construction et de l'habitation, entre les souscripteurs de «PEL» et les établissements bancaires.

Pour les députés requérants, le II de l'article 80 méconnaissait le principe d'égalité en limitant le caractère rétroactif de la mesure aux seuls comptes ouverts après le 11 décembre 2002 et en en excluant par là-même les versements effectués après cette date sur des comptes ouverts avant le 12 décembre 2002.

Mais cette différence de traitement se justifie par un motif d'intérêt général : le souci du législateur de ne pas remettre en cause l'économie de conventions en vigueur.

C'est, au contraire, s'il avait remis en cause cette économie que la disposition eût été suspecte sur le terrain de la liberté contractuelle et de la sécurité juridique (par exemple : n° 99-423 DC du 13 janvier 2000, cons. 37 à 45, Rec. p. 33).

S'ils ne constituent pas par eux-mêmes des impératifs de valeur constitutionnelle, ces deux « principes sentinelles » que constituent la liberté contractuelle [n° 2001-451 DC du 27 novembre 2001, sur l'article 13, LPA du 24 décembre 2001] et la sécurité juridique [Voir le dossier consacré à la sécurité juridique par le numéro 11 des Cahiers du Conseil constitutionnel] n'en sont pas moins les « garde-fous » d'exigences constitutionnelles telles que celles découlant des articles 4 (liberté) et 16 (garantie des droits) de la Déclaration de 1789.

7) L'article 88 de la loi déférée insérait dans le code de l'environnement un nouvel article L. 541-10-1 dont le premier alinéa est ainsi rédigé : « A compter du 1er janvier 2004, toute personne ou organisme qui met à disposition du public, distribue pour son propre compte ou fait distribuer dans les boîtes aux lettres ou sur la voie publique des imprimés publicitaires non adressés ou des journaux gratuits est tenu de contribuer ou de pourvoir à l'élimination des déchets ainsi produits ».

Son deuxième alinéa exonérait toutefois de cette obligation une série nombreuse et hétéroclite de catégories de personnes ou de documents.

Son troisième alinéa disposait que « Cette contribution est remise à un organisme agréé qui la verse aux collectivités au titre de participation aux coûts de collecte, de valorisation et d'élimination qu'elles supportent ».

Son quatrième alinéa prévoyait que « La personne ou l'organisme qui ne s'acquitte pas volontairement de cette contribution est soumis à une taxe annuelle affectée au budget de l'État », dont il précisait l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement.

Selon les deux saisines, les exceptions prévues par l'article 88 rendaient la nouvelle taxe contraire au principe d'égalité. Ils contestaient en particulier l'exonération accordée aux journaux gratuits de petites annonces.

Le Conseil a fait droit à cette argumentation, ce qui l'a conduit à déclarer non conforme la totalité de l'article 88 (la définition des catégories exonérées étant inséparable du reste de l'article).

Selon une jurisprudence constante [voir, tout récemment encore, la décision n° 2002-463 DC du 12 décembre 2002, à propos de la « taxe sur les bières fortes » instituée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003] :

- Il appartient au législateur de déterminer, conformément à l'article 34 de la Constitution, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être assujettis les contribuables ;

- Le principe d'égalité devant l'impôt ne fait pas obstacle à ce que soient établies des impositions spécifiques ayant pour objet d'inciter les redevables à adopter des comportements conformes à des objectifs d'intérêt général, pourvu que les règles qu'il fixe à cet effet soient justifiées au regard desdits objectifs.

Il est donc loisible au législateur, dans le but d'intérêt général qui s'attache à la protection de l'environnement, de faire prendre en charge par les personnes mettant gratuitement des imprimés à la disposition du public le coût du recyclage desdits imprimés.

En revanche, en prévoyant, comme il l'a fait en l'espèce, de faire échapper au champ d'application de l'article 88 toutes sortes de catégories d'imprimés distribués gratuitement au public [Une exonération en faveur des publications d'information politique et générale pourrait cependant être légitime au regard de l'article 11 de la Déclaration de 1789 (n° 2001-456 DC du 27 décembre 2001, cons. 37, Rec. p. 180)], le législateur a institué une différence de traitement sans rapport direct avec l'objectif qu'il s'est assigné. L'article 88 violait donc le principe d'égalité.

Le raisonnement ainsi suivi est identique à celui qui avait conduit à la censure de l'« écotaxe » [n° 2000-441 DC du 28 décembre 2000, cons. 32 à 38, Rec. p. 201].

8) Le 1° du II de l'article 298 bis du code général des impôts dispose qu'en matière de taxe sur la valeur ajoutée, sont soumis de plein droit au régime simplifié de l'agriculture les exploitants agricoles dont les activités sont, par leur nature ou leur importance, assimilables à celles exercées par des industriels ou des commerçants, même si ces opérations constituent le prolongement de l'activité agricole.

L'article 108 de loi déférée complète cette disposition en précisant que sont exceptées de l'assujettissement obligatoire à la taxe sur la valeur ajoutée au régime simplifié « celles de ces opérations considérées comme entrant dans les usages habituels et normaux de l'agriculture ».

La saisine des députés faisait grief à cette adjonction de manquer à l'obligation de clarté qui s'impose au législateur.

Celui-ci a jugé le Conseil, a cependant entendu se référer à l'interprétation, que l'administration a depuis longtemps fait connaître par ses instructions [Documentation de base de la DGI, n° 3 I 1122], des « usages habituels et normaux de l'agriculture » (par exemple : mise en pots de miel nature, mise en conserve de foies de volaille avec l'aide des seuls employés agricoles etc.).

A la lumière de la doctrine administrative à laquelle il a entendu se référer, l'article 108 ne comporte aucune ambiguïté et n'est, dès lors, pas contraire à l'exigence de clarté découlant de l'article 34 de la Constitution.

Le même raisonnement avait été suivi s'agissant de la « taxe d'équarrissage » [n° 2000-441 DC du 28 décembre 2000, cons. 30, Rec. p. 201] et de la taxe foncière sur les logements sociaux neufs [n° 2001-456 DC du 27 décembre 2001, cons. 38 à 41, Rec. p. 180].

III) LES CAVALIERS BUDGÉTAIRES

Devaient être déclarés non conformes à la Constitution comme ne trouvant pas leur place dans une loi de finances :

- L'article 28 (dénoncé à juste titre par les sénateurs requérants) qui se bornait à traiter du transfert d'un débit de boisson dans une autre commune membre du même établissement public de coopération intercommunale ;

- Les articles 91 à 95 et 99 qui aménageaient les règles de répartition entre collectivités territoriales de dotations dont ils ne modifiaient pas le montant global et donc sans affecter les charges de l'Etat [n° 82 155 DC du 30 décembre 1982, cons. 15, Rec. p. 88 ; n° 89-268 DC du 29 décembre 1989, cons. 27, Rec. p. 110. A compter du 1er janvier 2005, de telles dispositions auront leur place en loi de finances en vertu du c du 7° de l'article 34 de la loi organique du 1er août 2001].

Ces dispositions ne concernaient pas la détermination des ressources et des charges de l'Etat ; elles n'avaient pas davantage pour but d'organiser l'information et le contrôle du Parlement sur la gestion des finances publiques ; elles n'imposaient pas non plus aux agents des services publics des responsabilités pécuniaires ; elles n'entraînaient pas de créations ou de transformations d'emplois au sens du cinquième alinéa de l'article 1er de l'ordonnance du 2 janvier 1959 ; enfin, elles n'avaient pas le caractère de dispositions d'ordre fiscal.