• Commentaire DC

Commentaire de la décision 2001-457 DC

13/06/2023

Le 27 décembre 2001, le Conseil constitutionnel a rejeté les griefs présentés par plus de soixante sénateurs contre la loi de finances rectificative pour 2001. Il en a toutefois censuré quatre articles (39, 40, 41 et 47) comme étrangers au domaine des lois de finances et un cinquième (55) comme issu d'un amendement tardif.

1) Dispositions contestées

1) L'article 27 a pour objet de proroger le dispositif de crédit d'impôt pour dépenses de formation prévu à l'article 244 quater C du code général des impôts, pour une période de trois ans, au bénéfice des entreprises respectant les conditions qu'il fixe. Il s'agit en pratique des « PME » indépendantes. Sont ainsi exclues du bénéfice de la mesure les entreprises réalisant un chiffre d'affaires supérieur à 50 millions de francs. Selon les requérants, cette différence de traitement était « contraire aux principes de la politique de concurrence », sur le plan national comme sur le plan communautaire.

S'agissant de ce dernier grief, le Conseil a considéré que les requérants ne fondaient leur critique « sur aucun principe ou règle de nature à établir le caractère inconstitutionnel de l'article contesté ».

Par ailleurs, le principe d'égalité n'est pas méconnu par l'article 27. La définition du champ d'application du crédit d'impôt est fondée en effet sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec la politique d'aide aux petites et moyennes entreprises indépendantes, lesquelles, en raison d'un facteur d'échelle bien connu, ont plus de difficultés à mettre en oeuvre une politique de formation de leurs personnels que les grandes entreprises ou que les entreprises appartenant à un groupe.

2) L'article 62 dissipe un malentendu, suscité par la loi n° 2001-1062 du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne, quant au maintien du « droit de communication » traditionnel des agents des douanes, de la direction des impôts et de la Commission des opérations de bourse, dans le cas où ce droit s'exercerait sur les données conservées par les opérateurs de télécommunications, les « serveurs » et les fournisseurs d'accès à internet.

L'article L. 32-3-1 inséré dans le code des postes et télécommunications par l'article 29 de la récente loi relative à la sécurité quotidienne semblait en effet limiter un tel accès aux magistrats et officiers de police judiciaires dans le cadre de poursuites pénales.

Si la saisine mettait exclusivement en cause l'article 62 sur le terrain des libertés publiques, le Conseil a d'abord eu à examiner d'office sa place dans une loi de finances.

Le II de l'article 62 est relatif au droit de communication dont dispose l'administration fiscale, pour l'exercice de sa mission de contrôle, sur les données conservées et traitées dans le cadre de l'article L. 32-3-1 du code des postes et télécommunications. Il a incontestablement sa place en loi de finances. Il n'en va pas de même a priori du I et du III du même article, relatifs aux droits analogues conférés à l'administration des douanes et aux enquêteurs de la Commission des opérations de bourse. Le Conseil a toutefois considéré que les trois paragraphes constituaient « les éléments inséparables d'un dispositif d'ensemble ».

Sur le fond, les sénateurs requérants soutenaient que ces droits de communication étaient « insuffisamment précisés et encadrés ». L'article 62 donnait, selon eux, « aux agents concernés la possibilité de profiter d'une dérogation nouvelle aux règles d'effacement et de protection de l'anonymat des communications ».

Selon une jurisprudence constante, il appartient au législateur d'assurer la conciliation entre, d'une part, l'exercice des libertés constitutionnellement garanties et, d'autre part, la prévention des atteintes à l'ordre public et la lutte contre la fraude fiscale qui constituent des objectifs de valeur constitutionnelle (par exemple : n° 89-268 DC du 29 décembre 1989, cons. 96, Rec. p. 110 ; n° 97-389 DC du 22 avril 1997, cons. 10, Rec. p. 45 ; n° 98-405 DC du 29 décembre 1998, cons. 60 à 62, Rec. p. 326 ; n° 99-424 DC du 29 décembre 1999, cons. 52, Rec. p. 156).

En l'espèce, le Conseil a constaté que les dispositions critiquées avaient pour seul objet de préciser les conditions dans lesquelles s'exerce, sur les données conservées et traitées par les opérateurs de télécommunications et par les prestataires désignés aux articles 43-7 et 43-8 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, le droit de communication général conféré par la législation en vigueur aux agents des douanes, à ceux de la direction générale des impôts et aux enquêteurs de la Commission des opérations de bourse.

De plus, aux termes mêmes de la disposition contestée, le droit d'accès qu'elle ouvre aux données dont la divulgation serait éventuellement de nature à porter atteinte à la vie privée ne pourra s'exercer que « dans le cadre de l'article L. 32-3-1 du code des postes et télécommunications ». Or cet article énonce avec précision la nature et les conditions de conservation et de communication de ces informations. Ainsi, les données susceptibles d'être conservées et traitées portent exclusivement « sur l'identification des personnes utilisatrices de services fournis par les opérateurs et sur les caractéristiques techniques des communications assurées par ces derniers » et ne peuvent « en aucun cas porter sur le contenu des correspondances échangées ou des informations consultées, sous quelque forme que ce soit, dans le cadre de ces communications ». Enfin le droit de communication créé par l'article 62 au profit des services d'enquêtes douanières, fiscales et boursières s'exercera, comme par le passé, dans le respect des autres prescriptions légales relatives à l'accomplissement de leurs missions.

N'était dès lors pas critiquable la conciliation opérée par l'article 62 entre les différentes exigences constitutionnelles en cause.

3) L'article 68 a pour objet d'assurer le financement du « fonds commun des accidents du travail agricole » jusqu'à son extinction, compte tenu de l'entrée en vigueur de la loi n° 2001-1128 du 30 novembre 2001 portant amélioration de la couverture des non salariés agricoles contre les accidents du travail et les maladies professionnelles.

Ce fonds sera alimenté :

- pour moitié, par une contribution forfaitaire des organismes gestionnaires du régime venant à expiration le 31 mars 2002 (au prorata du nombre des personnes assurées auprès de chacun d'eux à cette date en application des articles L. 752-1 et L. 752-22 du code rural dans leur rédaction antérieure au 1er avril 2002) ;

- pour l'autre moitié, par une contribution forfaitaire des organismes participant à la gestion du nouveau régime prévu par la loi du 30 novembre 2001 (au prorata du nombre de personnes assurées auprès de chacun d'eux au 1er avril de chaque année).

Les sénateurs requérants faisaient grief à cette contribution d'être arbitraire et, faute pour la loi d'en avoir fixé le taux, contraire à l'article 34 de la Constitution.

Ce dernier grief méconnaissait la nature d'impôt de répartition de la contribution contestée.

En l'espèce, le législateur a épuisé sa compétence en disposant :

- d'une part, que le montant total des contributions sera égal, dans la limite d'un plafond annuel de 24 millions d'euros, « à la prévision de dépenses du fonds au titre de l'année, corrigée des insuffisances ou excédents constatés au titre de l'année précédente » ;

- d'autre part, que chacune des moitiés mentionnées ci-dessus sera répartie entre organismes assureurs au prorata du nombre des personnes assurées.

Par ailleurs, eu égard notamment au montant des sommes concernées et à son caractère décroissant, la désignation des organismes assujettis, comme les critères de leur assujettissement, sont objectifs et rationnels. Il n'est donc pas porté atteinte au principe d'égalité.

4) L'article 91 du collectif abroge l'article 11 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2002. Ainsi, pour la quatrième année consécutive, le législateur rétablit, après les avoir supprimés, les frais d'assiette et de recouvrement retenus par les services fiscaux pour la perception des impositions affectées aux organismes de sécurité sociale.

Pour les sénateurs requérants, l'article 91 faussait les prévisions de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 et empiétait, ce faisant, sur le domaine obligatoire des lois de financement de la sécurité sociale.

Il leur a été répondu que les dispositions invoquées (article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale) avaient pour objet de faire obstacle à ce que les conditions générales de l'équilibre financier, telles qu'elles résultent de la loi de financement de la sécurité sociale de l'année, modifiée, le cas échéant, par des lois de financement rectificatives, ne soient affectées par l'application de textes législatifs ou réglementaires dont les incidences sur les conditions de cet équilibre, dans le cadre de l'année, n'auraient pu au préalable être appréciées et prises en compte par l'une des lois de financement susmentionnées (en ce sens : n° 97-388 DC du 20 mars 1997, cons. 21, Rec. p. 31 ; n° 98-401 DC du 10 juin 1998, cons. 22, Rec. p. 258 ; n° 2000-441 DC du 28 décembre 2000, cons. 10, Rec. p. 201).

Or le montant global des frais d'assiette et de recouvrement facturés par l'Etat aux organismes de sécurité sociale est estimé à 52 millions d'euros. La mesure prévue par l'article critiqué n'a donc pas sur les conditions générales de l'équilibre financier de la sécurité sociale pour l'année 2002 une incidence telle qu'elle doive être prise en compte par une loi de financement de la sécurité sociale.

Par ailleurs, l'article 91 n'est pas un cavalier budgétaire.

Il en résulte que la répétition de l'abrogation, si critiquable soit-elle, n'est pas contraire à la Constitution.

II) Dispositions examinées d'office

1) L'article 39 permettait de différer la date d'effet de l'arrêté préfectoral étendant le périmètre d'une communauté urbaine ; l'article 40 prévoyait une disposition similaire pour les communautés d'agglomération ; l'article 41 modifiait les modalités de calcul de l'attribution de compensation versée à leurs communes membres par les établissements publics de coopération intercommunale dotés d'une fiscalité propre ; enfin, l'article 47 habilitait les conseils municipaux des villes de Paris, Marseille et Lyon à donner délégation aux conseils d'arrondissement pour la passation et l'exécution de certains marchés.

Aucun de ces articles ne se rattachait à l'une ou l'autre des cinq catégories de dispositions pouvant figurer en loi de finances en vertu de l'article 1er de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances. Ils ont donc été tous déclarés contraires à la Constitution.

Il convient de noter que l'examen d'office des « cavaliers » auquel procède le Conseil n'est pas nécessairement exhaustif.

2) A été également censuré l'article 55, celui-ci étant issu d'un amendement qui avait été adopté après la réunion de la commission mixte paritaire et insérait dans le texte une mesure ne présentant de relation directe avec aucune des dispositions restant en discussion. La jurisprudence est désormais stricte à cet égard (pour des applications récentes : 2000-430 DC du 29 juin 2000, cons. 5 à 7, Rec. p. 95 ; n° 2001-453 DC du 18 décembre 2001, cons. 30 à 38).