• Commentaire DC

Commentaire de la décision 2001-455 DC

13/06/2023

Le projet de loi de modernisation sociale comprenait 70 articles lors de son dépôt devant l'Assemblée nationale le 24 mai 2000. Lors de son adoption définitive, le 19 décembre 2001, il en comprenait 224. Ce plus que triplement donne la mesure de la part désormais prise par le Parlement dans la création des normes, à l'inverse de toutes les idées reçues.

Même si l'urgence initialement décidée a été levée au cours des débats, l'ambition qui s'est ainsi « engouffrée » dans la procédure législative n'a pas été sans risque. Des dispositions d'une grande importance pour la vie nationale (licenciements économiques, relations entre bailleurs et locataires...) ont été introduites sans être passées par les filtres usuels de la concertation et du Conseil d'Etat.

L'absence de consensus rendait inévitable la saisine du Conseil constitutionnel. Elle a pris la forme de deux saisines abondamment argumentées, toutes deux enregistrées à son secrétariat général le 20 décembre 2001.

Outre la procédure législative, contestée par la saisine des députés, vingt et un articles (soit le dixième) étaient expressément critiqués.

Ils l'étaient le plus souvent par le moyen tiré du défaut de clarté et d'intelligibilité. La décision comporte à cet égard un « chapeau » qui fait pour la première fois la synthèse des exigences constitutionnelles en cause :

- Le législateur doit pleinement exercer la compétence que lui confie l'article 34 de la Constitution et éviter, par les imprécisions, les ambiguïtés ou les obscurités qu'il introduit, de renvoyer à d'autres (pouvoir réglementaire, juridictions...) la responsabilité de régler des questions placées dans le domaine de la loi par le constituant (n° 99-423 DC du 13 janvier 2000, cons. 8, Rec. p. 33) ;

- Pour autant, a loi n'a pas « à tout dire » : les autorités administratives et juridictionnelles ont un pouvoir naturel d'interprétation, qui s'exerce conformément à l'intention du législateur et dans le respect des réserves éventuellement émises par le Conseil ;

- Le législateur ne doit pas méconnaître non plus l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité qui trouve son fondement dans les articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration de 1789 (n° 99-421 DC du 16 décembre 1999, cons. 13, Rec. p. 136);

- Pour autant, lorsqu'elle traite de matières complexes ou techniques, la loi ne peut éviter elle-même un certain degré de complexité ou de technicité ; ce qui est à proscrire, c'est la complexité inutile, spécialement lorsque les destinataires d'un texte sont des particuliers désarmés devant l'hermétisme que peut revêtir le droit positif (n° 2000-435 DC du 7 décembre 2000, cons. 52 et 53, Rec. p. 164).

Trois autres articles (134, 137, 216) appelaient un examen d'office.

I) Griefs mettant en cause la procédure législative dans son ensemble

Les députés requérants estimaient la procédure globalement viciée du fait de l'adoption, en deuxième lecture devant l'Assemblée nationale, de nombreux articles additionnels (dont quatorze concernent les licenciements). Il leur a été répondu que les dispositions ainsi insérées n'étaient pas dépourvues de tout lien avec un texte qui, dès l'origine, comportait des dispositions intéressant le droit du travail (en ce sens : n° 99-416 DC du 23 juillet 1999, loi portant création d'une couverture maladie universelle, cons. 54, Rec. p. 100).

Stricte à l'égard des amendements introduisant des dispositions nouvelles après la réunion de la commission mixte paritaire (n° 2001-453 DC du 18 décembre 2001, loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, à propos de l'article 18), la jurisprudence du Conseil constitutionnel est souple à l'endroit des amendements insérant des dispositions additionnelles avant la réunion de cette commission (n° 2001-445 DC du 19 juin 2001, loi organique relative au statut de la magistrature et au Conseil supérieur de la magistrature, cons. 49).

II) Dispositions contestées

Seules seront examinées ci-dessous les plus importantes d'entre elles.

1) L'article 48 abroge la loi n° 97-277 du 25 mars 1997 créant les plans d'épargne retraite (loi Thomas). La saisine sénatoriale soutenait que cette abrogation créerait une rupture d'égalité entre les salariés du secteur privé, désormais privés des possibilités offertes par la loi abrogée, et les fonctionnaires, auxquels le système « PREFON » permet de déduire de leurs revenus imposables les sommes versées en vue de compléter leurs pensions par une épargne retraite.

Il leur a été répondu :

- d'une part, que les uns et les autres relèvent de régimes juridiques différents au regard de la législation sur les retraites (n° 97-388 DC du 20 mars 1997, cons. 29 et 30, Rec. p. 31). La différence de traitement dénoncée est donc en rapport avec la loi qui l'établit (voir, pour une application récente de ce « standard jurisprudentiel » : n° 2000-452 DC du 6 décembre 2001, sur les articles 12 et 24) ;

- d'autre part, qu'il est loisible au législateur d'abroger des dispositions antérieures, pourvu que, ce faisant, il ne prive pas de garanties des exigences de valeur constitutionnelle (par exemple : n° 98-396 DC du 19 février 1998, cons. 16, Rec. p. 153).

En l'espèce, les exigences constitutionnelles sont celles du 11ème alinéa du Préambule de 1946 (« Tout être humain qui, en raison de son âge ... se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence »). Mais, en abrogeant la loi Thomas, le législateur ne dépouille pas ce principe de garanties, dès lors que les salariés relevant du régime général continuent de bénéficier des prestations servies par les régimes de base et les régimes complémentaires et qu'il ne leur est pas interdit (il est vrai sans avantage fiscal) de compléter leurs revenus de retraite en souscrivant volontairement une assurance vieillesse auprès d'organismes privés. On sait qu'en matière économique et sociale, la notion d' « effet-cliquet » est relative et la jurisprudence du Conseil réaliste (n° 97-393 DC du 18 décembre 1997, cons. 30 à 34, Rec. p. 320).

2) L'article 49 donne une base légale aux versements effectués depuis deux ans par le fonds de solidarité vieillesse (FSV) aux régimes complémentaires des salariés (AGIRC et ARRCO) au titre de la validation par ces régimes de périodes de chômage et de préretraite indemnisées par l'Etat. Ces versements correspondent à un engagement ancien de ce dernier.

Il était soutenu par les sénateurs requérants que cette disposition était contraire à l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale en ce que :

- le FSV aurait pour mission exclusive de concourir au financement des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale ;

- La charge imposée par l'article 49 au FSV ne pourrait être prise en compte que selon la méthode des « encaissements - décaissements », alors que les recettes et les dépenses des organismes situés dans le périmètre des lois de financement de la sécurité sociale (LFSS) relèvent désormais de la méthode des droits constatés. Serait ainsi affectée la sincérité de la LFSS pour 2002.

Sur le premier point, il leur a été répondu qu'en mentionnant les « organismes créés en vue de concourir au financement des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale », le législateur organique n'a pas exclu que de tels organismes puissent également concourir au financement des régimes complémentaires.

Sur le second point, le Conseil a relevé que les annexes à la LFSS mentionnées au II de l'article LO 111-4 du code de la sécurité sociale ne constituent que des « documents mis à la disposition des membres du Parlement pour assurer leur information » (n° 97- 393 DC du 18 décembre 1997, cons. 3, Rec. p. 320). Elles n'ont pas valeur législative, comme en a jugé le Conseil d'Etat à propos du rapport mentionné au I de l'article LO 111-4, qui expose « les orientations de la politique de la santé et de la sécurité sociale et les objectifs qui déterminent les conditions générales de l'équilibre financier de la sécurité sociale », rapport pourtant approuvé par le Parlement en vertu du 1° de l'article LO 111-3 et amendé par celui-ci (Conseil d'Etat, Ass., 5 mars 1999, Rouquette et autres) . Il en est ainsi a fortiori des annexes prévues par le II de l'article LO 111-4.

3) L'article 96 reprend, en les précisant, les dispositions censurées pour incompétence négative par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 99-423 DC du 13 janvier 2000, cons. 8, Rec. p. 33). Il s'agit du fameux « amendement Michelin ».

Le Conseil a jugé en 2000 qu'en instituant une obligation préalable à l'établissement du plan social, sans préciser les effets de son inobservation et, en particulier, en laissant aux autorités administratives et juridictionnelles le soin de déterminer si cette obligation était une condition de validité du plan social, et si son inobservation rendait nulles et de nul effet les procédures de licenciement subséquentes, le législateur n'avait pas pleinement exercé sa compétence.

Contrairement à ce que soutenaient les deux saisines, l'article 96 n'encourt pas cette critique, dès lors qu'il précise le cas (il n'y en a qu'un) dans lequel l'inobservation de la nouvelle obligation (avoir conclu un accord de réduction du temps de travail, ou s'être valablement engagé dans cette voie, préalablement à l'établissement d'un « plan de sauvegarde de l'emploi ») entraîne la nullité de la procédure de licenciement. Ce cas se présente lorsque, saisi par le comité d'entreprise, ou à défaut par les délégués du personnel, le juge des référés, ayant suspendu la procédure pendant le délai qu'il détermine, constate, au terme de ce délai, que les conditions ne sont toujours pas remplies.

Dans tous les autres cas (absence de saisine du juge des référés, rejet par celui-ci de la demande de suspension ou constat éventuel par celui-ci que les conditions sont impossibles à remplir [il en est ainsi dans les entreprises où n'existent pas d'organisations syndicales représentatives]), la procédure peut suivre son cours et les licenciements subséquents échappent à la nullité.

Un deuxième grief était tiré par les deux saisines de ce que l'article 96 rompait l'égalité entre les entreprises disposant de délégués syndicaux et les autres. Mais, d'une part, la loi du 19 janvier 2000 sur la réduction du temps de travail (« Aubry II ») a prévu des formules dérogatoires permettant de conclure un accord collectif de réduction en l'absence d'organisations syndicales représentatives ; d'autre part, l'impossibilité dans laquelle serait un chef d'entreprise de bonne foi de trouver un interlocuteur pour conclure un accord de réduction du temps de travail relèverait l'entreprise de son obligation, ce que ne manquerait pas de constater le juge des référés s'il était saisi. Cette impossibilité résulterait notamment de l'absence de délégués syndicaux lorsqu'elle n'est pas due à l'obstruction de l'employeur. S'appliquerait dans ce cas, comme l'indiquait le Gouvernement dans ses observations, la théorie de la formalité impossible.

4) L'article 107 est au coeur de la série d'amendements, relatifs aux licenciements pour motif économique adoptés par l'Assemblée nationale en deuxième lecture.

Il rédige de la façon suivante l'article L. 321-1 du code du travail :

« Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification du contrat de travail, consécutives soit à des difficultés économiques sérieuses n'ayant pu être surmontées par tout autre moyen, soit à des mutations technologiques mettant en cause la pérennité de l'entreprise, soit à des nécessités de réorganisation indispensables à la sauvegarde de l'activité de l'entreprise.

Les dispositions du présent chapitre sont applicables à toute rupture du contrat de travail résultant de l'une des trois causes énoncées à l'alinéa précédent ».

Les deux saisines reprochaient à cette disposition de porter à la liberté d'entreprendre une atteinte excessive, d'être entachée d'incompétence négative et de rompre l'égalité entre salariés en privant nombre d'entre eux du régime protecteur attaché à la qualification de licenciement pour motif économique.

Il n'a pas été nécessaire d'examiner les deux derniers griefs, le premier étant fondé et entraînant la censure de l'article 107.

En l'état de la jurisprudence du Conseil, il n'est loisible au législateur d'apporter de limitations à la liberté d'entreprendre, qui découle de l'article 4 de la Déclaration de 1789, qu'à condition :

- que ces limitations soient liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général (condition régissant également les limitations imposées à l'exercice du droit de propriété : n° 2000-434 DC du 20 juillet 2000, cons. 30 et 31, Rec. p. 107) ;

- que lesdites limitations n'aient pas pour conséquence de « dénaturer » la portée de la liberté d'entreprendre (n° 98-401 DC du 10 juin 1998, cons. 26, Rec. p. 258 ; n° 99-423 DC du 13 janvier 2000, cons. 27, Rec. p. 33) ;

- que les restrictions édictées ne limitent pas la liberté d'entreprendre dans des proportions excessives au regard de l'objectif poursuivi (n° 2000-433 DC du 27 juillet 2000, cons. 40, Rec. p. 121 ; n° 2000-436 DC du 7 décembre 2000, cons. 20, Rec. p. 176 ; n° 2000-439 DC du 16 janvier 2001, cons. 13).

Cette dernière condition n'était pas satisfaite en l'espèce.

On relèvera d'abord que l'intention du législateur a clairement été de restreindre aux trois hypothèses mentionnées à l'article 107 la possibilité de procéder à un licenciement pour motif économique. En atteste la disparition de l'adverbe « notamment » figurant dans l'actuel article L. 321-1 du code du travail.

L'actuel article L. 321-1, issu de la loi n° 89-549 du 2 août 1989 relative au licenciement économique et au droit à la conversion, prévoit deux situations rendant possible le licenciement économique : les difficultés économiques et les mutations technologiques. Toutefois, cette liste n'est qu'indicative. La présence de l'adverbe « notamment » a permis à la jurisprudence de considérer certaines hypothèses non mentionnées comme constitutives d'un motif économique. Tel est le cas de la réorganisation décidée pour assurer la sauvegarde de la compétitivité économique de l'entreprise (Cass. Soc. 5 avril 1995, Video Colors ; 8 décembre 2000, SAT) ou encore de la cessation d'activité, lorsqu'elle n'est pas imputable à une faute de l'employeur (Cass. Soc. 16 janvier 2001, Morvant).

Tout changeait avec la suppression de l'adverbe « notamment », d'autant que l'article 107 ne se bornait pas à codifier la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation, mais entendait au contraire restreindre les hypothèses reconnues par cette jurisprudence comme constituant une cause économique de licenciement.

L'atteinte à la liberté d'entreprendre (qui est aussi celle de se désengager d'une entreprise) était manifestement excessive dans le cas de la cessation d'activité. Il suffit de penser au petit employeur qui, arrivé à l'âge de se retirer, ne trouverait pas repreneur pour poursuivre l'activité. L'obligation de rester indéfiniment « à la barre » (ou à déposer son bilan) excèderait alors « les sacrifices d'ordre personnel ou patrimonial qui peuvent être demandés aux individus dans l'intérêt général » (n° 88-244 DC du 20 juillet 1988, cons. 26, Rec. p. 119).

L'atteinte disproportionnée était également constituée dans le cas des réorganisations décidées pour assurer la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise. En effet, en retardant de telles réorganisations jusqu'à ce qu'il soit démontré que les difficultés économiques n'ont pu être « surmontées par d'autres moyens », ou jusqu'à ce que l'existence même de l'entreprise soit menacée, le législateur, loin de satisfaire à l'exigence constitutionnelle qui s'attache à la sauvegarde de l'emploi (cinquième alinéa du Préambule de 1946 : « Chacun a le devoir de travailler et le droit d'obtenir un emploi »), desservirait cette exigence en retardant des réorganisations inéluctables, à un coût plus élevé en emplois et dans des conditions financières ne permettant plus aux entreprises d'assurer de manière satisfaisante le reclassement des salariés licenciés.

C'est donc autant une atteinte au « droit d'obtenir un emploi » reconnu par le Préambule de 1946 qu'une atteinte disproportionnée à la liberté d'entreprendre qu'a sanctionnée le Conseil constitutionnel le 12 janvier 2002.

Enfin, l'un des trois éléments utilisés à l'article 107 pour définir le motif économique du licenciement (« difficultés économiques sérieuses n'ayant pu être surmontées par tout autre moyen ») aurait conduit le juge non plus seulement à vérifier la licéité de la cause fondant les choix de gestion du chef d'entreprise, mais à substituer à ceux-ci son appréciation, méconnaissant ainsi la responsabilité, propre au chef d'entreprise, de fixer les buts et les moyens de sa gestion et notamment « de choisir ses collaborateurs » , responsabilité dans laquelle le Conseil constitutionnel a vu une composante essentielle de la liberté d'entreprendre (n° 88-244 DC du 20 juillet 1988, cons. 22, Rec. p. 119).

5) Les deux saisines estimaient l'article 108 entaché d'incompétence négative en raison de l'imprécision de la première condition à laquelle il assujettit le licenciement pour motif économique : « lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés ».

Le grief méconnaissait que cette formule ne peut avoir qu'une interprétation sérieuse: « Tous les efforts » signifie les efforts qui peuvent être raisonnablement attendus de l'entreprise, compte tenu de sa situation économique, d'une part, des qualifications et du comportement du salarié, d'autre part.

Par ailleurs, c'est au regard des possibilités de reclassement pour chaque catégorie de salariés que doivent être appréciés les efforts de formation et d'adaptation de l'employeur. Comme il ressort des travaux parlementaires, l'obligation de formation et d'adaptation visée à l'article 108 est indissociable de l'obligation de reclassement.

Enfin, la nullité ne se présumant pas, l'inobservation de l'obligation contestée, à supposer qu'on lui donne une portée autonome, n'entraînerait pas la nullité du licenciement.

Cette interprétation de bon sens n'est contraire ni aux travaux parlementaires, ni à la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation, laquelle admet par exemple que l'employeur n'a pas, pour permettre le reclassement d'un salarié, à combler les lacunes de sa formation initiale (3 avril 2001, Marzouk et autres).

6) L'article 118 met à la charge des entreprises de plus de mille salariés, fermant totalement ou partiellement un site, des mesures « permettant la création d'activités et le développement des emplois dans le bassin d'emploi affecté ».

Une convention passée avec le représentant de l'Etat dans le département précise le contenu des « actions de réactivation du bassin d'emploi » prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi et leurs conditions de mise en œuvre. Ces mesures sont financées par l'entreprise à hauteur d'un montant, par emploi supprimé, compris entre deux et quatre fois la valeur mensuelle du salaire minimum de croissance (« SMIC »). C'est le préfet qui détermine ce montant, à l'intérieur de la fourchette ainsi définie, en fonction des capacités financières de l'entreprise, du nombre d'emplois supprimés et de la situation du bassin d'emploi.

En l'absence de convention, l'employeur verse au Trésor public le montant maximum, soit quatre SMIC mensuels par emploi supprimé. En cas d'inexécution totale ou partielle des mesures prévues par la convention, l'employeur verse au Trésor la différence constatée entre le montant des actions prévues et le montant des actions réalisées.

Selon les saisines, ce dispositif était entaché d'incompétence négative dès lors qu'il instituait une « imposition de toutes natures » dont le barème était, aux yeux des requérants, insuffisamment défini. Elles le présentaient en outre comme contraire tant au principe d'égalité devant la loi qu'au principe d'égalité devant les charges publiques.

Sur le premier point, il convient de relever que, tant que l'entreprise honore ses obligations, l'article 118 institue une dépense obligatoire et non un impôt. Ce n'est qu'à défaut de convention, ou en cas d'exécution incomplète de la convention, que l'article 118 institue une imposition. Mais le montant de celle-ci est alors parfaitement défini.

S'agissant de l'atteinte à l'égalité devant les charges publiques, il convient de rappeler qu'aux termes de l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen : « Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ». Si ce principe n'interdit pas au législateur de mettre à la charge de certaines catégories de personnes des obligations particulières en vue d'améliorer les conditions de vie d'autres catégories de personnes, il ne doit pas en résulter de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques (par exemple : n° 99-416 DC du 23 juillet 1999, cons. 19, Rec. p. 100).

En l'espèce, la charge imposée aux entreprises par emploi supprimé (au maximum quatre SMIC mensuels) n'est pas constitutive d'une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques.

Enfin, l'atteinte au principe d'égalité devant la loi était constituée, selon les saisines, par la non-affectation (à des mesures de sauvegarde de l'emploi) des versements effectués par les entreprises à défaut de remplir leurs obligations. Une telle imposition ne reposait pas, du point de vue des requérants, sur des critères objectifs et rationnels.

Toutefois, l'imposition critiquée a une finalité incitative. Peu importe, dès lors, que son produit soit affecté à des mesures d'aide à l'emploi ou se fonde dans l'ensemble des recettes fiscales de l'Etat (n° 2000-442 DC du 28 décembre 2000, cons. 2 à 5, Rec. p. 211).

7) L'article 158 insère dans l'article 1er de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs deux alinéas ainsi rédigés :

« Aucune personne ne peut se voir refuser la location d'un logement en raison de son origine, son patronyme, son apparence physique, son sexe, sa situation de famille, son état de santé, son handicap, ses moeurs, son orientation sexuelle, ses opinions politiques, ses activités syndicales ou son appartenance ou sa non-appartenance vraie ou supposée à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée.

En cas de litige relatif à l'application de l'alinéa précédent, la personne s'étant vu refuser la location d'un logement présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ».

Les requérants estimaient le dispositif ainsi retenu contraire au principe de présomption d'innocence proclamé par l'article 9 de la Déclaration de 1789.

Le moyen était inopérant car le « litige » auquel se réfère l'article 158 ne peut relever que du juge civil. L'article 1er de la loi du 6 juillet 1989 n'est pas sanctionné pénalement.

L'aménagement de la charge de la preuve organisé par les articles 158 et 169 s'inspire des termes de plusieurs directives communautaires relatives à la lutte contre les discriminations à raison du sexe, de la race, de l'origine ethnique, de la religion, des convictions, de l'orientation sexuelle, de l'âge ou du handicap (article 4 de la directive 97/80 du 15 décembre 1997, article 8 de la directive 2000/43 du 29 juin 2000, article 10 de la directive 2000/78 du 27 novembre 2000).

Une réserve sur la charge de la preuve a cependant été émise : nécessité pour la victime de présenter des éléments de présomption précis et concordants « laissant supposer » la discrimination, étant rappelé que la disposition critiquée elle-même invite le juge (en particulier, peut-on penser, lorsque les circonstances rendent l'administration de la preuve contraire matériellement impossible) à forger sa conviction au vu de l'ensemble des données de l'espèce. Cette réserve ne contrarie pas les directives communautaires relatives à la lutte contre les discriminations. Elle permet au contraire de rapprocher le texte critiqué des termes employés par ces directives. Elle conforte en outre la jurisprudence judiciaire (Cass. Crim. 23 novembre 1999, Seillier c/ CEA ; 28 mars 2000, Fluchère c/ SNCF).

La réserve permet surtout de faire prévaloir le caractère juste, équitable et contradictoire de la procédure , lequel garantit, devant toute juridiction, même civile, le respect du principe des droits de la défense et d'un « équilibre des armes » acceptable entre parties (en ce sens : n° 84-183 DC du 18 janvier 1985, cons. 8, Rec. p. 32 ; n° 86-214 DC du 3 septembre 1986, cons. 3, Rec. p. 128 ; n° 98-408 DC du 22 janvier 1999, cons. 25, Rec. p. 29 ; Cass. Ass. pl., 30 juin 1995).

8) Les articles 169 et 170 sont relatifs à la lutte contre le « harcèlement moral » au travail. L'article 169 traite également, par renvoi à l'actuel article L 122-46 du code du travail, du harcèlement sexuel au travail.

L'article 169 insère à cet effet cinq articles (L. 122-49 à L. 122-53) dans le code du travail.

Aux termes du premier alinéa du nouvel article L. 122-49 :

« Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».

La saisine sénatoriale estimait cette disposition entachée d'incompétence négative en raison du caractère trop vague du terme « ses droits ».

Toutefois, les travaux préparatoires permettent de délimiter le sens de l'expression « ses droits ». Ainsi, le rapporteur de l'Assemblée nationale, Monsieur Terrier, indique dans son rapport en nouvelle lecture que « l'Assemblée nationale a souhaité retenir cette précision proposée par le Conseil économique et social ». Si l'on consulte l'avis consacré par le Conseil économique et social au problème du harcèlement moral dans l'entreprise, il apparaît que les droits dont il s'agit sont ceux que le salarié tire de son contrat de travail et notamment de l'article L. 120-2 du code du travail : « Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ».

Les droits auxquels on se réfère ici sont donc seulement les droits de la « personne située dans un environnement professionnel ».

b) Aux termes du nouvel article L. 122-52 du code du travail :

« En cas de litige relatif à l'application des articles L. 122-46 et L. 122-49, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ses agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ».

Les sénateurs requérants estimaient ce « mécanisme de preuve » contraire au principe de présomption d'innocence énoncé par l'article 9 de la Déclaration. Toutefois, comme l'indique le terme « litige », et comme il a été dit plus haut à propos de l'article 158, le dispositif critiqué est sans application en matière pénale.

En revanche, la même réserve sur l'aménagement de la charge de la preuve qu'à l'article 158 a été émise pour l'article 169 et pour les mêmes motifs. Elle jouera devant la juridiction du travail

Par ailleurs, le Conseil a pris le soin de souligner que ce régime de preuve était sans application en matière pénale, car le harcèlement moral est sanctionné pénalement.

c) Il l'est même deux fois :

- la première du fait de l'insertion de la référence à l'article L. 122-49 dans l'article L. 152-1-1 (disposition pénale du code du travail), opérée par le IV de l'article 169 ;

- la deuxième du fait de l'insertion dans le code pénal lui-même, par l'article 170, d'un article 222-33-2 ainsi rédigé : « Le fait de harceler autrui par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende ».

Les sénateurs requérants voyaient dans cette double incrimination une violation du principe de nécessité des peines.

Toutefois, le Conseil constitutionnel fait jouer en pareil cas la règle « non bis in idem » (voir n° 89-260 du 28 juillet 1989, cons. 22, Rec. p. 71). Il invite par là le juge judiciaire à appliquer strictement la théorie du « cumul idéal d'infractions ». Ne s'applique que l'incrimination la plus haute (ici le nouvel article 222-33-2 du code pénal). L'incrimination prévue par le code du travail devrait donc être sans objet en ce qui concerne le premier alinéa de l'article L. 122-49 du code du travail.

9) L'article 217 modifie l'article 225-23 du code de commerce pour rendre obligatoire la nomination de représentants des salariés actionnaires au sein des organes de direction d'une société lorsque le taux de participation des salariés au capital dépasse 3 %.

Quatre griefs étaient articulés par les sénateurs requérants contre l'article 217 : irrégularité de la procédure législative ; incompétence négative ; atteinte au principe d'égalité ; violation du principe de participation des travailleurs à la gestion des entreprises.

a) La procédure législative était irrégulière, aux yeux des requérants, parce que l'amendement dont est issu l'article 217 était pour eux sans lien avec le texte. Mais cet amendement a été adopté dès la première lecture et n'est évidemment pas sans lien avec un texte qui, dès le dépôt du projet de loi, comportait des dispositions relatives au droit du travail. Or, la question de la représentation des salariés actionnaires au conseil d'administration ne relève pas seulement, comme affectaient de le penser les saisissants, du droit des sociétés. Elle intéresse aussi le droit du travail. On doit même considérer que cette représentation, comme tout ce qui touche à l'intéressement et à la participation des travailleurs, est une modalité particulière de mise en oeuvre de l'exigence constitutionnelle découlant du huitième alinéa du Préambule de 1946 (« Tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués, ... à la gestion des entreprises »). Les représentants des salariés actionnaires sont, au sens du Préambule de 1946, des délégués des travailleurs.

b) Le grief tiré de l'incompétence négative manquait en fait. L'article 217 apporte en effet toutes les précisions, de niveau législatif, nécessaires à son application. En particulier, le taux de participation au capital déclenchant l'obligation d'accueillir au sein du conseil d'administration un ou plusieurs représentants des salariés actionnaires est précisément déterminé : c'est la part de capital détenue par les actionnaires visés à l'article L. 225-102 du code de commerce. On notera que, en raison de la définition donnée des salariés actionnaires par ce dernier article, les salariés concernés sont ceux qui, en quelque sorte, sont institutionnellement associés au capital de l'entreprise (plans d'épargne d'entreprise, fonds commun de placement...) et non ceux qui détiennent ses actions comme le ferait un épargnant anonyme. Il en résulte notamment que les « salariés actionnaires » visés par l'article 217 sont nécessairement connus de la société.

De même, si l'article 217 ne règle pas explicitement l'hypothèse où la part des salariés actionnaires fluctuerait autour de 3 %, il la traite implicitement mais nécessairement : c'est à l'occasion du rapport annuel présenté à l'assemblée générale en application de l'article L. 225-102 du code de commerce qu'est décidée la nomination d'un ou de plusieurs représentants des salariés - ou la disparition de cette représentation, sauf disposition statutaire contraire, au cas où le taux serait tombé au-dessous de 3 % à la fin de l'exercice précédent.

c) Le principe d'égalité est sauf entre salariés et entre actionnaires dès lors qu'au regard de l'objectif poursuivi - l'association capital travail - les « salariés actionnaires » sont placés dans une situation différente de celle des autres salariés et de celle des autres actionnaires. Il est non moins respecté entre sociétés, puisque, précisément, l'article 217 les traite toutes également, que le seuil de 3% n'est pas arbitraire et qu'il n'est entaché d'aucune erreur manifeste d'appréciation.

d) Enfin, ne pouvait qu'être rejeté, en raison de ce qui a été dit plus haut à propos de la procédure législative, le grief tiré d'une méconnaissance du huitième alinéa du Préambule de 1946.

III) Dispositions examinées d'office :

1) Articles 134 et 137

Ces deux articles modifient le code de l'éducation de manière à permettre l'obtention de diplômes par « la validation des acquis de l'expérience ».

A cet effet, ils confient à un jury le soin de prononcer cette validation. Ainsi, l'article 134, relatif aux diplômes et titres à finalité professionnelle, dispose que « La validation est effectuée par un jury dont la composition garantit une présence significative de représentants qualifiés des professions concernées ». Pour sa part, l'article 137, relatif aux diplômes ou titres délivrés, au nom de l'Etat par un établissement d'enseignement supérieur, dispose que la validation « est prononcée par un jury dont les membres sont désignés par le président de l'université ou le chef de l'établissement d'enseignement supérieur en fonction de la nature de la validation demandée (...). Ce jury comprend, outre les enseignants chercheurs qui en constituent la majorité, des personnes compétentes pour apprécier la nature des acquis, notamment professionnels, dont la validation est sollicitée ». Les modalités d'application de ces dispositions sont renvoyées par les deux articles 134 et 137 à un décret en Conseil d'Etat.

Les dispositions précitées n'appellent aucune critique constitutionnelle.

Toutefois, aux termes de l'article 134, la composition du jury « concourt à une représentation équilibrée entre les femmes et les hommes ». A ceux de l'article 137 : « Les jurys sont composés de façon à concourir à une représentation équilibrée entre les femmes et les hommes ».

Or, en vertu de l'article 6 de la Déclaration de 1789 : « Tous les citoyens (...) sont également admissibles à toutes les dignités, places et emplois publics selon leur capacité et sans autre distinction que celles de leurs vertus et de leurs talents ».

En raison de la mission confiée aux jurys prévus par les articles 134 et 137 de la loi déférée, il ne fait pas de doute que leurs membres occupent, au sens de l'article 6 de la Déclaration de 1789, des « dignités, places et emplois publics ».

Le Conseil constitutionnel a exclu qu'en pareille matière la considération du sexe puisse prévaloir sur celle « des capacités, des vertus et les talents », pour reprendre l'expression des auteurs de la Déclaration. Il l'a tout récemment fait à propos de l'élection des « magistrats de base » siégeant au Conseil supérieur de la magistrature (n° 2001-445 DC du 19 juin 2001, loi organique relative au statut des magistrats et au Conseil supérieur de la magistrature, cons. 56 à 59).

N'a pas été pour autant prononcée une censure, mais une réserve d'interprétation.

Tout d'abord, il n'est pas contraire à l'article 6 de la Déclaration de rechercher une composition équilibrée entre les femmes et les hommes d'un jury (ou, plus généralement, de toute commission ou de tout organe relevant de la « sphère publique »), dès lors que cet équilibre est recherché « à mérites égaux ». Il serait en revanche contraire au principe d'égalité proclamé par l'article 6 de la Déclaration de faire prévaloir la considération du sexe sur celle des compétences, des aptitudes et des qualifications.

Par ailleurs, la réserve servira de « grille de lecture » pour l'application des articles 24 à 31 de la loi n° 2001-397 du 9 mai 2001 relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Ces dispositions, qui n'ont pas été déférées au Conseil constitutionnel, comportent déjà la formule « concourir à une représentation équilibrée entre les femmes et les hommes » s'agissant de divers types de commissions oeuvrant elles aussi dans la « sphère publique » (organismes consultatifs des trois fonctions publiques, jurys et comités de sélection des fonctionnaires...).

2) Article 216

L'article 216 insère dans le code général des collectivités territoriales (CGCT) des dispositions permettant aux communes, aux départements et aux régions « d'attribuer des subventions de fonctionnement aux structures locales des organisations syndicales représentatives dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat ».

Une jurisprudence ancienne du Conseil d'Etat n'admet l'intervention économique et sociale des collectivités territoriales que lorsque son intérêt local est suffisant.

Par exemple, s'agissant des aides aux organismes à but non lucratif, il a été jugé :

- qu'est légale la subvention allouée par une commune à la section locale de l' « Union des vieux travailleurs de France » en raison de l' « objet principalement social sur le plan local » que poursuit cette section (Conseil d'Etat, assemblée, 25 octobre 1957, commune de Bondy, Rec. p. 552) ;

- qu'en revanche, doit être annulée une délibération accordant une subvention à une association de défense contre un projet d'autoroute (TA Grenoble, 7 juillet 1994, Préfet de l'Isère) ;

- ou qu'il n'appartient pas à un conseil municipal d'apporter son soutien financier à l'une des parties en litige dans un conflit social (CE, 20 novembre 1985, commune d'Aigues-Mortes, Leb. p. 330).

De façon générale, le Conseil d'Etat tire de la règle selon laquelle « le conseil municipal règle, par ses délibérations, les affaires de la commune » l'interprétation suivante : « ce texte, dont l'origine remonte à l'article 61 de la loi du 5 avril 1884, et qui a été successivement repris aux articles L. 121-26 du code des communes, puis à l'article L. 2121-29 du code général des collectivités territoriales, habilite le conseil municipal à statuer sur toutes les questions d'intérêt public communal, sous réserve qu'elles ne soient pas dévolues par la loi à l'Etat ou à d'autres personnes publiques et qu'il n'y ait pas empiètement sur les attributions conférées au maire ». Ce considérant de principe figure dans un arrêt tout récent (Conseil d'Etat, 29 juin 2001, commune de Mons-en-Baroeul).

Cette jurisprudence tire toutes les conséquences du « principe de spécialité » qui régit les collectivités territoriales.

Le principe de spécialité est rappelé par l'article 2121-29 du CGCT s'agissant des communes (« Le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune »), par l'article L. 3211-1 s'agissant des départements (« Le conseil général règle par ses délibérations les affaires du département ») et par l'article L. 4221-1 s'agissant des régions (« Le conseil régional règle par ses délibérations les affaires de la région »). La formule, on le sait, fut forgée au XIXème siècle (loi départementale du 10 août 1871, loi municipale du 5 avril 1884). Elle trouve aujourd'hui un « ancrage constitutionnel » dans l'article 72 de la Constitution de 1958 : les collectivités territoriales « s'administrent librement par des conseils élus ».

L'article 216 incite à la réflexion à cet égard, car c'est de manière générale et sans poser de condition de fond relative à l'intérêt local d'une telle aide qu'il habilite les assemblées locales à octroyer des subventions aux structures locales des organisations syndicales.

Le Conseil a émis une réserve d'interprétation permettant au juge administratif de maintenir sa jurisprudence traditionnelle. La réserve indique que, pour assurer le respect du principe d'égalité devant les délibérations des assemblées locales, ces dernières doivent traiter sans discrimination les structures syndicales locales également éligibles à une subvention du fait de l'intérêt général des missions qu'elles remplissent sur le plan local.