• Commentaire DC

Commentaire de la décision 2001-449 DC

13/06/2023

Pour la première fois de son histoire, le Conseil constitutionnel était saisi d'une loi qu'il venait d'examiner.

Le recours signé par Madame BOUTIN et cinquante neuf autres députés contre la loi relative à l'IVG et à la contraception a été en effet enregistré le 29 juin 2001 à 20 heures 10, alors que le Conseil s'était prononcé sur cette loi dans la matinée du 27 juin, par une décision n° 2001-446 DC (cf ci-dessus).

La notification de la décision du 27 juin 2001 aux autorités de promulgation s'est faite en cours d'après-midi et sa publication (au sens de l'article 21 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel) a été réalisée le jour même du fait de cette notification et par sa mise à la disposition du public sur le site internet du Conseil. La suspension du délai de promulgation a donc pris fin le 27 juin 2001 dans la soirée.

La loi déférée avait été définitivement adoptée le 30 mai 2001, soit 30 jours avant la deuxième saisine (celle des députés). La première saisine (celle des sénateurs) avait été enregistrée, quant à elle, le 7 juin 2001. Le 29 juin, date d'enregistrement de la deuxième saisine, le Président de la République n'avait toujours pas promulgué la loi [On sait que la promulgation de la loi par le Président de la République la fait immédiatement échapper au contrôle de constitutionnalité (n° 97-392 DC du 7 nov. 1997, Rec. p. 235).]. Suspendu par l'examen de la première saisine, le délai de promulgation était réouvert et n'était pas expiré [Voir dernier alinéa de l'article 61 de la Constitution: "… La saisine du Conseil suspend le délai de promulgation. " Le délai de promulgation est lui-même fixé par le premier alinéa de l'article 10 de la Constitution dans les termes suivants: " Le Président de la République promulgue les lois dans les quinze jours qui suivent la transmission au Gouvernement de la loi définitivement adoptée. " Il s'agit là d'une compétence liée du chef de l'État, sauf pour ce dernier à faire jouer le second alinéa de l'article 10, en vertu duquel: " Il peut, avant l'expiration de ce délai, demander au Parlement une nouvelle délibération de la loi ou de certains de ses articles. Cette nouvelle délibération ne peut être refusée."].

Les députés saisissants mettaient en cause deux articles qui n'avaient fait l'objet d'aucune critique de la part des sénateurs requérants et n'avaient pas été examinés d'office par le Conseil.

Toutefois, le Conseil n'a pas eu à répondre à ces nouveaux griefs (ce qu'il aurait évidemment dû faire si la deuxième saisine avait été enregistrée avant la tenue de la séance plénière au cours de laquelle il a statué sur la loi déférée).

Les articles 10 et 61 de la Constitution enserrent en effet les délais de promulgation (par le Président de la République) et d'examen (par le Conseil) dans des limites étroites : 15 jours pour la promulgation (art. 10) et un mois (8 jours en cas d'urgence) pour le contrôle de constitutionnalité (art. 61), soit 45 jours au maximum entre le vote définitif de la loi et la promulgation de celle-ci.

Toute solution qui autoriserait le dépassement de ce délai maximal de promulgation (15 jours + un mois) méconnaîtrait la volonté du constituant, qui a été de ne pas différer indéfiniment l'entrée en vigueur d'un texte. Or tel serait le cas de l'admission d'une saisine au lendemain de la décision du Conseil sur le même texte. A cet égard, le Gouvernement, dans ses observations, faisait pertinemment part de ses doutes sur le point de savoir si « les dispositions de l'article 61 de la Constitution ... permettent que le délai de promulgation, qui a recommencé à courir à la suite de l'intervention de la décision du 27 juin 2001, soit à nouveau suspendu... ».

Permettre les saisines postérieures à une décision du Conseil ouvrirait la voie à une sorte d' « obstruction à la promulgation » qui permettrait, par réitération des recours, de repousser indéfiniment la promulgation d'un texte. Ce n'est assurément pas ce qu'a voulu le constituant. En vérité, l'agencement des délais fixés aux articles 10 et 61 de la Constitution faisait implicitement mais nécessairement obstacle à l'examen du recours de Madame BOUTIN et de ses collègues.

Notons que le rejet prononcé par la décision n° 2001-449 DC ne se fonde aucunement sur une autorité de chose jugée qui s'attacherait au « considérant balai » traditionnel figurant à la fin de la décision n° 2001-446 DC.