Code de la route (Signalement des contrôles routiers par des services électroniques)
Décision n°2021-948 QPC du 24 novembre 2021
société Coyote system
Non conformité partielle
Par sa décision n°2021-948 QPC du 24 novembre 2021, le Conseil constitutionnel a censuré partiellement des dispositions permettant l’interdiction, en cas de contrôles routiers, de l’exploitation de services d’aide à la conduite ou à la navigation.
Les dispositions contestées prévoyaient que tout salarié âgé de seize ans révolus, travaillant depuis trois mois au moins dans l’entreprise et n’ayant fait l’objet d’aucune interdiction, déchéance ou incapacité relatives à ses droits civiques, peut participer en qualité d’électeur à l’élection du comité social et économique.
Ces dispositions, qui ont pour objet d’éviter que les automobilistes puissent se soustraire à certains contrôles de police, poursuivent l’objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l’ordre public et de recherche des auteurs d’infractions.
Le Conseil constitutionnel avait été saisi le 16 septembre 2021 par le Conseil d’État d’une QPC relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles L. 130-11 et L. 130-12 du code de la route, dans leur rédaction issue de la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités.
L’article L. 130-11 du code de la route prévoit que l’autorité administrative peut, à l’occasion de certains contrôles routiers, interdire aux exploitants d’un service électronique d’aide à la conduite ou à la navigation par géolocalisation de rediffuser les messages et indications émis par les utilisateurs de ce service. Le 1° de l’article L. 130-12 du même code punit de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende le fait pour ces exploitants de méconnaître une telle interdiction.
Il était notamment reproché par la société requérante à ces dispositions de porter à la liberté d’expression et de communication une atteinte qui ne serait ni nécessaire, ni adaptée, ni proportionnée à l’objectif poursuivi par le législateur.
Le Conseil constitutionnel a rappelé que, aux termes de l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi ». En l’état actuel des moyens de communication et eu égard au développement généralisé des services de communication au public en ligne ainsi qu’à l’importance prise par ces services pour la participation à la vie démocratique et l’expression des idées et des opinions, ce droit implique la liberté d’accéder à ces services et de s’y exprimer.
En outre, sur le fondement de l’article 34 de la Constitution, il est loisible au législateur d’édicter des règles de nature à concilier la poursuite de l’objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l’ordre public et de recherche des auteurs d’infractions avec l’exercice du droit de libre communication et de la liberté de parler, écrire et imprimer. Cependant, la liberté d’expression et de communication est d’autant plus précieuse que son exercice est une condition de la démocratie et l’une des garanties du respect des autres droits et libertés. Il s’ensuit que les atteintes portées à l’exercice de cette liberté doivent être nécessaires, adaptées et proportionnées à l’objectif poursuivi.
À cette aune, le Conseil constitutionnel a jugé que les dispositions contestées, qui permettent à l’autorité administrative de priver des utilisateurs de services de communication au public en ligne de la possibilité d’échanger certaines informations, portent atteinte à la liberté d’expression et de communication.
Il a relevé, en premier lieu, que ces dispositions, qui ont pour objet d’éviter que les automobilistes puissent se soustraire à certains contrôles de police, poursuivent l’objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l’ordre public et de recherche des auteurs d’infractions.
En deuxième lieu, il a relevé notamment que, d’une part, l’interdiction prévue par l’article L. 130-11 du code de la route ne s’applique qu’aux services électroniques dédiés spécifiquement à l’aide à la conduite et à la navigation routières. D’autre part, cette interdiction ne peut être prononcée que dans le cas de contrôles routiers impliquant l’interception des véhicules ou d’autres contrôles limitativement énumérés, au nombre desquels ne figurent pas les contrôles de vitesse.
En troisième lieu, la durée de l’interdiction est limitée à deux heures en cas de contrôle d’alcoolémie ou de stupéfiants, et à douze heures dans les autres cas. En outre, le périmètre de cette interdiction ne peut s’étendre au-delà d’un rayon de dix kilomètres autour du point de contrôle routier lorsque celui-ci est situé hors agglomération et au-delà de deux kilomètres en agglomération.
En dernier lieu, le paragraphe II de l’article L. 130-11 prévoit que, sur le réseau routier national, cette interdiction ne peut porter sur les informations relatives aux événements et circonstances liés à la sécurité routière prévus à l’article 3 du règlement délégué de la Commission européenne du 15 mai 2013 mentionnée ci-dessus, c’est-à-dire celles portant sur le caractère glissant de la chaussée, la présence d’obstacle sur la route, une zone d’accident ou de travaux, une visibilité réduite, un conducteur en contresens, une obstruction non gérée ou des conditions météorologiques exceptionnelles.
Le Conseil constitutionnel a relevé que, en revanche, hors du réseau routier national, cette interdiction visait, sans exception, toute information habituellement rediffusée aux utilisateurs par l’exploitant du service. Il en a déduit qu’elle était susceptible de s’appliquer à de nombreuses informations sans rapport avec la localisation des contrôles de police. Dans ces conditions, cette interdiction portait à la liberté d’expression et de communication une atteinte qui n’est pas adaptée, nécessaire et proportionnée au but poursuivi.
Par ces motifs, le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution les dispositions limitant au réseau national la préservation de la possibilité d’échanger des informations qui sont sans rapport avec la localisation des contrôles de police. Aucun motif ne justifiant de reporter les effets de la déclaration d’inconstitutionnalité, il a jugé que celle-ci devait intervenir donc à compter de la date de publication de sa décision.
Retrouvez le dossier complet de la décision n°2021-948 QPC et la vidéo de l’audience sur
le site du Conseil constitutionnel.