Cour de cassation

Arrêt du 7 mai 2024 n° 23-86.075

07/05/2024

Non renvoi

N° K 23-86.075 F-D

 

N° 00727

 

7 MAI 2024

 

MAS2

 

QPC INCIDENTE : NON LIEU À RENVOI AU CC

 

M. BONNAL président,

 

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

________________________________________

 

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

 

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,

DU 7 MAI 2024

 

M. [F] [B] a présenté, par mémoire spécial reçu le 15 février 2024, une question prioritaire de constitutionnalité à l'occasion du pourvoi formé par lui contre l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier, chambre correctionnelle, en date du 9 octobre 2023, qui, pour détournement de fonds publics, l'a condamné à un an d'emprisonnement avec sursis, 15 000 euros d'amende et cinq ans d'interdiction des droits civiques, civils et de famille et d'interdiction d'exercer une fonction publique.

 

Sur le rapport de M. Gillis, conseiller référendaire, les observations de la SCP Spinosi, avocat de M. [F] [B], et les conclusions de Mme Viriot-Barrial, avocat général, après débats en l'audience publique du 7 mai 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Gillis, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre,

 

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

 

1. La question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :

 

« L'article L. 236 du code électoral, en ce qu'il entraîne la démission d'office du conseiller municipal condamné à une peine d'inéligibilité prononcée par le juge pénal et remet ainsi en cause le résultat de l'élection démocratique acquis antérieurement à cette condamnation, méconnaît-il la séparation des pouvoirs, affectant de ce fait les principes constitutionnels de libre administration des collectivités territoriales et de libre exercice du mandat local, tels qu'ils résultent de l'article 16 de la Déclaration des droits de 1789 et des articles 1er et 72 de la Constitution ? »

 

2. Cet article, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2001-1248 du 21 décembre 2001, est applicable à la procédure et n'a pas déjà été déclaré conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.

 

3. Il est soutenu que la question présente un caractère nouveau dès lors qu'est invoquée l'existence d'un principe constitutionnel de libre exercice du mandat local que le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de reconnaître. Toutefois, à supposer que ce principe soit distinct de celui de libre administration des collectivités territoriales, l'obligation pour le préfet de déclarer démissionnaire d'office un conseiller municipal condamné pénalement à une peine d'inéligibilité, prévue par la disposition critiquée, est, en elle-même, sans lien avec les conditions d'exercice par un élu local de son mandat. Il n'y a donc, en tout état de cause, pas lieu de renvoyer la question prioritaire de constitutionnalité au regard de sa nouveauté.

 

4. La question posée ne présente pas un caractère sérieux.

 

5. En effet, à supposer que la disposition contestée porte atteinte à la séparation des pouvoirs, il ne saurait résulter de ce qu'un élu, condamné pénalement à une peine d'inéligibilité, laquelle peut toujours être écartée par le juge, doive démissionner, une atteinte disproportionnée à la libre administration des collectivités territoriales ou, s'il s'en distingue, au principe de libre exercice du mandat local.

 

6. Par ailleurs, il résulte de la décision n° 2007-547 DC du 15 février 2007 que le Conseil constitutionnel a déclaré conformes à la Constitution les articles L.O. 494, L.O. 521 et L.O. 549 du code électoral, lesquels prévoient que le conseiller territorial de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin ou de Saint-Pierre-et-Miquelon qui, pendant la durée de son mandat, se trouve frappé par une condamnation pénale devenue définitive prononcée à son encontre et entraînant de ce fait la perte de ses droits civiques, civils et de famille, est déclaré démissionnaire par arrêté du représentant de l'Etat,

soit d'office, soit sur réclamation de tout électeur. Ces dispositions édictent un principe similaire à celui critiqué par la présente question prioritaire de constitutionnalité.

 

7. Il n'y a pas lieu en conséquence de renvoyer la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel.

 

PAR CES MOTIFS, la Cour :

 

DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ;

 

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en audience publique du sept mai deux mille vingt-quatre.

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n