Tribunal administratif de Marseille

Ordonnance du 9 avril 2024 n° 2300705

09/04/2024

Non renvoi

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par un mémoire, enregistré le 14 février 2024, M. B C et Mme A D, représentés par Me Ferchiche, demandent au Tribunal, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'État une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution et divers autres textes, de l'article L. 600-1-3 du code de l'urbanisme.

Cette demande, présentée par mémoire distinct, est faite à l'appui de la requête enregistrée le 22 janvier 2023 au greffe du tribunal administratif de Marseille sous le n° 2300705 par laquelle M. B C et Mme A D entendent contester l'arrêté en date du 26 juillet 2022 par lequel le maire de la commune de Marseille a délivré à la SCCV Marseille Cours Gouffé un permis de construire n° PC 013055 21 01352P0 portant sur la construction d'un ensemble immobilier sur un terrain situé 34, 36 et 38 Cours Gouffé à Marseille.

Ils soutiennent que :

- l'article L. 600-1-3 du code de l'urbanisme est applicable au litige ;

- l'article L. 600-1-3 du code de l'urbanisme n'a pas été déclaré conforme à la Constitution ;

- la question en litige a un caractère sérieux du fait de la méconnaissance du principe constitutionnel d'égalité dès lors que les dispositions de l'article L. 600-1-3 du code de l'urbanisme méconnaissent le droit de propriété et le droit au recours juridictionnel, qu'elles sont entachées d'incompétence négative du législateur et qu'elles portent atteinte au principe d'égalité étant précisé que ces atteintes présentent un caractère disproportionné par rapport aux objectifs poursuivis par le législateur.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 mars 2024, la SCCV Marseille Cours Gouffé, représentée par la SCP Rosenfeld et associés, conclut au rejet de la demande de transmission de la question prioritaire de constitutionnalité, en faisant valoir que la question posée ne présente pas de caractère sérieux.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, notamment son article 61-1 ;

- la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

- le décret n° 2010-148 du 16 février 2010 portant application de la loi organique n°2009-1523 du 10 décembre 2009 relative à l'application de l'article 61-1 de la Constitution ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article 61-1 de la Constitution : " Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. Une loi organique détermine les conditions d'application du présent article ".

2. Aux termes de l'article 23-1 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 : " Devant les juridictions relevant du Conseil d'État (), le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d'irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé. Un tel moyen peut être soulevé pour la première fois en cause d'appel. Il ne peut être relevé d'office ". L'article 23-2 de la même ordonnance ajoute que : " La juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionalité au Conseil d'État ou à la Cour de cassation. Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies : / 1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ; / 2° Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ; / 3° La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux ".

3. Aux termes de l'article L. 600-1-3 du code de l'urbanisme : " Sauf pour le requérant à justifier de circonstances particulières, l'intérêt pour agir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager s'apprécie à la date d'affichage en mairie de la demande du pétitionnaire ". M. C et Mme D soutiennent que ces dispositions sont contraires à leur droit de propriété, à leur droit à un recours juridictionnel effectif ainsi qu'au principe d'égalité devant la loi, respectivement garantis par les dispositions des articles 17, 16 et 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Ils soutiennent également qu'elles seraient entachées d'une incompétence négative du législateur.

4. D'une part, les dispositions de l'article L. 600-1-3 du code de l'urbanisme ne font nullement obstacle à la possibilité de contracter en vue de la cession d'un bien immobilier, l'acquéreur pressenti d'un bien immobilier étant d'ailleurs, en principe, en mesure de s'assurer de l'affichage en mairie d'éventuelles demandes de permis de construire, de démolir ou d'aménager dans le voisinage du bien qu'il projette d'acquérir et de contracter ainsi en connaissance de cause. D'autre part, les mêmes dispositions de l'article L. 600-1-3 permettent à l'acheteur qui a réitéré l'acquisition d'un bien immobilier par acte authentique avant l'affichage en mairie d'une demande de permis de construire, de démolir ou d'aménager dans le voisinage de ce bien de contester une telle autorisation. Enfin, les dispositions de l'article L. 600-3-1 de ce même code, en réservant expressément le cas où le requérant justifie de circonstances particulières, d'une part permettent de ménager les cas où l'intérêt pour agir de tout requérant peut être, par exception, apprécié postérieurement à la date d'affichage en mairie de la demande du pétitionnaire et d'autre part ont pour effet, non de limiter mais plutôt d'élargir, le droit au recours. Dans ces conditions, et alors que la méconnaissance par le législateur de l'étendue de sa compétence n'affecte au demeurant par elle-même aucun droit ou liberté que la Constitution garantit, la question soulevée ne présente pas un caractère sérieux.

5. Il résulte de tout ce qui précède qu'il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'État la question soulevée par M. C et Mme D.

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'État la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. C et Mme D.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B C et Mme A D, à la SCCV Marseille Cours Gouffe et à la commune de Marseille.

Fait à Marseille, le 9 avril 2024

La présidente de la 2ème chambre,

signé

I. Hogedez

La République mande et ordonne au préfet des Bouches-du-Rhône en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

Le greffier,