Conseil d'Etat

Ordonnance du 8 avril 2024 n° 492983

08/04/2024

Autre

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

M. B A a demandé au juge des référés du tribunal administratif de La Réunion, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'une part, de suspendre l'exécution de l'arrêté du 8 mars 2024 par lequel le préfet de La Réunion l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an et, d'autre part, d'enjoindre au préfet de La Réunion de réexaminer sa situation et de lui délivrer une attestation de demande d'asile, sous astreinte de 200 euros par jour de retard. Par une ordonnance n° 2400360 du 25 mars 2024, la juge des référés du tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande.

Par une requête, enregistrée le 29 mars 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité portant sur la conformité des dispositions des articles L. 531-24 et du chapitre IV du titre V du livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile avec les droits et libertés garantis par la Constitution, de surseoir à statuer et de prendre les mesures conservatoires nécessaires ;

3°) de surseoir à statuer et de transmettre selon la procédure d'urgence prévue par le règlement de la Cour de justice de l'Union européenne les questions préjudicielles d'interprétation et de validité posées, et de prendre les mesures conservatoires nécessaires ;

4°) d'annuler l'ordonnance du 25 mars 2024 de la juge des référés du tribunal administratif de La Réunion ;

5°) de faire droit à ses conclusions de première instance ;

6°) d'enjoindre au préfet de La Réunion, d'une part, de suspendre et, à titre subsidiaire, d'abroger les décisions d'obligation de quitter le territoire sans délai et d'interdiction de retour et, d'autre part, de délivrer, dans un délai de quarante-huit heures, une attestation de demande d'asile portant la mention " procédure normale " sous astreinte de 200 euros par jour de retard au titre des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative ;

7°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- sa requête est recevable ;

- l'ordonnance du 25 mars 2024 de la juge des référés du tribunal administratif de La Réunion méconnait l'article L. 541-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il est en droit de se maintenir sur le territoire jusqu'à la lecture de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ;

- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que le refus de lui délivrer une attestation de demande d'asile l'empêche, d'une part, de justifier son droit de se maintenir sur le territoire pendant l'examen de sa demande d'asile et l'expose ainsi à un nouveau placement en rétention et, d'autre part, de bénéficier des mesures prévues par la loi pour assurer des conditions d'accueil ;

- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à son droit au recours effectif dès lors que le préfet de La Réunion lui a appliqué le régime de rétention prévu par le chapitre IV du titre V du livre VII du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sans prendre un acte motivé en fait et en droit, le privant ainsi du seul recours disponible pour contester son maintien en rétention ;

- les dispositions des articles R. 754-3 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile méconnaissent le droit de l'Union européenne dès lors qu'elles retardent le prononcé de la décision après la remise du formulaire de demande d'asile, après l'enregistrement et l'introduction de la demande ;

- les dispositions de l'article L. 754-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile méconnaissent le droit de l'Union européenne dès lors qu'il n'existe pas de définition légale du risque de fuite pour justifier de la rétention d'un demandeur d'asile ;

- les conditions de transmission des questions préjudicielles en interprétation et en validité sont réunies ;

- les dispositions des articles L. 651-3 et L. 761-2 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont contraires aux droits et libertés garantis par la Constitution ;

- l'obligation de quitter le territoire français et les mesures afférentes prises le 8 mars 2024 doivent être abrogées dès lors qu'il a acquis le statut de demandeur d'asile.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, et notamment son Préambule ;

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- les directives 2013/32/UE et 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. () ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.

2. Il ressort de l'instruction conduite par le juge des référés du tribunal administratif de La Réunion que, par deux arrêtés du 8 mars 2024, le préfet de La Réunion, d'une part, a obligé M. A, ressortissant comorien né le 9 janvier 1982, à quitter le territoire sans délai et lui a interdit de revenir sur le territoire français pendant une année, d'autre part, a décidé son placement en centre de rétention administrative. Le 10 mars 2024, M. A a présenté une demande d'asile en rétention. Par une ordonnance du 25 mars 2024 dont M. A interjette appel, la juge des référés du tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande, présentée sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, tendant à la suspension de l'exécution de l'arrêté du 8 mars 2024 l'obligeant à quitter le territoire français sans délai et ce qu'il soit enjoint au préfet de La Réunion de lui délivrer une attestation de demande d'asile.

3. Pour rejeter sa demande, l'auteur de l'ordonnance attaquée a estimé que la condition d'urgence n'était pas remplie dès lors qu'il résultait de l'instruction que M. A avait pu déposer, pendant sa rétention, le 10 mars 2024, une demande d'asile, laquelle a été transmise à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, ce qui faisait obstacle à ce qu'une mesure d'éloignement soit mise à exécution avant la notification de la décision de l'office, qu'il n'existait à la date à laquelle M. A a saisi le juge du référé-liberté aucune perspective d'éloignement imminent vers son pays d'origine et qu'enfin le préfet de La Réunion avait mis fin le 20 mars 2024 à la mesure de rétention de l'intéressé. M. A, qui ne conteste pas l'exactitude de ces constatations, n'est manifestement pas fondé à soutenir que la juge des référés du tribunal administratif de La Réunion aurait à tort estimé que la condition d'urgence particulière à laquelle est subordonnée l'intervention du juge des référés sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative n'était pas remplie. Il y a lieu, dès lors, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'existence d'une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, et sans qu'il y ait lieu d'accorder à M. A le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, de rejeter son appel selon la procédure prévue par l'article L. 522-3 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B A.

Fait à Paris, le 8 avril 2024

Signé : Gilles Pellissier

Code publication

C