Cour administrative d'appel de Bordeaux

Arrêt du 2 avril 2024 n° 22BX00886

02/04/2024

Autre

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Les Charpentes Des Antilles a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe de prononcer le remboursement du crédit d'impôt pour des investissements productifs outre-mer qu'elle a réalisés au titre de l'année 2019, à hauteur de 4 768 euros.

Par un jugement n° 2100156 du 20 janvier 2022, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 15 mars 2022, la SARL Les Charpentes Des Antilles, représentée par Me Gaudin, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2100156 du tribunal administratif de la Guadeloupe du 20 janvier 2022 en tant qu'il a refusé de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la constitutionnalité du 3 du VIII de l'article 244 quater W du code général des impôts qui subordonne le crédit d'impôt attaché aux investissements productifs réalisés dans un département d'outre-mer au respect de l'obligation de dépôt par les entreprises de leurs comptes annuels, conformément aux articles L. 232-21 et L. 232-23 du code de commerce ;

2°) de juger la question prioritaire de constitutionnalité recevable et de la transmettre au Conseil d'Etat aux fins de renvoi au Conseil Constitutionnel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'en refusant de renvoyer la question prioritaire de constitutionnalité qu'elle avait posée devant lui, le tribunal administratif de la Guadeloupe a méconnu son office et a entaché le jugement d'une insuffisance de motivation ainsi que d'une omission à statuer.

Par un mémoire enregistré le 23 septembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la question prioritaire de constitutionnalité est irrecevable car elle n'est pas présentée par mémoire distinct ;

- la requête est irrecevable dès lors qu'elle n'est assortie d'aucun moyen, ce qui rend de nouveau la question prioritaire de constitutionnalité irrecevable ;

- les moyens développés par la requérante ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 15 septembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 16 octobre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A,

- les conclusions de M. Gueguein, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société à responsabilité limitée (SARL) Les Charpentes Des Antilles a déposé le 28 mai 2020 auprès de l'administration fiscale, une déclaration en vue de bénéficier, sur le fondement de l'article 244 quater W du code général des impôts, du dispositif du crédit d'impôt pour des investissements productifs qu'elle a réalisés en outre-mer au cours de l'année 2019, pour un montant de 4 768 euros. Par une décision du 16 décembre 2020, l'administration a rejeté sa demande. Par un jugement du 20 janvier 2022, le tribunal administratif de la Guadeloupe a, après avoir refusé la transmission au Conseil d'Etat de la question prioritaire de constitutionnalité posée par la société, rejeté sa demande tendant au remboursement du crédit d'impôt en litige. Par la présente requête, la société Les Charpentes Des Antilles demande à la cour d'infirmer le jugement n° 2100156 du 20 janvier 2022 en tant qu'il refuse de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la constitutionnalité du 3 du VIII de l'article 244 quater W du code général des impôts qui subordonne le crédit d'impôt attaché aux investissements productifs réalisés dans un département d'outre-mer au respect de l'obligation de dépôt par les entreprises de leurs comptes annuels, conformément aux articles L. 232-21 et L. 232-23 du code de commerce, et de transmettre cette question au Conseil d'Etat.

2. En application de l'article LO 771-1 du code de justice administrative : " La transmission par une juridiction administrative d'une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat obéit aux règles définies par les articles 23-1 à 23-3 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ". Il résulte des dispositions combinées des premiers alinéas des articles 23-1 et 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, que le tribunal administratif ou la cour administrative d'appel saisi d'un moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution présenté dans un écrit distinct et motivé, statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat et procède à cette transmission si est remplie la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question ne soit pas dépourvue de caractère sérieux.

3. Aux termes de l'article R. 771-12 du code de justice administrative : " Lorsque, en application du dernier alinéa de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, l'une des parties entend contester, à l'appui d'un appel formé contre la décision qui règle tout ou partie du litige, le refus de transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité opposé par le premier juge, il lui appartient, à peine d'irrecevabilité, de présenter cette contestation avant l'expiration du délai d'appel dans un mémoire distinct et motivé, accompagné d'une copie de la décision de refus de transmission. La contestation du refus de transmission par la voie du recours incident doit, de même, faire l'objet d'un mémoire distinct et motivé, accompagné d'une copie de la décision de refus de transmission. ". Aux termes de l'article R. 411-1 du même code : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours. ".

4. Par un mémoire enregistré au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux le 15 mars 2022, intitulé " Requête introductive d'instance - Impôt sur les sociétés et question prioritaire de constitutionnalité ", la société Les Charpentes Des Antilles a demandé à la cour d'infirmer le jugement n° 2100156 du 20 janvier 2022 en tant qu'il a refusé de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la constitutionnalité du 3 du VIII de l'article 244 quater W du code général des impôts qui subordonne le crédit d'impôt attaché aux investissements productifs réalisés dans un département d'outre-mer au respect de l'obligation de dépôt par les entreprises de leurs comptes annuels, et de transmettre cette question au Conseil d'Etat. Il est constant que la société n'a pas, par ailleurs, fait appel du jugement du 20 janvier 2022 en tant qu'il a rejeté sa demande de remboursement du crédit d'impôt investissement et il résulte de l'instruction que le mémoire du 15 mars 2022 ne comporte aucun moyen relatif au fond du litige. Dans ces conditions, ledit mémoire est, en application de l'article R. 771-12 du code de justice administrative et dès lors qu'il n'a pas été présenté à l'appui d'un appel formé contre le jugement qui règle le litige au fond, irrecevable en appel. Par suite, la requête de la société Les Charpentes Des Antilles doit être rejetée, y compris les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1 : La requête de la société Les Charpentes Des Antilles est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée (SARL) Les Charpentes Des Antilles et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Une copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal du Sud-ouest.

Délibéré après l'audience du 12 mars 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

M. Sébastien Ellie, premier conseiller,

Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 avril 2024.

La rapporteure,

Héloïse A

La présidente,

Elisabeth Jayat

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.