Cour administrative d'appel de Nantes

Ordonnance du 28 mars 2024 n° 23NT02467

28/03/2024

Irrecevabilité

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Ile de Sein Energies a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler ou de résilier, si besoin avec effet différé, la convention du 6 mars 2020 par laquelle le syndicat départemental d'énergie et d'équipement du Finistère a concédé, pour une durée de trente ans, à la société Electricité de France SA le service public du développement et de l'exploitation du réseau de distribution d'électricité et de la fourniture d'énergie électrique aux tarifs réglementés de vente pour les territoires des îles de Sein, Ouessant et Molène et de condamner le syndicat départemental d'énergie et d'équipement du Finistère à lui payer la somme de 500 000 euros, en réparation du préjudice subi, somme à parfaire.

Par des mémoires distincts, la société Ile de Sein Energies (IDSE) a demandé au tribunal administratif de Rennes de transmettre au Conseil d'Etat une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du 3° de l'article L. 111-52 du code de l'énergie.

Par un jugement n° 2003602 du 12 juin 2023, le tribunal administratif de Rennes a refusé de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la société Ile de Sein Energies, a rejeté sa demande et a mis à la charge de la société Ile de Sein Energies les sommes de 1 500 euros à verser respectivement au syndicat départemental d'énergie et d'équipement du Finistère et à la société Electricité de France.

Procédure devant la cour :

Par un mémoire distinct, enregistré le 2 février 2024 et présenté à l'appui de sa requête d'appel, la société Ile de Sein Energies (IDSE), représentée par Me Cofflard, demande à la cour d'annuler ce jugement du 12 juin 2023 du tribunal administratif de Rennes en tant qu'il a refusé de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité et de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du 3° de l'article L. 111-52 du code de l'énergie.

Elle soutient que :

- les dispositions contestées sont applicables au litige ;

- elles n'ont pas été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel ;

- la question présente un caractère sérieux dans la mesure où les dispositions en litige méconnaissent les principes fondamentaux de la commande publique découlant des articles 6 et 14 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, notamment son article 61-1 ;

- la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, notamment ses articles 6 et 14 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code de l'énergie ;

- le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article 23-1 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Devant les juridictions relevant du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation, le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d'irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé () ". L'article 23-2 de la même ordonnance dispose que : " () Le refus de transmettre la question ne peut être contesté qu'à l'occasion d'un recours contre la décision réglant tout ou partie du litige ". Aux termes de l'article R. 771-12 du code de justice administrative : " Lorsque, en application du dernier alinéa de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, l'une des parties entend contester, à l'appui d'un appel formé contre la décision qui règle tout ou partie du litige, le refus de transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité opposé par le premier juge, il lui appartient, à peine d'irrecevabilité, de présenter cette contestation avant l'expiration du délai d'appel dans un mémoire distinct et motivé, accompagné d'une copie de la décision de refus de transmission () ".

2. Il résulte de ces dispositions que, lorsqu'un tribunal administratif a refusé de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité qui lui a été soumise, il appartient à l'auteur de cette question de contester ce refus, à l'occasion d'un appel formé contre le jugement qui statue sur le litige, par un mémoire distinct et motivé présenté dans le délai de recours contentieux, que le refus de transmission qui lui a été opposé l'ait été par une décision distincte de la décision au fond, dont il joint alors une copie, ou directement par cette décision.

3. Il résulte de l'instruction que la société Île de Sein Energie a reçu notification le 13 juin 2023 du jugement n° 2003602 du 12 juin 2023 par lequel le tribunal administratif de Rennes a refusé de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la société et a rejeté la demande de première instance de celle-ci. Ainsi que le mentionnait le courrier du greffe accompagnant ce jugement, le délai d'appel était de deux mois à compter du jour de sa notification, comme le prévoit le premier alinéa de l'article R. 811-2 du code de justice administrative. Ce délai était ainsi expiré lorsque la société Île de Sein Energies (IDSE) a présenté le mémoire distinct, enregistré le 2 février 2024, par lequel elle entend contester le refus de transmission de la question prioritaire de constitutionnalité portant sur le 3° de l'article L. 111-52 du code de l'énergie. Dès lors, il résulte des dispositions sus-rappelées de l'article R. 771-12 du code de justice administrative que la contestation par la société IDSE du refus de transmission de cette question, opposé par le jugement du tribunal administratif du 12 juin 2023, est irrecevable en raison de sa tardiveté et ne peut qu'être rejetée.

ORDONNE :

Article 1er :La contestation du refus de transmission de la question prioritaire de constitutionnalité opposé à la société Ile De Sein Energies par le jugement du 12 juin 2023 du tribunal administratif de Rennes est rejetée.

Article 2 :La présente ordonnance sera notifiée à la société Ile De Sein Energies (IDSE), au syndicat départemental d'énergie et d'équipement du Finistère et à la société Electricité de France.

Copie sera adressée, pour information, à l'association ClientEarth.

Fait à Nantes, le 28 mars 2024.

Le président de la 4ème chambre,

L. LAINÉ QPC1