Tribunal administratif de Grenoble

Jugement du 26 mars 2024 n° 2107915

26/03/2024

Irrecevabilité

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 20 novembre 2021, Mme A B, représentée par Me Buisson, demande au tribunal :

1°) d'annuler la décision du 15 septembre 2021 par laquelle le directeur du groupement hospitalier Portes de Provence l'a suspendue sans traitement à compter du même jour ;

2°) d'enjoindre au groupement hospitalier Portes de Provence de lui verser l'intégralité de ses salaires, la reprise de son avancement, ses droits à ancienneté, et ses droits à congés payés à compter du 15 septembre 2021 sous astreinte de 150 euros de retard à compter de la notification de la décision à intervenir ;

3°) de condamner le groupement hospitalier Portes de Provence à lui verser une indemnité de 15 000 euros en réparation des préjudices matériels et moraux subis du fait de l'atteinte à son traitement ;

4°) de mettre à la charge du groupement hospitalier Portes de Provence la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision est entachée d'incompétence ;

- elle est entachée d'un défaut de motivation ;

- elle est entachée d'un vice de procédure ;

- il s'agit d'une sanction disciplinaire déguisée, qui n'a pas été précédée d'un avis du conseil de discipline ;

- la décision est entachée d'un détournement de pouvoir, d'un détournement de procédure et méconnaît les garanties disciplinaires ;

- la décision méconnaît les dispositions de l'article 77 de la loi du 9 janvier 1986, de l'article 22 de la déclaration universelle des droits de l'homme, de l'alinéa 11 du préambule de la constitution de 1946 et de l'article 6 de la loi du 13 juillet 1983 ;

- la décision est dépourvue de base légale en raison de l'absence de saisine du conseil commun de la fonction publique au moment de l'adoption de la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 ;

- la décision fait état d'une erreur manifeste d'appréciation, d'une rupture d'égalité de traitement entre agents et présente un caractère discriminatoire.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 décembre 2022, le Groupement hospitalier Portes de Provence, représenté par Me Brocheton, conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 15 novembre 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 10 janvier 2023.

Les parties ont été informées, le 25 janvier 2024, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que le jugement était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions indemnitaires tendant à la réparation des préjudices matériels et moraux que la requérante aurait subis, à hauteur de 15 000 euros, faute de liaison du litige en l'absence d'une réclamation préalable telle que prévue à l'article R. 421-1 du code de justice administrative.

Un mémoire en réponse au moyen d'ordre public a été enregistré pour Mme B le 8 février 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la déclaration universelle des droits de l'Homme du 10 décembre 1948 ;

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 ;

- le décret modifié n° 2021-699 du 1er juin 2021 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Vial-Pailler,

- les conclusions de M. Argentin, rapporteur public,

- les observations de Me Buisson, représentant Mme B, et les observations de Me Brocheton, représentant le groupement hospitalier Portes de Provence.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision en date du 15 septembre 2021, le directeur du groupement hospitalier des Portes de Provence a suspendu Mme B, technicienne de laboratoire, sans traitement à compter du même jour et jusqu'à production par l'intéressée d'un certificat de vaccination ou de contre-indication à la vaccination répondant aux conditions définies par le décret n°2021-699 du 1er juin 2021. Par un courrier en date du 1er octobre 2021, Mme B a formé un recours gracieux à l'encontre de cette décision. Ce recours a fait l'objet d'un rejet implicite. Par la présente requête, Mme B demande l'annulation de la décision initiale du 15 septembre 2021.

Sur les conclusions à fin d'indemnisation :

2. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. / Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration ou sur une demande préalablement formée devant elle () ".

3. Les termes du second alinéa de l'article R. 421-1 du code de justice administrative n'impliquent pas que la condition de recevabilité de la requête tenant à l'existence d'une décision de l'administration s'apprécie à la date de son introduction. Cette condition doit être regardée comme remplie si, à la date à laquelle le juge statue, l'administration a pris une décision, expresse ou implicite, sur une demande formée devant elle.

4. Si la requérante avait demandé au directeur de l'hôpital de Montélimar, par un courrier du 1er octobre 2021, antérieur à la saisine de la Juridiction, de la rétablir dans sa rémunération, ces conclusions présentaient un caractère pécuniaire. Si dans sa requête, Mme B demande à être indemnisée des préjudices matériels et moraux résultant de l'illégalité fautive de la mesure de suspension sans traitement de ses fonctions, ces conclusions tendent à la réparation d'un préjudice fondé sur une cause juridique distincte de celles exposées dans sa demande préalable. Dès lors, ces conclusions sont irrecevables en application des dispositions précitées, aucune décision administrative n'étant née sur cette demande.

5. Par ailleurs, si la requérante a adressé le 7 février 2024 une réclamation préalable datée du même jour au Centre Hospitalier de Montélimar en réparation du préjudice résultant de l'illégalité fautive de la mesure de suspension, aucune décision n'a été prise par le directeur de cet établissement, à la date du présent jugement. Par suite, les conclusions indemnitaires présentées par Mme B sont irrecevables.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

6. Aux termes de l'article 12 de la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire : " I. - Doivent être vaccinés, sauf contre-indication médicale reconnue, contre la COVID-19 : 1° Les personnes exerçant leur activité dans : a) Les établissements de santé mentionnés à l'article L. 6111-1 du code de la santé publique ainsi que les hôpitaux des armées mentionnés à l'article L. 6147-7 du même code ; () ". L'article 13 de la même loi dispose quant à lui que : " I. - Les personnes mentionnées au I de l'article 12 établissent : 1° Satisfaire à l'obligation de vaccination en présentant le certificat de statut vaccinal prévu au second alinéa du II du même article 12. Par dérogation au premier alinéa du présent 1°, peut être présenté, pour sa durée de validité, le certificat de rétablissement prévu au second alinéa du II de l'article 12. () 2° Ne pas être soumises à cette obligation en présentant un certificat médical de contre-indication () ". Aux termes de l'article 14 de cette loi : " I. () B - A compter du 15 septembre 2021, les personnes mentionnées au I de l'article 12 ne peuvent plus exercer leur activité si elles n'ont pas présenté les documents mentionnés au I de l'article 13 ou, à défaut, le justificatif de l'administration des doses de vaccins requises par le décret mentionné au II de l'article 12. / Par dérogation au premier alinéa du présent B, à compter du 15 septembre 2021 et jusqu'au 15 octobre 2021 inclus, sont autorisées à exercer leur activité les personnes mentionnées au I de l'article 12 qui, dans le cadre d'un schéma vaccinal comprenant plusieurs doses, justifient de l'administration d'au moins une des doses requises par le décret mentionné au II du même article 12, sous réserve de présenter le résultat, pour sa durée de validité, de l'examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la COVID-19 prévu par le même décret. () III. - Lorsque l'employeur constate qu'un agent public ne peut plus exercer son activité en application du I, il l'informe sans délai des conséquences qu'emporte cette interdiction d'exercer sur son emploi ainsi que des moyens de régulariser sa situation. L'agent public qui fait l'objet d'une interdiction d'exercer peut utiliser, avec l'accord de son employeur, des jours de congés payés. A défaut, il est suspendu de ses fonctions ou de son contrat de travail. / La suspension mentionnée au premier alinéa du présent III, qui s'accompagne de l'interruption du versement de la rémunération, prend fin dès que l'agent public remplit les conditions nécessaires à l'exercice de son activité prévues au I (). La dernière phrase du deuxième alinéa du présent III est d'ordre public ". Il résulte de ces dispositions que toute personne soumise à l'obligation vaccinale qu'elles instituent et refusant de s'y conformer se place dans l'impossibilité de poursuivre son activité professionnelle.

7. En premier lieu, il résulte des dispositions précitées de l'article 12 et de l'article 14 de la loi du 5 août 2021 cités au point 4 que le directeur d'un établissement public de santé est compétent pour prendre la mesure de suspension prévue par ce dernier article à l'égard d'un agent exerçant son activité dans cet établissement et qui ne satisfait pas à l'obligation de vaccination contre la covid-19. Si les dispositions précitées de cette même loi et celles du décret n° 2021-1059 du 7 août 2021 pris pour son application prévoient que les personnes concernées justifient avoir satisfait à leur obligation vaccinale ou ne pas y être soumises auprès de leur employeur et fixent les modalités d'établissement et de présentation de ce certificat, il est constant qu'aucun agent n'a contrôlé de justification ou de contre-indication à la vaccination intéressant Mme B et il ne ressort pas des pièces du dossier que cette dernière aurait vainement tenté de présenter un tel justificatif et qu'elle ait été empêchée de le présenter en raison de l'absence d'une personne habilitée à le contrôler au sein de son administration. Dans ces conditions et alors que la décision du 15 septembre 2021 se fonde au demeurant sur l'absence de fourniture du justificatif requis, les moyens tirés de l'incompétence du directeur délégué et du défaut d'habilitation de celui-ci pour accéder aux données de santé de la requérante doivent être écartés.

8. En deuxième lieu, la décision du 15 septembre 2021, qui rappelle notamment les exigences de la loi du 5 août 2021 et du décret du 7 août 2021 et qui relève l'absence de justification par Mme B de la régularité de sa situation au regard de son obligation de vaccination, fait état des considérations de fait et de droit qui lui donnent son fondement. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de cette décision doit être écarté.

9. En troisième lieu, d'une part il ressort des énonciations de la décision en litige qu'elle a été prise sur le fondement des dispositions mentionnées au point 6. Cette mesure de suspension sans rémunération, que l'employeur met en œuvre lorsqu'il constate que l'agent public concerné ne peut plus exercer son activité en application du I de l'article 14 de la loi du 5 août 2021, s'analyse comme une mesure prise dans l'intérêt de la santé publique, destinée à lutter contre la propagation de l'épidémie de Covid-19 dans un objectif de maîtrise de la situation sanitaire, et n'a pas vocation à sanctionner un éventuel manquement ou agissement fautif commis par cet agent, qui demeure par ailleurs soumis aux dispositions relatives aux droits et obligations conférés aux agents publics, particulièrement à celles de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que cette suspension présenterait le caractère d'une sanction qui n'a pas été précédée d'un avis du conseil de discipline est inopérant et doit être écarté. D'autre part, contrairement à ce qu'allègue la requérante en se prévalant des dispositions de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 visée ci-dessus, il ne résulte d'aucune disposition législative ou réglementaire ni d'aucun principe que la suspension d'un agent public sur le fondement et en application de l'article 14 de la loi du 5 août 2021 serait subordonnée à la consultation préalable des organes représentatifs du personnel. Le requérant n'établit pas que pour la mise en œuvre d'une telle mesure, le directeur de l'établissement devait préalablement solliciter l'avis des institutions représentatives du personnel en application de l'article 9 de la loi du 13 juillet 1983.

10. En quatrième lieu, il ressort du III de l'article 14 précédemment cité, lequel a fixé une procédure préalable à l'édiction d'une mesure de suspension, que l'employeur, qui constate que l'agent ne peut plus exercer son activité en application du I du même article, l'informe sans délai, avant de prononcer une telle mesure de suspension, des conséquences qu'emporte cette interdiction d'exercer sur son emploi, ainsi que des moyens de régulariser sa situation et le cas échéant d'utiliser, avec l'accord de son employeur des jours de congés payés. Cette information doit intervenir à compter du constat d'impossibilité d'exercer de l'agent, est nécessairement personnelle et préalable à l'édiction de la mesure de suspension.

11. En l'espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier que le groupement hospitalier des Portes de Provence ait informé personnellement Mme B de l'interdiction d'exercer dont elle faisait l'objet ainsi que des conséquences sur sa situation personnelle et des modalités de régulariser sa situation.

12. Toutefois, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie. Or, en l'espèce, il ressort des pièces du dossier que le groupement hospitalier des Portes de Provence a informé l'ensemble de ses personnels par une note de service du 13 août 2021 des conséquences qu'emportait cette interdiction d'exercer sur leur emploi ainsi que des moyens de régulariser leur situation et le cas échéant d'utiliser, avec l'accord de l'employeur, des jours de congés payés. Dans ces conditions, ce vice de procédure n'a ni privé l'intéressée d'une garantie, ni exercé d'influence sur la décision de suspension.

13. En cinquième lieu, la requérante soutient que la décision du 15 septembre 2021 est irrégulière car le directeur de l'hôpital ne disposait pas du pouvoir de la suspendre en mettant en œuvre une procédure de suspension alors même que la loi du 5 août 2021 n'avait pas légiféré sur cette compétence et que, par conséquent, le directeur devait recourir à la procédure disciplinaire dans le respect des garanties attachées à cette procédure. Toutefois, il résulte de ce qui a été dit au point 7 que la loi du 5 août 2021 a donné compétence aux autorités investies du pouvoir de nomination pour contrôler le statut vaccinal des agents concernés par l'obligation et à défaut, suspendre les agents ne produisant pas de justificatif de vaccination ou de contre-indication à la vaccination ou de certificat de rétablissement. Dès lors, cette mesure de suspension sans rémunération, s'analyse comme une mesure prise dans l'intérêt de la santé publique et n'a pas vocation à sanctionner un éventuel manquement ou agissement fautif commis par un agent. Ainsi, le moyen tiré du détournement de pouvoir, du détournement de procédure et de la méconnaissance des garanties disciplinaires doit être écarté.

14. En sixième lieu, Mme B soutient que les articles 12 et 14 de la loi du 5 août 2021 dont procède la décision litigieuse, méconnaissent, l'alinéa 11 du préambule de la Constitution de 1946. Elle conteste en réalité le principe même de l'obligation vaccinale posé, pour certaines catégories d'agents publics, par la loi précitée. Toutefois, d'une part, le moyen que la requérante entend soulever, tiré de l'inconstitutionnalité de cette loi, n'a pas été présenté dans un mémoire distinct, conformément aux dispositions prévues par l'article R. 771-3 du code de justice administrative relatives à la question prioritaire de constitutionnalité. Il est, par suite, irrecevable et ne peut dès lors qu'être écarté. Au surplus, et en tout état de cause, les dispositions de la loi du 5 août 2021 dont la requérante invoque l'inconstitutionnalité ont été déclarées conformes à la constitution par une décision n°2021-824 du 5 août 2021 du conseil constitutionnel.

15. En septième lieu, il n'appartient pas au juge administratif de contrôler la procédure d'adoption de la loi. Par suite, les moyens tirés de ce que les auteurs de la loi du 5 août 2021 l'ont adoptée en méconnaissance de l'article 9 ter de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires de la loi du 9 janvier 1986 est inopérant et doit être rejeté.

16. En huitième lieu, la requérante soutient que par sa décision de suspension, le directeur a violé la loi du 5 août 2021 et l'article 77 de la loi de 1986, ensemble l'article 22 de la déclaration Universelle des Droits de l'Homme et le Préambule de la Constitution de 1946. Elle invoque, également, la méconnaissance du droit au travail et à la protection de la santé énoncés dans le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ainsi que la liberté d'opinion, notamment garantie à l'article 6 de la loi du 13 juillet 1983.

17. Aux termes de l'article 77 de la loi du 9 janvier 1986 : " les fonctionnaires régis par le présent titre ont droit, après service fait, à une rémunération fixée conformément aux dispositions de l'article 20 du titre Ier du statut général ". Aux termes de l'article 22 de la déclaration Universelle des Droits de l'Homme et le Préambule de la Constitution de 1946 : "Toute personne, en tant que membre de la société, a droit à la sécurité sociale".

18. Toutefois, la requérante ne peut utilement se prévaloir des dispositions de la Déclaration universelle des droits de l'Homme laquelle ne figure pas au nombre des traités ou accords ayant été ratifiés ou approuvés dans les conditions de l'article 55 de la Constitution. Par ailleurs, il est constant que Mme B n'a pas effectué son service. Par suite, elle n'est pas fondée à invoquer l'article 77 de la loi du 9 janvier 1986 . Au surplus, ainsi que le fait valoir la requérante, la décision procède des articles 12 et 14 de la loi du 5 août 2021. A supposer qu'elle ait entendu invoquer la méconnaissance par ces articles du droit au travail et à la protection de la santé énoncés dans le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ainsi que la liberté d'opinion, notamment garantie à l'article 6 de la loi du 13 juillet 1983, la requérante conteste en réalité le principe même de l'obligation vaccinale posé, pour certaines catégories d'agents publics, par la loi précitée. Toutefois, le moyen que la requérante entend soulever, tiré de l'inconstitutionnalité de cette loi, n'a pas été présenté dans un mémoire distinct, conformément aux dispositions prévues par l'article R. 771-3 du code de justice administrative relatives à la question prioritaire de constitutionnalité. Il est, par suite, irrecevable et ne peut dès lors qu'être écarté. Au surplus, et en tout état de cause, les dispositions de la loi du 5 août 2021 dont la requérante invoque l'inconstitutionnalité ont été déclarés conformes à la constitution par une décision n°2021-824 du 5 août 2021 du conseil constitutionnel.

En ce qui concerne l'erreur manifeste d'appréciation, la rupture d'égalité entre les agents et le caractère discriminatoire de la mesure :

19. En neuvième lieu, l'émergence d'un nouveau coronavirus, responsable de la maladie coronavirus 19 ou Covid-19 et particulièrement contagieux, a été qualifiée d'urgence de santé publique de portée internationale par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) le 30 janvier 2020, puis pandémie le 11 mars 2020. En l'état des connaissances disponibles, la vaccination réduit de 95% le risque d'hospitalisation, réduit de plus de 60% le risque d'infection et les risques de circulation du virus sont également réduits lorsqu'une personne est vaccinée. En adoptant pour l'ensemble des professionnels des secteurs sanitaire et médico-social, le principe d'une obligation vaccinale à compter du 15 septembre 2021, le législateur a entendu, dans un contexte de progression de l'épidémie de Covid-19 accompagné de l'émergence de nouveaux variants et compte tenu d'un niveau encore incomplet de la couverture vaccinale, protéger, par l'effet de la moindre transmission du virus par les personnes vaccinées, la santé des patients et notamment des personnes vulnérables (immunodéprimées, âgées), protéger également la santé des professionnels de santé, qui sont particulièrement exposés au risque de contamination compte tenu de leur activité, et diminuer ainsi le risque de saturation des capacités hospitalières. Par ailleurs, l'article 13 de la même loi du 5 août 2021 prévoit que l'obligation de vaccination ne s'applique pas aux personnes qui présentent un certificat médical de contre-indication ainsi que, pendant la durée de sa validité, aux personnes disposant d'un certificat de rétablissement. Ainsi, les dispositions des articles 12 et 14 de la loi du 5 août 2021, fondement de la décision attaquée, ont apporté au droit au respect de la vie privée une restriction justifiée par l'objectif d'amélioration de la couverture vaccinale en vue de la protection de la santé publique et proportionnée à ce but.

20. D'une part, le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l'objet de la loi qui l'établit. L'obligation vaccinale et la liste des catégories de personnes qui en relèvent résultent de la loi elle-même et non de la décision en litige et il n'appartient pas au juge administratif, en dehors de ces cas et conditions prévues par le chapitre II bis du titre II de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le conseil constitutionnel, relatif à la question prioritaire de constitutionnalité, d'apprécier la conformité de dispositions législatives aux exigences constitutionnelles. D'autre part, si Mme B entend soutenir que la discrimination qu'elle allègue résulterait d'une situation de harcèlement moral qui aurait pour effet de dégrader ses conditions de travail, elle se borne à des allégations générales et ne produit aucun élément de fait susceptible de faire présumer une atteinte au principe de non-discrimination. Il résulte de tout ce qui précède que la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée serait entachée d'une rupture d'égalité, d'une méconnaissance du principe de non-discrimination ou d'une erreur manifeste d'appréciation.

21. Enfin, l'article 12 de la loi du 5 août 2021 a défini le champ de l'obligation vaccinale contre la covd-79 en retenant, notamment, un critère géographique pour y inclure les personnes exerçant leur activité dans un certain nombre d'établissements de santé et établissements sociaux et médico-sociaux, ainsi qu'un critère professionnel pour y inclure les professionnels de santé afin, à la fois, de protéger les personnes accueillies par ces établissements qui présentent une vulnérabilité particulière au virus de la covid-19 et d'éviter la propagation du virus par les professionnels de la santé dans l'exercice de leur activité qui, par nature, peut les conduire à soigner des personnes vulnérables ou ayant de telles personnes dans leur entourage. Eu égard à l'objectif de santé publique poursuivi, en prenant la décision contestée en application des articles 12, 13 et 14 de la loi du 5 août 2021, le directeur du centre hospitalier n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

22. Il résulte de ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation présentées par la requérante doivent être rejetées. Par suite, il y a lieu de rejeter les conclusions présentées aux fins d'injonction.

Sur les frais liés au litige :

23. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge du groupement hospitalier des Portes de Provence, qui n'est pas la partie perdante, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par le groupement hospitalier des Portes de Provence.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par le groupement hospitalier des Portes de Provence sont rejetées.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à Mme A B et au Groupement hospitalier Portes de Provence.

Délibéré après l'audience du 12 mars 2024, à laquelle siégeaient :

M. Vial-Pailler, président,

Mme Frapolli, première conseillère,

Mme Fourcade, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 mars 2024.

Le président-rapporteur,

C. VIAL-PAILLER

L'assesseure la plus ancienne dans l'ordre du tableau,

I. FRAPOLLI

Le greffier,

G. MORAND

La République mande et ordonne au ministre du travail, de la santé et des solidarités en ce qui la concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°2107915

Code publication

C