Conseil constitutionnel

Décision n° 2023-1082 QPC du 15 mars 2024

15/03/2024

Non lieu à statuer

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 19 décembre 2023 par la Cour de cassation (deuxième chambre civile, arrêt n° 1299 du même jour), dans les conditions prévues à l’article 61-1 de la Constitution, d’une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour la société Tupperware France par la SCP Duhamel, Rameix, Gury, Maitre, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2023–1082 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des cinquième à neuvième alinéas de l’article L. 651–5 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2012–1404 du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013.

Au vu des textes suivants :

– la Constitution ;

– l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

– le code de la sécurité sociale ;

– la loi n° 2012–1404 du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013, ensemble la décision du Conseil constitutionnel n° 2012–659 DC du 13 décembre 2012 ;

– le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;

Au vu des pièces suivantes :

– les observations présentées pour la société requérante par la SCP Duhamel, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, enregistrées le 9 janvier 2024 ;

– les observations présentées pour l’URSSAF Provence-Alpes-Côte d’Azur, partie au litige à l’occasion duquel la question prioritaire de constitutionnalité a été posée, par Me Jean–Jacques Gatineau, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, enregistrées le même jour ;

– les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le même jour ;

– les observations en intervention présentées pour la société des eaux de Trouville-Deauville-Normandie par le Cabinet CMS Francis Lefebvre, avocat au barreau des Hauts-de-Seine, enregistrées le même jour ;

– les secondes observations présentées pour la société requérante par la SCP Duhamel, enregistrées le 23 janvier 2024 ;

– les secondes observations présentées pour la partie au litige à l’occasion duquel la question prioritaire de constitutionnalité a été posée par Me Gatineau, enregistrées le même jour ;

– les secondes observations en intervention présentées pour la société des eaux de Trouville-Deauville-Normandie par le Cabinet CMS Francis Lefebvre, enregistrées le même jour ;

– les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Après avoir entendu Me Jean-Philippe Duhamel, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, pour la société requérante, Me Gatineau, pour la partie au litige à l’occasion duquel la question prioritaire de constitutionnalité a été posée, Me Frédéric Bertacchi, avocat au barreau des Hauts-de-Seine, pour la société des eaux de Trouville-Deauville-Normandie, et M. Benoît Camguilhem, désigné par le Premier ministre, à l’audience publique du 5 mars 2024 ;

Et après avoir entendu le rapporteur ;

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :

1. Les cinquième à neuvième alinéas de l’article L. 651–5 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant de la loi du 17 décembre 2012 mentionnée ci–dessus, prévoient, à propos de la contribution sociale de solidarité à la charge des sociétés :

« Pour les commissionnaires au sens de l’article L. 132–1 du code de commerce qui s’entremettent dans une livraison de biens ou de services, l’assiette de la contribution est constituée par le montant de leur commission, sous réserve que les conditions suivantes soient simultanément remplies :

« 1° L’opération d’entremise est rémunérée exclusivement par une commission dont le taux est fixé au préalable d’après le prix, la quantité ou la nature des biens ou des services ;

« 2° Il est rendu compte au commettant du prix auquel l’intermédiaire a traité l’opération avec l’autre contractant ;

« 3° L’intermédiaire qui réalise ces opérations d’entremise doit agir en vertu d’un mandat préalable et ne jamais devenir propriétaire des biens ;

« 4° Les opérations ne sont pas réalisées par des personnes établies en France qui s’entremettent dans la livraison de biens ou l’exécution des services par des redevables qui n’ont pas établi dans l’Union européenne le siège de leur activité, un établissement stable, leur domicile ou leur résidence habituelle ».

 

2. La société requérante reproche à ces dispositions de réserver aux seuls commissionnaires dont le commettant est établi dans l’Union européenne la possibilité de bénéficier d’une minoration de l’assiette de la contribution sociale de solidarité à la charge des sociétés. Ce faisant, le législateur aurait institué une différence de traitement injustifiée entre les commissionnaires et retenu un critère tenant au lieu d’établissement qui ne serait ni objectif ni rationnel au regard de l’objet de cette imposition. Il en résulterait une méconnaissance des principes d’égalité devant la loi et devant les charges publiques. Elle soutient par ailleurs que ces dispositions méconnaîtraient la liberté d’entreprendre en restreignant de façon injustifiée l’activité des commissionnaires ne bénéficiant pas d’une telle minoration d’assiette.

3. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur le 4° de l’article L. 651–5 du code de la sécurité sociale.

– Sur l’intervention :

4. Selon le deuxième alinéa de l’article 6 du règlement intérieur du 4 février 2010 mentionné ci-dessus, seules les personnes justifiant d’un « intérêt spécial » sont admises à présenter une intervention. Elles sont fondées à intervenir dans la procédure de la question prioritaire de constitutionnalité dans la seule mesure où leur intervention porte sur les dispositions contestées.

5. La société des eaux de Trouville-Deauville-Normandie conteste non le critère tenant au lieu d’établissement prévu par les dispositions contestées, mais le champ d’application de la minoration d’assiette de contribution sociale de solidarité à la charge des sociétés. Par conséquent, son intervention n’est pas admise.

– Sur le fond :

6. Selon les dispositions combinées du troisième alinéa de l’article 23–2 et du troisième alinéa de l’article 23–5 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 mentionnée ci–dessus, le Conseil constitutionnel ne peut être saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité relative à une disposition qu’il a déjà déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une de ses décisions, sauf changement des circonstances.

7. Dans sa décision du 13 décembre 2012 mentionnée ci–dessus, le Conseil constitutionnel a spécialement examiné l’article 12 de la loi du 17 décembre 2012, qui a inséré les dispositions contestées au sein de l’article L. 651–5 du code de la sécurité sociale, et l’a déclaré conforme à la Constitution.

8. Ainsi, le 4° de l’article L. 651–5 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant de cette loi, a été déclaré conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif de cette décision.

9. Dès lors, en l’absence de changement des circonstances, il n’y a pas lieu, pour le Conseil constitutionnel, de statuer sur la question prioritaire de constitutionnalité.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :

 

Article 1er. – Il n’y a pas lieu de statuer sur la question prioritaire de constitutionnalité portant sur le 4° de l’article L. 651–5 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2012–1404 du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013.

 

Article 2. – Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 23-11 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.

 

Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 14 mars 2024, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, Michel PINAULT et François SÉNERS.

 

Rendu public le 15 mars 2024.

 

Abstracts

11.6.3.1

Observations en intervention

Selon le deuxième alinéa de l’article 6 du règlement intérieur du 4 février 2010 mentionné ci-dessus, seules les personnes justifiant d’un « intérêt spécial » sont admises à présenter une intervention. Elles sont fondées à intervenir dans la procédure de la question prioritaire de constitutionnalité dans la seule mesure où leur intervention porte sur les dispositions contestées. La société des eaux de Trouville-Deauville-Normandie conteste non le critère tenant au lieu d’établissement prévu par les dispositions contestées, mais le champ d’application de la minoration d’assiette de contribution sociale de solidarité à la charge des sociétés. Par conséquent, son intervention n’est pas admise.

2023-1082 QPC, 15 mars 2024, paragr. 4 5

11.6.3.5.1

Délimitation plus étroite de la disposition législative soumise au Conseil constitutionnel

Le Conseil constitutionnel juge que la question prioritaire de constitutionnalité porte sur un champ plus restreint que la disposition renvoyée.

2023-1082 QPC, 15 mars 2024, paragr. 3

11.6.5.1

Non-lieu à statuer

Dans sa décision n° 2012–659 DC du 13 décembre 2012, le Conseil constitutionnel a spécialement examiné l’article 12 de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012, qui a inséré les dispositions contestées au sein de l’article L. 651-5 du code de la sécurité sociale, et l’a déclaré conforme à la Constitution. Ainsi, le 4° de l’article L. 651-5 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant de cette loi, a été déclaré conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif de cette décision. Dès lors, en l’absence de changement des circonstances, il n’y a pas lieu, pour le Conseil constitutionnel, de statuer sur la question prioritaire de constitutionnalité.

2023-1082 QPC, 15 mars 2024, paragr. 7 8 9

11.8.7.1.1.4.1

Refus de reconnaître un changement des circonstances

Dans sa décision n° 2012–659 DC du 13 décembre 2012, le Conseil constitutionnel a spécialement examiné l’article 12 de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012, qui a inséré les dispositions contestées au sein de l’article L. 651-5 du code de la sécurité sociale, et l’a déclaré conforme à la Constitution. Ainsi, le 4° de l’article L. 651-5 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant de cette loi, a été déclaré conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif de cette décision. Dès lors, en l’absence de changement des circonstances, il n’y a pas lieu, pour le Conseil constitutionnel, de statuer sur la question prioritaire de constitutionnalité.

2023-1082 QPC, 15 mars 2024, paragr. 7 8 9

Références doctrinales

  • Person, Grégoire; Le Boucher, Thomas, QPC – Le régime dérogatoire de détermination de l’assiette de la C3S pour les intermédiaires opaques est constitutionnel, Revue de droit fiscal, 4 avril 2024, n°14, p. 4.