Cour de cassation

Arrêt du 28 février 2024 n° 23-84.355

28/02/2024

Irrecevabilité

N° R 23-84.355 F-D

 

N° 00371

 

28 FÉVRIER 2024

 

MAS2

 

QPC INCIDENTE : IRRECEVABILITÉ

 

M. BONNAL président,

 

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

________________________________________

 

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

 

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,

DU 28 FÉVRIER 2024

 

M. [D] [V] a présenté, par mémoire spécial reçu le 30 novembre 2023, une question prioritaire de constitutionnalité à l'occasion du pourvoi formé par lui contre l'arrêt de la cour d'appel de Versailles, 9e chambre, en date du 5 juillet 2023, qui, pour escroquerie, banqueroute et présentation de comptes annuels infidèles, l'a condamné à trois ans d'emprisonnement avec sursis probatoire, 25 000 euros d'amende et quinze ans d'interdiction de gérer, et a prononcé sur les intérêts civils.

 

Des observations ont été produites.

 

Sur le rapport de Mme Piazza, conseiller, les observations de la SCP Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de M. [D] [V], les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. [X] [C], pris en qualité de liquidateur judiciaire de la société [1], et les conclusions de M. Valat, avocat général, après débats en l'audience publique du 28 février 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Piazza, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre,

 

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

 

1. La question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :

 

« Les dispositions de l'article L. 654-2, 1° du code de commerce, dans leur rédaction, actuellement en vigueur, issue de l'ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008 et telles qu'interprétées de manière constante par la Cour de cassation, ne méconnaissent-elles pas le principe de légalité des délits, garanti par l'article 8 de la Déclaration de 1789, en ce qu'il en résulte que le délit de banqueroute par l'emploi de moyens ruineux est constitué, que les faits constatés soient antérieurs ou postérieurs à la date de la cessation des paiements, dès lors que, procédant d'une même intention et tendant au même but, ils ont pour objet ou pour effet soit d'éviter ou de retarder la constatation de cet état, soit d'affecter la consistance de l'actif disponible dans des conditions de nature à placer l'intéressé dans l'impossibilité de faire face au passif exigible, une telle interprétation extensive, en l'absence de toute limitation dans le temps, ayant pour effet de neutraliser le dol spécial imposé par le législateur qui distingue pourtant ce délit des autres délits de banqueroute ? ».

 

2. La disposition législative contestée est applicable à la procédure et n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.

 

3. La question, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle.

 

4. L'article L. 654-2, 1°, du code de commerce définit le délit de banqueroute comme le fait, en cas d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, par une des personnes mentionnées à l'article L. 654-1 du même code, dans l'intention d'éviter ou de retarder l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, soit de faire des achats en vue d'une revente au-dessous du cours, soit d'employer des moyens ruineux pour se procurer des fonds.

 

5. La jurisprudence de la Cour de cassation énonce que si l'ouverture d'une procédure collective est une condition de forme, la cessation des paiements reste une condition de fond de l'infraction, dont le juge pénal doit préciser la date, qui peut être celle fixée par le juge de la procédure collective ou une date différente, dès lors que les faits ont pour objet ou pour effet de la part de leur auteur de rechercher à éviter ou à retarder l'ouverture de la procédure collective.

 

6. La question, qui ne concerne pas la compatibilité de la portée d'une disposition législative résultant d'une interprétation jurisprudentielle constante de la Cour de cassation avec les droits et libertés que la Constitution garantit, revient à contester la conformité de cette interprétation avec le libellé du texte législatif en cause.

 

7. Il s'ensuit que la question prioritaire de constitutionnalité n'est pas recevable.

 

PAR CES MOTIFS, la Cour :

 

DÉCLARE IRRECEVABLE la question prioritaire de constitutionnalité ;

 

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en audience publique du vingt-huit février deux mille vingt-quatre.

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n