Cour de cassation

Arrêt du 28 février 2024 n° 23-40.018

28/02/2024

Non renvoi

CIV. 1

 

COUR DE CASSATION

 

CF

 

______________________

 

QUESTION PRIORITAIRE

de

CONSTITUTIONNALITÉ

______________________

 

Audience publique du 28 février 2024

 

NON-LIEU A RENVOI

 

Mme CHAMPALAUNE, président

 

Arrêt n° 179 F-D

 

Affaire n° Y 23-40.018

 

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

 

_________________________

 

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

 

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 28 FÉVRIER 2024

 

La cour d'appel de Douai a transmis à la Cour de cassation, suite à l'ordonnance rendue le 30 novembre 2023, la question prioritaire de constitutionnalité, reçue le 5 décembre 2023, dans l'instance mettant en cause :

 

D'une part,

 

M. [L] [G], domicilié centre de rétention administratif (CRA) de [Localité 5], [Adresse 3], représenté par Mme [J] [H], domiciliée [Adresse 1],

 

D'autre part,

 

le préfet du Nord, domicilié [Localité 2],

 

Le dossier a été communiqué au procureur général.

 

Sur le rapport de Mme Feydeau-Thieffry, conseiller référendaire, et l'avis de M. Chaumont, avocat général, après débats en l'audience publique du 27 février 2024 où étaient présents Mme Champalaune, président, Mme Feydeau-Thieffry, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre,

 

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

 

Faits et procédure

 

1. Le 25 novembre 2023, à 10 heures 50, M. [G], de nationalité algérienne, a fait l'objet d'un contrôle d'identité [Adresse 4] à [Localité 6], effectué sur le fondement de l'article 78-2, alinéa 9, du code de procédure pénale, puis a été placé en retenue.

 

2. Le 26 novembre 2023, à 8 heures 50, il s'est vu notifier par le préfet du Nord deux arrêtés, l'un portant obligation de quitter le territoire français, sans délai de départ volontaire, l'autre de placement en rétention administrative. Le 27 novembre 2023, le préfet a saisi le juge des libertés et de la détention d'une requête tendant à prolonger la mesure de rétention.

 

Enoncé de la question prioritaire de constitutionnalité

 

3. Par ordonnance du 30 novembre 2023, le premier président de la cour d'appel de Douai a transmis une question prioritaire de constitutionnalité ainsi rédigée :

« Les dispositions de l'article 78-2, alinéa 9, du code de procédure pénale telles qu'issues de la loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure portent-elles atteinte à la liberté fondamentale d'aller et venir et aux dispositions de l'article 66 de la Constitution en ce qu'elles permettent aux services de police de procéder à des contrôles d'identité préventifs sans justifier d'un motif, par simple renvoi à la "criminalité transfrontière", sans contrôle préalable d'un juge judiciaire, garant des libertés individuelles, avec pour conséquence :

- d'une part, le fait que la mesure privative de liberté subséquente (la retenue administrative), qui peut durer vingt-quatre heures, peut échapper au juge ;

- d'autre part, de faire échapper du juge judiciaire le contrôle de l'utilisation de ces "notes", de sorte qu'elles peuvent être quasi-permanentes comme renouvelées tous les jours, pendant une durée de douze heures, sur le même territoire - sans contrôle judiciaire. »

 

Examen de la question prioritaire de constitutionnalité

 

4. La disposition contestée, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2017-1510 du 30 octobre 2017, est applicable au litige.

 

5. Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.

 

6. Cependant, d'une part, la question posée, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle.

 

7. D'autre part, la question posée ne présente pas un caractère sérieux.

 

8. En premier lieu, les dispositions de l'article 78-2, alinéa 9, du code de procédure pénale, permettant uniquement aux services de police judiciaire de procéder à des contrôles d'identité, n'entraînent pas de privation de la liberté individuelle au sens de l'article 66 de la Constitution.

 

9. En second lieu, l'exercice des libertés constitutionnellement garanties au nombre desquelles figure la liberté d'aller et venir doit être concilié avec la prévention des atteintes à l'ordre public, notamment à la sécurité des personnes et des biens, et la recherche des auteurs d'infraction, qui constituent des objectifs à valeur constitutionnelle et les atteintes portées à ces libertés doivent être adaptées, nécessaires et proportionnées aux objectifs poursuivis.

 

10. Les contrôles d'identité, fondés sur l'article 78-2, alinéa 9, du code de procédure pénale, qui constituent la contrepartie de la suppression des contrôles aux frontières résultant de l'accord de Schengen, ont pour objectif de prévenir et rechercher des infractions liées à la criminalité transfrontalière.

 

11. Ils sont entourés de garanties puisqu'ils sont limités à des zones géographiques déterminées en fonction de cet objectif, ne peuvent être pratiqués pour une durée excédant douze heures consécutives dans un même lieu et ne doivent pas consister en des contrôles systématiques des personnes présentes ou circulant dans les zones concernées.

 

12. La régularité de ces contrôles peut être contestée devant le juge judiciaire, saisi soit de poursuites pénales, soit d'une requête en prolongation de la rétention, soit d'une demande d'indemnisation.

 

13. Les dispositions litigieuses doivent donc être regardées comme ne portant à la liberté d'aller et venir que des atteintes adaptées, nécessaires et proportionnées aux objectifs de préservation de l'ordre public et de recherche des auteurs d'infraction.

 

14. En conséquence, il n'y a pas lieu de renvoyer la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel.

 

PAR CES MOTIFS, la Cour :

 

DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ;

 

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit février deux mille vingt-quatre.

Code publication

n