Tribunal administratif de Nantes

Ordonnance du 23 février 2024 n° 2304190

23/02/2024

Non renvoi

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 23 mars 2023, M. A B, représenté par Me Benages, demande au tribunal :

1°) d'annuler la décision du 27 janvier 2023 par laquelle la directrice par intérim du Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière lui a infligé la sanction disciplinaire de la révocation ;

2°) d'enjoindre au centre hospitalier de Cholet de lui verser l'intégralité de son salaire depuis la date de sa révocation ;

3°) de mettre à la charge du Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire distinct, enregistré le 5 décembre 2023, M. B demande au tribunal, à l'appui de sa requête, de transmettre au Conseil d'Etat aux fins de transmission au Conseil constitutionnel la question de la conformité à la Constitution des dispositions du 1° de l'article L. 6152-1 du code de la santé publique, des articles L. 453-1, L. 453-3 et L. 532-1 de l'ordonnance n° 2021-1574 du 24 novembre 2021 portant partie législative du code général de la fonction publique

Il soutient que :

- les dispositions contestées sont notamment les articles L. 453-1, L. 453-3, et L. 532-1 de l'ordonnance n° 2021-1574 du 24 novembre 2021 portant partie législative du code général de la fonction publique et le 1° de l'article L. 6152-1 du code de la santé publique ;

- les dispositions relatives à la procédure disciplinaire applicable aux praticiens hospitaliers par le Centre national de gestion méconnaissent le principe d'impartialité et d'indépendance :

o au sein du Centre national de gestion, en application des dispositions des articles L. 453-1, L. 453-2, L. 532-1 du code général de la fonction publique, des articles R. 6152-74 à R. 6152-78, R. 6152-317, R. 6152-318 du code de la santé publique et du 8° de l'article 2 du décret du 4 mai 2007, il n'y pas de séparation entre les fonctions de poursuite et jugement qui sont confiées à la même personne, le directeur général du Centre national de gestion, le conseil de discipline, présidé par un magistrat, ne rendant qu'un avis qui ne lie pas le directeur général ; cette absence de séparation entre autorité de poursuite et autorité de jugement méconnait le principe d'impartialité et d'indépendance ;

o la directrice générale du Centre national de gestion avait déjà rendu un " pré-jugement " dès l'engagement de la procédure disciplinaire à son encontre ;

o la composition et le fonctionnement du conseil de discipline du Conseil national de gestion, prévus par les dispositions des articles R. 6152-318 et R. 6152-317 du code de la santé publique, méconnaissent le principe d'impartialité et d'indépendance ; la répartition n'est pas équilibrée entre les praticiens hospitaliers et l'administration ;

o le principe d'impartialité et d'indépendance a été méconnu du fait du contexte du litige, le ministre de la santé ayant fait appel au Centre national de gestion, placé sous son autorité, pour faire taire ses critiques quant à la politique vaccinale ;

o le directeur général du Centre national de gestion a un pouvoir disciplinaire sur tous les pharmaciens des hôpitaux, praticiens hospitaliers, y compris ceux qui siègent au sein de la chambre de discipline de l'Ordre national des pharmaciens ;

- les dispositions relatives à la procédure disciplinaire applicable aux praticiens hospitaliers par le Centre national de gestion sont entachées d'incompétence négative et méconnaissent le principe de légalité des délits et des peines :

o la fixation des règles de la procédure et des sanctions disciplinaires encourues par les praticiens hospitaliers (articles R. 6152-74 à R. 6152-78 du code de la santé publique) a été confiée au pouvoir réglementaire par le 1° de l'article L. 6152-1 du code de la santé publique et les articles L. 453-1, L. 453-3 et L. 532-1 du code général de la fonction publique alors que pour les fonctionnaires hospitaliers relevant du même pouvoir disciplinaire du directeur général du Centre national de gestion, les règles disciplinaires ont été établies par la loi ; le principe de légalité des délits et des peines exige cependant que les manquements et les sanctions soient définis à l'avance par la loi ;

o la grande marge d'appréciation ainsi laissée au pouvoir réglementaire et à l'administration génère un risque d'arbitraire ce que montre sa situation ; il n'est pas soumis au code de déontologie des médecins, mais des pharmaciens ; le Centre national de gestion n'est pas compétent pour apprécier d'éventuels manquements aux codes de déontologie, qui relèvent de la juridiction disciplinaire de l'ordre ; la directrice générale du Centre national de gestion lui a opposé un devoir de réserve, de neutralité et d'obéissance hiérarchique alors que le code de déontologie des pharmaciens consacre une indépendance professionnelle et qu'il n'a pas la qualité de fonctionnaire ; la procédure disciplinaire a été engagée sans respect du contradictoire ;

- les dispositions relatives à la procédure disciplinaire applicable aux praticiens hospitaliers par le Centre national de gestion méconnaissent le principe d'égalité en méconnaissance des articles 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ; il existe une différence de traitement entre les praticiens hospitaliers et les fonctionnaires hospitaliers alors qu'ils relèvent de la même autorité investie du pouvoir disciplinaire :

o le pouvoir réglementaire n'a pas fixé de délai de prescription des faits susceptibles de donner lieu à des poursuites disciplinaires pour les praticiens hospitaliers ;

o aucun texte ne fixe les règles de gestion des dossiers individuels des praticiens hospitaliers ;

o les modalités de saisine du conseil de discipline, résultant des dispositions de l'article R. 6152-75 du code de la santé publique, n'exigent aucun rapport circonstancié ;

o les modalités de transmission du dossier disciplinaire n'ont pas été définies ;

o la directrice générale du Centre national de gestion n'a pas convoqué les témoins dont il avait transmis la liste conformément aux dispositions de l'article R. 6152-75 du code de la santé publique ;

o les frais de déplacement, d'hébergement et de restauration sont uniquement pris en charge pour les fonctionnaires hospitaliers et non les praticiens hospitaliers selon un document intitulé " la procédure disciplinaire " élaboré par le Centre national de gestion ;

o les praticiens hospitaliers pharmaciens sont soumis à deux procédures disciplinaires, celle du Centre national de gestion et celle de l'Ordre des pharmaciens, alors que les directeurs des hôpitaux ne relèvent d'aucun ordre professionnel ;

- les dispositions relatives à la procédure disciplinaire applicable aux praticiens hospitaliers par le Centre national de gestion méconnaissent le principe de publicité des séances et des débats portant sur un sujet d'intérêt général, résultant de la combinaison des articles 6, 8, 9 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; la directrice générale du Centre national de gestion lui a indiqué que les séances du conseil de discipline n'étaient pas publiques, décision relevant au demeurant du président du conseil de discipline et non du directeur général du Centre national de gestion ;

- les dispositions relatives à la procédure disciplinaire applicable aux praticiens hospitaliers par le Centre national de gestion méconnaissent le principe du respect des droits de la défense, principe fondamental reconnu par les lois de la République ; le principe suppose la mise en œuvre d'une procédure contradictoire préalable au prononcé de la sanction, la possibilité de disposer d'une copie de son dossier et la communication des griefs précis, la possibilité de présenter des observations écrites ou orales comme cela ressort des dispositions de l'article R. 6152-75 du code de la santé publique ; le droit à la protection, résultant de l'article L. 6152-4 du code de la santé publique, est un principe général du droit applicable même sans texte à tous les agents publics, dont les praticiens hospitaliers ;

- les dispositions relatives à la procédure disciplinaire applicable aux praticiens hospitaliers par le Centre national de gestion méconnaissent le principe de clarté, découlant des dispositions de l'article 34 de la Constitution, et l'objectif à valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité découlant des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

- les dispositions relatives à la procédure disciplinaire applicable aux praticiens hospitaliers par le Centre national de gestion méconnaissent les limites fixées à la dérogation au principe de séparation des pouvoirs ; la procédure concerne la liberté d'expression, intrinsèque à son métier de pharmacien, la sanction ne peut être confiée à une autorité administrative non indépendante comme le Centre national de gestion.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le décret n° 2007-704 du 4 mai 2007 ;

- le code général de la fonction publique ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

1. Aux termes de l'article 61-1 de la Constitution : " Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. / Une loi organique détermine les conditions d'application du présent article ". Aux termes de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, modifiée par la loi organique susvisée du 10 décembre 2009 relative à l'application de l'article 61-1 de la Constitution : " Devant les juridictions relevant du Conseil d'État () le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d'irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé. Un tel moyen peut être soulevé pour la première fois en cause d'appel. Il ne peut être relevé d'office () ". Aux termes de l'article 23-2 de la même ordonnance : " La juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'État ou à la Cour de cassation. Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies : / 1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ; 2° / Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ; 3°/ La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux () ". Aux termes de l'article R. 771-7 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d'appel, le vice-président du tribunal administratif de Paris, les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours ou les magistrats désignés à cet effet par le chef de juridiction peuvent, par ordonnance, statuer sur la transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité ".

2. Il résulte de ces dispositions que le président d'une formation de jugement d'un tribunal administratif, saisi d'un moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, présenté dans un écrit distinct et motivé, statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat et procède à cette transmission si est remplie la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question ne soit pas dépourvue de caractère sérieux.

Sur les dispositions dont l'inconstitutionnalité est invoquée :

3. L'article L. 6152-1 du code de la santé publique dispose que : " Le personnel des établissements publics de santé comprend, outre les agents hospitaliers au sens du 6° de l'article L. 7 du code général de la fonction publique, les personnels enseignants et hospitaliers mentionnés à l'article L. 952-21 du code de l'éducation et les personnels mentionnés à l'article L. 6147-9 qui y exercent : / 1° Des médecins, des odontologistes et des pharmaciens dont le statut, qui peut prévoir des dispositions spécifiques selon que ces praticiens consacrent tout ou partie de leur activité à ces établissements, est établi par voie réglementaire () ".

4. L'article L. 453-1 du code général de la fonction publique dispose que : " Le Centre national de gestion est l'établissement public national à caractère administratif chargé de la gestion des personnels de direction de la fonction publique hospitalière, des directeurs des soins et des praticiens hospitaliers. Il exerce ses missions au nom du ministre chargé de la santé ou du directeur de l'établissement de rattachement du personnel qu'il gère. Il est placé sous la tutelle du ministre chargé de la santé ". L'article L. 453-3 du même code dispose que : " Le directeur général du Centre national de gestion est recruté sur un emploi doté d'un statut fonctionnel dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat./ Il assure : / 1° En qualité d'autorité investie du pouvoir de nomination et, au nom du ministre chargé de la santé, la gestion statutaire et le développement des ressources humaines des personnels de direction et des directeurs des soins de la fonction publique hospitalière ainsi que des praticiens hospitaliers () ". Enfin l'article L. 532-1 du même code dispose que : " Le pouvoir disciplinaire appartient à l'autorité investie du pouvoir de nomination ou à l'autorité territoriale qui l'exerce dans les conditions prévues aux sections 2 et 3 ".

Sur la méconnaissance du principe d'impartialité et d'indépendance :

5. Aux termes de l'article 16 de la Déclaration de 1789 : " Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ".

6. Les principes d'indépendance et d'impartialité sont indissociables de l'exercice de fonctions juridictionnelles, fonctions que n'exercent ni le conseil de discipline auprès du Centre national de gestion, ni le directeur général du Centre national de gestion. En revanche, le principe d'impartialité est un principe général du droit qui s'impose à tous les organismes administratifs.

7. Par ailleurs, l'article R. 6152-318 du code de la santé publique dispose que : " Le conseil de discipline comprend : / 1° Un président et un président suppléant, membres du Conseil d'Etat, nommés sur proposition du vice-président du Conseil d'Etat ; / 2° Six membres titulaires et six membres suppléants représentant l'administration dont : / a) Un membre titulaire et un membre suppléant, nommés sur proposition du directeur général de la santé ;/ b) Un membre titulaire et un membre suppléant, nommés sur proposition du directeur général de l'offre de soins ; / c) Un membre titulaire et un membre suppléant, membres de l'inspection générale des affaires sociales, nommés sur proposition du chef de l'inspection générale des affaires sociales ; / d) Un membre titulaire et un membre suppléant, membres du corps des médecins inspecteurs de santé publique ou du corps des pharmaciens inspecteurs de santé publique, désignés par le ministre chargé de la santé ; / e) Un membre titulaire et un membre suppléant, membres du corps des personnels de direction des établissements mentionnés aux 1° et 2° de l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, nommés sur proposition de l'organisation la plus représentative des établissements mentionnés à ce même article 2 ; / f) Un membre titulaire et un membre suppléant, nommés sur proposition du directeur général du Centre national de gestion ; / Pour la désignation des représentants de l'administration, le conseil de discipline a vocation à assurer la représentation équilibrée de la répartition entre les femmes et les hommes. / 3° Six représentants titulaires et suppléants, élus par le collège des praticiens hospitaliers pour chacune des sept sections suivantes : / a) Médecine et spécialités médicales ; / b) Psychiatrie ; / c) Chirurgie, spécialités chirurgicales et odontologie ; / d) Radiologie ; / e) Biologie ; / f) Anesthésie-réanimation ; / g) Pharmacie. / Pour chacune de ces sections, il est constitué un collège unique des praticiens hospitaliers. / Les membres du conseil de discipline sont nommés par arrêté du directeur général du Centre national de gestion publié sur le site internet de ce centre. L'arrêté fixe la date d'effet du mandat des membres élus de la commission ".

8. Contrairement à ce que soutient le requérant, les seules dispositions législatives dont l'inconstitutionnalité est invoquée et qui sont citées aux points 3 et 4, qui se bornent à confier au Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière la gestion, y compris disciplinaire, des praticiens hospitaliers et n'organisent pas par elles-mêmes la procédure disciplinaire, n'ont aucunement pour effet de méconnaitre les principes d'impartialité et d'indépendance, l'absence d'exercice de fonctions juridictionnelles n'imposant au demeurant pas la séparation entre fonctions de poursuite et de décision invoquée par l'intéressé, mais le respect du principe d'impartialité, principe général du droit qui s'impose à tous les organismes administratifs. Par ailleurs, le requérant invoque la composition et le fonctionnement du conseil de discipline du Centre national de gestion, lesquels sont arrêtés par les dispositions des articles R. 6152-310 et suivants du code de la santé publique. Ces dispositions ayant valeur réglementaire ne sont pas au nombre de celles susceptibles d'être déférées au Conseil constitutionnel. Il suit de là que la question tirée de la méconnaissance des principes d'impartialité et d'indépendance est dépourvue de sérieux et partiellement irrecevable.

Sur l'incompétence négative et la méconnaissance du principe de légalité des délits et des peines :

9. Aux termes de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : " La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée ". Les principes ainsi énoncés ne concernent pas seulement les peines prononcées par les juridictions pénales mais s'étendent à toute sanction ayant le caractère d'une punition. Appliquée en dehors du droit pénal, l'exigence d'une définition des manquements sanctionnés se trouve satisfaite, en matière administrative, par la référence aux obligations auxquelles l'intéressé est soumis en vertu des lois et règlements en raison de l'activité qu'il exerce, de la profession à laquelle il appartient ou de l'institution dont il relève.

10. Par ailleurs, l'article R. 6152-74 du code de la santé publique dispose que : " Les sanctions disciplinaires applicables aux praticiens relevant de la présente section sont : / 1° L'avertissement ; / 2° Le blâme ; / 3° La réduction d'ancienneté de services entraînant une réduction des émoluments ; /4° La suspension pour une durée ne pouvant excéder six mois avec suppression totale ou partielle des émoluments ; / 5° La mutation d'office ; / 6° La révocation. / L'avertissement et le blâme sont prononcés par le directeur général du Centre national de gestion, après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, du directeur de l'établissement, de la commission médicale d'établissement siégeant en formation restreinte aux praticiens titulaires, et après communication de son dossier à l'intéressé. Ces décisions sont motivées. / L'avis de la commission médicale d'établissement est rendu dans un délai de deux mois à compter de la date de sa convocation. A défaut, l'avis motivé du président de la commission médicale d'établissement est alors seul requis. / Les autres sanctions sont prononcées par décision motivée du directeur général du Centre national de gestion après avis du conseil de discipline. / La composition et les modalités de fonctionnement du conseil de discipline sont fixées par la sous-section 2 de la section 3 du présent chapitre ".

11. Contrairement à ce que soutient le requérant, les seules dispositions législatives dont l'inconstitutionnalité est invoquée et qui sont citées aux points 3 et 4 n'ont pas elles-mêmes pour objet de confier au pouvoir réglementaire la fixation des règles de procédure et des sanctions disciplinaires susceptibles d'être encourues par les praticiens hospitaliers. En outre, ces sanctions sont définies clairement par les dispositions de l'article R. 6152-74, citées au point précédent et qui ayant valeur réglementaire ne sont en outre pas au nombre de celles susceptibles d'être déférées au Conseil constitutionnel. Par ailleurs les manquements sanctionnés sont, conformément au principe rappelé ci-dessus, définis par référence aux obligations auxquels les praticiens hospitaliers sont soumis en vertu des lois et règlements qui s'appliquent à eux, notamment les dispositions du code de la santé publique. Il suit de là que la question tirée de la méconnaissance du principe de légalité des délits et des peines et de l'incompétence négative entachant les dispositions législatives en cause est dépourvue de caractère sérieux.

Sur la méconnaissance du principe d'égalité :

12. Le principe de l'égalité de traitement dans le déroulement de la carrière des fonctionnaires n'est susceptible de s'appliquer qu'entre les agents appartenant à un même corps.

13. A l'appui de son moyen, le requérant invoque la différence de traitement, quant à la procédure disciplinaire dont il détaille des éléments, entre les praticiens hospitaliers et les personnels de direction de la fonction publique hospitalière, alors que tous les deux relèvent, en application des dispositions de l'article L. 453-1 du code général de la fonction publique, de la gestion du Centre national de gestion. Il ressort néanmoins du principe rappelé au point précédent que cette question, tirée de la méconnaissance du principe d'égalité devant la loi, garanti par les articles 6 et 16 de la Déclaration du 26 août 1789, est dépourvue de caractère sérieux. Il ressort en outre de l'argumentation soulevée par le requérant à l'appui de cette invocation qu'elle concerne essentiellement les dispositions de l'article R. 6152-75 du code de la santé publique, dispositions qui ont une valeur réglementaire et ne sont donc pas au nombre de celles qui sont susceptibles d'être déférées au Conseil constitutionnel.

Sur la méconnaissance du principe de publicité des séances et des débats :

14. Il résulte de la combinaison des articles 6, 8, 9 et 16 de la Déclaration de 1789 que le jugement d'une affaire pénale pouvant conduire à une privation de liberté doit, sauf circonstances particulières nécessitant le huis clos, faire l'objet d'une audience publique.

15. Le prononcé d'une sanction à l'encontre d'un praticien hospitalier par le directeur général du Centre national de gestion ne relève pas du jugement d'une affaire pénale et ne peut aucunement conduire à une privation de liberté. En outre à l'appui de son argumentation, le requérant se borne à invoquer la réponse de la directrice générale du Centre national de gestion lui indiquant que les séances du conseil de discipline qui se réunit en application des dispositions de l'article R. 6152-75 du code de la santé publique et n'invoque donc aucunement une disposition susceptible d'être déférée au Conseil constitutionnel. La question présente dès lors un caractère irrecevable et est également dépourvue de caractère sérieux.

Sur la méconnaissance du principe du respect des droits de la défense :

16. L'article R. 6152-75 du code de la santé publique dispose que : " Le conseil de discipline est saisi par le directeur général du Centre national de gestion. / Le praticien intéressé doit être avisé au moins deux mois à l'avance, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, de la date de sa comparution devant le conseil de discipline et avoir communication intégrale de son dossier. Il peut présenter devant le conseil de discipline des observations écrites ou orales, faire entendre des témoins et se faire assister d'un défenseur de son choix. / Le droit de citer des témoins appartient également à l'administration. / Le conseil entend toutes les personnes qu'il estime devoir convoquer. Il prend connaissance des observations du directeur général de l'agence régionale de santé, du directeur de l'établissement et de la commission médicale de l'établissement où exerce le praticien siégeant en formation restreinte aux praticiens titulaires et hors la présence du praticien. / Le conseil de discipline peut ordonner toute enquête complémentaire susceptible de l'éclairer ".

17. L'absence de mention du principe des droits de la défense et du principe du contradictoire dans une disposition législative n'a ni pour objet ni pour effet de dispenser l'autorité compétente de respecter ces principes lorsque la mesure que la loi l'habilite à prendre entre dans leur champ d'application.

18. Le requérant se borne à évoquer de manière générale les garanties découlant du principe du respect des droits de la défense sans aucunement présenter d'argumentation à l'appui de la méconnaissance invoquée de ce principe. La question est dès lors dépourvue de caractère sérieux. En tout état de cause, les dispositions évoquées dans les développements à l'appui de cette méconnaissance, de l'article R. 6152-75 du code de la santé publique rappelées au point 16, qui ont une valeur réglementaire, ne sont pas au nombre de celles qui sont susceptibles d'être déférées au Conseil constitutionnel. Par suite la question présente également un caractère irrecevable.

Sur la méconnaissance du principe de clarté et de l'objectif à valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité :

19. Il incombe au législateur d'exercer pleinement la compétence que lui confie la Constitution et, en particulier, son article 34. A cet égard, le principe de clarté de la loi, qui découle du même article de la Constitution, et l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi, qui découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration de 1789, lui imposent d'adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques afin de prémunir les sujets de droit contre une interprétation contraire à la Constitution ou contre le risque d'arbitraire.

20. Le requérant se borne à invoquer la méconnaissance du principe de clarté de la loi, découlant des dispositions de l'article 34 de la Constitution et de l'objectif à valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité découlant des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen sans aucunement présenter d'argumentation à l'appui de la méconnaissance invoquée. La question est dès lors dépourvue de caractère sérieux.

Sur la méconnaissance du principe de séparation des pouvoirs :

21. Sont garantis par l'article 16 de la Déclarations des droits de l'homme et du citoyen de 1789 le droit des personnes intéressées à exercer un recours juridictionnel effectif, le droit à un procès équitable, ainsi que les droits de la défense lorsqu'est en cause une sanction ayant le caractère d'une punition.

22. Le requérant invoque à l'appui de cette question la circonstance que la procédure disciplinaire en cause aurait été diligentée en raison de propos qu'il a tenus et le fait qu'une autorité administrative comme le Conseil national de gestion, placé sous la tutelle du ministre chargé de la santé, ne pourrait se voir confier un pouvoir de sanction dans un domaine concernant la liberté d'expression et de communication. Néanmoins, et alors tout d'abord qu'ainsi qu'il a été rappelé ci-dessus que les droits de la défense sont en l'espèce garantis par la procédure prévue par les dispositions de l'article R. 6152-75 du code de la santé publique et ensuite et en tout état de cause que le principe de la séparation des pouvoirs, non plus qu'aucun principe ou règle de valeur constitutionnelle, ne fait obstacle à ce qu'une autorité administrative, agissant dans le cadre de prérogatives de puissance publique, puisse exercer un pouvoir de sanction dans la mesure nécessaire à l'accomplissement de sa mission dès lors que l'exercice de ce pouvoir est assorti par la loi de mesures destinées à assurer la protection des droits et libertés constitutionnellement garantis, le requérant se borne à évoquer des décisions du Conseil constitutionnel relatives notamment à des autorités administratives indépendantes et le fait que la procédure en cause aurait pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa liberté d'expression sans aucunement assortir son argumentation de précisions suffisantes. Par suite, la question de la conformité au principe constitutionnel de séparation des pouvoirs des dispositions invoquées, qui se bornent à confier le pouvoir de gestion, incluant le pouvoir disciplinaire, sur la carrière des praticiens hospitaliers au Centre national de gestion, ne présente pas un caractère sérieux.

O R D O N N E :

Article 1er : Il n'y pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat les questions prioritaires de constitutionnalité soulevées par M. B.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A B, au Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière et au centre hospitalier de Cholet.

Fait à Nantes, le 23 février 2024.

La présidente,

M. C

La République mande et ordonne au ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2 QPC