Cour administrative d'appel de Nantes

Arrêt du 13 février 2024 n° 23NT01507

13/02/2024

Autre

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B A a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 12 juillet 2019 par laquelle la direction spécialisée du contrôle fiscal centre-ouest a rejeté sa réclamation contentieuse et de ramener les rappels de taxe sur la valeur ajoutée dus par la société Rea Immo au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012 mis à sa charge en application de l'article L. 267 du livre des procédures fiscales, à titre principal à la somme de 23 180,55 euros, ou, à titre subsidiaire à la somme de 140 989,55 euros.

Par un jugement n° 1908628 du 31 mars 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 23 mai 2023 et un mémoire enregistré le 17 novembre 2023, M. B A représenté par Me Crosnier-Martel demande à la cour dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de de Nantes du 31 mars 2023 ;

2°) de réexaminer sa demande de transmission de la question prioritaire de constitutionnalité ;

3°) d'annuler la décision de rejet rendue par l'administration fiscale le 12 juillet 2019 et de prononcer la décharge des rappels d'imposition émis à son encontre à hauteur de 175 350 euros ; à titre subsidiaire, de prononcer la décharge des rappels de pénalités émis l'encontre de M. B A, soit la somme de 50 100 euros ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du Code de Justice administrative.

Il soutient que :

- sur le refus de transmission de la question prioritaire de constitutionnalité : l'ordonnance de rejet a été rendue sans que le requérant n'ait eu la possibilité d'apporter la contradiction à l'administration fiscale dans des délais raisonnables et connus alors qu'il n'a disposé que de 16 jours pour répondre ; les conditions posées pour un réexamen de la question prioritaire de constitutionnalité posées par les dispositions de l'article R.771-10 du code de justice administrative sont remplies ;

- le jugement du tribunal administratif est insuffisamment motivé et souffre d'une erreur de fait et d'une violation de la loi quant au quantum des sommes mises à la charge de M. A ;

- l'administration ne rapporte pas la preuve de sa créance, alors même que la décision de la cour d'appel de Poitiers du 5 février 2019 constate son extinction ; la somme de 125 250 euros a été réglée en 2011 en quatre versements ; les motifs de l'arrêt de la Cour d'appel de Poitiers constituent des considérations de droit s'imposant au juge administratif notamment en ce qu'ils ont eu pour objet de déterminer le montant du passif auquel il est tenu en raison de sa solidarité vis-à-vis de la société Réa Immo ;

- l'arrêt du 9 juillet 2015 de la cour administrative d'appel de Nantes mentionne que les paiements effectués par la SARL pour un montant de 125 250 euros n'ont pas eu pour objet de régulariser des rappels de taxes pour la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2009 mais concernait la TVA exigible au titre de l'exercice 2011 ;

- la taxe sur la valeur ajoutée payée par la société Rea immo en 2011 ne pouvait être imputée sur des rappels dus pour la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2009 ; le comptable public aurait dû faire application des articles 1256 du code civil et notamment imputer la somme de 125 000 euros sur la dette que le débiteur avait le plus intérêt à acquitter ;

- il est fondé à se prévaloir de l'instruction comptable CP 1-3-1995, 95-027-A1 titre 4 chap. 3 n° 2-1 ;

- l'administration n'apporte pas la preuve qui lui incombe comme le prévoit la doctrine administrative D. adm. 12 A-232 n° 21, 30-12-1994 ; BOI-REC-PRO-10-20-10 n° 70 du 12 septembre 2012 ; le recouvrement de la somme de 125 250 euros déjà payée par la société Réa immo ne doit pas être poursuivi auprès de lui au titre de l'article L. 267 du Livre des procédures fiscales ;

- sur les pénalités : les articles 8 et 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et les stipulations de l'article 7 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, relatifs à l'individualisation et à la personnalité des peines s'opposent à ce qu'il s'acquitte de pénalités prononcées à l'encontre de la société Réa Immo ; il ne dispose d'aucune action récursoire à l'encontre de la société Réa Immo ; les dispositions de l'article L. 267 du livre des procédure fiscales instituent une responsabilité civile solidaire qui limite la faculté de recouvrement de l'administration fiscale au seul passif commercial et financier de la personne morale, et à l'exclusion du passif issu de la commission de faits pénaux auxquels le dirigeant est étranger.

Par un mémoire en défense enregistré le 23 octobre 2023 et un mémoire enregistré le 4 décembre 2023, le ministre de l'économie des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Le ministre soutient que les moyens ne sont pas fondés.

Par un mémoire distinct, enregistré le 28 juillet 2023 et un mémoire enregistré le 8 septembre 2023, M. B A, représenté par Me Crosnier-Martel, a demandé à la cour de transmettre au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article L. 267 du livre des procédures fiscales.

Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a répondu à ce mémoire par un mémoire enregistré le 16 août 2023.

Par une ordonnance n° 23NT01507 QPC du 8 septembre 2023, la présidente de la

1ère chambre de la cour n'a pas transmis au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code général des impôts ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Viéville a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Réa Immo dont M. A était gérant a fait l'objet d'une première vérification de comptabilité qui a porté sur la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2009. Par une proposition de rectification du 22 décembre 2010, le service a notifié à la SARL Réa Immo des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, assortis de l'intérêt de retard et de la majoration de 40 % mis en recouvrement le 3 novembre 2011, pour un montant de 191 833 euros en droits et de 99 682 euros de pénalités. La SARL Rea Immo a contesté ces impositions par une réclamation du 14 novembre 2011 qui a fait l'objet d'une décision de rejet du 11 mai 2012. Le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa requête par un jugement n° 1206694 du 27 mars 2014, puis la cour administrative de Nantes a rejeté la requête dirigée contre ce jugement par un arrêt n° 14NT01411 du 9 juillet 2015. La SARL Réa Immo a fait l'objet d'une seconde vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012. Les rappels de taxe sur la valeur ajoutée et les pénalités résultant du contrôle, d'un montant total de 187 010 euros ont été mis en recouvrement le 23 octobre 2013. Par jugement du 21 janvier 2015, le tribunal de commerce de La Roche-sur-Yon a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la SARL Réa Immo, convertie en liquidation judiciaire par un jugement du 18 février 2015. La procédure a été clôturée, pour insuffisance d'actif, le 15 juin 2016 et la société Réa Immo a été liquidée. Par un arrêt du 5 février 2019, la Cour d'appel de Poitiers a déclaré M. B A solidairement responsable avec la SARL Réa Immo au paiement de la somme de 198 530,55 euros correspondants à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée des années 2010, 2011 et 2012. Ayant été destinataire d'une mise en demeure de payer les sommes mises à sa charge par la cour d'appel de Poitiers, M. A a présenté une réclamation qui a été rejetée le 12 juillet 2019. Par un jugement n° 1908628 du 31 mars 2023 dont M. A fait appel, le Tribunal administratif de Nantes a rejeté la requête tendant à la réduction de ces rappels de taxe sur la valeur ajoutée. M. A a présenté une question prioritaire de constitutionnalité par mémoire distinct, qui a été rejetée par ordonnance du 8 septembre 2023 de la présidente de la 1ère chambre de la cour.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments avancés, a suffisamment répondu au point 2 du jugement attaqué au moyen tiré de ce que l'administration fiscale a commis une erreur dans la détermination du quantum des sommes mises à sa charge dès lors que la société Réa Immo, de laquelle il a été déclaré solidairement responsable du paiement des impositions et pénalités mises à sa charge, avait effectué un paiement d'un montant total de 125 250 euros en 2011 s'imputant sur la créance de taxe sur la valeur ajoutée pour l'année 2010, ce qui devait réduire d'autant les rappels d'imposition pour la période 2010-2012. M A n'est ainsi pas fondé à soutenir que ce jugement serait insuffisamment motivé.

3. Hormis le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis mais de se prononcer directement sur les moyens dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. M. A ne peut donc utilement se prévaloir, pour demander l'annulation du jugement attaqué comme irrégulier, de la méconnaissance de l'autorité de la chose jugée dont était revêtu l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers, de l'erreur de fait, et de l'erreur de droit que les premiers juges auraient commises.

Sur les conclusions tendant à la décharge de la responsabilité solidaire :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

4. Aux termes de l'article L. 267 du livre des procédures fiscales : " Lorsqu'un dirigeant d'une société, d'une personne morale ou de tout autre groupement, est responsable des manœuvres frauduleuses ou de l'inobservation grave et répétée des obligations fiscales qui ont rendu impossible le recouvrement des impositions et des pénalités dues par la société, la personne morale ou le groupement, ce dirigeant peut, s'il n'est pas déjà tenu au paiement des dettes sociales en application d'une autre disposition, être déclaré solidairement responsable du paiement de ces impositions et pénalités par le président du tribunal judiciaire. A cette fin, le comptable public compétent assigne le dirigeant devant le président du tribunal judiciaire du lieu du siège social. Cette disposition est applicable à toute personne exerçant en droit ou en fait, directement ou indirectement, la direction effective de la société, de la personne morale ou du groupement ". Aux termes de l'article R. 196-1 du même livre : " Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts, doivent être présentées à l'administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle, selon le cas : () c) de la réalisation de l'évènement qui motive la réclamation () ". Il résulte de la combinaison de ces dispositions que la décision juridictionnelle exécutoire déclarant, sur le fondement des dispositions de l'article L. 267 précité, qu'une personne est tenue au paiement solidaire de l'impôt fraudé, qui confère à cette personne la qualité de débiteur solidaire de l'impôt, ou, lorsqu'elle est requise, la signification de cette décision juridictionnelle au débiteur solidaire, par laquelle il prend connaissance de sa qualité de débiteur solidaire de l'impôt, constitue un évènement au sens du c) de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales.

5. Par un arrêt du 5 février 2019, la cour d'appel de Poitiers a confirmé, pour l'essentiel, le jugement rendu par le tribunal de grande instance de la Roche-sur-Yon le 19 septembre 2017 et a déclaré M. B A solidairement responsable avec la SARL Rea Immo Immo du paiement de la somme de 198 530,55 euros. Cette somme comprend notamment les rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012. L'arrêt de la Cour a été signifié à M. A le 21 mars 2019 et le comptable du pôle de recouvrement spécialisé de la Vendée lui a adressé une mise en demeure de payer les sommes mises à sa charge le 23 mai 2019. Cet arrêt a ouvert au bénéfice de M. A le délai de réclamation prévu par l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales rappelé ci-dessus.

6. En vertu de l'article 1256 du code civil, dont les dispositions ont été transférées, à compter du 1er octobre 2016, à l'article 1342-10 du même code, lorsque le débiteur n'a donné aucune indication, son paiement doit être imputé d'abord sur les dettes échues et, parmi celles-ci, sur les dettes que le débiteur avait le plus d'intérêt d'acquitter. Selon ces dispositions, à égalité d'intérêt, l'imputation se fait sur la dette la plus ancienne ou, toutes choses égales, elle se fait proportionnellement.

7. M. A fait valoir que la SARL Rea Immo s'est acquittée d'une somme de 125 250 euros par émission de quatre chèques bancaires au cours de l'année 2011 pour le règlement d'une taxe sur la valeur ajoutée déclarée en octobre 2010 et que le comptable public ne peut donc poursuivre auprès de lui en application des dispositions de l'article L. 267 du livre des procédures fiscales rappelées ci-dessus le recouvrement de cette somme déjà payée par la SARL Réa Immo. Cependant, il résulte de l'instruction et notamment de l'arrêt du 5 février 2019 de la 2ème chambre civile de la Cour d'appel de Poitiers que la somme de 125 500 euros dont s'est acquittée la SARL Rea Immo par quatre chèques libellés à l'ordre du trésor public en exécution de l'échéancier de quatre mois accordé par le trésorier principal le 14 février 2011, correspond au paiement de montants de taxe sur la valeur ajoutée collectée et déclarée seulement en octobre 2010 et n'a pas eu pour objet de régulariser les rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de la société à l'issue des deux contrôles fiscaux dont elle a fait l'objet.

8. A cet égard, il résulte de l'instruction que cette taxe sur la valeur ajoutée déclarée en octobre 2010 n'a pas été prise en compte lors la première vérification portant sur la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2009 qui a donné lieu à une proposition de rectification du 22 décembre 2010. Il résulte également de l'instruction et de la proposition de rectification adressée à l'entreprise Réa Immo le 31 mai 2013 que la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée dans la déclaration déposée en octobre 2010, déclarée comme régularisant des insuffisances antérieures, corroborée par l'existence d'une écriture d'opération diverse passée au cours de l'année 2010 sur le compte 445800 et intitulée " regul Tva ant " a été relevée par le service vérificateur mais n'a pas été prise en compte pour la détermination des rappels notifiés dans cette proposition.

9. Dès lors, et conformément à ce que la cour d'appel de Poitiers a jugé dans son arrêt du 5 février 2019, le paiement intervenu de 125 250 euros ne concerne ni les rappels notifiés sur la période des années 2007 à 2009 ni les rappels notifiés sur la période de 2010 à 2013 mais une taxe sur la valeur ajoutée collectée déclarée en octobre 2010. Par suite, M. A ne peut utilement soutenir que les dispositions de l'article 1256 du code civil ont été méconnues alors au demeurant qu'il ne résulte pas de l'instruction que les quatre versements effectués en exécution de l'échéancier de quatre mois accordé par le trésorier principal le 14 février 2011 aient, par les mentions accompagnant les quatre chèques émis au bénéfice du trésor public en mars, avril, mai et juin 2011 pour un montant de 125 250 euros, donné des indications suffisamment précises de l'affectation que M. A entendait donner à ces sommes. Ainsi, M. A n'est pas fondé à demander que la somme de 125 250 euros versés au cours de l'année 2011 soit déduite de la somme de 198 530,55 euros que l'administration fiscale l'a mis en demeure de s'acquitter par acte du 23 mai 2019.

10. M. A ne peut pas davantage se prévaloir des articles L 203 à L. 206 du livre des procédures fiscales pour obtenir la décharge de l'obligation solidaire de payer dès lors que le comptable n'a pas mis en œuvre ces dispositions qui concernent la compensation fiscale, pour établir la quotité de la taxe sur la valeur ajoutée en litige.

En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale :

11. M. A ne peut utilement invoquer l'instruction CP-1-3-1995, 95-027-A1 de la comptabilité publique qui ne comporte aucune interprétation formelle de la loi fiscale.

12. M. A ne peut davantage se prévaloir pour contester le bien-fondé de la taxe sur la valeur ajoutée mise à la charge de la SARL Réa Immo en paiement solidaire de laquelle il est recherché, de la doctrine administrative 12 A-232 n° 21 du 30 décembre 1994 et de la doctrine codifiée sous BOI-Rec-Pro-10-20-10 n° 70 du 12 septembre 2012 relatif au seul recouvrement de l'impôt payé par chèques bancaires émis par la société Réa Immo et à leur imputation alors que comme il a été dit au point 9, la somme de 125 250 euros n'a pas été imputée sur des rappels de taxe sur la valeur ajoutée due au titre d'exercices antérieurs.

Sur les pénalités :

13. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré ; () c. 80 % en cas de manœuvres frauduleuses ou de dissimulation d'une partie du prix stipulé dans un contrat ou en cas d'application de l'article 792 bis. "

14. En premier lieu, M. A estime qu'il ne peut être tenu solidairement responsable du paiement des pénalités mises à la charge de la SARL Réa Immo, en matière de taxe sur la valeur ajoutée ou de droits d'enregistrement, compte tenu du principe de personnalisation des peines, résultant des articles 8 et 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, selon lequel nul n'est punissable que de son propre fait. Cependant, et ce faisant, le requérant entend critiquer la constitutionnalité des dispositions de l'article L. 267 du livre des procédures fiscales alors que la présidente de la première chambre de la cour a rejeté la demande de transmission au Conseil d'Etat de cette question prioritaire de constitutionnalité.

15. En deuxième lieu, M. A invoque la méconnaissance du principe d'individualisation des peines tel que reconnu par les stipulations de l'article 7 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. Par l'arrêt précité de la Cour d'appel de Poitiers du 5 février 2019, M. A a été condamné solidairement au paiement de sommes comprenant des majorations de mauvaise foi assortissant le rappel de taxe sur la valeur ajoutée. Il n'est pas contesté que cette décision de justice est devenue définitive et M. A, dont la contestation ne vise en réalité pas le bien-fondé de ces majorations mais l'arrêt de la Cour d'appel de Poitiers en tant que cet arrêt le déclare responsable solidairement, n'est pas fondé à invoquer le principe de personnalisation des peines pour demander à être déchargé de l'obligation de payer les majorations dont ont été assortis les redressements de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de la SARL Réa Immo.

Sur la demande de réexamen de la question prioritaire de constitutionnalité :

16. Aux termes de l'article R. 771-10 du code de justice administrative : " Le refus de transmission dessaisit la juridiction du moyen d'inconstitutionnalité. La décision qui règle le litige vise le refus de transmission. / La formation de jugement peut, toutefois, déclarer non avenu le refus de transmission et procéder à la transmission, lorsque ce refus a été exclusivement motivé par la constatation que la condition prévue par le 1° de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel n'était pas remplie, si elle entend fonder sa décision sur la disposition législative qui avait fait l'objet de la question qui n'a pas été transmise. ". Aux termes de l'article 23-2 de l'ordonnance susvisée du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " () 1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites () ".

17. En premier lieu, si M. A soutient que l'ordonnance du 8 septembre 2023 de la présidente de la 1ère chambre de la cour a été rendue en méconnaissance du respect du principe du contradictoire, il résulte des dispositions des articles 23-1, 23-2, 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 et des dispositions de l'article R. 771-16 du code de justice administrative que lorsqu'une cour administrative d'appel a refusé de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité qui lui a été soumise, il appartient à l'auteur de cette question de contester ce refus à l'occasion du pourvoi en cassation formé contre l'arrêt qui statue sur le litige, la cour étant dessaisie de ce moyen.

18. En second lieu, par l'ordonnance susvisée du 8 septembre 2023, la présidente de la 1ère chambre de la cour a refusé de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article L. 267 du livre des procédures fiscales au motif que M. A a soulevé devant le tribunal administratif un litige de recouvrement par lequel il conteste son obligation de payer les sommes en paiement solidaire desquelles il est recherché, distinct de celui par lequel responsabilité solidaire a été reconnue par le juge judiciaire. En effet, pour rejeter la requête de M. A, le présent arrêt ne décide pas de sa responsabilité solidaire qui relève de la seule compétence de la juridiction judiciaire. Dès lors, il ne peut être fait application des dispositions du deuxième alinéa de l'article R. 771-10 précité. Par suite, les conclusions tendant à la transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article L. 267 du livre des procédures fiscales doivent être rejetées.

19. Il résulte de tout de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté ses conclusions tendant à la décharge de l'obligation de payer les droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités y afférentes en paiement desquelles il est recherché en sa qualité de débiteur solidaire de la société Réa Immo. Doivent donc également être rejetées par voie de conséquence ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B A et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 26 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Quillévéré, président de chambre,

- M. Geffray, président assesseur,

- M. Viéville, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 février 2024.

Le rapporteur

S. VIÉVILLELe président

G. QUILLÉVÉRÉ

La greffière

H. DAOUD

 

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.020

Code publication

C