Cour de cassation

Arrêt du 13 février 2024 n° 23-90.021

13/02/2024

Non renvoi

N° Z 23-90.021 F-D

 

N° 00311

 

13 FÉVRIER 2024

 

ODVS

 

QPC PRINCIPALE : NON LIEU À RENVOI AU CC

 

M. BONNAL président,

 

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

________________________________________

 

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

 

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,

DU 13 FÉVRIER 2024

 

Le tribunal judiciaire de Paris, par jugement en date du 15 novembre 2023, reçu le 21 novembre 2023 à la Cour de cassation, a transmis une question prioritaire de constitutionnalité dans la procédure suivie contre M. [H] [E] des chefs de favoritisme et corruption.

 

Sur le rapport de Mme Thomas, conseiller, et les conclusions de M. Aubert, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 13 février 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Thomas, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,

 

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

1. La question prioritaire de constitutionnalité, telle que présentée dans son mémoire par le demandeur, est ainsi rédigée :

 

« Les articles 56, 56-3, 57-1, 76 et 76-3 du code de procédure pénale, en tant qu'ils autorisent les perquisitions et saisies au sein d'établissements hospitaliers durant la phase d'enquête préliminaire, sont-ils contraires à la Constitution, notamment au droit à la préservation du secret médical, composante du droit au respect de la vie privée ? ».

 

2. La question, telle que reformulée par le tribunal, est ainsi rédigée :

 

« Les dispositions de l'article 56-3 du code de procédure pénale lesquelles disposent que les perquisitions opérées dans le cabinet d'un médecin sont effectuées par un magistrat et en présence de la personne responsable de l'ordre et ne mentionnent nullement les établissements publics ou privés de santé, dès lors qu'elles n'indiquent pas à quelles conditions un élément couvert par le secret médical peut être saisi et n'exigent pas la rédaction préalable d'une décision écrite et motivée d'un magistrat ni ne prévoient une possibilité de contestation des saisies réalisées sous le contrôle du juge des libertés et de la détention, garantissent-elles suffisamment la protection du secret médical composante du droit au respect de la vie privée lui-même issu de l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 ? ».

 

3. Si le juge peut reformuler la question à l'effet de la rendre plus claire ou de lui restituer son exacte qualification, il ne lui appartient pas d'en modifier l'objet ou la portée. Dans une telle hypothèse, il y a lieu de considérer que la Cour de cassation est régulièrement saisie et se prononce sur le renvoi de la question prioritaire de constitutionnalité telle qu'elle a été soulevée dans le mémoire distinct produit devant la juridiction qui la lui a transmise.

 

4. En l'espèce, la juridiction a ordonné la transmission de la question après en avoir modifié l'objet et la portée.

 

5. Dès lors, il y a lieu de statuer sur la question telle que posée par le mémoire distinct.

 

6. À l'exception de l'article 56-3 du code de procédure pénale, les dispositions législatives contestées, dans leur version respective en vigueur à la date du 10 février 2022, sont applicables à la procédure et n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sous réserve du mot « trois » figurant à la première phrase de l'avant-dernier alinéa de l'article 76 du code de procédure pénale dans sa rédaction résultant de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019.

 

7. La question, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle.

 

8. La question posée ne présente pas un caractère sérieux, en ce que, d'une part, les perquisitions et saisies effectuées au sein d'un établissement hospitalier lors de l'enquête préliminaire ne visent pas nécessairement à rechercher la preuve de faits se rapportant à l'activité médicale ou portant sur des données médicales, d'autre part, lorsque la saisie porte sur de telles données, l'article 56, alinéa 2, du code de procédure pénale fait obligation à l'officier de police judiciaire de provoquer préalablement toute mesure utile pour que soit assuré le respect du secret professionnel, enfin, les éléments saisis à la suite d'une perquisition sont, selon l'article 56, alinéa 3, du code susvisé, placés sous scellés, leur communication ou divulgation à une personne non qualifiée par la loi pour en prendre connaissance pouvant constituer l'infraction prévue à l'article 58 du même code.

 

9. Par ailleurs, lors de l'enquête préliminaire, la perquisition est subordonnée à l'assentiment exprès de la personne chez laquelle l'opération a lieu ou, en cas d'infraction punie d'une peine d'au moins trois ans d'emprisonnement, à l'autorisation du juge des libertés et de la détention, de sorte qu'est assuré par la loi le contrôle de la nécessité de la mesure et de sa proportionnalité entre l'atteinte portée au droit au respect de la vie privée, dont le secret médical est une composante, et la gravité de l'infraction dont la preuve est recherchée.

 

10. En conséquence, il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité.

 

PAR CES MOTIFS, la Cour :

 

DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ;

 

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en audience publique du treize février deux mille vingt-quatre.

Code publication

n